Cour d'appel, 29 septembre 2017, Madame c. BR. épouse DA. c/ Monsieur c., j., s. DA.

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Abstract🔗

Procédure civile - Communication des pièces - Pièces écartées des débats (non) - Atteinte à la vie privée (non) - Non-respect du calendrier de procédure (non) - Divorce - Torts partagés - Adultère du mari - Comportement déloyal - Transfert des avoirs indivis - Injures graves et répétées de l'épouse - Harcèlement - Conséquences du divorce - Mesures provisoires - Attente des opérations de liquidation

Résumé🔗

Il n'y a pas lieu d'écarter des débats la pièce visée au motif d'une atteinte à la vie privée, la circonstance du lieu privé n'étant pas démontrée, s'agissant de films réalisés dans des espaces qui pourraient être qualifiés de publics ou d'ouverts au public. Concernant les autres pièces, qui auraient été déposées en contravention avec le calendrier de procédure, il est constaté qu'elles font état de faits postérieurs aux conclusions de l'épouse auxquelles elles répondent et viennent en appui des conclusions du mari, et ne seront pas écartées.

Il y a lieu de prononcer le divorce aux torts partagés des époux. Le grief d'adultère du mari est établi par les photos et le rapport du détective privé. Il est également retenu un comportement déloyal du fait du transfert sur ses comptes personnels des avoirs figurant sur les comptes joints. En revanche, le grief d'abandon du domicile conjugal n'est pas retenu, l'épouse ayant consenti au départ du mari. Il est reproché à l'épouse des injures graves et répétées sur plusieurs mois, constitutives de harcèlement. Les fautes de l'époux ne sont pas de nature à justifier ses agissements commis par colère et non en raison d'un état dépressif lourd. Sur les conséquences du divorce, il y a lieu d'accorder à l'épouse une provision dans l'attente de la fixation définitive du montant de la prestation compensatoire laquelle dépendra de la décision sur la propriété du domicile conjugal. Compte tenu des conditions d'hébergement de chacun des époux, l'attribution provisoire de la jouissance du domicile conjugal à l'épouse est maintenue.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2017

En la cause de :

  • - Madame c. BR. épouse DA., née le 15 décembre 1965 à Monaco, de nationalité française, demeurant et domiciliée et autorisée à résider seule au domicile conjugal X1 à MONACO (98000) ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 22 BAJ 14, par décision du Bureau du 4 et 22 novembre 2013

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur c., j., s. DA., né le 02 novembre 1962 à Monaco, de nationalité française, demeurant de droit X1 à MONACO (98000) mais autorisé à résider hors du domicile conjugal et actuellement chez son père, Monsieur r. DA., X2 à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 30 juin 2016 (R. 6243) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître ma.-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 29 juillet 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000017) ;

Vu les conclusions déposées les 22 novembre 2016, 28 mars 2017 et 13 juin 2017 par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de c. DA. ;

Vu les conclusions déposées les 14 février 2017 et 9 mai 2017 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de c. BR. épouse DA. ;

À l'audience du 20 juin 2017, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La cause ayant été débattue hors la présence du public ;

La Cour statue sur l'appel relevé par c. BR. épouse DA. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 30 juin 2016.

Considérant les faits suivants :

Le 12 septembre 1986, c. DA. et c. BR., tous deux de nationalité française, ont contracté mariage devant l'officier d'état civil de la Principauté de Monaco, sans contrat préalable, déclarant se soumettre au régime légal monégasque.

Une enfant, désormais majeure, est issue de cette union : ch., ma., oc., née le 12 juillet 1996 à Nice (Alpes-Maritimes).

Le 20 novembre 2013, c. BR. a déposé une requête en divorce sur le fondement de l'article 197 du Code civil.

Par ordonnance présidentielle du même jour, elle a été autorisée à résider seule au domicile conjugal, avec l'enfant, alors mineure.

Par ordonnance du 20 décembre 2013, le juge conciliateur a constaté le maintien de la demande en divorce et a autorisé l'assignation de l'époux.

Au titre des mesures provisoires concernant les époux, il a :

  • - attribué à l'épouse la jouissance gratuite du domicile conjugal,

  • - condamné l'époux au paiement d'une pension alimentaire de 1.500 euros au titre du devoir de secours,

  • - ordonné une expertise comptable confiée à Monsieur BI. en remplacement de Monsieur GARINO.

Sur appel interjeté par c. DA., la Cour a par arrêt du 25 novembre 2014, confirmé l'ordonnance en toutes ses dispositions.

c. BR. a fait assigner le 17 janvier 2014, c. DA. en divorce, sur le fondement de l'article 197 du Code civil, sollicitant pour l'essentiel :

  • - le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son époux,

  • - l'allocation d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,

  • - l'octroi d'une prestation compensatoire sous la forme du versement d'un capital dont le montant variera entre 800.000 euros et 1.700.000 euros selon que le bien immobilier situé à Monaco sera jugé comme étant ou non un bien indivis des époux, et l'attribution de la jouissance gracieuse et exclusive de ce bien pour une durée de 10 ans.

c. DA. s'est opposé à ces demandes et a sollicité reconventionnellement le prononcé du divorce aux torts exclusifs de c. BR..

Par jugement avant dire droit du 12 février 2015, il a été sursis à statuer sur les demandes, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Parallèlement, c. BR. a obtenu par ordonnance présidentielle du 25 novembre 2013, l'autorisation de procéder au blocage de la moitié des avoirs déposés sur les comptes personnels et communs détenus par son époux, et par ordonnance du 7 mai 2014, celui a été débouté de sa demande de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête.

