Cour d'appel, 29 septembre 2017, La société A c/ La SAM B
Abstract🔗
Relations commerciales - Filiales - Saisie-arrêt - Paiement - Preuve - Dommages et intérêts (non)
Résumé🔗
En vertu des dispositions de l'article 1162 du Code civil, il appartient à celui qui se prévaut d'une obligation et à celui qui se prétend libéré d'en rapporter la preuve. En matière commerciale, la preuve du contrat de vente s'établit dans les conditions fixées par l'article 74 du Code de commerce, notamment par une facture acceptée et non par de simples présomptions.
En l'espèce, la société A, société de droit italien, fait partie du groupe B. La SAM B Monaco, société anonyme monégasque (SAM), est une filiale du groupe B. Au cours des années 2010 à 2012, la société A indique avoir livré des produits à la SAM B Monaco pour un montant total de 30 437,94 euros. Par une ordonnance, le Président du Tribunal de Première Instance a autorisé la société A à faire pratiquer une saisie-arrêt auprès de l'établissement de la banque E à Monaco, pour une somme de 31 000 euros sur toutes sommes ou valeurs dues à la SAM B Monaco, et ce pour avoir sûreté, garantie et paiement de ladite somme. La société A assigne la SAM B Monaco devant le Tribunal de Première Instance. Ce dernier a notamment débouté la société A de l'ensemble de ses demandes principales et en dommages et intérêts et elle décide d'interjeter appel.
La Cour d'Appel réforme le jugement de première instance et refuse de joindre des instances similaires. Ainsi, le fait d'avoir le même conseil que les deux autres filiales du groupe, tout comme le fait de développer une argumentation identique à celle que la société B France a soumise aux tribunaux français n'établit pas l'existence d'un lien étroit, tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de faire juger ensemble le présent litige et deux autres instances. La Cour confirme le rejet du sursis à statuer demandé par la société B, dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Dijon, qui ne va pas intervenir dès lors qu'une ordonnance de radiation a été prononcée par le Conseiller de la mise en état.
Pour recevoir l'appel de la société A, la Cour constate qu'elle a produit neuf factures qu'elle a fait traduire en langue française et qui comportent la référence à l'ordre de commande, l'indication du destinataire, la désignation des produits, les références, les quantités et les prix appliqués. Ainsi, en l'état des éléments produits, les marchandises commandées apparaissent livrées et il n'est nullement établi que les factures correspondantes ont été réglées. Seule une facture n'est accompagnée d'aucune annexe et mentionne une réparation résultant d'un produit retourné au vendeur sans qu'il soit justifié dudit retour. La Cour fait donc droit à la demande en paiement pour la somme de 29 267,24 euros et valide la saisie-arrêt. Elle rejette la demande de dommages et intérêts de la SAM B Monaco et du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales. En effet, la SAM B Monaco ne verse pas aux débats des éléments permettant de justifier du cadre contractuel des relations commerciales existant ou encore des conditions de la rupture et de l'abus pouvant avoir été commis par la société A. Ainsi, aucun élément ne permet d'établir la réalité d'une rupture unilatérale des relations commerciales qui serait imputable à cette dernière.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2017
En la cause de :
- La société A, société de droit italien au capital de 200.000 euros, immatriculée au Registre de la Chambre de Commerce de Pesaro y Urbino sous le n° X, dont le siège social est X1 61020 Belforte All'Isuro (PU) ITALIE (61020), agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué, domicilié es-qualités audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, ayant pour avocat plaidant Maître Patrice CANNET, avocat au barreau de Dijon ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- La société anonyme monégasque B siège, immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro X, dont le siège social est sis X2, 98000 MONACO, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, ayant pour avocat plaidant Maître Florent ELLIA, avocat au barreau de Nice ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 16 juin 2016 (R. 5879) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 11 août 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000019) ;
Vu les conclusions déposées les 28 février 2017 et 11 mai 2017 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM B Monaco ;
Vu les conclusions déposées les 25 avril 2017 et 30 mai 2017 par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la société A ;
À l'audience du 6 juin 2017, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la société A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 16 juin 2016.
