Cour d'appel, 29 septembre 2017, Madame CU/ CU. DA CO. c/ La Société B
Abstract🔗
Accident du travail - Maladie professionnelle - Expertise médicale - Incapacité permanente partielle (non) - Troubles psychiatriques allégués en lien avec la maladie professionnelle (non) - Saisine de la Commission spéciale (oui) - Perte de l'emploi consécutive à la maladie professionnelle - Licenciement pour inaptitude - Fixation de la capacité résiduelle de gain
Résumé🔗
Il résulte de l'expertise médicale que l'ensemble des troubles psychiatriques invoqués par la salariée ne sont pas apparus dans un temps voisin de la maladie professionnelle et n'ont pas de lien médical objectif avec celle-ci, en sorte que la présomption légale d'imputabilité ne saurait jouer en l'espèce. Par ailleurs, l'examen clinique n'a pu préciser concrètement les handicaps fonctionnels dont serait atteinte la demanderesse. Cependant, la Commission Spéciale peut valablement être saisie si l'employé a perdu son emploi en raison des suites d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et ce, même si l'expert judicaire n'a pas retenu une incapacité permanente partielle. En l'espèce, la demanderesse n'est plus en mesure d'exercer son emploi d'agent d'entretien, ayant été licenciée pour inaptitude définitive à son poste de travail et, d'autre part, elle s'est vue reconnaître le statut de travailleur handicapé. Il apparaît dès lors essentiel de mesurer l'incidence de l'amélioration de l'état de santé de la victime sur sa capacité résiduelle de gain et il convient dès lors de faire droit à la demande qui n'est pas dénuée d'objet tendant à saisir la Commission Spéciale prévu à l'article 23 bis de la loi du n° 636 du 11 janvier 1958.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2017
En la cause de :
- Madame CU/ CU. DA CO., née le 30 septembre 1971, de nationalité portugaise, demeurant et domiciliée X1, Gorbio (06500 - Alpes Maritimes) ;
Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail
Ayant élu domicile en l'Étude de MAI. Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur, substituée par MAI. Clyde BILLAUD, avocat-stagiaire, près la même Cour ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- La Société Anonyme de droit français dénommée B, venant aux droits de la Compagnie C, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le n° X, dont le siège social est sis X2 (75002), prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration et Directeur Général en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège, représentée à Monaco par la SAM A, société anonyme monégasque, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de la Principauté de Monaco sous le n° X, dont le siège social est sis X3, 98000 Monaco, prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice domicilié en cette qualité audit siège (Assureur-Loi Accident du Travail de l'établissement public de droit monégasque I., ancien employeur de Madame CU. DA CO.) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de MAI. Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 19 janvier 2017 (R.2390) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de MAI. Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 17 février 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000102) ;
Vu les conclusions déposées les 30 mai 2017 et 4 juillet 2017 par MAI. Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SA B ;
Vu les conclusions déposées le 20 juin 2017 par MAI. Patricia REY, avocat-défenseur, au nom d CU/ CU. DA CO. ;
À l'audience du 11 juillet 2017, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par CU/ CU. DA CO. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 19 janvier 2017.
Considérant les faits suivants :
CU/ CU. DA CO., employée en qualité de femme de ménage par l'établissement public de droit monégasque I. , dont l'assureur-loi était la compagnie d'assurances C aux droits et obligations de laquelle se trouve désormais la compagnie d'assurances B, a contracté une maladie professionnelle le 1er mars 2006 consistant en une tendinite du poignet droit, puis le 15 mars 2006, une tendinite du poignet gauche.
Son état ayant été considéré consolidé le 25 octobre 2006, l'expert MI. a fixé à 2% le taux d'IPP dont elle demeurait atteinte, la Commission Spéciale prévue par l'article 23 bis de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 ayant, le 4 mars 2008, fixé à 20% sa capacité résiduelle de gain.
CU/ CU. DA CO. a été licenciée le 23 avril 2007 suite à la déclaration d'inaptitude définitive à son poste de travail effectuée par le médecin de l'Office de la Médecine du Travail.
