Cour d'appel, 29 septembre 2017, Monsieur g. CA c/ Monsieur j-m. NE.

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement - Rappel de salaire - Heures supplémentaires - Taux horaire applicable - Licenciement fondé sur un motif valable (oui) - Faute grave (non) - Dommages-intérêts (non)

Résumé🔗

Le litige opposant les parties porte sur le montant du taux horaire qui a été appliqué à ces dernières.

En l'espèce, il est constant que les bulletins de salaire délivrés à M. NE., des mois de septembre 2008 à avril 2009, ne distinguent pas les heures payées au taux normal et celles réglées au taux majoré.

M. CA. ne peut se fonder sur un taux horaire de base, non contractuel, de 10,1619 euros qui n'est indiqué sur aucun bulletin de salaire. Il ne peut davantage utilement se référer au courrier de l'inspection du travail de Monaco du 30 septembre 2015.

Il ne produit aucun document émanant de l'Administration qui consacrerait le mode de calcul dont il se prévaut sur la base d'un taux horaire de 10,1619 euros, les pièces contrôlées par les Caisses Sociales de Monaco lors des vérifications de novembre 2015 ne portant pas sur ce point.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné M. CA. à payer à M. NE. la somme de 595,93 euros au titre des rappels de salaire outre celle de 59,59 euros au titre des congés payés afférents pour la période de septembre 2008 à avril 2010, correspondant à la différence entre les salaires perçus et ceux qui auraient dû lui être versés.

Concernant les salaires du mois de mai à décembre 2010, les bulletins de salaire distinguent, cette fois, les heures correspondant à la durée légale du travail (169), et les heures supplémentaires (24), ainsi que le taux horaire de base, soit 9,46 euros, et le taux horaire majoré (9,46 x 1,25). Et puisque, la durée du travail ainsi que le montant du taux horaire résultent d'un accord des parties, l'application de ces données conduit au calcul du salaire qui a été versé à l'intimé, sans que puisse être mis en évidence une différence en sa défaveur.

En conséquence l'intimé sera débouté de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour la période considérée, par voie de confirmation du jugement.

Le licenciement de M. NE. apparaît fondé sur un motif valable dès lors que la lettre de licenciement est motivée et précise la nature des griefs qui lui sont reprochés ; les deux réparations défectueuses qui lui sont imputées sont établies par des attestations ; le responsable administratif et la secrétaire de l'entreprise attestent des difficultés de concentration dont souffrait Monsieur NE., que son employeur met en relation, à raison, avec la mauvaise exécution des tâches qui lui ont été confiées ; le lien de subordination qui lie les témoins à M. CA ne prive pas leurs attestations, concordantes et circonstanciées, de force probante ; compte tenu de la rigueur à laquelle est tenue un garagiste, les erreurs répétées commises par Monsieur NE à l'occasion de simples révisions de véhicules, doivent être qualifiées de fautives et justifient le licenciement dont il a fait l'objet.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. NE. de sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement ; cependant, la faute grave ne peut être retenue, dès lors qu'aucune des défaillances reprochées à M. NE. n'a remis en cause la sûreté des automobiles et, partant, la sécurité de leurs conducteurs.

Il y a lieu de débouter M. NE. de sa demande en paiement de dommages et intérêts dès lors qu'il n'établit pas qu'il a subi des mutations intempestives d'un établissement à l'autre, qu'il ne prouve pas non plus avoir fait l'objet de dénigrement de la part de son employeur ni que celui-ci ait tout mis en œuvre pour l'empêcher de travailler dans des conditions normales, que le recours erroné par l'employeur au licenciement pour faute grave au lieu de la faute simple ne constitue pas en soi un agissement fautif, que le choix de la faute grave n'apparaît pas en l'espèce avoir été guidé par la volonté de blesser le salarié, ni par l'intention de lui nuire ; qu'il ne résulte d'aucune pièce que la procédure de licenciement ait été mise en œuvre de façon brutale ou vexatoire.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2017

En la cause de :