Considérant les faits suivants :
La société A est une société de droit italien faisant partie du groupe B, spécialisé dans la production de tubes et raccords utilisés pour l'eau, l'irrigation, le gaz, le drainage et les câbles.
La SAM B Monaco est une société anonyme monégasque filiale du groupe B dont l'objet est l'achat, la vente en gros, l'importation, l'exportation, la distribution, le courtage, la commission, la représentation de tous matériaux et matériels de construction et de travaux publics.
Au cours des années 2010 à 2012, la société A indique avoir livré des produits à la SAM B Monaco pour un montant total de 30.437,94 euros.
Par ordonnance du 24 octobre 2014, le Président du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco a autorisé la société A à faire pratiquer une saisie-arrêt auprès de l'établissement E à Monaco, à concurrence de la somme de 31.000 euros sur toutes sommes ou valeurs dues à la SAM B Monaco, et ce pour avoir sûreté, garantie et paiement de ladite somme.
Par acte du 29 octobre 2014, la société A a fait assigner la SAM B Monaco devant le Tribunal de Première Instance de Monaco à l'effet d'obtenir sa condamnation à payer le montant des causes de la saisie-arrêt, et la validation de celle-ci.
Le 29 octobre 2014, la banque E a indiqué qu'un compte était créditeur de la somme de 653,03 euros.
Par jugement du 16 juin 2016, le tribunal de première instance a statué comme suit :
- rejette les demandes de jonction et de sursis à statuer formées par la société B,
- déboute la société A de l'ensemble de ses demandes principales et en dommages et intérêts,
- déboute la société B de sa demande reconventionnelle et de sa demande de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- ordonne la compensation des dépens.
Par exploit en date du 11 août 2016, la société A a interjeté appel du jugement entrepris à l'effet de le voir réformé et a repris les mêmes demandes aux termes de conclusions déposées les 25 avril 2017 et 30 mai 2017 en ce sens :
« - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
rejeté les demandes de jonction et de sursis à statuer formées par la société B,
débouté la société B de ses demandes de dommages intérêts et demandes reconventionnelles,
- le réformer en ce qu'il a débouté la société A de l'ensemble de ses demandes principales et en dommages et intérêts,
Et statuant à nouveau,
- constater que les commandes de produits passées par la société B ont donné lieu à l'émission des factures assorties des documents idoines dûment traduits,
- constater que la société B n'a émis aucune réserve lors de la réception des produits,
- constater que les factures n° 14, 15, 17, 26, 59, 66, 78, 80, 86 et 110 émises par la société A n'ont fait l'objet d'aucun règlement, malgré une mise en demeure,
En conséquence,
- dire et juger que la société B MONACO a violé son obligation contractuelle de paiement, ainsi que son obligation générale de bonne foi vis-à-vis de la société A,
- condamner la société B à payer à la société A la somme en principal de 30.437,94 euros, majorée des intérêts contractuels de 5,5 % l'an à compter de la date de la mise en demeure,
- ordonner la validation de la saisie-arrêt pratiquée le 29 octobre 2014 auprès de l'établissement bancaire dénommé E,
- dire et juger que la société B a fait preuve de résistance abusive,
- condamner la société B à payer à la société A la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner enfin la société anonyme monégasque B aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit » ;
aux motifs essentiellement que :
- le rejet de la jonction des instances est fondé par le fait que chaque société (C, A, D) dispose d'une personnalité morale propre et qu'elles ne forment pas une seule entité juridique,
- le fait qu'elles aient le même conseil et que la cause du blocage des commandes relève du non-paiement de factures par la SAM B Monaco à la société B France est indifférent,
- le rejet de la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'Appel de Dijon, saisie de l'appel à l'encontre du jugement du Tribunal de Commerce de Dijon, doit être confirmé ; d'une part, la société B France n'a pas été attraite en intervention forcée et d'autre part, la juridiction monégasque n'est pas tenue par l'analyse faite par les tribunaux français sur l'origine de la rupture des relations contractuelles, étant observé que les sociétés C, D et A n'ont pas rompu les relations contractuelles avec la SAM B Monaco,
- la société B France est une autre filiale du groupe italien B, deux types de contrats la lient à la société B : d'une part, un contrat de prescripteur délivré par B Monaco au profit de B France, et d'autre part, l'achat par B Monaco de produits fabriqués par B France pour les revendre,
