Cour d'appel, 27 juin 2017, Madame m. GL-KW. c/ Monsieur b., w. KW.

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Abstract🔗

Saisie-arrêt - Nullité (oui) - Absence de titre - Jugement de conversion de la séparation de corps en divorce - Poursuite des effets du jugement de séparation de corps (non) - Absence de dispositions concernant les conséquences du divorce - Divorce - Paiement d'une pension - Obligation naturelle - Transformation en obligation civile - Preuve (non) - Exécution forcée (non)

Résumé🔗

Il ne peut être soutenu que le jugement de séparation de corps a poursuivi ses effets s'agissant de ses conséquences au motif que le jugement de conversion ne contient aucune disposition relative aux conséquences du divorce. Dès lors qu'un jugement de conversion est intervenu, les dispositions du jugement de séparation de corps concernant ses conséquences sont privées d'effet. Le silence du jugement à cet égard ne peut être interprété comme un acquiescement aux demandes que les parties avaient formées par assignation et par conclusions, tendant à la reconduite dans le cadre du jugement de conversion, des mesures accessoires figurant au jugement de séparation, au motif qu'elles n'en auraient pas été expressément déboutées. Ce silence aurait justifié un recours à l'encontre du jugement qui ne s'est pas prononcé sur les demandes formées par les parties, ce qu'elles n'ont pas fait. En conséquence, l'épouse ne disposait d'aucun titre et la saisie-arrêt est donc nulle.

Un commencement d'exécution de surcroît partiel, est insuffisant pour démontrer l'engagement volontaire de poursuivre dans le temps, l'aide octroyée pendant une certaine durée, le commencement d'exécution ne valant pas engagement pour l'avenir. À cet égard, l'ex-époux indique que c'est par erreur qu'il a procédé à des règlements, en exécution d'une décision de justice qui ne les prévoyait pas, ce que confirme d'ailleurs la saisine par lui des juridictions monégasques et polonaises aux fins de modification de la pension, et non pour satisfaire à une obligation naturelle. Dans ces conditions, et dès lors que la preuve de la promesse d'exécution transformant l'obligation naturelle en obligation civile n'est pas rapportée, l'appelante ne saurait exiger l'exécution forcée de l'obligation naturelle.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 27 JUIN 2017

En la cause de :

  • - Madame m. GL-KW., née le 16 octobre 1975 à Wielun (Pologne), de nationalité polonaise, demeurant et domiciliée X1 Varsovie (POLOGNE) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur b., w. KW., né le 16 février 1961 à Varsovie (Pologne), de nationalité allemande, demeurant et domicilié X2 à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat près la même Cour ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 1er décembre 2016 (R. 1336) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 13 janvier 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000079) ;

Vu les conclusions déposées les 7 mars 2017 et 23 mai 2017 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de b. KW. ;

Vu les conclusions déposées le 25 avril 2017 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de m. GL-KW. ;

À l'audience du 30 mai 2017 :

  • - ouï Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur au nom de m. GL-KW. en ses plaidoiries,

  • - vu le dépôt de ses conclusions par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de b. KW. ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La cause ayant été débattue hors la présence du public,

La Cour statue sur l'appel relevé par m. GL-KW. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 1er décembre 2016.

Considérant les faits suivants :

Par jugement en date du 18 mars 2004, le Tribunal de première instance a prononcé la séparation de corps des époux KW. GL., aux torts exclusifs du mari, a fixé la résidence des enfants au domicile de la mère et organisé le droit de visite et d'hébergement du père, et l'a condamné à payer mensuellement à m. GL. la somme de 2.000 euros à titre de pension alimentaire, et la somme de 3.000 euros au titre de la part contributive à l'éducation et à l'entretien des deux enfants mineurs, indexées sur l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains (série France entière) publié par l'INSEE.

Par jugement du 3 décembre 2009, le Tribunal de première instance a converti en divorce, la séparation de corps prononcée par jugement du 18 mars 2004.