- Monsieur g. CA., exerçant le commerce sous l'enseigne ETABLISSEMENTS CA. / MONTE-CARLO MOTORS, dont le siège social est sis X1 à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Emmanuel VOISIN-MONCHO, avocat au Barreau de Grasse ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- Monsieur j-m. NE., mécanicien automobile, demeurant X2 à (06670) LEVENS ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au Barreau de Nice ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 24 novembre 2016 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 10 janvier 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000075) ;

Vu les conclusions déposées les 7 mars 2017 et 13 juin 2017 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de j-m. NE. ;

Vu les conclusions déposées le 2 mai 2017 par Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, au nom de g. CA. ;

À l'audience du 20 juin 2017, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par g. CA. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 24 novembre 2016.

Considérant les faits suivants :

M. NE. a été embauché le 22 juin 2006 en qualité de mécanicien automobile par M. CA. qui exploite en nom propre plusieurs établissements en Principauté sous les enseignes, notamment, ETS CA. MONTE-CARLO MOTORS, MONACO MOTORS ETS CA., AUTO CENTER ET BIKE CENTER.

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 8 novembre 2012 libellée de la façon suivante :

« Il ne se passe pas un seul jour sans que vous ne fassiez une grave erreur dans votre travail. Les dernières en date :

  • ASTRA N° AK304BR appartenant à Melle J. CA :

Cache intérieur du moteur mal fixé et épandage d'huile au moment du remplissage sur le moteur causant des odeurs de brulé, alors qu'il ne s'agissait que d'une simple révision,

  • ASTRA N° 356AJD06 appartenant à la Sté BTI :

Non fixation du filtre, épandage d'huile sur le moteur ayant provoqué de la fumée et des odeurs de brulé. Omission de changer deux veilleuses. La cliente nous a exprimé son mécontentement et son inquiétude sur le risque d'incendie et a émis des doutes quant à la qualité de la révision dans son ensemble.

Par conséquent, compte tenu de la dangerosité que vous représentez pour l'entreprise, je me vois dans l'obligation de cesser notre collaboration à compter de ce jour ».

Par requête du 10 septembre 2013, M. NE. a saisi le tribunal du travail pour obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et d'indemnité de préavis ainsi que de congés payés afférents, d'indemnité de congédiement, d'indemnité de licenciement et de licenciement abusif et de « mauvaises conditions de travail », avec intérêts au taux légal.

Il a sollicité également la délivrance sous astreinte d'une attestation par Pôle Emploi et d'un certificat de travail conforme.

Par jugement du 24 novembre 2016, le tribunal a :

  • condamné M. CA. à verser à M. NE. la somme de 595,93 euros à titre de rappels de salaires, outre celle de 59,59 euros au titre des congés payés afférents ;

  • dit que le licenciement de j-m. NE. repose sur un motif valable ;

  • dit que ce motif n'est pas constitutif d'une faute grave ;

  • condamné M. CA. à verser à M. NE. les sommes de :

  • 4.115,08 euros à titre d'indemnité de préavis et 411,50 euros au titre des congés payés afférents ;

  • 2.675,19 euros à titre d'indemnité de congédiement ;

  • dit que ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2013, date de l'introduction de l'instance ;

  • ordonné la délivrance par l'employeur d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail rectifiés sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision ;

  • condamné M. CA. à verser à M. NE. la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

  • condamné M. CA. aux dépens.

