Cour d'appel, 12 juin 2017, p. VA. c/ La SAM A

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Abstract🔗

Procédure pénale - Action civile - Abus de constitution de partie civile - Plainte avec constitution de partie civile - Dénonciation téméraire (non) - Faute (non)

Résumé🔗

Le demandeur doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts fondée sur une dénonciation téméraire dans le cadre d'une plainte avec constitution de partie civile. Aux termes de l'article 80, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, lorsque, après une information ouverte sur constitution de partie civile, une ordonnance de non-lieu a été rendue, l'inculpé et toutes personnes visées dans la plainte peuvent demander des dommages-intérêts à la partie civile. Cette action en dommages et intérêts suppose que la preuve d'une faute, au sens de l'article 1229 du Code civil, soit rapportée. En l'espèce, de demandeur a fait l'objet d'une plainte avec constitution de partie des chefs d'abus de confiance, faux et usage de faux, travail dissimulé et fraude commerciale. Le plaignant a agi avec prudence, sans précipitation, en prenant la précaution, préalablement à toute initiative judiciaire, de rechercher, par l'intermédiaire de son conseil, des informations, et il n'a donc pas fait preuve, en portant plainte, de témérité. La preuve qu'il avait connaissance, en portant plainte, du caractère inexact et erroné des faits dénoncés, n'est pas rapportée. Il ne résulte pas de la motivation de l'ordonnance de non-lieu que le plaignant ait agi témérairement ou avec une légèreté blâmable. Le fait que les allégations du plaignant semblaient s'inscrire dans un litige prud'homal aux enjeux importants pour ce salarié ne suffit pas davantage à caractériser une faute dès lors qu'il est constant qu'aucune référence à la plainte n'a été faite par le plaignant à l'occasion du procès qui l'a opposé à son ancien employeur devant le Conseil des prud'hommes. En conséquence, il n'est pas établi qu'en portant plainte avec constitution de partie civile, le plaignant ait commis une faute.


Motifs🔗

Cour d'appel correctionnelle Dossier PG n° 2016/001036

ARRÊT DU 12 JUIN 2017

En la cause de :

  • p. VA., né le 21 juillet 1958 à Mascara (Algérie), de nationalité française, demeurant « X1 », X1 à Mandelieu la Napoule (06210) ;

présent, assisté de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Bernard GINEZ, avocat au barreau de Nice ;

poursuivi pour :

DÉNONCIATION TÉMÉRAIRE

(action de l'article 80 du Code de procédure pénale)

APPELANT,

Contre :

  • La Société Anonyme Monégasque A, ayant son siège social X2, « X2 », X2 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice, domicilié audit siège ;

constituée partie civile poursuivante, absente, représentée par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

  • En présence du MINISTÈRE PUBLIC ;

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats en Chambre du conseil à l'audience du 24 avril 2017 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 22 novembre 2016 ;

Vu l'appel interjeté le 7 décembre 2016, par Maître Patricia REY, avocat-défenseur pour p. VA., poursuivi ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 13 décembre 2016 ;

Vu la citation et signification, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 11 janvier 2017 ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur pour p. VA., poursuivi, en date du 24 février 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur pour la SAM A, partie civile poursuivante, en date du 14 avril 2017 ;

Ouï Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, en son rapport ;

Ouï p. VA., poursuivi, en ses réponses ;

Ouï Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur pour la SAM A, partie civile poursuivante, en ses plaidoiries ;

Ouï le Ministère public ;

Ouï Maître Bernard GINEZ, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé à plaider par le Président pour p. VA., poursuivi, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Ouï le poursuivi en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 22 novembre 2016, le Tribunal correctionnel, dans une procédure opposant la SAM A, partie civile poursuivante à p. VA., poursuivi pour dénonciation téméraire, a :

  • - reçu la SAM A en sa constitution de partie civile ;

  • - déclaré recevable l'action introduite par la société anonyme monégasque A par acte du 3 juin 2016 ;

  • - la déclarant partiellement fondée en sa demande, condamné p. VA. à lui payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • - l'a condamné enfin aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002 avec distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur sous sa due affirmation, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats ;

Maître Patricia REY, avocat-défenseur de p. VA., poursuivi, a interjeté appel de cette décision par acte de greffe en date du 7 décembre 2016.