Par jugement du 30 juin 2016, le Tribunal de première instance a :

  • - écarté des débats la pièce n° 64 communiquée par c. DA.,

  • - débouté les parties du surplus de leurs demandes de rejet des pièces,

  • - dit n'y avoir lieu de produire des procès-verbaux de police en date des 27 novembre 2013 et 3 décembre 2013, contenant respectivement son dépôt de plainte et les déclarations de l'épouse,

  • - prononcé le divorce aux torts partagés des époux,

  • - débouté c. BR. de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

  • - ordonné en tant que de besoin, la liquidation des intérêts communs ayant pu exister entre les époux et commis à cet effet Maître Henry REY, Notaire,

  • - déclaré c. BR. irrecevable en sa demande tendant à voir dire et juger que le bien immobilier sis à Monaco, X1, est un bien indivis, dont chacun des époux possède la moitié, sans qu'il y ait lieu à quelque revendication de créance et/ou remboursement que ce soit,

  • - sursis à statuer sur la demande de prestation compensatoire formée par c. BR. jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la nature du bien immobilier situé X1, dans le cadre du règlement des opérations de liquidation-partage.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que :

  • - il ne peut être fait grief à l'épouse demanderesse d'avoir produit des pièces relatives aux griefs en même temps qu'elle déposait ses écritures sur le fond du divorce, alors qu'il appartenait au défendeur de solliciter un ultime renvoi s'il entendait répliquer à ces écritures et pièces, ce qu'il n'a pas souhaité,

  • - le motif invoqué tenant à la fausseté des témoignages ne permet pas de déclarer nulles les pièces n° 49, 50, 51, 52 et 67 à 69, communiquées par c. DA., le tribunal étant libre d'en apprécier la valeur probante,

  • - la pièce n° 64 communiquée par c. DA. doit être écartée des débats, s'agissant d'une clé USB contenant cinq vidéos la représentant, réalisées de manière déloyale et en violation du droit au respect de la vie privée,

  • - il n'y a pas lieu d'écarter des débats la pièce n° 105, communiquée par c. BR., au motif que le témoignage qu'elle contient serait partial et calomnieux, le tribunal étant libre d'en apprécier la valeur probante,

  • - le départ de c. DA. du domicile conjugal ne peut être considéré comme fautif, dès lors qu'un document co-signé par les deux époux, établit qu'il a été consenti par les deux parties, dans la perspective d'une séparation conjugale,

  • - la preuve de l'adultère du mari est suffisamment établie par des rapports de surveillance du détective privé requis par l'épouse,

  • - en s'accaparant unilatéralement la quasi-totalité des avoirs que le couple détenait sur des comptes communs, c. DA. s'est comporté de manière déloyale envers son épouse, quelle que soit l'origine, personnelle ou indivise, des fonds litigieux, ce comportement constituant une violation grave des devoirs et obligation du mariage,

  • - les pièces produites ne démontrent pas suffisamment le grief d'adultère reproché à c. BR.,

  • - les éléments rapportés démontrant la réalité du grief tenant au comportement injurieux et irrespectueux de c. BR.,

  • - le harcèlement téléphonique et l'attitude injurieuse qu'elle a adoptée envers son époux caractérisent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage,

  • - le divorce étant prononcé aux torts partagés, la demande de dommages et intérêts formée par c. BR. est mal-fondée,

  • - le bien immobilier situé à Monaco, qui constitue l'essentiel du patrimoine, a été acquis indivisément pendant le mariage,

  • - les droits auxquels chacun des époux peut prétendre sur ce bien sont déterminants pour apprécier le bienfondé de la demande de prestation compensatoire,

  • - ces droits font l'objet d'un litige, puisque c. DA. invoque une donation déguisée, dont il réclame subsidiairement l'annulation,

  • - il n'appartient pas au tribunal saisi de l'action en divorce de se prononcer sur les contestations relatives à la liquidation et au partage des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

Appel du jugement a été interjeté par c. BR..

Dans l'assignation qu'elle a fait délivrer le 29 juillet 2016, et par conclusions du 14 février 2017 et conclusions récapitulatives du 9 mai 2017, elle demande à la cour de :

  • - l'accueillir en son appel, l'y déclarer fondée,

  • - réformer le jugement en ce qu'il a :

    • débouté c. BR. du surplus de ses demandes de rejet de pièces,

    • prononcé le divorce aux torts partagés des époux,

    • déclaré c. BR. irrecevable en sa demande tendant à voir dire et juger que le bien immobilier situé à Monaco, est un bien indivis, dont chacun des époux possède la moitié, sans qu'il y ait lieu à quelque revendication de créance et/ou remboursement que ce soit,

    • sursis à statuer sur la demande de prestation compensatoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la nature dudit bien immobilier, dans le cadre du règlement des opérations de liquidation-partage et ordonné le placement de l'affaire au rôle général dans l'attente de ce règlement,

  • - confirmer le jugement pour le surplus,

  • - confirmer les mesures provisoires et notamment l'attribution à elle, du domicile conjugal,

Statuant à nouveau,

  • - déclarer nulles et irrecevables les pièces adverses numérotées 49 à 52 et 67 à 69 pour non-respect des dispositions des articles 323 et 324 du Code de procédure civile et pour fausses déclarations, et les rejeter des débats,

  • - prononcer le divorce aux torts exclusifs de l'époux avec toutes conséquences de droit,

  • - l'accueillir en sa demande de prestation compensatoire,

  • - constater la nécessité de statuer sur la nature de la propriété du bien immobilier situé X1 à Monaco, avant de statuer sur les demandes au fond relatives au divorce,

  • - dire et juger que ledit bien immobilier est un bien indivis et que chaque époux est propriétaire de la moitié de ce bien, sans qu'il n'y ait lieu à quelque revendication de créance et ou de remboursement que ce soit de part ou d'autre,

  • - condamner Monsieur DA. au paiement d'une prestation compensatoire fixée et payable comme suit :

    • si le bien immobilier est jugé comme un bien indivis,

    • une somme en capital de 800.000 euros,

    • la jouissance gracieuse et exclusive du domicile conjugal pendant 10 ans à compter de la décision de divorce à intervenir,

    • si la cour devait considérer que le bien immobilier est un bien propre de Monsieur DA.,

    • une somme en capital de 1.700.000 euros,

    • la jouissance gracieuse et exclusive du domicile conjugal pendant 10 ans à compter de la décision de divorce à intervenir,

  • - à titre subsidiaire, condamner Monsieur DA. au versement d'une somme mensuelle de 2.000 euros à titre de prestation compensatoire provisionnelle jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la nature du bien immobilier dans le cadre du règlement des opérations de liquidation-partage,

  • - condamner Monsieur DA. à payer à Madame BR. la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

  • - débouter Monsieur DA. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

  • - condamner Monsieur DA. aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat défenseur, sous sa due affirmation,

Au soutien de ses demandes, elle expose pour l'essentiel que :

  • - elle a cessé son activité professionnelle en raison des problèmes de santé rencontrés par sa fille peu après sa naissance,