M. CA. a relevé appel le 10 janvier 2017 et M. NE. a relevé appel incident.

Aux termes de son exploit d'appel et assignation ainsi que de ses conclusions du 2 mai 2017, M. CA. demande à la Cour de :

  • infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

  • débouter M. NE. de toutes ses demandes ;

  • le condamner à lui payer 30.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

  • le condamner aux dépens, distraits au profit de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Il soutient en substance que :

Sur le rappel de salaires :

  • M. NE. a travaillé successivement au sein de ses trois établissements qui disposent de leur propre comptabilité et respectent l'obligation de régler les heures supplémentaires qui, si elles n'ont pas été détaillées sur certains bulletins de salaires antérieurs au mois de mai 2010, l'ont été à compter de cette période en raison de leur défiscalisation ;

  • M. NE. n'a subi aucun préjudice à la suite du changement de législation dans la mesure où le salaire mensuel brut est resté le même, soit 1.882,49 euros, correspondant à 182 heures par mois, le salaire étant basé sur 169 heures au taux normal et 13 heures supplémentaires ;

  • les montants déclarés et payés à M. NE. l'ont été conformément à la législation, comme le démontrent les demandes d'embauchage et de permis de travail, et comme l'a vérifié et confirmé l'inspection du travail ;

  • la demande de rappel de salaire de M. NE., qui est fondée sur des calculs erronés, n'est pas justifiée ;

  • il ne faut pas effectuer l'opération suivante (1.882,49 euros : 182 heures) = 10,34 euros mais se fonder sur l'horaire de base de (169 heures x 10,1619 euros = 1.717,36 euros) + (13 heures supplémentaires x 12,70 euros = 165,13 euros) = 1.882,49 euros ;

Sur le licenciement :

  • la lettre de licenciement précise la nature des reproches faits à M. NE. ;

  • le licenciement repose sur une faute grave qui justifie l'absence de préavis car l'absence de concentration du salarié, émotif et anxieux, ses négligences et ses oublis ont mis en danger les clients et ont provoqué leur mécontentement ;

  • les attestations qui émanent de cinq employés ont été établies de bonne foi ;

  • le concluant n'a pas eu l'intention d'influencer le médecin du travail ou de dénigrer M. NE. ;

  • plusieurs entretiens ont eu lieu entre le concluant et M. NE. avant son licenciement qui n'a pas été brutal ni sans explication ;

  • l'appelant ne saurait être condamné à verser des indemnités de rupture ni des dommages et intérêts, notamment en l'absence de démonstration d'un quelconque préjudice ;

Sur la demande de dommages et intérêts :

  • après avoir tout mis en œuvre pour maintenir M. NE. sur un poste adapté et avoir fait preuve de patience à son égard, le salarié n'a pas hésité à attraire son employeur devant le tribunal du travail pour le voir lourdement condamné à verser des sommes importantes, disproportionnées et injustifiées ;

  • le concluant n'a eu d'autre choix que d'interjeter appel ce qui a engendré d'autres frais qui ne peuvent rester à sa charge.

Aux termes de ses conclusions du 7 mars et du 13 juin 2017, M. NE. demande à la Cour de :

  • confirmer le jugement en ce qu'il a :

  • dit que le motif du licenciement n'est pas constitutif d'une faute grave ;

  • condamné M. CA. à lui verser les sommes de 4.115,08 euros à titre d'indemnité de préavis outre 411,50 euros au titre des congés payés afférents ainsi que 2.675,19 euros à titre d'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2013 ;

  • ordonné la délivrance par l'employeur d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail rectifiés sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision ;

  • l'infirmer pour le surplus ;

  • condamner M. CA. à lui payer les sommes de :

  • 2.000 euros à titre de rappel de salaire ;

  • 200 euros à titre de congés payés afférents ;

  • dire que le licenciement ne repose sur aucun motif valable ;

  • condamner M. CA. à lui régler les sommes de :

  • 3.745,27 euros à titre d'indemnité de licenciement,

  • 40.000 euros de dommages et intérêts,

  • dire que toutes les sommes seront réglées avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, et à compter de la décision à intervenir pour les dommages et intérêts ;

  • débouter M. CA. de ses demandes ;

  • condamner M. CA. aux dépens, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Il fait essentiellement valoir que :

Sur le rappel de salaires :

  • compte tenu de la prescription quinquennale de l'article 2092 bis du Code civil, la demande concerne les salaires dus depuis le mois de septembre 2008, la procédure ayant été introduite le 10 septembre 2013 ;

  • la durée légale du travail en Principauté est de 39 heures hebdomadaire ;