Considérant les faits suivants :

Par acte d'huissier délivré le 3 juin 2016, la SAM A a fait citer à comparaître p. VA. devant le Tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article 80 du Code de procédure pénale et en considération de l'ordonnance de non-lieu intervenue le 11 février 2016, afin de voir déclarer recevable son action en dommages-intérêts, constater que p. VA. a commis une faute en portant plainte à l'encontre de la société, alors qu'il savait que les faits dénoncés ne constituaient pas une infraction, et, en conséquence, condamner le prévenu à payer à la société les sommes de 40.000 euros à titre de préjudice commercial, 80.750,11 euros à titre de préjudice matériel, soit au total la somme de 120.750,11 euros.

Aux termes de cette citation, la SAM A expose qu'elle a employé p. VA., en qualité de Directeur de Région du 1er janvier 2007 jusqu'au 27 mai 2013, date de son licenciement pour faute grave.

Elle précise que le 28 avril 2015, p. VA. a porté plainte avec constitution de partie civile devant le Juge d'instruction à l'encontre de diverses sociétés et dirigeants du groupe C, dont elle-même, et ce, des chefs d'abus de confiance, faux et usage, fraude commerciale et travail dissimulé.

Une ordonnance de non-lieu est intervenue le 11 février 2016, qui n'a pas été frappée d'appel.

La SAM A, qui indique avoir été nommément désignée dans la plainte avec constitution de partie civile de p. VA., estime être bien fondée à engager une action en dommages-intérêts à l'encontre de celui-ci.

Elle considère que son action est recevable dès lors qu'elle n'a pas été avisée du prononcé de l'ordonnance de non-lieu le 11 février 2016, en sorte que le délai de trois mois prévu à l'article 80 du Code de procédure pénale n'aurait pas commencé à courir. Elle ajoute avoir été informée de l'existence de ladite ordonnance le 4 mars 2016 et de son caractère définitif le 10 mars 2016.

À l'audience, p. VA. a contesté la recevabilité de l'action, invoquant d'une part, le fait que l'ordonnance de non-lieu a été rendue le 11 février 2016, que l'action a été introduite par la SAM A le 3 juin 2016 et qu'en conséquence, le délai de trois mois édicté par l'article 80 du Code de procédure pénale pour engager l'action était expiré, d'autre part que la société plaignante était, pour ne pas avoir été nommément visée, ni dans l'information, ni dans l'ordonnance de non-lieu, dépourvue d'intérêt à agir.

Par jugement contradictoire en date du 22 novembre 2016, le Tribunal correctionnel a statué ainsi qu'il suit :

  • reçoit la société anonyme monégasque A en sa constitution de partie civile,

  • déclare recevable l'action introduite par la société anonyme monégasque A par acte du 3 juin 2016,

  • la déclarant partiellement fondée en sa demande, condamne p. VA. à lui payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • le condamne enfin aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'ordonnance souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002, avec distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur sous sa due affirmation, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.

Pour statuer ainsi, le Tribunal correctionnel a retenu :

Sur la recevabilité de l'action :

  • que conformément à l'article 179 du Code de procédure pénale, l'ordonnance de non-lieu n'avait pas été notifiée à la SAM A qui n'avait pas la qualité d'inculpée,

  • que la SAM A n'avait été informée de l'existence de cette ordonnance que le 4 mars 2016, à la suite d'une démarche effectuée au parquet général,

  • que, pour garantir l'effectivité des droits des personnes visées par une plainte avec constitution de partie civile, et en application du principe du droit au procès équitable consacré par l'article 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme, il convenait de considérer qu'à défaut de notification, la prescription de l'article 80 du Code de procédure pénale ne pouvait être opposée qu'à compter du moment où la personne avait une connaissance effective de l'ordonnance de non-lieu,

Sur le fond :

  • que p. VA. avait porté plainte dans le seul but de mettre en œuvre l'action publique,

  • que l'instruction avait établi qu'aucun des faits n'était constitué,

  • que p. VA. n'avait pas relevé appel de l'ordonnance de non-lieu,

  • que le plaignant avait fait preuve, en déposant plainte, de légèreté blâmable et de témérité,

  • et que son comportement avait causé un préjudice à la SAM A.