  • - les époux ont décidé d'un commun accord que c. DA. quitte momentanément le domicile conjugal pour réfléchir sur leur relation,

  • - il n'a plus réintégré le domicile conjugal et s'est affiché notoirement en compagnie d'une autre femme,

  • - il a vidé les comptes bancaires communs, la laissant sans ressource,

  • - l'expert BI. n'a pas procédé aux investigations qu'elle a sollicitées, concernant la rémunération perçue par c. DA., au cours du mariage,

  • - il est établi qu'elle n'entretient pas de relation adultère contrairement à son époux,

  • - les attestations produites par Monsieur DA. sous les numéros 49, 50, 52 et 67 à 69 sont mensongères,

  • - les déclarations contenues dans l'attestation de Corinne RI. (pièce adverse n° 51) sont fausses et contredites par les déclarations de Thierry CE. (pièce n° 121),

  • - aucune faute ne peut lui être imputée, seul c. DA. a méconnu ses obligations,

  • - c. DA. a abandonné le domicile conjugal,

  • - il a mené une double vie avec sa maîtresse, profitant des logements mis à sa disposition dans le cadre de sa fonction de négociateur en immobilier,

  • - la relation adultérine est établie dans le rapport de p BO., détective privé du 17 décembre 2013, et confirmée par les notes d'information en date du 8 juillet et 15 septembre 2014,

  • - Monsieur DA. a vidé les comptes bancaires communs, laissant sa femme et sa fille sans ressource,

  • - l'expert a précisé que les mouvements de fonds mis en place par c. DA. ont eu pour principale conséquence de vider les comptes épargnes du couple et d'alimenter les comptes ouverts par lui à son nom,

  • - ce sont ses salaires qui permettaient de faire vivre le couple, au début du mariage,

  • - elle s'est par la suite consacrée à sa fille permettant à son époux de prospérer dans son ascension professionnelle,

  • - les économies réalisées sont le fruit du choix commun du couple,

  • - les fonds et valeurs déposés sur un compte joint sont présumés appartenir en indivision aux titulaires du compte,

  • - le jugement a justement retenu que l'adultère qui lui était reproché n'était pas constitué,

  • - les attestations produites par Monsieur DA. sont nulles et irrecevables et il convient de les rejeter dans la mesure où il s'agit d'attestations mensongères,

  • - la pièce n° 64 qu'il produit est une clé USB contenant des vidéos la concernant, et constitue un mode de preuve contraire au principe de loyauté et au procès équitable,

  • - Monsieur DA. ne rapporte pas la preuve de la provenance des messages SMS prétendument insultants,

  • - les pièces adverses 3 à 5 et 47 ne peuvent être prises en considération,

  • - le classement sans suite de la plainte qu'il a déposée établit que les faits n'étaient pas constitués,

  • - la gravité des injures doit s'apprécier en fonction du comportement du conjoint qui se déclare injurié,

  • - en l'espèce, les prétendus messages SMS seraient intervenus après que Monsieur DA. ait quitté le domicile conjugal pour entretenir publiquement une relation adultérine, en laissant son épouse sans aucune ressource,

  • - depuis elle a de graves problèmes de santé, ayant été anéantie par les circonstances de la rupture, et a développé un syndrome dépressif réactionnel,

  • - son comportement est davantage lié à son état qu'à une volonté de nuire,

  • - les faits qui lui sont reprochés sont postérieurs au départ du domicile conjugal de l'époux, et ne peuvent constituer un grief au sens de l'article 197-1 du Code civil,

  • - elle est en droit de solliciter une prestation compensatoire financière et matérielle en raison de la disparité manifeste entre les époux,

  • - il convient de statuer sur le principe du versement de la prestation compensatoire au regard des critères légaux de l'article 204-5 du Code civil, tenant à la durée du mariage, à l'âge et l'état de santé des époux,

  • - il existe une importante disparité des situations patrimoniales des époux,

  • - elle s'est arrêtée de travailler en septembre 1998 à la demande et en accord avec son époux, pour se consacrer entièrement à l'éducation de sa fille,

  • - lorsqu'elle a envisagé de reprendre une activité professionnelle, son époux s'y est opposé,

  • - ayant travaillé en début de vie commune, elle a créé des actifs, et les économies réalisées sont le fruit du choix commun du couple,

  • - elle ne tire aucun revenu régulier du bien immobilier situé à Cap d'Ail,

  • - elle n'a aucun droit sur la maison située à Saint Martin Vésubie,

  • - elle ne possède pas de compte épargne,

  • - elle est sans revenu et dans l'impossibilité de retrouver un emploi compte-tenu de son état de santé et de son âge,

  • - ses charges mensuelles incompressibles s'élèvent à 4.612 euros,

  • - elle perdra l'avantage fiscal du fait du divorce,

  • - c. DA., perçoit outre son salaire des commissions en espèces ayant permis à la famille d'avoir un excellent train de vie,

  • - entre 2009 et 2012, 231.000 euros ont été déposés en espèces sur le compte commun,

  • - il détient d'importantes sommes en épargne,

  • - il ne démontre pas que les versements en espèces, effectués sur son compte, sont uniquement issus de l'aide de son père, et il y a lieu de les considérer comme des revenus complémentaires,

  • - il n'est pas établi que l'état de santé de Monsieur DA. impacte sa situation professionnelle et financière,

  • - son entière disponibilité et son dévouement ont largement contribué au développement de la situation professionnelle de Monsieur DA.,

  • - elle a sacrifié sa carrière professionnelle afin de favoriser l'épanouissement de leur enfant,

  • - le jugement du 30 juin 2016 est contraire aux dispositions de l'article 6 de la CEDH en ce qu'il a sursis à statuer sur les conséquences du divorce, alors que le prononcé du divorce a mis fin au devoir de secours, la privant désormais de ressource,

  • - la question soumise à la juridiction ne relève pas de la liquidation du régime matrimonial mais de l'appréciation des critères légaux de la prestation compensatoire,

  • - en prononçant le divorce et en décidant d'office de sursoir à statuer sur ses conséquences sans rouvrir les débats, le tribunal a violé les droits de la défense,

  • - il ne s'agissait pas pour le tribunal de statuer sur la liquidation et le partage des intérêts communs, mais de se prononcer sur la nature d'un bien afin d'apprécier leur patrimoine respectif,