Suivant un premier jugement du 14 janvier 2010, confirmé par arrêt de la Cour d'appel en date du 12 avril 2011, le Tribunal de Première Instance ayant tels égards que de droit pour le rapport d'expertise du Docteur MI. et l'avis de la Commission Spéciale, a déclaré la compagnie B tenue de verser à CU/ CU. DA CO. une rente annuelle et viagère de 188,86 euros calculée en fonction d'un taux d'IPP médical de 2% et d'un salaire annuel de 18.885,80 euros outre un complément de rente sur les mêmes bases à l'effet de tenir compte de sa capacité résiduelle de gains de 20% et a condamné en définitive l'assureur-loi au paiement d'une rente annuelle de 13.220,06 euros à compter du 26 octobre 2006 tenant compte d'une incapacité totale de 80% jusqu'à l'âge légal de la retraite.
CU/ CU. DA CO. déclarait le 31 janvier 2008 une rechute de la maladie professionnelle affectant son poignet gauche que l'assureur-loi a néanmoins refusé de prendre en charge.
Par un deuxième jugement également daté du 14 janvier 2010, le Tribunal de Première Instance a dit que les troubles constatés le 31 janvier 2008 par le médecin traitant d CU/ CU. DA CO. devaient être considérés comme une rechute de la maladie professionnelle du 15 mars 2006 et devaient donc être pris en charge par l'assureur-loi, a renvoyé le Docteur MI. à l'accomplissement complet de sa mission tout en déclarant CU/ CU. DA CO. irrecevable en sa demande de saisine de la Commission Spéciale d'Invalidité.
Suite à l'appel interjeté le 12 février 2010 par l'assureur-loi à l'encontre de ce jugement, la Cour d'appel, par arrêt avant-dire-droit du 12 avril 2011, a ordonné une nouvelle mesure d'expertise confiée au Docteur OR. lequel expert a considéré que les troubles constatés dans le certificat médical du 31 janvier 2008 ne caractérisaient pas une rechute de la maladie professionnelle du 15 mars 2006.
Par arrêt du 8 janvier 2013, la Cour d'Appel a homologué le rapport du Docteur OR. et a infirmé le jugement du Tribunal de Première Instance tout en déboutant CU/ CU. DA CO. de ses demandes.
Aux termes d'un courrier en date du 30 janvier 2013, la compagnie d'assurances B, assureur loi, a sollicité, au vu du rapport de son médecin conseil ayant fixé à 0% le taux d'IPP dont CU/ CU. DA CO. demeurait atteinte, la révision du taux d'incapacité de cette victime.
Le docteur MA. alors désigné en qualité d'expert par le Juge chargé des accidents du travail a déposé son rapport en date du 26 mars 2013, tout en concluant :
« - Il n'y a pas de récidive de la ténosynovite cubitale antérieure des 1er et 2ème radiaux et de l'extenseur du pouce au niveau du poignet gauche de Mme CU. DA CO. depuis la consolidation du 25.10.06 ;
- Il n'y a pas de durée des soins, d'ITT ni de date de reprise du travail à envisager ;
- Il n'y a pas lieu de fixer une nouvelle date de consolidation ;
- IPP : 0 (zéro) ;
- Le licenciement de Mme CU. DA CO. n'est pas en rapport direct et certain avec la maladie professionnelle n°57 du poignet gauche ;
- Il ne convient pas de faire apprécier la capacité résiduelle de gain de la victime par la Commission Spéciale prévue par l'article 23 bis de la loi susvisée ».
La Commission Spéciale maintenait quant à elle par procès-verbal du 11 juin 2013 à 20% la capacité résiduelle de gain de la victime.
Alors qu CU/ CU. DA CO. n'acceptait pas les conclusions de l'expert MA. mais s'accordait sur l'avis exprimé par la Commission Spéciale, la compagnie d'assurances B devait pour sa part contester l'avis émis par la Commission Spéciale le 11 juin 2013 tout en acceptant les conclusions du rapport de l'expert MA.
Le Juge chargé des accidents du travail rendait une ordonnance de non-conciliation le 29 avril 2014.