  • comme il a été payé chaque mois pour 182 heures, il aurait dû recevoir le paiement de 169 heures au taux normal et 13 heures au taux horaire majoré de 25 %, calculé au taux horaire de 10,34 euros indiqué sur les bulletins de salaire ;

  • contrairement à ce que prétend M. CA., le contrôleur du travail a confirmé le principe selon lequel le salaire était basé sur 182 heures mais sans préciser que les heures supplémentaires majorées de 25 % étaient incluses ;

  • à compter du mois de septembre 2008, son salaire mensuel de base aurait dû être de (169 x 10,34 = 1.747,46) euros au lieu de 1.882,49 euros, outre le paiement de 13 heures supplémentaires (10,34 x 5/4 = 12,93 x 13) = 168,03 euros soit au total la somme de 1.915,49 euros ;

  • pour l'année 2008, le rappel de salaire est de 92,65 euros, pour 2009, il est de 394,53 euros, et pour la période de janvier à avril 2010, il est de 108,72 euros ;

  • pour la période de mai à décembre 2010, le rappel de salaire est de 1.421,62 euros, sans tenir compte de la baisse du taux horaire par M. CA., qui est passé de 10,34 à 9,46 euros ;

Sur le licenciement :

Sur la faute grave :

  • la lettre de licenciement ne précise pas la nature des reproches qui lui sont faits ;

  • le concluant n'a commis aucune faute grave ni représenté un danger pour l'entreprise ;

  • les deux problèmes évoqués dans la lettre de rupture, si tant est qu'il en fut responsable, étaient dérisoires et ne mettaient pas en danger qui que ce soit ;

  • les attestations produites, dont celle de M. TE. qui est à prendre avec précaution compte tenu de la différence entre la signature qui y est apposée et celle qui figure sur la carte d'identité, ne sont ni pertinentes ni probantes car elles émanent de salariés qui ont un lien de subordination avec M. CA. ;

  • le soi-disant mécontentement des clients ne résulte d'aucun élément ;

  • le concluant ne pouvait donc être licencié sans percevoir ses indemnités de préavis et de congédiement ; Sur l'absence de motif de licenciement :

  • tout s'est passé normalement de l'embauche jusqu'au 27 février 2007, date à laquelle l'intimé a été victime d'un accident du travail qui l'a placé en arrêt de travail à plusieurs reprises jusqu'en décembre 2010, époque à laquelle il a plongé dans un état dépressif dont il ne s'est pas relevé ;

  • cette situation n'a pas altéré ses grandes compétences de mécanicien mais les conditions de sa reprise ont été rendues difficiles par le dénigrement dont il a fait l'objet afin de le déstabiliser ;

  • son employeur lui a suggéré de se réorienter sans lui proposer un quelconque reclassement ni même un entretien, et il n'a eu de cesse de faire pression sur la médecine du travail pour obtenir une déclaration d'inaptitude ;

  • de plus, par lettre du 23 octobre 2012, il a remis en cause ses compétences ;

  • le concluant a eu tort de protester, par lettre du 7 novembre 2012, contre cette prétendue incapacité à faire son travail, ce qui a provoqué sa convocation brutale dès le lendemain en vue de son licenciement qui a été prononcé sans aucune discussion préalable ni possible ;

  • il en ressort qu'une indemnité de licenciement doit lui être accordée, dont il convient de déduire l'indemnité de congédiement ;

Sur les dommages et intérêts :

  • le concluant a subi des changements d'affectation, son employeur le déplaçant d'un établissement à un autre comme un simple pion, il lui a fait réaliser de nombreuses heures supplémentaires sans l'indemniser en conséquence, et il a tout mis en œuvre pour l'empêcher de poursuivre son travail au sein de son entreprise avant de lui imposer une éviction brutale, ce qui justifie sa condamnation au paiement de dommages et intérêts ;