Estimant être titulaire d'une créance représentant le montant de la pension alimentaire et de la part contributive pour les enfants depuis 2011 jusqu'à octobre 2015 inclus, m. GL. a fait signifier le 13 octobre 2015 à b. KW. un commandement de payer la somme de 75.988,94 euros, puis le 3 novembre 2015 un exploit de saisie attribution et injonction de payer au tiers-saisi, signifié à la société A, pour un montant de 76.523,94 euros.

Le 18 novembre 2015 b. KW. a fait délivrer assignation à m. GL. devant le Tribunal de première instance aux fins d'obtenir la mainlevée de la saisie, invoquant la nullité des actes en l'absence de créance, ainsi que la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

m. GL. s'est opposée à ces demandes, demandant la validation de la saisie attribution et de l'injonction au tiers- saisi, sollicitant en outre la condamnation de b. KW. au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 1er décembre 2016, le Tribunal a :

  • - prononcé la nullité du commandement de payer délivré le 13 octobre 2015 à b. KW.,

  • - prononcé la nullité de la saisie attribution réalisée à la requête de m. GL. le 3 novembre 2015 entre les mains de la société A sur tout compte au nom de b. KW. pour un montant de 76.523,94 euros,

  • - déclaré m. GL. irrecevable et en tout état de cause infondée en sa demande reconventionnelle afin d'indexation, et l'en a déboutée,

  • - condamné m. GL. à payer à b. KW. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que :

  • - le jugement rendu le 3 décembre 2009, après avoir constaté que les parties ne formaient pas de demandes financières, s'est borné à prononcer la conversion de la séparation de corps en divorce,

  • - les mesures financières prononcées à l'occasion de la séparation de corps ont disparu par l'effet de sa conversion en divorce,

  • - le Tribunal, qui a converti la séparation de corps en divorce et a expressément constaté que les parties ne formulaient aucune demande au titre des conséquences du divorce, n'avait pas à statuer sur des demandes qui ne lui étaient pas faites,

  • - m. KW. qui n'était titulaire d'aucune créance d'aliment pour elle-même ou au titre de la part contributive à l'éducation et à l'entretien des enfants, à compter du jugement de conversion du 3 décembre 2009, n'était fondée ni à délivrer un commandement de payer, ni à pratiquer une saisie attribution sur le compte de b. KW.,

  • - la demande reconventionnelle se rapportant à l'indexation d'une créance prétendue, née postérieurement à la saisie ne présente pas un lien suffisant avec la demande principale,

  • - la demande d'indexation se rapporte à une créance qui n'existe pas,

  • - l'indisponibilité des fonds qui résulte de la saisie cause un préjudice à b. KW. qui n'est pas réparé par le seul anéantissement de la saisie,

  • - m. GL. ne pouvait ignorer les effets du défaut de demande au titre des conséquences du divorce,

  • - aucune inexécution fautive de ses obligations financières ne peut être reprochée à b. KW..

m. GL. a interjeté appel du jugement le 13 janvier 2017.

Dans l'assignation qu'elle a fait délivrer et par conclusions récapitulatives ultérieures du 25 avril 2017, elle demande à la Cour de :

  • - l'accueillir en son appel,

  • - réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

  • - constater qu'elle-même et Monsieur KW. avaient sollicité le maintien des mesures accessoires lors de la conversion de la séparation de corps en divorce suivant assignation du 12 novembre 2009 et conclusions du 26 novembre 2009,

  • - constater qu'ils n'ont pas été déboutés de ces demandes par le jugement du 3 décembre 2009,

  • - constater que Monsieur KW. a manifesté sa volonté de s'engager unilatéralement de telle sorte que son obligation naturelle s'est transformée en obligation civile exécutoire,

  • - dire et juger que les mesures accessoires du jugement de séparation à savoir :

    • fixation de la résidence habituelle des mineurs auprès de leur mère,

    • droit de visite et d'hébergement une fin de semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires,

    • 2.000 euros à la charge de Monsieur KW. au titre de la pension alimentaire,

    • 3.000 euros à la charge de Monsieur KW. au titre de la part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants,

    • révision annuelle des contributions en fonction des variations de l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains publié par l'INSEE et pour la première fois le 1er janvier 2005.