- la société B a passé des commandes facturées le 10 mars 2012 pour un montant de 433.679,36 euros, et émis le 15 mars 2012 une traite pour un montant de 418.172,02 euros, laquelle a été rejetée le 3 avril 2012 ; de même, elle n'a pas réglé des factures de décembre venant à échéance au 10 avril 2012, ce pour un montant de 155.053,71 euros,
- la SAM B Monaco a d'une part, assigné la société B France devant le Tribunal de Commerce de Dijon afin d'obtenir la rétractation de l'Ordonnance du 15 mai 2012 autorisant la saisie conservatoire, la communication d'éléments de comptabilité de l'année 2012, et le paiement d'une somme provisionnelle de 500.000 euros à valoir sur sa créance ; par Ordonnance du 31 janvier 2013, le Président du Tribunal de Commerce de Dijon a joint les deux instances et a condamné la SAM B Monaco à payer à la société B France la somme provisionnelle de 418.172,02 euros et débouté cette dernière de sa demande de mainlevée de la saisie,
- la société B n'a jamais informé la société B France de l'existence d'une enquête douanière (système de double facturation consistant à mentionner un prix sur la facture et un autre prix sur les documents douaniers), celle-ci l'a appris par la société F (cliente de B Monaco),
- le blocage des commandes résulte du non-paiement par la SAM B Monaco de ses factures et celle-ci est devenue un client à risque,
- celle-ci cherche à dépeindre un dossier compliqué pour faire croire qu'elle serait victime des agissements de l'ensemble des sociétés du groupe italien B alors que la réalité consiste dans son refus de payer une traite acceptée qui n'a pas été honorée,
- devant le refus de paiement, la société B France ainsi que les filiales italiennes ont exigé un paiement comptant,
- la société B France a légitimement indiqué aux clients composant le réseau de distribution commerciale, qu'à compter du 18 avril 2012, elle avait décidé de suspendre ses activités (et non de les rompre) avec la société B, ce en raison du rejet de la traite du 15 mars 2012,
- cette dernière a considéré dans le cadre d'un plan préparé que le contrat a été rompu aux torts de la société B France,
- les arguments opposés par B Monaco sont de pure circonstance,
- par jugement du 5 janvier 2016, le Tribunal de Commerce de Dijon a rejeté la demande d'indemnisation formée par la société B et l'a condamnée à verser à la société B France une somme de 942.737,39 euros, ce avec exécution provisoire,
- à la date du 15 mars 2012, la société B était débitrice du montant de la traite acceptée, celle-ci valant reconnaissance au sens du droit cambiaire français,
- les factures n° 14, 15, 17, 26, 59, 66, 78, 80, 86, 110 et 120 de la société A, qui n'ont pas été contestées, indiquent précisément ce qui a été vendu (références, poids et quantité) et font référence aux ordres de commande,
- les bons de livraison sont établis par le transporteur et la réalité des livraisons n'a pas été contestée,
- les règlements invoqués ne sont pas justifiés par les attestations du cabinet d'expert-comptable en l'absence de détails des paiements,
- la demande de dommages-intérêts fondée sur l'article L 442.6.1.5 du Code de Commerce français doit être rejetée car les sociétés de droit monégasque et de droit italien n'ont pas à se voir appliquer le droit français,
- aucune faute n'a été commise, dès lors qu'elle a accepté de procéder à la livraison des produits sous réserve du paiement des factures en cours, et n'a fait que suspendre les relations commerciales compte tenu du non-paiement desdites factures,
- le préjudice n'est pas justifié, aucun calcul n'étant communiqué.
Par conclusions en date des 28 février 2017 et 11 mai 2017, la SAM B Monaco demande à la Cour la réformation du jugement comme suit :
« - prononcer la jonction des trois instances appels interjetés concomitamment par les sociétés C, D et A,
- confirmer chaque jugement entrepris, en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes de leurs demandes,
- pour le surplus, réformer les décisions querellées, et dès lors,
- prononcer le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure actuellement pendante par-devant la Cour d'Appel de Dijon opposant la société B à la société B France,
- condamner solidairement les sociétés C, D et A à payer à la société B les sommes de :
736.575 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies avec la société D,
20.811 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies avec la société C,
131.362 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies avec la société A,
soit la somme totale de 888.748 euros.