Par acte en date du 7 décembre 2016, Maître Patricia REY, en sa qualité d'avocat-défenseur de p. VA., a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 24 février 2017, p. VA. demande à la Cour de :

  • - réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

  • - dire et juger que la plainte qu'il a déposée n'est pas téméraire et constater qu'en tout état de cause, la SAM A n'apporte aucunement la preuve d'un préjudice en lien direct avec la plainte déposée,

  • - débouter la SAM A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

  • - condamner la SAM A aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

L'appelant soutient, en substance, que :

  • - le Tribunal n'a pas caractérisé la mauvaise foi dont il aurait fait preuve en portant plainte,

  • - il s'est senti obligé de dénoncer des faits qui lui ont paru anormaux, et ce d'autant qu'en sa qualité d'administrateur, il n'avait pas reçu quitus pour son mandat et pensait qu'il pouvait être tenu pour responsable de ces faits,

  • - il n'a pas tiré argument de cette plainte devant le conseil des prud'hommes,

  • - le fait qu'une ordonnance de non-lieu ait été rendue ne suffit pas à caractériser la faute, et une analyse contraire priverait le justiciable d'un accès au juge,

  • - il ne résulte pas de la motivation retenue par l'ordonnance de non-lieu que le plaignant ait agi avec une légèreté blâmable, ni de façon téméraire,

  • - ce n'est que grâce aux investigations qu'il a diligentées que le juge d'instruction a pu estimer que les faits dénoncés ne constituaient pas une infraction pénale,

  • - sur le préjudice, le Tribunal n'a pas expliqué le quantum des dommages-intérêts alloués,

  • - la somme de 40.000 euros sollicitée au titre de l'entrave au bon fonctionnement de la société apparaît indécente, au regard de la durée de l'audition de l'administrateur de la société ainsi que des recherches de documents qu'il a effectuées, la société ne démontrant pas une diminution corrélative de son chiffre d'affaires,

  • - la remise de justificatifs à des enquêteurs relève d'une activité normale et ne saurait constituer un préjudice,

  • - les dommages-intérêts ne peuvent présenter un caractère « punitif » sauf à priver le plaignant d'un accès au juge,

  • - la preuve d'une atteinte à la réputation ou à l'image n'est pas démontrée, dès lors qu'aucune inculpation n'a été prononcée, que la plainte était couverte par le secret de l'instruction et que le plaignant n'en a jamais fait état,

  • - il n'est pas démontré que suite à ce dépôt de plainte, des commandes aient été annulées,

  • - sur le préjudice matériel, la procédure n'a pas duré longtemps (plainte du 28 avril 2015 et ordonnance de non-lieu du 11 février 2016),

  • - en l'absence d'inculpation, le conseil de la société mise en cause n'a pas eu accès à la procédure et n'a pu effectuer aucun travail relatif à la plainte,

  • - les factures versées mentionnent des honoraires versés au conseil de la société mais elles ne contiennent pas le libellé des prestations effectuées.

Aux termes de conclusions déposées le 14 avril 2017, la société anonyme monégasque A demande à la Cour, sur le fondement de l'article 80 du Code de procédure pénale, de :

  • - in limine litis,

  • ordonner la transmission à la présente juridiction de l'entier dossier d'instruction référencé sous le numéro numéros XX et PG n° YY

Au fond,

  • constater que Monsieur p. VA. a commis une faute, en portant plainte à l'encontre de la SAM A, alors qu'il savait que les faits dénoncés ne constituaient pas une infraction,

  • constater qu'il en est résulté un important préjudice pour la SAM A, qui s'élève à 40.000 euros à titre de préjudice commercial 85.750,11 euros à titre de préjudice matériel, soit un total de 125.750,11 euros,

  • en conséquence, confirmer le jugement du tribunal correctionnel du 22 novembre 2016 en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts alloués à la SAM A en réparation de son préjudice,

  • réformant le jugement entrepris sur ce point, condamner Monsieur p. VA. à payer à la SAM A une somme totale de 125.750,11 euros à titre de réparation de son préjudice,

  • rejeter toutes fins, demandes et prétentions contraires de Monsieur p. VA.,

  • condamner Monsieur p. VA. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, sous sa due affirmation.

La partie civile expose, en substance, que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a déclarée recevable en son action, cette disposition n'étant pas critiquée par l'appelant.

Elle estime que la plainte portée par p. VA. présente un caractère téméraire dès lors que l'ensemble des faits dénoncés s'est avéré inexact, ce que ce dernier ne pouvait ignorer au moment de sa plainte, au regard notamment de sa qualité d'administrateur délégué de la société et du fait qu'il critique a posteriori différents modes de fonctionnement de la société dont il était parfaitement informé et qu'il avait même validés.