  • - il est indispensable de statuer sur la propriété du bien immobilier avant de se prononcer sur les conséquences financières du divorce et il appartenait au tribunal de le faire,

  • - la nature indivise du bien est établie par la reconnaissance expresse d'une acquisition solidaire et indivise et par le paiement du prix d'achat avec des fonds indivis issus du compte bancaire commun,

  • - les fonds et les valeurs déposés sur un compte joint par les époux sont présumés appartenir en indivision aux titulaires du compte, quand bien même ils auraient contracté mariage sous le régime de la séparation de biens,

  • - aucune donation déguisée n'est constituée, dans la mesure où elle disposait de ressources personnelles versées sur le compte joint,

  • - Monsieur DA. ne peut revendiquer aucune créance, dès lors que le bien financé constitue le logement familial, le financement du bien devant être considéré comme une modalité de règlement de la contribution aux charges du mariage,

  • - il existe une importante disparité entre les époux sur leurs droits à la retraite,

  • - l'attribution de jouissance maintenue de 10 ans après le prononcé du divorce dans l'ancien domicile conjugal lui est nécessaire pour une reprise de vie sociale et professionnelle,

  • - une prestation compensatoire d'un montant de 800.000 euros est nécessaire pour lui permettre de survivre financièrement,

  • - le versement d'une prestation compensatoire provisionnelle est recevable, s'agissant d'une demande en défense à l'action principale, et justifiée par sa situation financière obérée,

  • - la demande de dommages et intérêts est fondée sur l'intention de nuire et de la déposséder et sur la souffrance résultant de la rupture et de l'humiliation,

  • - la demande de modification d'attribution du domicile conjugal n'est pas justifiée et démontre que Monsieur DA. ne se soucie guère de son sort.

Par conclusions des 22 novembre 2016, 28 mars et 13 juin 2017, c. DA. demande à la cour de :

  • - débouter c. BR. de son appel,

  • - le recevoir en son appel incident et l'y déclarer fondé,

  • - réformer le jugement en ce qu'il a :

    • écarté des débats la pièce n°64 qu'il a communiquée,

    • l'a débouté de sa demande de rejet de la pièce adverse n° 105,

    • prononcé le divorce aux torts partagés des époux,

    • sursis à statuer sur la demande de prestation compensatoire formée par Madame c. BR., cette demande devant être rejetée.

  • - débouter c. BR. de sa demande en divorce et de ses demandes connexes, pour celles qui ne seraient pas recevables (SIC),

  • - écarter des débats les pièces n° 105, 117, 119, 120 et 121,

  • - prononcer le divorce des époux aux torts et griefs exclusifs de c. BR. et ce, avec toutes conséquences de droit,

  • - déclarer c. BR. irrecevable en sa demande de prestation compensatoire,

  • - déclarer de même c. BR. irrecevable en sa demande de prestation compensatoire « provisoire »,

  • - subsidiairement, la débouter de ses demandes,

Subsidiairement, au cas où la cour déclarerait recevable c. BR. en sa demande tendant à voir statuer sur la propriété du bien immobilier :

  • - annuler la donation déguisée faite à c. BR. réalisée par la vente du 24 février 1999,

  • - dire et juger qu'il est seul propriétaire du bien immobilier, objet de cette acquisition,

  • - en tout état de cause, lui attribuer le domicile conjugal à titre définitif,

  • - modifier les mesures provisoires de ce chef et lui attribuer la jouissance immédiate et à titre provisoire du domicile conjugal,

  • - ordonner l'expulsion de corps et de biens de c. BR., et de toutes personnes de son chef, de l'appartement constituant le domicile conjugal, situé X1 à Monaco, sous astreinte non comminatoire et définitive de 150 euros par jour,

  • - confirmer le jugement pour le surplus,

  • - condamner c. BR. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat défenseur sous sa due affirmation.

Il fait valoir pour l'essentiel que :

  • - le caractère disproportionné des demandes de c. BR. aurait abouti, si elles avaient été accueillies à sa mort économique,

  • - il est négociateur salarié, employé par l'Agence F au salaire de 3.700 euros et ne perçoit aucune commission en espèces,

  • - les libéralités qu'il reçoit de son père ne peuvent être prises en compte dans l'évaluation de ses facultés contributives,

  • - son départ du domicile conjugal était définitif et décidé d'un commun accord,

  • - il n'entretient aucune relation avec une autre femme, laquelle est son assistante professionnelle,

  • - c. BR. est dépressive depuis de nombreuses années et consomme beaucoup d'alcool, ce qui la rend extrêmement agressive envers lui,

  • - en septembre 2013, il a voulu engager une procédure de médiation familiale mais il s'est heurté au refus de c. BR.,

  • - une part importante des sommes constituant ses actifs est destinée au remboursement des sommes prêtées par sa mère,

  • - il n'a pas laissé sa femme et sa fille sans ressource,

  • - il est copropriétaire du bateau,

  • - il a fait profiter sa femme et sa fille des libéralités de son père,

  • - l'appartement a été acheté au nom des deux époux, mais c. BR. n'a pas mis un sous dans cet achat, l'acquisition ayant été intégralement financée par l'argent provenant de sa famille,

  • - l'expertise comptable confiée à Monsieur BI. a été conduite dans des conditions scandaleuses,

  • - la détermination de la propriété du bien immeuble relève de la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux,

  • - il a des problèmes de santé dus au stress causé par la tension permanente causée par l'attitude agressive de sa femme,

  • - après son départ du domicile conjugal, décidé d'un commun accord, elle a continué à le harceler,

  • - il craignait qu'elle ne fasse main basse sur son épargne, et a mis les avoirs, en sûreté, sur ses comptes personnels,

  • - le rapport d'investigation et les compléments d'informations de p BO. n'établissent pas l'adultère,

  • - le tribunal a inversé la charge de la preuve en ce qui concerne l'adultère,

  • - son comportement déloyal n'est pas non plus démontré,

  • - il a été victime d'insultes multi-quotidiennes de la part de c. BR., doublées d'un harcèlement, ce qui l'a conduit à déposer plainte le 27 novembre 2013,

  • - contrairement à son engagement, elle a poursuivi ses agissements,

  • - c'est elle qui entretient une relation adultérine, qui est établie par les attestations qu'il produit,

  • - les faits qu'elles rapportent sont vrais et sont confirmés par leurs auteurs,