- condamner les sociétés C, D et A à payer à la société B la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner les sociétés C, D et A aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, sous sa due affirmation ».
aux motifs essentiellement que :
- la jonction doit être ordonnée car son conseil représente également deux sociétés qui développent la même argumentation que celle développée par la société B France devant les juridictions françaises, qui indique que la cause du blocage des commandes résulte du non-paiement de factures dues à la société B France par la société B,
- ces éléments justifient du lien direct existant entre les trois instances,
- le sursis à statuer est motivé dans l'attente de la décision de la Cour d'Appel de Dijon, saisie de l'appel interjeté à l'encontre du jugement du Tribunal de Commerce de Dijon qui le 5 janvier 2016 a rejeté sa demande contre la société B France,
- la société B était originellement installée en Italie ; M. DI. dirigeant aujourd'hui B Monaco, a permis à la société italienne de se développer en France,
- selon un protocole signé le 1er janvier 2006, la société italienne B a concédé à M. DI. et à sa société B l'exclusivité de la distribution des produits B en France sur une zone définie,
- en France métropolitaine, la société B achetait directement à la société B France ou aux sociétés italiennes C, A, et D des marchandises destinées à être distribuées dans les DOM-TOM et à l'étranger,
- la société B France a voulu imposer la renégociation du protocole ce que la société B a refusé,
- dès lors, elle a bloqué les commandes et les livraisons tant à son niveau qu'à celui des commandes passées auprès des entités du groupe situées en Italie, ayant pour but de remettre en cause l'accord commercial de distribution,
- la société B a mis en demeure la société B France de respecter ses engagements, d'éviter toutes pratiques restrictives de concurrence et de respecter les engagements de livraison de marchandises et de validation de commande dans les conditions prévues au protocole,
- la société B France a dès le 18 avril 2012 repris à son profit l'intégralité du flux commercial concerné par l'exécution du protocole d'accord de distribution exclusive, en indiquant à l'ensemble des clients composant le réseau de distribution exclusif appartenant à B Monaco qu'elle a décidé de suspendre toutes les activités avec B Monaco et de centraliser toutes les relations commerciales sur son siège situé en France,
- elle détient à l'encontre de B France une créance pouvant être évaluée à 1.794.707,89 euros, soit 1.087.707,89 euros au titre des factures émises en application du protocole, 107.000 euros au titre des commissions postérieures à la rupture, une somme à déterminer pour les commissions dues au jour de la rupture, et 600.000 euros au titre de l'indemnité de rupture (article L 442.6.1.5° du Code de Commerce français),
- compte tenu de l'ancienneté des relations contractuelles, le préavis était d'une durée d'au moins 18 mois,
- une simple présomption de délivrance des marchandises ne peut suffire comme le prévoit l'article 74 du Code de commerce,
- aucun bon de livraison n'est signé par elle, ce qui ôte tout fondement aux prétentions de la société appelante,
- les relevés comptables non certifiés sont erronés car ceux-ci ne mentionnent pas les règlements qui ont été effectués,
- elle justifie avoir adressé plusieurs règlements qui sont certifiés par son expert-comptable et les négligences comptables de la société appelante ne doivent pas lui préjudicier.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que la recevabilité des appels régularisés dans les formes et délais légaux n'est pas discutée ;
Sur la jonction des instances
Attendu que la jonction est une mesure d'administration judiciaire ;
Que la société intimée ne démontre pas le lien de connexité qui l'unirait aux deux autres instances l'opposant aux sociétés D et C, ni l'intérêt légitime qu'elle a à voir statuer par une seule et même décision sur des demandes en paiement distinctes dirigées contre elle ;
Qu'en effet, il est constant que la société A est une société par actions dotée de la personnalité juridique, que son appartenance avec les deux autres sociétés au groupe B basé en Italie est indifférente dès lors que B, société mère des trois filiales italiennes et de la société B France, n'a pas été appelée en la cause ;
Qu'ainsi, le fait d'avoir le même conseil que les sociétés D et C tout comme le fait de développer une argumentation identique commune à celle que la société B France a soumise aux tribunaux français n'établit pas l'existence d'un lien étroit tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de faire juger ensemble le présent litige et les deux autres instances concernant les sociétés D et C ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur le sursis à statuer