  • la demande reconventionnelle de M. CA. en paiement de dommages et intérêts est injustifiée, d'autant que le concluant était parfaitement fondé à saisir la juridiction du travail pour contester le licenciement dont il a fait l'objet et obtenir le paiement d'heures supplémentaires.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures précitées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels principal et incident, régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;

Sur le rappel de salaire :

Attendu que le litige qui oppose les parties ne porte pas sur le nombre d'heures supplémentaires effectuées mais sur le montant du taux horaire qui a été appliqué à ces dernières ;

Attendu que l'arrêté ministériel n° 58-150 du 24 avril 1958 fixant les mentions à porter sur les bulletins de paye, qui vise la loi n°636 du 11 janvier 1958 tendant à instituer le contrôle du paiement et la déclaration des salaires, dispose, article 1er, que « Le bulletin de paye que l'employeur doit remettre aux salariés à l'occasion du paiement du salaire doit indiquer, selon le modèle figurant à l'annexe I du présent arrêté :

3) la période et le nombre d'heures de travail auxquels correspond la rémunération versée en distinguant les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration au titre d'heures supplémentaires » ;

Attendu qu'au cas particulier il est constant que les bulletins de salaire délivrés à M. NE. des mois de septembre 2008 à avril 2009 ne distinguent pas les heures payées au taux normal et celles réglées au taux majoré ;

Que les bulletins de paie émis pendant cette période mentionnent un taux horaire de base de 10,34 euros pour 182 heures de travail, soit 169 heures correspondant à la durée légale du travail, outre 13 heures supplémentaires ;

Que, dès lors, M. NE. était en droit de percevoir un salaire mensuel de : (169 x 10,34 euros) + (13 x (10,34 x 1,25) = 1.915,49 euros ;

Que M. CA. ne peut se fonder sur un taux horaire de base, non contractuel, de 10,1619 euros qui n'est indiqué, au reste, sur aucun bulletin de salaire ;

Qu'il ne peut davantage utilement se référer au courrier de l'inspection du travail de Monaco du 30 septembre 2015 qui confirme que les demandes d'embauchage « sont conformes s'agissant du salaire » ajoutant que « nos services ont validé lesdites demandes en prenant note que le salaire était basé sur un horaire mensuel de 182 heures soit 42 heures hebdomadaires (39 heures + 3 heures supplémentaires majorées de 25 %) » dès lors que les demandes d'embauchage qui sont produites aux débats ne mentionnent que la qualification du salarié, le coefficient, l'horaire hebdomadaire et le salaire mensuel brut et non les taux horaire de base et majoré ni le mode de calcul du salaire ;

Qu'il ne produit aucun document émanant de l'Administration qui consacrerait le mode de calcul dont il se prévaut sur la base d'un taux horaire de 10,1619 euros, les pièces contrôlées par les Caisses Sociales de Monaco lors des vérifications de novembre 2015 ne portant pas sur ce point ;

Attendu qu'en conséquence, la Cour, après avoir vérifié le calcul des demandes de salaires exposé dans les conclusions du 13 juin 2017 de l'intimé (pages 7 à 9), confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. CA. à payer à M. NE. la somme de 595,93 euros au titre des rappels de salaire outre celle de 59,59 euros au titre des congés payés afférents pour la période de septembre 2008 à avril 2010, correspondant à la différence entre les salaires perçus et ceux qui auraient dû lui être versés ;

Attendu que, s'agissant des salaires du mois de mai à décembre 2010, les bulletins de salaire distinguent, cette fois, les heures correspondant à la durée légale du travail (169), et les heures supplémentaires (24), ainsi que le taux horaire de base, soit 9,46 euros, et le taux horaire majoré (9,46 x 1,25) ;

Que tant la durée du travail que le montant du taux horaire résultent d'un accord des parties ;

Que l'application de ces données conduit au calcul du salaire qui a été versé à M. NE., sans que puisse être mis en évidence une différence en sa défaveur ;

Qu'en conséquence M. NE. sera débouté de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour la période considérée, par voie de confirmation du jugement ;