Elle considère que bien que la preuve de la mauvaise foi du plaignant ne soit nullement requise, il apparaît que celui-ci a agi sciemment à l'occasion d'un litige prud'homal particulièrement âpre avec son ancien employeur, la plainte ayant été déposée dans le seul but de faire pression sur ce dernier.

Elle insiste enfin sur le préjudice qu'elle a subi : un préjudice commercial résultant d'une part, de l'atteinte portée à son image et à sa réputation, d'autre part, de l'entrave commise à son bon fonctionnement, et un préjudice matériel en raison du montant des honoraires exposés.

À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, l'avocat de la partie civile a développé oralement ses conclusions écrites.

Le Procureur général a été entendu.

Le conseil de p. VA. a soutenu oralement ses conclusions écrites.

p. VA. a été entendu. Il a contesté avoir commis une faute en portant plainte ainsi que le préjudice invoqué par la partie civile.

SUR CE,

  • 1 - Attendu que l'appel, relevé le 7 décembre 2016 dans les formes et conditions prescrites par le Code de procédure pénale, est régulier et recevable ;

  • 2 - Attendu que la recevabilité de la constitution de partie civile de la SAM A n'est plus contestée devant la Cour en sorte que les dispositions du jugement entrepris ayant reçu cette dernière en sa constitution de partie civile et l'ayant déclarée recevable en son action, non critiquées, seront confirmées ;

  • 3 - Attendu que la demande formée par la SAM A tendant à voir, in limine litis, ordonner la transmission à la présente juridiction de l'entier dossier d'instruction référencé sous les numéros JI n° XX et PG n° YY, est sans objet, les parties ayant été informées depuis le 24 janvier 2017, du versement de ce dossier et de la possibilité de le consulter ;

  • 4 - Attendu qu'aux termes de l'article 80 alinéa 1er du Code de procédure pénale, lorsque, après une information ouverte sur constitution de partie civile dans les termes des articles 74 et 82 du Code de procédure pénale, une ordonnance de non-lieu a été rendue, l'inculpé et toutes personnes visées dans la plainte peuvent demander des dommages-intérêts à la partie civile dans les formes indiquées ci-après, sans préjudice de l'action appartenant au Procureur général en vertu de l'article 375 du Code pénal ;

Attendu que l'action en dommages et intérêts prévue à l'article précité suppose que la preuve d'une faute, au sens de l'article 1229 du Code civil, soit rapportée ;

Attendu qu'au cas d'espèce, il est constant que p. VA., assisté par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, élisant domicile en l'étude de celle-ci, a porté plainte avec constitution de partie civile devant le Juge d'instruction le 28 avril 2015 contre h. DE., ès-qualités de Président de la SAM A, la société anonyme de droit français B, représentée par p. LI., la société par actions simplifiée de droit français D, représentée par p. LI., et la société anonyme monégasque SAM A, représentée par f. FE., des chefs d'abus de confiance, de faux et usage de faux, de travail dissimulé et de fraude commerciale ;

Qu'il apparaît que le plaignant s'est entouré préalablement des conseils d'un professionnel du droit pour porter plainte ;

Que, par ailleurs, ni le fait que l'information judiciaire ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de p. VA. ait été clôturée par une ordonnance de non-lieu, même non frappée d'appel par le plaignant, ni le fait que ce dernier n'aurait pas été victime des infractions dénoncées, ne suffisent à caractériser un comportement fautif ;

Qu'au demeurant, il est constant que p. VA., employé par la société anonyme B, a été mis à pied le 26 avril 2013, puis licencié pour faute grave le 27 mai 2013 ;

Qu'il est également constant que celui-ci n'a pas obtenu quitus de son mandat d'administrateur délégué ;

Qu'il apparaît que suite à ces faits, p. VA. a désigné un avocat qui, par courriers des 30 octobre 2013, 13 mai 2014, 27 juin 2014, 22 juillet 2014 et 9 septembre 2014, a fait part à la SAM A des interrogations de l'intéressé sur l'absence de quitus de son mandat d'administrateur délégué, sur les modalités de certains contrats de sous-traitance, sur la réalité du lieu de tenue de l'assemblée générale ordinaire du 14 mai 2013, ainsi que sur les conditions d'embauche d'un salarié ;

Que tous ces courriers sont bien antérieurs à la plainte avec constitution de partie civile ;

Qu'ils portent précisément sur des faits qui ont ensuite été dénoncés à l'occasion de la plainte ;