Attendu que la société B sollicite le sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Dijon, saisie de l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre du jugement du Tribunal de Commerce de Dijon du 5 janvier 2016 dans une instance qui l'oppose à la société B France et qui a rejeté sa demande de paiement de la somme de 1.593.522,57 euros et l'a condamnée à lui payer la somme de 942.737,39 euros ;
Qu'à cet égard, les premiers juges ont relevé justement qu'aucun lien direct n'existait entre la société A et la société B France, que les deux litiges ne présentaient pas les mêmes caractéristiques et que la société A n'était pas partie à la procédure en cours devant la Cour d'appel de Dijon ;
Qu'en outre, il convient de relever que l'appel interjeté par la société intimée a fait l'objet d'une ordonnance de radiation prononcée par le Conseiller de la mise en état en date du 18 octobre 2016, en sorte que cette demande formée par voie d'appel incident apparaît purement dilatoire ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur les demandes de la société A
Attendu que comme devant les premiers juges, il convient de relever que les deux parties ont effectué à nouveau dans leurs écritures des développements conséquents rappelés ci-dessus, qui sont relatifs au litige opposant la société B à la société B France, laquelle est comme la société A, une filiale du groupe italien B ;
Que ce litige qui a trait à la rupture d'un protocole d'accord du 1er janvier 2006 passé entre la société B France et la société SCS DI. devenue la SAM B Monaco et l'indemnisation réclamée par celle-ci, ne concerne pas les factures réclamées par la société A à la SAM B Monaco et les considérations qui s'y rapportent ne présentent pas d'intérêt pour la solution du présent litige ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1162 du Code civil, il appartient à celui qui se prévaut d'une obligation et à celui qui se prétend libéré d'en rapporter la preuve ;
Attendu qu'en matière commerciale, la preuve du contrat de vente s'établit dans les conditions fixées par l'article 74 du Code de commerce notamment par une facture acceptée et non comme le soutient l'appelante par simples présomptions ;
Attendu qu'au soutien de son appel, la société A produit des factures en langues italienne et anglaise, que celle-ci a fait traduire en langue française en cause d'appel, lesquelles comportent la référence à l'ordre de commande, l'indication du destinataire, la désignation des produits, les références, les quantités et les prix appliqués se détaillant comme suit :
- facture n° 14 d'un montant de 225,37 euros,
- facture n° 15 d'un montant de 5 578,93 euros,
- facture n° 17 d'un montant de 596,80 euros,
- facture n° 59 d'un montant de 24 696,78 euros,
- facture n° 66 d'un montant de 142,03 euros,
- facture n° 78 d'un montant de 316,45 euros,
- facture n° 80 d'un montant de 339,95 euros,
- facture n° 86 d'un montant de 74,81 euros,
- facture n° 110 d'un montant de 175,26 euros,
sous déduction d'un avoir de 2.879,14 euros (facture n° 120) ;
Que la société intimée ne conteste pas la réalité de la passation des commandes, ni l'émission des factures correspondantes mais soutient les avoir déjà réglées et se borne à indiquer que les bons de livraison ne sont pas produits sans pour autant soutenir qu'elle n'a pas reçu les marchandises commandées ;
Que sur ce dernier point, il apparaît que les livraisons des produits commandés pouvaient s'effectuer selon deux modalités :
- l'acheteur venait lui-même récupérer la marchandise dans les locaux du vendeur et un bon de livraison était établi,
- le vendeur demandait à un transporteur indépendant d'assurer la livraison dans les locaux de l'acheteur et un bon de transport était établi,
Que la quasi-totalité des documents annexés à ces factures sont intitulés « document de transport », et sont conformes aux ordres de commande et aux factures correspondantes ;
Que seule la facture n° 26 d'un montant de 1.170,70 euros n'est accompagnée d'aucune annexe et mentionne une réparation résultant d'un produit retourné au vendeur sans qu'il soit justifié dudit retour ;
Attendu que la SAM B Monaco pour établir qu'elle s'est libérée du paiement de ces factures, produit uniquement deux attestations de son comptable qui reprennent le montant total des paiements qu'elle a effectués au profit de l'appelante sur la période de 2010 à 2012 sans pour autant préciser les factures visées par ces règlements et sans produire des extraits de ses livres comptables comportant l'affectation de ces paiements aux factures litigieuses ;