  • - les attestations que c. BR. produit sous les n° 117, 119 et 120, pour les contredire, sont de complaisance,

  • - l'attestation de Monsieur CE., est aussi de complaisance,

  • - la production de la pièce n°64 est nécessaire pour établir le grief qu'il invoque, sans que puisse lui être opposé une atteinte au respect de la vie privée qui est limitée,

  • - il est atteint d'un cancer affectant plusieurs organes digestifs dont le pancréas, et n'est pas en état de travailler,

  • - il a besoin d'un logement décent, une partie du traitement qu'il reçoit se faisant à domicile,

  • - il a vainement tenté de reprendre son travail, à mi-temps thérapeutique, le 2 mai 2017,

  • - son état s'est aggravé et il a été hospitalisé en urgence le 31 mai 2017,

  • - le Code civil ne connait pas la prestation compensatoire provisionnelle,

  • - il s'agit d'une demande nouvelle,

  • - l'évaluation que fait Madame BR. de ses besoins est fantaisiste,

  • - Madame BR. admet que ses problèmes de santé sont bien antérieurs à la séparation et donc sans lien avec elle,

  • - son état physique est cependant satisfaisant compte-tenu de ses performances sportives,

  • - l'attestation de Monsieur GI., qui est son amant, est sans valeur probante,

  • - elle est en mesure d'avoir une activité professionnelle, dès lors qu'elle aura limité sa consommation d'alcool, mais ne le souhaite pas,

  • - elle s'est accommodée d'une vie de loisirs, Monsieur DA. assumant seul depuis 1998 tous les frais du ménage,

  • - le fait qu'elle n'ait pas travaillé pendant toutes ces années résultent d'un choix personnel,

  • - l'affirmation selon laquelle il aurait refusé qu'elle reprenne un travail est mensongère et n'est pas établie,

  • - l'attestation de j SV. CA., sa cousine germaine doit être rejetée des débats, en raison de la partialité de son auteur,

  • - les demandes tendant à ce qu'il soit statué sur la propriété du bien immobilier constituant le domicile conjugal relèvent de la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux,

  • - la cour n'est pas saisie du partage des biens prétendument indivis,

  • - l'acquisition du bien immobilier a été financée grâce à sa mère et à son beau-père,

  • - Monsieur BI., pourtant très partial, a admis que l'appartement a été entièrement financé par Monsieur DA. et sa famille,

  • - l'attribution à titre gratuit de la moitié du bien immobilier à c. BR. constitue une donation déguisée, laquelle est nulle,

  • - l'expert BI. ne répond pas aux questions posées de sa mission mais donne ses impressions qui se fondent sur une interprétation purement objective de diverses attestations,

  • - le rapport est d'une rare impartialité,

  • - tous les éléments que l'expert peut recueillir doit être soumis aux parties,

  • - il prend c. ment parti pour l'épouse,

  • - il porte des appréciations éminemment subjectives et tire des conséquences juridiques, ce qui lui est interdit,

  • - Madame BR. n'apporte aucune preuve au soutien de sa thèse selon laquelle les remises en espèces proviendraient de commissions,

  • - il a consenti, à titre provisoire, à ce que le domicile conjugal soit attribué à c. BR. à titre gratuit, mais non à titre définitif,

  • - l'appartement constituant le domicile conjugal doit être réalisé dans le cadre de la liquidation des intérêts communs,

  • - il a besoin de cet argent pour se reloger,

  • - c. BR. a la nue-propriété d'une maison qu'occupe sa mère à Cap d'Ail, et perçoit à ce titre la somme de 350 euros,

  • - elle est propriétaire en indivision avec son frère d'une maison située à Saint Martin Vésubie,

  • - elle dispose d'une somme de 30.000 euros sur un compte épargne ouvert à la banque D,

  • - dans l'attente d'une décision définitive statuant sur la liquidation des intérêts communs, il convient de lui attribuer à titre provisoire la jouissance du domicile conjugal,

  • - les souffrances et humiliations dont c. BR. fait état ne sont pas établies.

Par courrier du 14 juin 2017, le conseil de c. BR. a sollicité le rejet des pièces communiquées par Monsieur DA., sous les n° 82 et 83, en méconnaissance du calendrier de procédure fixé à l'audience du 14 février 2017.

Le conseil de c. DA. s'est opposé à cette demande, indiquant que les éléments qu'elles contiennent rapportent des faits postérieurs aux conclusions adverses, auxquelles elles répondent.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • 1° - Sur la recevabilité des appels

Attendu que l'appel principal interjeté par c. BR. et l'appel incident, interjeté par c. DA., dans les formes et délais prescrits, sont recevables ;

  • 2° - Sur les demandes de rejet des pièces communiquées

  • - sur les demandes formées par c. BR.

Attendu que c. BR. critique le jugement qui a rejeté sa demande tendant à voir constater nulles les pièces communiquées par c. DA. sous les numéros 49, 50, 51, 52, et 67 à 69 ;

Qu'elle demande à la cour de réformer le jugement de ce chef, de les déclarer nulles, irrecevables (SIC) et de les rejeter purement et simplement s'agissant de déclarations mensongères ;

Attendu que les articles 323 et suivants du Code de procédure civile énoncent les conditions de recevabilité et de validité des déclarations de tiers de nature à éclairer la juridiction sur des faits qu'ils ont personnellement constatés ou auxquels ils ont assisté ;

Que c. BR. ne prétend pas que les conditions légales imposées ne sont pas réunies ;

Que la valeur probante de ces attestations qu'elle conteste, n'est pas de nature à les rendre irrecevables ou à porter atteinte à leur validité ;

Que le jugement qui l'a débouté de sa demande doit être confirmé ;

Attendu que par ailleurs c. DA. a communiqué sous le n° 64 une clé USB « contenant deux films de Madame c. BR. lors de l'apéro-concert du 14 mars 2014 à l'Espace Léo Ferre (Monaco) et trois films de Madame c. BR. faisant son jogging en compagnie de Monsieur s GI. » ;

Que le Tribunal a fait droit à la demande de c. BR., demandant que la dite pièce soit écartée des débats, au motif que l'enregistrement serait attentatoire à sa vie privée et contraire à la Convention Européenne des droits de l'homme ;

Que l'article 8 de la Convention Européenne des droits de l'homme pose le principe de la vie privée et familiale ;