    • ont été maintenues et ont conservé leur caractère exécutoire après le jugement de conversion du 3 décembre 2009.

  • - dire et juger en tout état de cause qu'elle dispose d'un titre exécutoire condamnant Monsieur KW. à payer la somme de 2.000 euros à titre de pension alimentaire et 1.500 euros par enfant à titre de part contributive outre indexation,

  • - dire et juger que les paiements dont se prévaut Monsieur KW. ne sont pas libératoires compte-tenu de la non-compensation des dettes alimentaires,

  • - valider la saisie attribution et injonction au tiers saisi du 3 novembre 2015 auprès de la société A à concurrence de la somme de 76.523,94 euros,

  • - condamner Monsieur KW. au paiement au profit de Madame GL. de la somme de 76.523,94 euros au titre des pensions alimentaires et parts contributives non payées et de leur indexation en exécution des décisions en date du 18 mars 2004 et 3 décembre 2009,

  • - dire que la société A, tiers-saisi, pourra valablement se libérer entre les mains de Madame GL. ou de l'huissier, des sommes qu'elle détient pour le compte de Monsieur KW. et ce jusqu'à concurrence de ladite somme,

  • - débouter Monsieur KW. de toutes demandes, fins et conclusions à cet égard,

  • - condamner Monsieur KW. au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,

  • - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel ou opposition, s'agissant d'une mesure d'exécution portant sur une obligation alimentaire,

  • - condamner Monsieur KW. aux entiers dépens distraits au profit de Maître PASQUIER-CIULLA, avocat défenseur.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

  • - entre 2010 et 2013, Monsieur KW. a continué à payer les aliments dus en exécution du jugement du 18 mars 2004, dont la reconduction en mesures accessoires au divorce avait été sollicitée par les deux parties, sans toutefois avoir tenu compte de l'indexation,

  • - des incidents de paiement sont apparus à compter de l'année 2013, Monsieur KW. invoquant la prise en charge d'autres frais liés à la scolarité des enfants,

  • - par l'effet des jugements du 18 mars 2004 et du 3 décembre 2009, les obligations alimentaires de Monsieur KW. sont exécutoires,

  • - les parties avaient bien formé des demandes sur mesures accessoires lors de la procédure de conversion,

  • - le jugement de conversion, s'il ne mentionne pas expressément les mesures accessoires au divorce sollicitées par les parties, ne les en déboute pas,

  • - elles n'ont donc pas été invalidées et sont donc toujours applicables,

  • - les parties les ont d'ailleurs exécutées spontanément jusqu'à ce que le débiteur d'aliment tente de s'y soustraire à partir de 2013, en invoquant des règlements indirects le libérant,

  • - le jugement du 18 mars 2004 constitue un titre exécutoire, quand bien même le jugement de divorce du 3 décembre 2009 n'a pas repris expressément les dispositions relatives aux obligations alimentaires dès lors qu'il ne les a pas modifiées,

  • - l'obligation alimentaire s'impose à son débiteur compte-tenu de son intérêt vital pour le créancier,

  • - réclamer des contributions alimentaires pour subvenir aux besoins de ses enfants ne saurait constituer un abus de droit,

  • - les premiers juges ont refusé de répondre à la question de savoir quel était le sort des mesures accessoires à la séparation de corps,

  • - dans la mesure où l'intimé a continué de satisfaire spontanément à ses obligations alimentaires et d'entretien, il a clairement manifesté sa volonté de s'engager unilatéralement,

  • - une volonté solitaire peut faire naître des obligations à la charge de celui qui le manifeste,

  • - la promesse faite par une personne d'exécuter une obligation naturelle la transforme en obligation civile,

  • - pendant plus de 6 ans, l'intimé a exécuté régulièrement son obligation alimentaire et son obligation d'entretien à l'égard de sa famille,