Qu'en l'état des éléments produits, les marchandises commandées apparaissent avoir été livrées et il n'est nullement établi que les factures correspondantes ont été réglées ;
Qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande en paiement à concurrence de la somme de 29.267,24 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 16 septembre 2013 et de valider la saisie-arrêt du 29 octobre 2014 entre les mains de la banque E à Monaco ;
Qu'en conséquence, le jugement sera réformé en ce sens ;
Sur les demandes de la SAM B Monaco
Attendu qu'il convient de relever que la SAM B Monaco sollicite la condamnation solidaire des sociétés A, C, et D à lui payer la somme totale de 888.748 euros qu'elle décompose comme suit :
- 131.362 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies avec la société A,
- 736.575 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies avec la société D,
- 20.811 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies avec la société C,
Que seule la première demande est recevable dès lors que la Cour a confirmé ci-dessus le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de jonction avec les instances concernant les sociétés C et D ;
Qu'il s'ensuit qu'il sera également confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes qui sont formées à leur encontre dans le cadre de la présente instance ;
Attendu que la société B soutient que les relations commerciales établies avec la société A auraient été brutalement rompues à l'initiative de cette dernière ;
Qu'il n'est versé aux débats aucune pièce contractuelle, pas plus que l'historique des ventes qui sont intervenues entre elles alors qu'il lui appartient de justifier du cadre contractuel des relations commerciales existant entre elles, des conditions de la rupture et de l'abus pouvant avoir été commis par la société A ;
Qu'à cet égard, celle-ci se borne à produire deux mises en demeure des 13 et 20 avril 2012 qu'elle a adressées à la société B France, pour que celle-ci respecte ses engagements de livraison de marchandises et de validation de commandes, précisant que le blocage des commandes revenait à interdire les livraisons émanant du groupe en son entier ;
Qu'elle n'allègue, ni ne justifie, avoir adressé pareille mise en demeure à cet effet à la société A ;
Que par ailleurs, la société intimée a précisé que la lettre que la société B France a envoyé le 18 avril 2012 à ses clients composant le réseau de distribution commerciale où elle indiquait qu'elle avait décidé de suspendre ses activités et non de les rompre avec la société B n'a pas été adressée aux autres filiales du groupe B notamment à la société A ;
Qu'ainsi, aucun élément ne permet d'établir la réalité d'une rupture unilatérale des relations commerciales imputable à cette dernière qui est alléguée par l'appelante ;
Que dans ces conditions, les premiers juges ont justement relevé que la SAM B Monaco ne caractérisait pas une rupture fautive des relations commerciales entre les deux sociétés pouvant être imputée à la société A, en conséquence de quoi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts de ce chef tout comme sa demande indemnitaire pour résistance abusive dès lors qu'elle succombe en ses prétentions ;
Attendu que par ailleurs, l'appelante ne démontre pas en quoi la résistance à l'action en justice aurait dégénéré en abus, qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement qui l'a débouté de sa demande de ce chef ;
Attendu que la société B succombant en son appel incident, sera condamnée aux dépens des deux instances ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Réforme le jugement du Tribunal de première instance du 16 juin 2016 en ce qu'il a débouté la société A de l'ensemble de ses demandes principales et en ce qu'il a ordonné la compensation des dépens,
Le confirme en toutes ses autres dispositions déférées,
Statuant à nouveau des chefs réformés,
Condamne la SAM B Monaco à payer à la société A la somme de 29.267,24 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 16 septembre 2013,
Déclare régulière et valide en conséquence la saisie-arrêt pratiquée le 29 octobre 2014 entre les mains de la banque E au bénéfice de la société A à Monaco en exécution de l'ordonnance présidentielle du 24 octobre 2014, ce à concurrence de la somme de 29.267,24 euros,
Condamne la SAM B Monaco aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Jean-Charles GARDETTO, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DORÉMIEUX, Procureur Général.