CU/ CU. DA CO. faisait assigner par exploit en date du 13 novembre 2014, l'assureur loi, la compagnie d'assurances B, devant le Tribunal de Première Instance, lequel par jugement en date du 22 septembre 2015, avant-dire-droit au fond, a :
« - Dit n'y avoir lieu à homologation du rapport d'expertise du Docteur MA. ;
- Ordonné une nouvelle expertise et désigné, pour y procéder, le Docteur OR. en qualité d'expert, avec faculté, le cas échéant de s'adjoindre tout sapiteur de son choix en matière psychiatrique ;
- Dit n'y avoir lieu d'entériner l'avis de la Commission Spéciale en date du 11 juin 2013 et dit que cette Commission devra être à nouveau saisie, le cas échéant, après le dépôt du rapport de l'expert OR. ;
- Réservé les dépens en fin de cause. »
Aux termes d'un rapport en date du 6 janvier 2016 auquel est joint l'avis du sapiteur psychiatre, le Docteur BE., en date du 4 janvier 2016, déposé au greffe le 8 janvier 2016, l'expert OR. ainsi désigné concluait :
« - les séquelles psychiques et psychiatriques, alléguées par la victime ne sont pas en relation certaine et directe avec la maladie professionnelle, tendinite des poignets droit et gauche déclarée les 1er et 15 mars 2006 ;
- l'état actuel considéré depuis les précédentes expertises s'est amélioré et ne motive plus l'octroi d'un taux d'incapacité permanente partielle ;
- il n'apparaît pas nécessaire de faire apprécier la capacité résiduelle de gain de la victime par la Commission Spéciale prévue par l'article 23 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 ».
Par jugement en date du 19 janvier 2017 le Tribunal de Première Instance a :
« - Homologué le rapport d'expertise du Docteur OR. et de son sapiteur, le Docteur BE., en date du 6 janvier 2016, déposé le 8 janvier 2016, avec toutes conséquences de droit ;
En conséquence,
- Débouté CU/ CU. DA CO. de ses demandes de contre-expertise et de saisine de la Commission Spéciale d'Invalidité aux fins d'évaluer sa capacité résiduelle de gains ;
- Condamné CU/ CU. DA CO. aux dépens distraits au profit de MAI. Didier ESCAUT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Les premiers juges ont pour l'essentiel retenu d'une part que le Docteur BE. avait estimé sans contradiction, ni omission, que les séquelles psychiatriques alléguées par CU/ CU. DA CO. n'étaient pas en relation certaine et directe avec la maladie professionnelle déclarée en mars 2006 et, d'autre part, que le Docteur OR. a justement fixé le taux d'incapacité permanente partielle de cette victime à 0% sans faire preuve d'imprécision, d'incohérence, de lacunes ou de contradictions dans son analyse ; ils ont également estimé qu'en l'état de l'amélioration de l'état de santé d CU/ CU. DA CO. et de l'absence de tout déficit fonctionnel, l'expert avait justement estimé qu'il n'était pas nécessaire de faire apprécier la capacité résiduelle de gain de la victime.
Suivant exploit en date du 17 février 2017, CU/ CU. DA CO. a interjeté appel du jugement rendu le 19 janvier 2017 par le Tribunal de Première Instance à l'effet de le voir réformé en toutes ses dispositions et voir la Cour, statuant à nouveau :
« - dire n'y avoir lieu à homologuer le rapport d'expertise du Docteur OR., déposé au Greffe Général le 8 janvier 2016 avec toutes conséquences de droit,
- ordonner une nouvelle expertise et désigner tel nouvel expert qu'il plaira à la juridiction avec la même mission que celle précédemment confiée au Docteur OR., laquelle expertise sera complétée par une expertise sur le plan psychique et psychiatrique et désigner à cet effet tel sapiteur psychiatre qu'il plaira à la juridiction avec pour mission d'évaluer les troubles psychologiques et psychiatriques post-traumatiques dont Madame CU/ CU. DA CO. est victime. »
Au soutien de son appel, CU/ CU. DA CO. expose en substance que les premiers juges n'ont pas tiré toutes les conséquences utiles de la présomption d'imputabilité et ont à tort homologué le rapport d'expertise du Docteur OR. et de son sapiteur le Docteur BE..