  • - il a ainsi conféré juridiquement une véritable force obligatoire à son devoir moral,

  • - il en a même sollicité la modification auprès du juge tutélaire monégasque, lequel, tenant compte de la résidence des enfants en Pologne, a déclaré la demande irrecevable,

  • - les paiements indirects invoqués par Monsieur KW. ne peuvent venir compenser des dettes alimentaires,

  • - l'exception aux règles de la compensation légale résulte du caractère indisponible de la pension alimentaire,

  • - la compensation n'est admise que lorsque la créance du débiteur d'aliments est de nature alimentaire,

  • - tel n'est pas le cas des frais de scolarité et de santé,

  • - elle a elle-même contribué à hauteur de ses facultés aux dépenses pour les activités extra-scolaires de ses fils et à leurs frais de santé,

  • - l'exception de compensation ne peut être invoquée que par le créancier d'aliment et non par le débiteur,

  • - les dettes d'aliments ne se compensent pas davantage avec une donation, s'agissant d'un acte de disposition à titre gratuit,

  • - la donation financière a été réalisée par Monsieur KW. pour lui permettre d'acheter une part indivise d'un appartement qui ne constituait pas un paiement anticipé des contributions qu'il lui devait,

  • - il n'a pas été convenu entre les parties de ne pas procéder à la révision des contributions,

  • - l'obligation alimentaire résulte d'un lien familial et revêt un caractère d'ordre public,

  • - toute renonciation au droit de réclamer des aliments est nulle et non avenue,

  • - la créance alimentaire ne peut faire l'objet d'une transaction,

  • - la variation de la pension est d'ordre public,

  • - le débiteur d'aliments est tenu d'opérer lui-même la revalorisation,

  • - la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction mais résulte d'actes manifestant la volonté d'y renoncer,

  • - le manquement de Monsieur KW. à l'exécution de ses obligations alimentaires l'a contrainte à engager des frais couteux justifiant l'allocation de dommages et intérêts.

Par conclusions du 7 mars 2017 et conclusions récapitulatives du 23 mai 2017, b. KW. demande à la Cour de :

À titre principal :

  • - confirmer le jugement du Tribunal de première instance du 1er décembre 2016 en toutes ses dispositions,

  • - débouter m. GL. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

À titre subsidiaire,

  • - constater que Madame GL. ne dispose pas d'un titre exécutoire lui permettant de procéder au recouvrement forcé de la somme de 76.523,94 euros au sens de l'article 495 du Code de procédure civile,

  • - lui donner acte de ce qu'il s'est acquitté de la somme de 259.825,00 euros au titre de la pension alimentaire ainsi que de la part contributive à l'entretien et à l'éducation des enfants pour les années 2011 à 2015,

  • - lui donner acte de ce qu'il s'est acquitté de la somme de 270.676,00 euros au titre des frais de santé et de scolarité des enfants en lieu et place de son ex-épouse,

  • - constater la compensation de sa dette alimentaire avec les dépenses effectuées par lui en lieu et place de son ex-épouse,

  • - dire nul et de nul effet, ou à défaut sans portée juridique, le commandement de payer signifié à b. KW. à la requête de m. GL. le 13 octobre 2015,

  • - dire nulle et de nul effet, ou à défaut sans portée juridique la saisie-attribution exécutée à la requête de m. GL. près la société A par exploit du 3 novembre 2015,

  • - ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée le 3 novembre 2015 avec toutes conséquences de droit,

En tout état de cause,

  • - condamner m. GL. au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

  • - condamner m. GL. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir pour l'essentiel que :

  • - ils s'étaient accordés avec Madame GL. de ne pas procéder à la révision annuelle des contributions,

  • - l'appelante ne dispose pas d'un titre exécutoire lui permettant de procéder au recouvrement forcé de la somme de 76.523,94 euros,

  • - le jugement du 18 mars 2004 a été anéanti par la conversion de la séparation de corps en divorce,