Qu'il appartient à celui qui invoque une atteinte à sa vie privée de l'établir, laquelle suppose qu'il y ait eu à son insu fixation ou transmission de son image, alors qu'elle se trouvait dans un lieu privé ;

Qu'en l'espèce, la circonstance du lieu privé n'est pas autrement démontrée, s'agissant de films réalisés dans des espaces qui pourraient être qualifiés de publics ou d'ouverts au public ;

Que dans ces conditions, le jugement sera réformé en ce qu'il a écarté des débats la pièce communiquée par c. DA. sous le n° 64 ;

Attendu qu'enfin c. BR. invoquant une communication par c. DA. des pièces n°81 et n°82 en contravention du calendrier de procédure, demande à la cour qu'elles soient écartées des débats ;

Que la pièce n° 81 est une attestation de l'employeur de c. DA. mentionnant qu'à la date du 31 mai 2017, il n'avait pas repris son travail ni à plein temps, ni en mi-temps thérapeutique ;

Que la pièce n° 82 est un certificat médical en date du 8 juin 2017, mentionnant une hospitalisation de c. DA. à compter du 31 mai 2017, se poursuivant à la date du certificat et la nécessité de soins quotidiens et d'une surveillance médicale de plusieurs semaines, à sa sortie ;

Que ces pièces ont été produites en même temps que les conclusions en réponse du 13 juin 2017, alors que le calendrier de procédure prévoyait le dépôt d'écritures sans nouvelles pièces ;

Que ces pièces font état d'évènements postérieurs aux écritures de c. BR., en date du 9 mai 2017, auxquelles elles répondent, et viennent à l'appui des conclusions déposées le jour-même ;

Que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de c. BR., aux fins de les voir écarter des débats ;

  • - Sur les demandes formées par c. DA.

Attendu que devant la cour, c. DA. maintient sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces communiquées par c. BR. sous les numéros 105, 117, 119, 120 et 121, au motif que la pièce n°105 serait nulle, tandis que les pièces n° 117, 119, 120 et 121 seraient des attestations de complaisance ;

Mais attendu que ces attestations remplissent les conditions de validité imposées par l'article 324 du Code de procédure civile et qu'elles sont recevables au regard des dispositions de l'article 323 du même Code ;

Que dans ces conditions, et sans préjuger de leur valeur probante, il y a lieu de confirmer le jugement qui a débouté c. DA. de sa demande de rejet de la pièce n°105 et de le débouter de sa demande de rejet des pièces n°117, 119, 120 et 121 ;

  • 3° - Sur les causes du divorce

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 197 du Code civil, le divorce peut être prononcé à la demande de l'un des époux, pour faute, lorsque les faits imputés au conjoint constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;

Que c'est à la lumière de ces dispositions, qu'il convient d'apprécier les griefs invoqués à l'appui des demandes, principale et reconventionnelle, en divorce ;

  • - Sur les griefs invoqués à l'appui de la demande principale en divorce

  • l'abandon du domicile conjugal

Attendu qu'en premier lieu, c. BR. fait grief à c. DA. d'avoir abandonné le domicile conjugal, ce que ce dernier conteste se prévalant d'un accord des époux pour qu'il quitte le domicile conjugal, établi par un acte sous seing-privé en date du 25 juin 2013 déposé le même jour en l'Etude de Maître ESCAUT-MARQUET, Huissier de Justice à Monaco ;

Que cet acte, versé aux débats, est rédigé dans les termes suivants :

« Nous soussignés, Monsieur c. DA. (...) et Madame c. DA. (née BR. (...),

Nous accordons en vue de notre séparation à ce qu'un de nous deux puisse vivre sur le bateau dont Monsieur c. DA. est propriétaire au Port de Monaco, et que l'autre reste à notre domicile du X1 à Monaco, en attendant de trouver un autre logement à Monaco plus tard,

Ceci en vue d'éviter toute action en justice de l'un ou de l'autre d'entre nous à ce sujet » ;

Qu'il résulte de cet acte d'une part que le départ du domicile conjugal d'un des deux époux a été consenti par chacun d'eux, et que d'autre part il a été décidé dans la perspective de la séparation du couple ;

Qu'ainsi et contrairement à ce qu'affirme c. BR., ce départ du domicile conjugal n'a pas été envisagé à titre temporaire, pour s'inscrire dans une période de réflexion sur le devenir du couple, mais comme une mesure définitive et préalable à la séparation des époux ;

Que dès lors que c. BR. a consenti à ce départ, il ne peut être constitutif d'une faute au regard des dispositions de l'article 197 du Code civil ;

  • Le comportement déloyal

Attendu qu'il est acquis qu'à compter du 30 octobre 2013, c. DA. a procédé au transfert sur ses comptes personnels, de la quasi-totalité des avoirs se trouvant sur les comptes joints des époux, ouverts auprès de la banque D et de la Banque E ;

Que le tribunal a considéré que ce comportement constituait une violation grave des devoirs et obligations du mariage, en ce que c. DA. s'était unilatéralement accaparé la quasi-totalité des avoirs du couple détenus sur leurs comptes joints ;

Attendu que c. DA. conteste la décision des premiers juges, indiquant avoir agi ainsi par crainte que c. BR., qu'il avait informée du transfert des fonds sur ses comptes personnels, ne fasse main basse sur cette épargne, alors qu' il s'agit d'argent lui appartenant, et qu'il avait laissé suffisamment d'argent sur le compte commun pour permettre à sa femme de subvenir à ses propres besoins et à ceux de leur enfant ;

Mais attendu que c. BR., à supposer qu'elle ait été informée du transfert, ce qui n'est pas établi, n'y a pas consenti, puisqu'elle a initié une procédure ayant abouti à une ordonnance l'autorisant à procéder au blocage de la moitié des avoirs se trouvant désormais sur les comptes personnels de c. DA., qui a persisté dans son comportement en sollicitant la mainlevée de la mesure de blocage, laquelle a été rejetée ;

Qu'il a ainsi décidé unilatéralement du transfert de fonds et valeurs présumés appartenir en indivision aux époux titulaires des comptes joints, constituant les économies d'une vie de couple qui s'est prolongée sur plusieurs décennies ;

Que le risque de dissipation de l'épargne par l'épouse, qui n'est au demeurant nullement démontré, n'est pas de nature à justifier le transfert qu'il a unilatéralement initié ;

