Cour d'appel, 13 novembre 2017, c. IA. c/ Le Ministère Public
Abstract🔗
Responsabilité pénale - Outrage public à la pudeur - Démence (non) - Contrainte (non) - Condamnation
Résumé🔗
Le prévenu doit être condamné du chef d'outrage public à la pudeur. La matérialité des faits, établie par les éléments de l'enquête, n'est pas contestée. L'expert judiciaire qui a examiné le prévenu a conclu qu'il ne souffre d'aucune pathologie psychiatrique et qu'il n'est pas susceptible de relever des dispositions de l'article 44 du Code pénal. Le prévenu justifie qu'il fait l'objet d'un suivi médical avec traitement médicamenteux. Ces éléments ont été portés à la connaissance de l'expert judiciaire qui en a tenu compte dans le cadre de son expertise, et qui a écarté le diagnostic de trouble obsessionnel compulsif pouvant expliquer son comportement transgressif, incompatible avec l'excitation sexuelle et la perception d'un plaisir que le prévenu décrit lors de ses passages à l'acte. L'expert relève que le prévenu a une parfaite conscience de ce qui est licite et de ce qui ne l'est pas, et qu'il a identifié les situations à risque dans lesquelles il est soumis à la tentation de passer à l'acte. En empruntant un autobus à des heures d'affluence, à une époque où il avait interrompu tout traitement et suivi médical, alors qu'il lui était loisible de circuler à pied, il s'est sciemment placé dans une situation l'exposant à de nouveaux passages à l'acte. Dans ces conditions, aucun état de démence, ni aucune contrainte à laquelle il n'a pu résister, susceptibles de l'exonérer de sa responsabilité, ne peuvent être retenus.
Motifs🔗
Dossier PG n° 2016/002103
Cour d'appel correctionnelle
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2017
En la cause de :
c. IA., né le 26 août 1982 à BORDIGHERA (Italie), de Pietro et de m. FA., de nationalité italienne, agent de nettoyage, demeurant X1 à VINTIMILLE (Italie) ;
Prévenu de :
OUTRAGE PUBLIC À LA PUDEUR
PRESENT aux débats, assisté de Maître Alice PASTOR, avocat près la Cour d'appel de Monaco, commis d'office, plaidant par ledit avocat ;
APPELANT / INTIMÉ
Contre :
le MINISTÈRE PUBLIC ;
INTIMÉ / APPELANT
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 9 octobre 2017 ;
Vu le jugement avant-dire-droit, contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 4 avril 2017, ordonnant une expertise psychiatrique et le renvoi de l'affaire ;
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 11 juillet 2017 ;
Vu les appels interjetés le 19 juillet 2017 tant par Maître Alice PASTOR, avocat, pour c. IA., prévenu, que par le Ministère public, à titre incident ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 7 août 2017 ;
Vu la citation, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 11 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï Virginie ZAND, Conseiller, en son rapport ;
Ouï le prévenu en ses réponses, et ce avec l'assistance de Marie-Dominique MERLINO-VAN DEN CORPUT, interprète en langue italienne, serment préalablement prêté ;
Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Alice PASTOR, avocat, pour c. IA., prévenu, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;
Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement contradictoire en date du 11 juillet 2017, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :
« D'avoir à MONACO, les 19 et 21 octobre 2016, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, commis un outrage public à la pudeur, en l'espèce, alors qu'il se trouvait dans des transports en commun, en sortant son sexe de son pantalon et en le frottant, notamment contre m. AU. et des jeunes filles non identifiées, et ce à la vue de plusieurs passagers »,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 260 du Code pénal,
- déclaré c. IA. coupable du délit qui lui est reproché,
en répression, faisant application des articles visés par la prévention,
- l'a condamné à la peine de TROIS MOIS D'EMPRISONNEMENT,
- et l'a condamné, enfin, aux frais.
Maître Alice PASTOR, avocat, pour c. IA., prévenu, a interjeté appel de cette décision par acte de greffe en date du 19 juillet 2017.
Le Ministère public a interjeté appel incident de ladite décision le même jour.
Considérant les faits suivants :
Le 21 octobre 2016, m. MA. se présentait à la Sûreté Publique pour dénoncer des faits d'outrage public à la pudeur dont elle avait été le témoin, commis le jour même entre 7h35 et 7h44.
Elle expliquait que se trouvant dans le bus n° 4 de la CAM, entre la gare de Monaco et le pont de la rousse à Monaco, elle avait constaté la présence d'un individu ayant sorti son sexe de sa braguette, qu'il cherchait à dissimuler derrière un sac de couleur jaune, se collant et se frottant à de très jeunes filles, qui selon elle, ne s'étaient pas rendues compte du comportement de l'individu.
Elle donnait une description de celui-ci.
Le 22 octobre 2016, le Commandant de Police Y était avisé par ses enfants que des faits similaires s'étaient produits le 19 octobre 2016 entre 11h15 et 11h30, alors qu'ils se trouvaient dans un bus de la même ligne, en compagnie de camarades de collège.
L'individu s'était approché de l'une d'entre eux, m. AU., née le 11 janvier 2002, et avait frotté contre elle son bas ventre, alors qu'elle se trouvait de dos.
Un des jeunes du groupe prenait un cliché photographique de l'individu et une planche photographique était réalisée, laquelle était présentée à m. MA., qui reconnaissait l'individu ayant accomplis les faits qu'elle avait dénoncés.