  • - seul le jugement constatant la conversion de la séparation de corps en divorce constitue un titre exécutoire,

  • - le dispositif du jugement du 3 décembre 2009 ne se prononce pas sur les obligations alimentaires,

  • - ce silence ne peut être interprété comme une confirmation implicite des obligations prononcées par le jugement de séparation de corps,

  • - le jugement du 3 décembre 2009 a relevé qu'aucune demande n'était formulée par Madame GL. au titre des conséquences du divorce,

  • - les conséquences de la séparation de corps ne sauraient se substituer de plein droit aux conséquences du divorce du seul fait de la conversion,

  • - il appartenait à Madame GL. d'intenter un recours à l'encontre du jugement de conversion pour qu'il soit statué sur les demandes qu'elle avait formulées,

  • - le divorce ayant été prononcé sous l'empire de la loi du 12 juillet 2007, l'article 204-5 du Code civil est applicable aux conséquences du divorce,

  • - il appartenait à Madame GL. de formuler sur le fondement de la loi nouvelle, les demandes financières relatives aux conséquences du divorce et notamment le paiement d'une prestation compensatoire,

  • - dans le cadre de la procédure d'exéquatur initiée devant les juridictions polonaises, la Cour d'Appel de Varsovie a jugé par arrêt du 1er février 2016 que le caractère exécutoire du jugement de divorce n'est pas applicable aux obligations alimentaires,

  • - le Tribunal de District de Varsovie saisie d'une demande d'exéquatur du jugement du 18 mars 2004 a ordonné un sursis à statuer dans l'attente qu'une décision définitive soit rendue dans le cadre de la présente procédure,

  • - un engagement unilatéral de volonté ne saurait être consacré qu'en présence d'une volonté certaine et réfléchie,

  • - il ne peut être soutenu qu'il a volontairement, de manière claire et non équivoque, eu la volonté de s'acquitter des pensions alimentaires et contributions à l'entretien et à l'éducation des enfants, pensant à tort être tenu à ces paiements au titre de la décision du 3 décembre 2009,

  • - la demande dont la juridiction est saisie est une contestation de la saisie-attribution pratiquée par un créancier muni d'un titre exécutoire, qui en l'espèce fait défaut,

  • - la théorie de l'engagement unilatéral de volonté, créateur d'obligation civile est indifférente au présent litige, et ne justifie pas a posteriori l'existence d'un titre exécutoire,

  • - Madame GL. ne peut se prévaloir d'aucune créance, puisqu'il est établi qu'il a versé la somme de 59.825 euros au titre des contributions pour l'année 2013 et la somme de 20.000 euros pour l'année 2015,

  • - pendant plus de 10 ans, Madame GL. n'a pas sollicité l'indexation des contributions mises à sa charge démontrant leur accord pour ne pas réviser le montant des sommes à verser,

  • - il est admis par la jurisprudence qu'un débiteur d'aliments peut se libérer de sa dette par un paiement anticipé de celle-ci, ce qui a été le cas en l'espèce puisqu'il a fait don le 10 septembre 2009, à Madame GL. d'un appartement d'une valeur équivalente à la somme de 250.000 euros, dans lequel elle réside avec les deux enfants,

  • - il s'est également libéré partiellement de sa dette en faisant donation le 14 avril 2010 de la somme de 22.500 euros à chacun de ses enfants,

  • - il est admis que la compensation peut s'opérer entre deux dettes ayant un caractère alimentaire,

  • - au titre des frais de scolarité et de santé il s'est acquitté de la somme de 270.676 euros pour les années 2011 à 2015,

  • - le commandement de payer est par conséquent nul et de nul effet faute de créance,

  • - la saisie-attribution pratiquée en vertu dudit commandement et pour une créance inexistante est également nulle,

  • - Madame GL. ne rapporte aucun élément démontrant la situation de précarité qu'elle allègue,