Que l'argent qu'il a laissé sur les comptes joints à hauteur de 9.000 euros, permettant à son épouse et à sa fille de subvenir momentanément à leurs besoins est indifférent, et sans conséquence sur le caractère déloyal de ses agissements ;

Que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement qui a retenu que le comportement ainsi adopté par c. DA. constitue une violation grave et renouvelé des devoirs et obligations du mariage ;

  • Le comportement adultère et irrespectueux

Attendu que c. DA. indique n'entretenir aucune relation avec une autre femme, la personne visée dans les rapports de surveillance de Monsieur p BO. étant son assistante professionnelle ;

Attendu que cependant, les photos annexées au rapport de Monsieur BO. en date du 17 décembre 2013 démontrent que les relations qu'il entretient avec son « assistante professionnelle », ne sont pas exclusivement professionnelles mais révèlent l'existence entre eux d'une grande proximité et intimité ;

Que ces photos ont été réalisées sur ou à proximité du bateau sur lequel il s'est installé lorsqu'il a quitté le domicile conjugal, sur lequel il retrouvait son assistante professionnelle pour y passer une partie de la nuit ;

Qu'il convient également de tenir compte des rapports complémentaires de Monsieur BO. en date des 8 juillet 2014 et 15 septembre 2014, faisant état du comportement de c. DA. pour éviter toute filature, et de l'utilisation par lui de divers lieux pour rencontrer et dormir avec son amie, soit dans les biens immobiliers auxquels son activité professionnelle lui donnait accès, soit plus simplement au domicile de celle-ci ;

Que dans ces conditions, c'est par une juste appréciation que le tribunal a considéré que la preuve de l'adultère du mari était suffisamment rapportée et a retenu ce grief pour accueillir la demande principale en divorce ;

  • - Sur les griefs invoqués à l'appui de la demande reconventionnelle en divorce

  • Le comportement adultère

Attendu que c. DA. soutient que c. BR. entretient une relation adultère ;

Qu'il verse aux débats des attestations de p PE., r RI. et s RI. (pièces 49, 50 et 52) qui déclarent de façon concordante, avoir constaté la présence à la station de ski de Limone, les 6 et 7 mars 2014, de c. BR. en compagnie d'un homme, qu'ils ont identifié comme étant s GI., et décrivent leur comportement ne laissant aucun doute sur la nature de leur relation ;

Que ces déclarations, qui ont été réitérées par leurs auteurs (pièces 67, 68 et 69) sont cependant contredites par les attestations versées aux débats par c. BR. (pièces 117, 119, 120, 141), qui mentionnent d'une part qu'elle ne se trouvait pas à Limone le 7 mars 2014, et que d'autre part la relation qu'elle entretient avec s GI. est ancienne et purement amicale ;

Qu'au regard de ces attestations contradictoires, le grief d'adultère reproché à c. BR. est insuffisamment établi ;

Que les pièces 62-1 à 62-5 et 64 versées aux débats par c. DA., établissant que c. BR. pratique le jogging en compagnie de s GI. ne sont pas non plus de nature à démontrer la réalité de ce grief ;

Attendu que c. DA. reproche également à c. BR. de se donner en spectacle, prise de boisson ;

Mais attendu que les pièces qu'il produit à cet égard (pièces n° 51, 52, 64) soit sont contredites par des attestations versées aux débats par c. BR. (pièces n° 121 et 122), soit font état de comportements ponctuels s'inscrivant dans le cadre d'évènements festifs, de sorte qu'il n'est pas démontré que cette dernière avait pour comportement habituel d'être prise de boisson, et de se donner en spectacle ;

Qu'ainsi ce grief n'est pas établi ;

  • Le comportement injurieux

Attendu que c. DA. indique avoir été victime d'injures graves multiples caractérisant un harcèlement de la part de c. BR. ;

Qu'il verse aux débats des captures d'écran de son téléphone portable, réalisées entre le 12 et le 15 août 2013, entre le 23 et le 26 septembre 2013 et entre le 29 octobre et le 1er novembre 2013 (pièces 3, 4 et 5), mettant en évidence l'existence, la fréquence et la teneur de ces messages, dont la nature insultante, vindicative, voire menaçante a été à juste titre retenue par le Tribunal ;

Qu'il n'est pas contestable, contrairement à ce qu'affirme c. BR. devant la cour, qu'elle est l'auteur de ces messages ;

Qu'en effet, entendue, à la suite de la plainte déposée par c. DA., elle a déclaré devant les services de police « Je reconnais que depuis j'envoie régulièrement plusieurs SMS par jour à mon époux. Cela peut aller de 3 à 10 messages par jour » ;

Qu'il ne peut être tiré aucun argument du classement sans suite de la plainte, intervenu après son audition au cours de laquelle elle avait déclaré s'engager « à arrêter d'envoyer des messages à mon époux » ;

Qu'il est établi par la main courante déposée par c. DA. le 21 février 2014 (pièce n°47), qu'elle a poursuivi ses agissements, et que contactée à cette occasion par les services de police, elle s'est à nouveau engagée à ne plus envoyer de SMS insultants à son mari, précisant vouloir éviter une procédure judiciaire concernant ces faits, conduisant dans ces conditions, c. DA. à ne pas déposer une nouvelle plainte ;

Attendu qu'ayant consenti au départ de c. DA. du domicile conjugal, elle ne peut justifier son comportement injurieux et menaçant par les circonstances de la rupture ;

Que les fautes qu'il a par la suite commises et qui sont établies, tenant à la relation adultère qu'il a entretenue et à son comportement déloyal, ne sont pas davantage de nature à justifier ses agissements accomplis, de son propre aveux « pour passer ses nerfs » et « extérioriser sa colère », et non pas en raison d'un état dépressif lourd, que la poursuite de ses activités habituelles ne démontre pas ;

Attendu que ces injures graves et répétées sur plusieurs mois, constitutives de harcèlement, caractérisent, ainsi que l'a justement retenu le tribunal, une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune, quand bien même elles se sont produites après le départ consenti de c. DA. du domicile conjugal ;

Attendu que dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts partagés de c. DA. et de c. BR. ;

  • 4° - Sur les conséquences du divorce

  • - les dommages et intérêts

Attendu que le divorce étant prononcé aux torts partagés des époux, c. BR. est irrecevable, en application des dispositions de l'article 205-3 du Code civil, à solliciter réparation du préjudice subi en conséquence de la dissolution du mariage ;