Qu'il s'en déduit que p. VA. a agi avec prudence, sans précipitation, en prenant la précaution, préalablement à toute initiative judiciaire, de rechercher, par l'intermédiaire de son conseil, des informations auprès de la société, non obtenues dans leur intégralité, et qu'il n'a donc pas fait preuve, en portant plainte, de témérité ;

Qu'au surplus, il n'est pas démontré que ce dernier ait exercé de manière effective, avant la fin du premier trimestre 2013, les fonctions d'administrateur délégué de la SAM A ;

Qu'il n'est, du reste, pas contesté que suite à sa mise à pied le 26 avril 2013, p. VA. a été dépossédé de ses outils de travail ;

Qu'en outre, celui-ci a, dès le 26 avril 2013, fait l'objet de nombreux arrêts de travail ainsi que d'une hospitalisation ;

Qu'ainsi, la preuve selon laquelle en sa qualité d'administrateur délégué, p. VA. avait connaissance, en portant plainte, du caractère inexact et erroné des faits dénoncés, n'est pas rapportée ;

Attendu qu'il apparaît, par ailleurs, que des investigations ont été menées par le magistrat instructeur, qui n'ont pas permis de caractériser les infractions dénoncées ;

Qu'en effet, aux termes de l'ordonnance de non-lieu, le juge d'instruction a successivement relevé :

  • - sur les infractions à la législation du travail, que « la situation de M. RA., dénoncée comme irrégulière, a finalement fait l'objet d'un accord avec les services de l'emploi monégasques », et que ces infractions « n'apparaissent pas constituées en raison des justificatifs produits par la SAM A »,

  • - sur les faux et usages de faux relatifs au procès-verbal de l'assemblée générale du 14 mai 2013, que cette infraction était constituée « au plan matériel car cette réunion ne s'est pas tenue en Principauté comme mentionné dans le procès-verbal, mais à Paris. Cependant, l'élément intentionnel prévu par l'article 90 du Code pénal n'apparaît pas établi »,

  • - sur les abus de confiance, qu'il « existe sur ce point une divergence d'appréciation entre la SAM A et la partie civile : il apparaît en effet que p. VA. a pu assister au conseil d'administration de cette société le 15 novembre 2013¿ensuite, des délégations de pouvoir ont bien été données à des préposés de la SAM A pour assurer son fonctionnement en 2013 »,

  • - enfin, sur la fraude commerciale, que « ces montages juridiques ont été portés à la connaissance des autorités monégasques qui n'ont pas émis d'objection et qu'aucune victime de ces agissements supposés frauduleux ne s'est manifestée ».

Qu'il ne résulte pas de cette motivation que le plaignant ait agi témérairement ou avec une légèreté blâmable ;

Attendu qu'enfin, le fait relevé par le Juge d'instruction, comme par le Tribunal, selon lequel les allégations de p. VA. semblaient s'inscrire dans un litige prud'homal aux enjeux importants pour ce salarié ne suffit pas davantage à caractériser une faute, ni une « tentative d'instrumentalisation de la justice pénale », dès lors qu'il est constant qu'aucune référence à la plainte n'a été faite par p. VA. à l'occasion du procès qui l'a opposé à son ancien employeur devant le Conseil des prud'hommes ;

Qu'en conséquence, au regard de l'ensemble des éléments ci-dessus, il n'est pas établi qu'en portant plainte avec constitution de partie civile, p. VA. ait commis une faute ;

Que dès lors, et sans même qu'il soit besoin d'examiner le préjudice invoqué, il y a lieu de débouter la SAM A de la demande de dommages-intérêts qu'elle a formée à l'encontre de p. VA., en infirmant de ce chef le jugement entrepris ;

  • 5 - Attendu que la SAM A supportera les frais du présent arrêt ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, après débats en Chambre du conseil, publiquement et contradictoirement à l'égard du prévenu et contradictoirement par application de l'article 377 du Code de procédure pénale, à l'égard de la partie civile,

Reçoit l'appel formé par p. VA. ;

Constate que la demande formée par la SAM A tendant à voir, in limine litis, ordonner la transmission à la présente juridiction de l'entier dossier d'instruction référencé sous les numéros JI n° XX et PG n° YY, est sans objet ;

Infirme le jugement rendu le 22 novembre 2016 par le Tribunal correctionnel sauf en ce qu'il a reçu la société anonyme monégasque A en sa constitution de partie civile et l'a déclarée recevable en son action ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute la SAM A de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de p. VA. ;

Dit que la SAM A supportera les frais du présent arrêt ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le douze juin deux mille dix-sept, par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier.

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