  • - il est au contraire démontré qu'elle dispose de revenus plus que suffisants,

  • - il n'a jamais interrompu les paiements et continue de s'acquitter des contributions alimentaires ainsi que de l'intégralité des frais de scolarité des deux enfants,

  • - Madame GL. multiplie les procédures alors qu'elle se prétend impécunieuse,

  • - ce comportement lui cause un préjudice en ce qu'il se trouve contraint d'engager des frais afin d'assurer la défense de ses droits,

  • - le Tribunal a fait une juste appréciation de son préjudice qui n'est pas réparé par le seul anéantissement de la saisie,

  • - le recours qu'elle a intenté aggrave son préjudice et justifie l'allocation d'une somme supplémentaire de 5.000 euros,

  • - aucun élément ne permet d'ordonner l'exécution provisoire.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • 1 - Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que l'appel interjeté par Madame GL. à l'encontre du jugement du 1er décembre 2016, dans les formes et délais prescrits, est recevable ;

  • 2 - Sur le fond

Attendu que le jugement dont appel a fait droit aux demandes de b. KW. tendant à titre principal à voir dire nuls et de nul effet le commandement de payer du 13 octobre 2015 et la saisie exécutée auprès de la société A, auxquelles Madame GL. s'est opposée, demandant au Tribunal de valider la saisie et de dire que la banque pourra se libérer des sommes détenues pour le compte de b. KW. à concurrence de la somme de 76.523,94 euros, formant une demande reconventionnelle en paiement de la somme indexée de 20.500 euros et de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Que devant la Cour, Madame GL. demande la réformation du jugement en toutes ses dispositions, la validation de la saisie pratiquée entre les mains de la société A qui pourra se libérer des sommes détenues pour le compte de b. KW. à concurrence de la somme de 76.523,94 euros, et la condamnation de Monsieur KW. au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Qu'elle forme en outre une demande de condamnation de Monsieur KW. au paiement de la somme de 76.523,94 euros et l'indexation des sommes réclamées ;

Qu'elle indique fonder ses demandes sur le caractère exécutoire des obligations alimentaires mises à la charge de Monsieur KW., se prévalant en premier lieu des jugements du 18 mars 2004 et du 3 décembre 2009, et en tout état de cause d'un engagement unilatéral de volonté de Monsieur KW. ;

  • - Sur la demande de validation de la saisie

Attendu que la saisie pratiquée, improprement qualifiée de saisie attribution, s'est inscrite dans le cadre des dispositions des articles 490 et suivants du Code de procédure civile, lesquelles prévoient que « tout créancier peut, en vertu d'un titre, saisir-arrêter entre les mains d'un tiers les biens visés à l'alinéa 1 de l'article 487 », à défaut duquel la saisie « peut avoir lieu en vertu de la permission du juge » ;

Qu'en l'espèce, la permission du juge n'a pas été sollicitée, Madame GL. considérant bénéficier de titres constitués par le jugement de séparation de corps du 18 mars 2004 et par le jugement de conversion du 3 décembre 2009 ;

Attendu que le jugement du 18 mars 2004 a prononcé la séparation de corps des époux GL. KW. aux torts et griefs exclusifs de b. KW. et a fixé les conséquences de la séparation de corps en ce qui concerne les époux et les enfants, notamment en condamnant b. KW. à payer à m. GL., les sommes indexées de :

  • 2.000 euros à titre de pension alimentaire,

  • 3.000 euros à titre de part contributive à l'entretien et à l'éducation des enfants, soit 1.500 euros par enfant.