Elle soutient pour l'essentiel que :
- elle verse aux débats un certificat établi le 25 janvier 2016 par son médecin traitant, le Docteur MAI., comprenant un suivi psychiatrique au long cours avec de multiples consultations et des prescriptions de psychotropes depuis les deux accidents du travail dont elle a été victime en 2006,
- le certificat médical établi par le même praticien le 2 février 2016 fait également état d'une crise anxieuse aiguë sévère survenue au Portugal ayant nécessité un suivi pendant plusieurs mois jusqu'au mois d'août 2006 suivi de plusieurs rechutes entre 2006 et 2010,
- l'application de la présomption d'imputabilité ne pouvait être exclue dès lors que les troubles psychiques sont apparus dans un temps voisin des maladies professionnelles,
- elle développe depuis le printemps 2013 une dépression nerveuse sévère avec des idées suicidaires qui sont incontestablement liées aux maladies professionnelles,
- les conclusions du Docteur BE. ne peuvent dès lors être homologuées,
- les certificats médicaux versés aux débats démontrent en outre qu'elle souffre d'une exacerbation nette de la tendinite devenue chronique et d'une réactivation symptomatique des deux tendinopathies chroniques des deux poignets en rapport avec ses maladies professionnelles en sorte que la présomption d'imputabilité s'imposait,
- licenciée par suite d'une inaptitude définitive à son poste par le médecin de l'Office de la Médecine du Travail, elle n'est plus en mesure d'exercer son emploi d'agent d'entretien ce que les premiers juges auraient dû prendre en compte et ce d'autant plus qu'elle a été reconnue comme travailleur handicapé par la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées du 8 juillet 2008, en sorte qu'elle est fondée à solliciter l'appréciation de sa capacité résiduelle de gain par la Commission Spéciale d'Invalidité et ce, indépendamment de l'absence d'IPP d'ordre médical.
La compagnie B, intimée, a pour sa part conclu à la confirmation du jugement déféré et au rejet de toutes les demandes, fins et conclusions formées par Madame CU. DA CO..
L'assureur loi estime qu'il ne résulte pas des pièces adverses que le suivi psychiatrique de la victime était en relation directe avec l'accident du travail des 1er mars et 15 mars 2006 alors que les médicaments qualifiés d'antidépresseurs n'ont été pris qu'en 2012 c'est-à-dire quatre ans après cet accident.
La compagnie d'assurances observe encore que l'expert psychiatre le Docteur BE. avait fait état de troubles du sommeil et de migraines correspondant à une réaction dépressive antérieure à ces accidents pour conclure que l'importance des manifestations psychiques décrites et leur pérennisation ne pouvait toutefois s'expliquer que par une fragilité ou un état pré-morbide.
Sur le terrain orthopédique, l'assureur loi rappelle que l'état séquellaire en rapport avec les maladies professionnelles ne provoque plus aucune IPP, l'acte chirurgical de synovectomie ne rentrant pas en relation directe et certaine avec la maladie professionnelle du poignet gauche mais étant la conséquence nécessaire d'une tumeur mucoïde sans relation directe avec la maladie professionnelle.
La compagnie B estime qu'une certaine convergence rassemble les examens pratiqués par les experts judiciaires successifs et en déduit notamment que la demande de saisine de la Commission Spéciale apparaît sans objet.
CU/ CU. DA CO. a sollicité le 6 juillet 2017 le report de la date de plaidoirie fixée au 11 juillet 2017 et la modification du calendrier procédural pour produire aux débats un nouveau certificat médical établi le 3 juillet 2017 par le Docteur Laurent GE..
L'assureur loi s'est quant à lui opposé à toute modification de calendrier en faisant valoir que les éléments médicaux produits ont été établis plus d'un an après l'expertise judiciaire contestée et ne sont pas de nature à justifier la demande de renvoi.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel régulièrement formé dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile doit être déclaré recevable ;
Attendu en la forme et sur la demande de renvoi, que les éléments médicaux invoqués postérieurs de plus d'un an à l'expertise contestée ne sont pas apparus à la Cour de nature à justifier une modification du calendrier de procédure en sorte qu'il appartiendra à la victime de communiquer au Juge chargé des accidents du travail tout élément médical établissant le cas échéant l'évolution de son état de santé ;
Attendu au fond, qu'il résulte des dispositions de l'article 25 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 relative aux accidents du travail, que toute modification dans l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations et qu'il en est de même en cas de variations des éléments ayant servi à évaluer la capacité résiduelle de gain de la victime de l'accident ;