Sur le licenciement

Attendu que, contrairement à ce qu'affirme M. NE., la lettre de licenciement est motivée et précise la nature des griefs qui lui sont reprochés ;

Attendu que les deux réparations défectueuses qui lui sont imputées sont établies par les attestations de M. TE., chef d'atelier, et par celle de M. CO., directeur des établissements CA. MONTE-CARLO MOTORS ;

Que la différence alléguée entre la signature apposée sur l'attestation de M. TE. et celle figurant sur sa carte d'identité ne remet pas en cause son authenticité ;

Que M. TA. et Mme BR., respectivement responsable administratif et secrétaire de l'entreprise, attestent des difficultés de concentration dont souffrait M. NE., que son employeur met en relation, à raison, avec la mauvaise exécution des tâches qui lui ont été confiées ;

Que le lien de subordination qui lie les témoins à M. CA. ne prive pas leurs attestations, concordantes et circonstanciées, de force probante ;

Attendu que compte tenu de la rigueur à laquelle est tenue un garagiste, les erreurs répétées commises par M. NE. à l'occasion de simples révisions de véhicules, doivent être qualifiées de fautives et justifient le licenciement dont il a fait l'objet ;

Que ce licenciement apparaît donc fondé sur un motif valable ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. NE. de sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement ;

Attendu que, cependant, la faute grave ne peut être retenue, dès lors qu'aucune des défaillances reprochées à

M. NE. n'a remis en cause la sûreté des automobiles et, partant, la sécurité de leurs conducteurs ;

Qu'un tel risque était d'ailleurs écarté grâce à l'attention et à la surveillance qu'exerçaient les techniciens qui entouraient M. NE. compte tenu des troubles dont il souffrait, comme en témoignent M. TA. et Mme BR. ;

Qu'en conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné M. CA. à payer M. NE. des indemnités de préavis et de congédiement, avec intérêts au taux légal et à lui délivrer une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés sous astreinte ;

Sur les dommages et intérêts

Sur la demande de M. NE.

Attendu que M. NE. n'établit pas qu'il a subi des mutations intempestives d'un établissement à l'autre, d'autant moins qu'il a donné son accord à chacune d'elle et que les différents lieux de travail étaient tous situés en Principauté et dans un périmètre géographique très restreint ;

Qu'il ne prouve pas non plus avoir fait l'objet de dénigrement de la part de son employeur ni que celui-ci ait tout mis en œuvre pour l'empêcher de travailler dans des conditions normales, alors qu'il apparait, au regard des attestations produites, que c'est l'inverse qui s'est produit ;

Que, par ailleurs, M. CA. n'était tenu à aucune obligation de reclassement, M. NE. n'ayant pas été déclaré médicalement inapte à son poste de travail ;

Attendu que, contrairement à ce qui a été jugé en première instance, le recours erroné par l'employeur au licenciement pour faute grave au lieu de la faute simple ne constitue pas en soi un agissement fautif ;

Que le choix de la faute grave n'apparaît pas en l'espèce avoir été guidé par la volonté de blesser le salarié, ni par l'intention de lui nuire ;

Attendu que, par ailleurs, il ne résulte d'aucune pièce que la procédure de licenciement ait été mise en œuvre de façon brutale ou vexatoire ;

Qu'il y a lieu, par conséquent, de débouter M. NE. de sa demande en paiement de dommages et intérêts, en infirmant le jugement sur ce point ;

Sur la demande de M. CA.

Attendu que M. CA. ne caractérise aucune faute à l'égard de M. NE. qui ne peut résulter, comme le soutient ce dernier, de la seule mise en œuvre d'une action en justice, au demeurant accueillie en partie ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de ce chef ;

Sur les dépens

Attendu que les parties succombent chacune partiellement en leurs prétentions ;

Qu'il convient en conséquence, conformément à l'article 232 du Code de procédure civile, de compenser les dépens d'appel en totalité ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. CA. à payer à M. NE. la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Déboute M. NE. de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

Ordonne la compensation des dépens d'appel.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.

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