Que la conversion de la séparation de corps en divorce aux torts et griefs exclusifs de b. KW. est intervenue suivant jugement du 3 décembre 2009 ;

Attendu que la conversion de la séparation de corps a entrainé substitution du divorce à la séparation ;

Attendu que le jugement de conversion mentionne que les parties ont entendu se prévaloir des dispositions de la loi nouvelle n° 1.336 du 12 juillet 2007 portant modification des dispositions du Code civil relatives au divorce et à la séparation de corps ;

Qu'en application de l'article 206-11 du Code civil, issu de la Loi n° 1.336 du 12 juillet 2007, la cause de la séparation de corps devient la cause du divorce et le jugement de conversion produit les effets d'un divorce prononcé pour la cause même de la séparation de corps, qui sont fixés par le Tribunal de première instance ayant prononcé la conversion ;

Attendu que les conséquences du divorce sont fixées et les prestations sont allouées selon les règles qui lui sont propres ;

Que notamment lorsque la séparation de corps initialement prononcée l'a été pour faute, sa conversion en divorce met fin au devoir de secours entre époux et la pension alimentaire allouée par le jugement de séparation prend fin ;

Que par ailleurs, la contribution du père à l'entretien des enfants doit être fixée en tenant compte, le cas échéant, des éléments nouveaux intervenus depuis la séparation ;

Attendu que dans ces conditions, il ne peut être soutenu que le jugement de séparation de corps a poursuivi ses effets s'agissant de ses conséquences au motif que le jugement de conversion ne contient aucune disposition relative aux conséquences du divorce ;

Que dès lors qu'un jugement de conversion est intervenu, les dispositions du jugement de séparation de corps concernant ses conséquences sont privées d'effet ;

Attendu que le jugement du 3 décembre 2009, mentionnant à tort que les parties n'ont formé aucune demande au titre des conséquences du divorce, ne s'est pas prononcé sur lesdites conséquences ;

Que le silence du jugement à cet égard ne peut être interprété comme un acquiescement aux demandes que les parties avaient formées par assignation du 12 novembre 2009 et par conclusions du 26 novembre 2009, tendant à la reconduite dans le cadre du jugement de conversion, des mesures accessoires figurant au jugement de séparation, au motif qu'elles n'en auraient pas été expressément déboutées ;

Que ce silence aurait justifié un recours à l'encontre du jugement qui ne s'est pas prononcé sur les demandes formées par les parties ;

Mais attendu que les parties n'ont formé aucun recours à l'encontre de cette décision ;

Attendu qu'ainsi la créance dont se prévaut m. GL. correspondant au montant de la pension alimentaire et de la part contributive du père pour la période de janvier 2011 à octobre 2015 ne résulte ni du jugement du 18 mars 2004, qui n'a pas poursuivi ses effets au-delà du jugement de conversion, ni du jugement du 3 décembre 2009, qui ne prévoit pas ces prestations ;

Que Madame m. GL. ne se prévaut d'aucun autre titre ;

Qu'en l'absence de titre, la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de la société A, en méconnaissance des dispositions légales est nulle ;

Que de la même manière, le commandement de payer signifié à Monsieur b. KW. le 13 octobre 2015, visant les jugements des 18 mars 2004 et 3 décembre 2009 est nul ;

Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement de ces chefs ;

  • - Sur la demande de condamnation

Attendu que Madame GL. indique, sans être contredite, que Monsieur KW. a spontanément payé la somme de 2.000 euros à titre de pension alimentaire et la somme de 3.000 euros au titre de l'entretien des enfants à compter du jugement de divorce et jusqu'à l'année 2011, à compter de laquelle il n'a procédé qu'à des règlements partiels, ce que confirme le décompte des sommes réglées figurant au commandement de payer délivré le 13 octobre 2015 ;

Qu'il se déduit de ses écritures, qu'elle considère que les règlements sont intervenus, à défaut de titre, dans le cadre d'une obligation naturelle d'assistance, transformée, du fait de son exécution, en obligation civile permettant son exécution forcée ;

Attendu qu'il est unanimement admis qu'il existe une obligation naturelle d'entretien des parents à l'égard de leurs enfants ;

Que de même il a été reconnu qu'un ancien époux pouvait assumer une obligation naturelle d'aider son ancien conjoint ;

Attendu que l'exécution volontaire d'une obligation naturelle rend le paiement valable et ne permet pas la répétition des sommes volontairement acquittées ainsi que l'énonce l'article 1090 du Code civil ;