Attendu que les premiers juges ont à bon droit relevé que toute lésion se produisant dans un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail doit être considérée, sauf preuve contraire, comme résultant d'un accident du travail, une telle présomption d'imputabilité couvrant non seulement les lésions survenues au temps du travail, mais également les lésions ou les symptômes apparus ultérieurement soit dans un temps voisin, soit encore en raison d'une continuité de symptômes ou des soins depuis l'accident jusqu'aux troubles subis ;
Attendu qu CU/ CU. DA CO. critique en premier lieu l'analyse de l'expert BE. en faisant état d'une part du suivi assuré par son médecin traitant et de la prescription par ce dernier de traitements psychotropes lourds depuis 2006 en particulier à l'occasion d'épisodes dépressifs sévères, tel que la crise anxieuse aiguë survenue en 2006 au Portugal, suivie de plusieurs rechutes entre 2006 et 2010 et, d'autre part de sa récente hospitalisation psychiatrique après une seconde tentative de suicide ;
Attendu qu'il résulte néanmoins des termes du rapport établi par le Docteur BE. qu CU/ CU. DA CO. souffrait d'une dépression nerveuse depuis 2010, de céphalées de tension intriquées avec migraines et des troubles du sommeil anciens ;
Qu'en effet, ce sapiteur observait la présence de difficultés du sommeil anciennes et même préalables à la maladie professionnelle tout en constatant la cohérence du discours et l'absence de processus psychotique, comme le défaut d'altération de la mémoire, l'absence de toute désorientation ou d'affectation de l'humeur et relevait l'absence d'évocation d'asthénie psychique ou d'idées suicidaires ;
Que le compte rendu établi par ce praticien après examen clinique de la victime fait également état des déclarations non équivoques d CU/ CU. DA CO. qui reconnaissait être dépressive en raison du licenciement dont elle a fait l'objet et de ses répercussions financières ;
Qu'en l'état des constatations résultant de son examen clinique, le sapiteur psychiatre BE. apparaît avoir légitimement retenu qu CU/ CU. DA CO. ne présentait pas de signe objectif de dépression et que les troubles dont elle se plaignait ne seraient apparus que très longtemps après la survenance de la maladie, en raison d'une fragilité ou d'un état pré-morbide mais sans aucun lien certain de cause à effet avec celle-ci ;
Attendu que l'analyse critique conduite par le médecin traitant de la victime, le Docteur MAI., ne permet pas de remettre utilement en cause le bien-fondé de telles conclusions, les premiers juges ayant justement observé que ce praticien se contentait d'évoquer un état dépressif « réactionnel » sans aucune précision sur sa période d'apparition, alors même que la dépression nerveuse sévère survenue au printemps 2013 apparaissait elle-même coïncider avec les différends judiciaires opposant les deux parties ; Que le sapiteur apparaît également avoir justement observé que les ordonnances de prescriptions médicamenteuses produites à partir de février 2010, ne mentionnent de traitements psychotropes qu'à compter du 12 avril 2011, c'est-à-dire dans un temps éloigné des maladies professionnelles ;
Que le certificat par ailleurs établi le 4 mai 2016 par le Docteur PA.-LA. faisant état de l'hospitalisation de la victime en établissement psychiatrique du 4 février 2016 au 16 mars 2016, suite à une tentative de suicide par ingestion médicamenteuse, relie indéniablement l'aggravation de l'état psychique d CU/ CU. DA CO. au conflit l'ayant opposée à l'assureur loi, et ce, dans les termes ci-après : « elle sombre dans la dépression jusqu'au suicide quand elle apprend la non reconnaissance de son handicap de la part de l'assureur » ;
Attendu qu'il résulte de cette analyse que l'ensemble des troubles psychiatriques invoqués par CU/ CU. DA CO. ne sont pas apparus dans un temps voisin de la maladie professionnelle et n'ont pas de lien médical objectif avec celle-ci, en sorte que la présomption légale d'imputabilité ne saurait jouer en l'espèce ;
Attendu en définitive que la preuve d'aucune contradiction, carence ou omission qu'aurait pu commettre le Docteur BE. n'est rapportée en sorte que ce praticien apparaît avoir justement conclu que les séquelles psychiatriques alléguées par CU/ CU. DA CO. n'étaient pas en relation certaine et directe avec la maladie professionnelle déclarée en mars 2006, le jugement entrepris devant être de ce chef confirmé ;
Attendu qu'il est encore fait grief par l'appelante aux premiers juges de n'avoir pas retenu les éléments critiques produits à l'encontre du rapport du Docteur OR., auquel il est reproché d'avoir exclu l'existence de troubles invalidants en rapport avec les maladies professionnelles subies et ce, alors qu'elle souffre encore d'une atteinte tendineuse sévère ;