Le 22 novembre 2016 à 13h45, les services de la Sûreté Publique procédaient à la gare de Monaco au contrôle d'identité d'un individu, porteur d'un sac jaune, correspondant en tout point au cliché photographique.
Conduit dans les locaux de la Sûreté Publique, il était identifié comme étant IA. c..
Entendu sous le régime de la garde à vue, il reconnaissait les faits dénoncés, et faisait état de pulsions auxquelles il ne pouvait résister.
À l'audience du Tribunal correctionnel du 4 avril 2017, à laquelle il a été convoqué, c. IA. a reconnu avoir déjà commis des faits de même nature et a indiqué être atteint de troubles psychiatriques depuis plusieurs années.
Dans ces conditions, le Tribunal a ordonné une mesure d'expertise psychiatrique et désigné pour y procéder le docteur Marie-Ange LAY-MACAGNO.
L'expert a déposé son rapport le 29 mai 2017.
Par jugement du 11 juillet 2017, le Tribunal correctionnel de Monaco a déclaré c. IA. coupable du délit qui lui est reproché, et l'a condamné en répression à la peine de trois mois d'emprisonnement.
Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que :
- les faits étaient constants et établis par l'enquête et par les débats à l'audience,
- l'expert a conclu qu'il ne souffre d'aucune pathologie mentale,
- le prévenu a interrompu son traitement et le suivi dont il faisait l'objet dès la fin de l'année 2014 pour le reprendre postérieurement à son audition par les services de police,
- ne souffrant d'aucune altération du jugement et n'étant pas en état de démence au moment des faits, il reste maître de ses actes et sait parfaitement différencier le bien du mal.
c. IA. a interjeté appel du jugement le 19 juillet 2017, et le Ministère Public a interjeté appel incident le même jour.
A l'audience du 9 octobre de la Cour d'appel de Monaco, le Ministère Public a requis la confirmation du jugement sur la culpabilité et sur la peine.
Maître Alice PASTOR, conseil de c. IA., a demandé à la Cour d'écarter des débats les conclusions de l'expertise judiciaire, de retenir les éléments médicaux produits et d'assortir la peine prononcée d'une injonction de soins avec interdiction de prendre les transports en commun.
c. IA. a eu la parole en dernier.
SUR CE,
Attendu que les appels du jugement, interjeté à titre principal par le prévenu et à titre incident par le Ministère Public, dans les formes et délais prescrits par les articles 406 et 411 du Code de procédure pénale, sont recevables ;
Attendu que la matérialité des faits n'est pas contestée et qu'elle est établie par les éléments de l'enquête ;
Attendu que l'expert judiciaire qui a examiné c. IA. a conclu qu'il ne souffre d'aucune pathologie psychiatrique et qu'il n'est pas susceptible de relever des dispositions de l'article 44 du Code pénal ;
Que c. IA. justifie au moyen des pièces qu'il produit, qu'il fait l'objet d'un suivi médical avec traitement médicamenteux ;
Que ces éléments ont été portés à la connaissance de l'expert judiciaire qui en a tenu compte dans le cadre de son expertise, et qui a écarté le diagnostic de trouble obsessionnel compulsif pouvant expliquer son comportement transgressif, incompatible avec l'excitation sexuelle et la perception d'un plaisir que c. IA. décrit lors de ses passages à l'acte ;
Que l'expert relève que c. IA. a une parfaite conscience de ce qui est licite et de ce qui ne l'est pas, et qu'il a identifié les situations à risque dans lesquelles il est soumis à la tentation de passer à l'acte, ce qu'il a lui-même confirmé à l'audience de la Cour ;
Qu'entendu par les services de police, il avait d'ailleurs déclaré que lorsque « je sentais que mes pulsions revenaient j'ai essayé d'éviter de prendre le bus aux heures des jeunes filles. Je préférais me rendre à pied sur mon lieu de travail plutôt que de prendre le bus le matin » ;
Qu'ainsi en empruntant le bus n° 4 à des heures d'affluence, les 19 et 21 octobre 2016, époque où il avait interrompu tout traitement et suivi médical, alors qu'il lui était loisible de circuler à pied, il s'est sciemment placé dans une situation l'exposant à de nouveaux passages à l'acte ;
Attendu que dans ces conditions aucun état de démence, ni aucune contrainte à laquelle il n'a pu résister, susceptibles de l'exonérer de sa responsabilité, ne peuvent être retenus ;
Attendu que pour la détermination de la peine, il convient de tenir compte de la prise en charge psychothérapique dont il bénéficie déjà en Italie, à la suite des faits de même nature qu'il a commis à Vintimille (Italie) au mois d'octobre et au mois de décembre 2008, ne justifiant pas qu'une nouvelle prise en charge soit ordonnée par la Cour ;
Qu'il convient également de tenir compte de la réitération des faits et du risque, mentionné par l'expert, qu'ils se reproduisent, en l'absence de sentiment de honte, de culpabilité et d'empathie pour les victimes ;
Que la peine de trois mois d'emprisonnement prononcée par le Tribunal vient justement sanctionner les infractions commises à l'origine d'un préjudice certain pour les victimes ;
Que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal correctionnel le 11 juillet 2017,
Condamne c. IA. au frais ;
Composition🔗
Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le neuf octobre deux mille dix-sept, qui se sont tenus devant Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, assistés de Madame Sandra MILLIEN, Greffier.
Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, Magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de ladite loi ;
Lecture étant donnée à l'audience publique du treize novembre deux mille dix-sept par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Sandra MILLIEN, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.