Que cependant le paiement volontaire de l'obligation naturelle, s'il est valable, ne permet pas au créancier d'en exiger l'exécution forcée, à moins que l'obligation naturelle ait été préalablement transformé en obligation civile ;

Que la transformation d'une obligation naturelle en obligation civile doit résulter d'un engagement d'exécution unilatéral du débiteur ;

Attendu que l'engagement d'exécuter une obligation naturelle est un acte à titre onéreux, dont la preuve doit être rapportée conformément aux dispositions des articles 1188 et suivants du Code civil ;

Que Madame GL. se prévaut uniquement de l'exécution volontaire par Monsieur KW. de son obligation naturelle, pendant plusieurs années ;

Mais attendu qu'un commencement d'exécution de surcroît partiel, est insuffisant pour démontrer l'engagement volontaire de poursuivre dans le temps, l'aide octroyée pendant une certaine durée, le commencement d'exécution ne valant pas engagement pour l'avenir ;

Qu'à cet égard, Monsieur KW. indique que c'est par erreur qu'il a procédé à des règlements, en exécution d'une décision de justice qui ne les prévoyait pas, ce que confirme d'ailleurs la saisine par lui des juridictions monégasques et polonaises aux fins de modification de la pension, et non pour satisfaire à une obligation naturelle ;

Attendu dans ces conditions, et dès lors que la preuve de la promesse d'exécution transformant l'obligation naturelle en obligation civile n'est pas rapportée, Madame GL. ne saurait exiger l'exécution forcée de l'obligation naturelle ;

Qu'elle doit être déboutée de sa demande de condamnation de Monsieur KW. en paiement de la somme de 76.523,94 euros ;

Attendu que sa demande en paiement étant rejetée, sans que sa recevabilité ait été contestée devant la Cour, sa demande en indexation des sommes réclamées devient sans objet, alors de surcroît qu'il convient de noter que les sommes réclamées étaient d'ores et déjà indexées ;

  • - Sur les dommages et intérêts

Attendu que Madame GL., succombant en ses prétentions, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts qu'elle forme à l'encontre de Monsieur KW. pour inexécution fautive de ses obligations financières ;

Attendu par ailleurs qu'il ne peut être fait grief à Madame GL., d'avoir méconnu les effets de l'absence de demandes au titre de mesures accessoires au divorce, alors d'une part que de telles demandes ont été formées sans que le Tribunal se prononce sur ces demandes, et qu'elle pouvait se méprendre sur l'étendue de ses droits, Monsieur KW. s'étant de son propre aveu, lui-même mépris sur l'étendue de ses obligations ;

Qu'ainsi et si la saisie du compte de Monsieur KW. est à l'origine d'un préjudice certain, aucun comportement abusif ne peut être reproché à Madame GL. ;

Que le jugement sera réformé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 5.000 euros ;

Que de la même manière aucun abus dans l'exercice de son droit de recours ne peut lui être reproché et qu'il y a lieu de débouter Monsieur KW. de sa demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires ;

Attendu qu'il y a lieu de rappeler que l'exécution provisoire du présent arrêt est de droit ;

Attendu qu'enfin Madame GL., succombant pour l'essentiel en ses prétentions, sera condamnée aux dépens du présent appel, dont distraction au profit de Maître PASTOR-BENSA, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit Madame m. GL. en son appel,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 1er décembre 2016 en toutes ses dispositions, sauf en celles qui ont déclaré m. GL. irrecevable et en tout état de cause infondée en sa demande reconventionnelle aux fin d'indexation, et l'ont condamnée à payer à b. KW. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit sans objet sa demande aux fins d'indexation,

Déboute b. KW. de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Y ajoutant,

Déboute Madame m. GL. de sa demande en paiement de la somme de 76.523,94 euros,

La déboute de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Déboute b. KW. de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif,

Ordonne en tant que de besoin la mainlevée de la saisie,

Rappelle que l'exécution provisoire du présent arrêt est de droit,

Condamne Madame GL. aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 27 JUIN 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint.

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