Mais attendu que les premiers juges ont, par des motifs sérieux et précis, parfaitement mis en exergue les conséquences de l'examen clinique réalisé par ce praticien, lequel n'a pu mettre en évidence qu'une sensibilité très discrète à la face antérieure du quart inférieur de l'avant-bras des deux côtés, non pathologique, l'absence de déficit moteur ou sensitif, une cinétique active des poignets dans la norme, en flexion palmaire et dorsale outre des latéralités complètes, symétriques et indolores, tout comme une cinétique des doigts longs complète et indolore et une pronosupination complète des deux côtés ;
Attendu en effet que ces constatations sont conformes à celles du médecin-conseil de l'assureur loi, fixant le taux d'incapacité permanente partielle à 0%, tandis que les éléments médicaux produits aux débats par CU/ CU. DA CO. n'apparaissent pas de nature à remettre en cause de telles conclusions ;
Qu'à cet égard, même si les échographies produites aux débats par l'appelante révèlent la persistance d'une inflammation d'un tendon et de sa gaine synoviale des poignets, il n'en demeure pas moins qu'elles ne donnent aucune information sur les conséquences séquellaires de la persistance d'une ténosynovite ;
Qu'en outre, le certificat médical du Docteur MAI., médecin généraliste, établi le 1er février 2014, se borne à faire état d' « une évolution depuis 3 ans, dans l'ensemble décevante, et marquée par une certaine chronicité et un haut degré de retentissement fonctionnel » sans pour autant préciser concrètement les handicaps fonctionnels dont serait atteinte sa patiente ;
Attendu qu'il convient en définitive de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a, du moins en partie, entériné les conclusions du rapport du Docteur OR. sur l'amélioration de l'état séquellaire d CU/ CU. DA CO., dénuées d'imprécisions, de lacunes ou de contradictions ;
Attendu s'agissant enfin de la question relative à la saisine de la Commission Spéciale d'Invalidité, qu'il résulte des dispositions de l'article 23 bis de loi n° 636 du 11 janvier 1958, que toutes les fois qu'une expertise médicale aura été effectuée, le Juge chargé des accidents du travail, le Tribunal de Première Instance ou la Cour d'appel peut, sur le vu du rapport du médecin expert, faire apprécier en outre la capacité résiduelle de gain de la victime de l'accident, compte tenu de la situation du marché du travail, du champ des emplois pouvant revenir à la victime et de son rendement théorique dans la nouvelle profession qu'elle peut être contrainte d' exercer ;
Attendu que l'appelante CU/ CU. DA CO. considère à juste titre que la Commission Spéciale instituée par les dispositions légales susvisées peut valablement être saisie si l'employé a perdu son emploi en raison des suites d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et ce, même si l'expert judicaire n'a pas retenu une incapacité permanente partielle ;
Attendu qu'il résulte à cet égard des pièces produites d'une part qu CU/ CU. DA CO. n'est plus en mesure d'exercer son emploi d'agent d'entretien, ayant été licenciée pour inaptitude définitive à son poste de travail et, d'autre part, que cette victime s'est vue reconnaître le statut de travailleur handicapé ;
Que si l'expert OR., tenant compte de l'amélioration de l'état de santé de la victime et de l'absence de tout déficit fonctionnel, a estimé qu'il n'était pas nécessaire de faire apprécier sa capacité résiduelle de gain, il n'en demeure pas moins que l'inaptitude définitive à laquelle a conclu le médecin de l'Office de la Médecine du Travail est intervenue successivement à deux maladies professionnelles affectant les poignets gauche et droit d CU/ CU. DA CO. ;
Qu'il apparaît dès lors essentiel de mesurer l'incidence de l'amélioration de l'état de santé de la victime sur sa capacité résiduelle de gain et qu'il convient dès lors de faire droit à la demande qui n'est pas dénuée d'objet tendant à saisir la Commission Spéciale prévu à l'article 23 bis de la loi du n° 636 du 11 janvier 1958 et selon les termes du dispositif ci-après ;
Attendu que le jugement entrepris sera de ce chef réformé ;
Attendu que les dépens seront réservés en fin de cause ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel,
Dit n'y avoir lieu à modification du calendrier de procédure,
Confirme le jugement entrepris en date du 19 janvier 2017 en ce qu'il a homologué le rapport d'expertise du Docteur BE. et du Docteur OR. exclusivement en ce qui concerne les conclusions cliniques médicales et ce, à l'exception de l'appréciation inhérente à l'absence de nécessité de saisir la Commission Spéciale d'Invalidité,
Le réformant de ce chef, ordonne la saisine de la Commission Spéciale d'Invalidité instituée par l'article 23 bis de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 aux fins d'évaluer la capacité résiduelle de gain d CU/ CU. DA CO. au vu de l'amélioration de l'état de santé de celle-ci,
Réserve les dépens en fin de cause,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.