Qu'elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef ;

  • - la prestation compensatoire

Attendu qu'invoquant une disparité manifeste entre les époux, que la dissolution du mariage créée dans leurs conditions de vie respectives, c. BR. sollicite le versement d'une prestation compensatoire ;

Que cette demande est recevable en application des dispositions de l'article 204-5 du Code civil ;

Attendu que cet article énumère les éléments dont il doit être tenu compte pour la fixation du montant de la prestation compensatoire, que l'un des époux est tenu de verser à l'autre, au nombre desquels figure « le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial » ;

Qu'en l'espèce est compris dans le patrimoine des époux, le bien immobilier situé X1 à Monaco, qui en constitue au demeurant l'élément essentiel ;

Attendu que la propriété de ce bien est contestée par les époux, c. BR. revendiquant une acquisition indivise, tandis que c. DA. considère qu'il s'agit d'un bien propre ;

Que de la propriété de ce bien dépendra l'estimation du patrimoine de chacun des époux ;

Que c. BR. en est elle-même convaincue puisqu'elle sollicite au titre de la prestation compensatoire, outre la jouissance exclusive du domicile conjugale pendant 10 ans, une somme qui varie du simple au double selon que ledit bien immobilier est jugé comme un bien indivis ou comme un bien propre de c. DA. ;

Mais attendu que la juridiction qui se prononce sur le divorce et ses conséquences n'a pas compétence pour se prononcer sur la propriété dudit bien, qui relève en application des dispositions de l'article 204-4 du Code civil de la compétence exclusive du Tribunal de première instance saisi par la partie la plus diligente, en cas de difficultés rencontrées dans le cadre des opérations de liquidation ordonnées par la juridiction prononçant le divorce et désignant un notaire pour y procéder ;

Que dans ces conditions, il ne peut être fait grief au tribunal d'avoir rejeté la demande de c. BR. tendant à voir dire que le bien immobilier situé à Monaco, X1 est un bien indivis ;

Que par ailleurs, l'issue de cette procédure à venir ayant une incidence directe sur l'évaluation de la prestation compensatoire, c'est à juste titre que le tribunal a ordonné, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, un sursis à statuer sur la demande de prestation compensatoire jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la nature dudit bien, sans qu'il puisse valablement lui être reproché de ne pas avoir rouvert les débats pour permettre aux parties de se prononcer sur l'opportunité d'une telle mesure ;

Attendu que ce faisant, le prononcé du divorce mettant fin au devoir de secours, le sursis à statuer ordonné sur la demande de prestation compensatoire a pour conséquence de laisser sans ressource c. BR. jusqu'à l'issue de la procédure dont la date est incertaine ;

Qu'en effet, il n'est pas contesté que c. BR. ne dispose d'aucun revenu professionnel pour avoir cessé de travailler en septembre 1998, après la naissance de leur fille ch. ;

Qu'il convient également de tenir compte de son âge rendant plus difficile son accès au marché du travail, après de nombreuses années sans activité professionnelle ;

Que de son côté, c. DA. dispose, malgré son affection de longue durée, d'un revenu professionnel annuel de 48.464,65 euros, ce qu'il ne conteste pas, soit une somme mensuelle de plus de 4.000 euros, et il a bénéficié pendant de nombreuses années, de revenus annexes importants dont il conteste l'origine professionnelle mais qui ont permis d'assurer à la famille un train de vie certain ;

Attendu qu'il résulte de ces seuls éléments une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, au détriment de c. BR. ;

Que dans ces conditions, avant de fixer le montant définitif de la prestation compensatoire, à l'issue de la procédure de liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux, il y a lieu d'accueillir la demande de provision qu'elle forme à titre subsidiaire devant la cour, justifiée par l'évolution du litige résultant de la décision de sursis à statuer ;

Que les éléments communiqués permettent de fixer à la somme mensuelle de 1.500 euros le montant de la provision à verser par c. DA. à c. BR., à valoir sur le montant de la prestation compensatoire définitive ;

  • - l'attribution du domicile conjugal

Attendu qu'il sera statué sur l'attribution à titre définitif de la jouissance du domicile conjugal, à l'occasion de la fixation du montant de la prestation compensatoire ;

Que dans cette attente, c. DA. demande à la cour de modifier la mesure provisoire concernant la jouissance du domicile conjugal, qu'il a consenti à c. BR., et de lui en attribuer la jouissance à titre provisoire ;

Qu'au soutien de sa demande, il fait valoir d'une part que c. BR. a la nue-propriété d'une maison située à Cap d'Ail, et qu'elle est propriétaire indivise d'une maison située à Saint Martin Vésubie, et que d'autre part son état de santé impose qu'il bénéficie d'un logement décent ;

Mais attendu qu'il n'est pas établi que c. BR. dispose des droits mentionnés sur les dits biens immobiliers, à tout le moins qu'elle pourrait y fixer sa résidence ;

Que d'autre part, c. DA., qui réside chez son père X2 à Monaco, n'apporte aucun élément sur les conditions de son hébergement par son père, avec lequel il indique, par ailleurs, entretenir des relations de qualité, permettant à la cour de considérer qu'elles sont insatisfaisantes au regard de son état de santé ;

Que dans ces conditions, il n'y a lieu à modification de la mesure provisoire concernant la jouissance du domicile conjugal et il doit être débouté de sa demande de ce chef ;

Attendu qu'il y a lieu de réserver les dépens en fin de cause ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit c. BR. en son appel principal et c. DA. en son appel incident,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a écarté des débats la pièce communiquée par c. DA. sous le n° 64,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce communiquée par c. DA. sous le n° 64,

Y ajoutant,

Rejette la demande de c. BR., aux fins de voir écarter des débats les pièces n° 81 et n° 82 communiquées par c. DA.,

Reçoit c. BR. en sa demande d'allocation d'une somme provisionnelle,

Condamne c. DA. à payer à c. BR., à titre de provision, la somme mensuelle de 1.500 euros, à valoir sur le montant de la prestation compensatoire définitive,

Déboute c. DA. de sa demande de modification de la mesure provisoire et d'attribution à titre provisoire, de la jouissance du domicile conjugal,

Réserve les dépens en fin de cause,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DORÉMIEUX, Procureur Général.

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