Cour d'appel, 16 mai 2017, Mademoiselle li. KN. et autres c/ Monsieur p. i. EL CH.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Succession – Meubles – Compétence du juge monégasque (non)

Résumé🔗

Même si le litige tend à consacrer l'existence d'un droit de propriété sur les avoirs détenus sur le compte joint n° XX ouvert à Monaco le 30 mai 2011 par Madame li.s BA. et p. EL CH. auprès de la SAM A, il n'en demeure pas moins que l'action intentée concerne l'attribution de sommes dépendant de la succession de li.s BA., laquelle s'est ouverte au Liban. Il n'est en effet pas contesté que feue la co-titulaire du compte, li.s BA., de nationalité libanaise, est décédée au Liban où se trouvait son dernier domicile et où sa succession a été ouverte ainsi que cela résulte du jugement du Tribunal charié sunnite de Baabda du 16 juillet 1435 de l'hégire correspondant au 15 mai 2014 du calendrier chrétien, une telle décision étrangère n ay.nt pas besoin d'être revêtue de l'exequatur pour valoir à titre de simple élément d'information de la juridiction saisie. Le fait qu'un actif mobilier de la succession partiellement revendiquée se trouve situé sur le territoire monégasque, en l'occurrence le solde créditeur d'un compte bancaire, n'apparaît pas de nature à induire une compétence spécifique d'attribution aux juridictions monégasques, comme cela pourrait en revanche être le cas si un immeuble dépendant de la succession se trouvait situé sur le territoire monégasque et ce, par application des dispositions de l'article 3 1° du Code de procédure civile. La nature successorale et mobilière de l'action étant établie, il résulte des règles de conflit du for qu'aux termes de l'article 3 3° du Code de procédure civile, les tribunaux de la Principauté de Monaco ne peuvent connaître que des actions relatives à une succession ouverte dans la Principauté de Monaco, l'article 83 du Code civil disposant par ailleurs que le lieu où la succession s'ouvre est celui du domicile du défunt. En définitive - l'opposition pratiquée le 24 juillet 2014 ne relevant pas des dispositions de l'article 3 9° du Code de procédure civile comme ne procédant pas d'une mesure provisoire conservatoire ordonnée en justice - les premiers juges ont à bon droit appliqué la règle de conflit monégasque susvisée pour dire et juger que la succession de la titulaire du compte dont les avoirs sont revendiqués s'était ouverte au Liban, en déduire leur propre incompétence et renvoyer les parties à mieux se pourvoir.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 16 MAI 2017

En la cause de :

  • 1- Mademoiselle li. KN., née à Beyrouth le 14 mars 1994, de nationalité française, étudiante, célibataire ;

  • 2- Mademoiselle lé. KN., née à Beyrouth le 15 mai 1995, de nationalité française, étudiante, célibataire ;

  • 3- Mademoiselle ro. KN., née à Beyrouth le 1er juillet 1998, de nationalité française, étudiante, célibataire ;

  • 4- Mademoiselle ay. KN., née à Beyrouth le 1er juillet 1998, de nationalité française, étudiante, célibataire ;

Demeurant toutes les quatre X1, Beyrouth, Liban ;

  • 5- Monsieur m. s. BA., né en Syrie le 1er juillet 1941, demeurant à X2 (Syrie) - H612016 ;

  • 6- Madame hy. BA., née à X3 en 1932, demeurant à X3 (Syrie) - H3110330 ;

  • 7- Madame hi. BA., née à Akka en 1924, demeurant à X3 (Syrie) - H3330593 ;

ay. nt élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur p. i. EL CH., né le 1er janvier 1960 à Kobayat El Zouk, de nationalité libanaise, demeurant à X4, Beyrouth, Liban ;

ay. nt élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

En présence de :

  • - Monsieur le Procureur Général

LA COUR,

  • Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 28 avril 2016 (R.4821) ;

  • Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 25 janvier 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000084) ;

  • Vu les conclusions déposées le 28 mars 2017 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de p. EL CH. ;

  • Vu les conclusions déposées le 29 mars 2017 par le Ministère public ;

À l'audience du 25 avril 2017, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par li. KN., lé. KN., ro. KN., ay. KN., m. s. BA., hy. BA. et hi. BA. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 28 avril.

Considérant les faits suivants :

Le 30 mai 2011, Mme li. s BA. et M. p. i. EL CH. ont ouvert un compte joint n° XX auprès de la SAM A.

Mme li. s BA. est décédée le 26 avril 2014 à Beyrouth (Liban) en laissant pour lui succéder :

  • - ses quatre petites filles issues de son fils unique pré-décédé, k. p. KN. : li., lé., ro. et ay. KN.,

  • - son frère : M. m. BA., et ses deux sœurs : Mesdames hy. et hi. BA..

Le 30 avril 2014, M. p. i. EL CH. a transmis à la SAM A un ordre de virement de la somme de 400.000 dollars américains sur le compte dont il est titulaire auprès de la société B à Beyrouth (Liban), lequel a été exécuté par l'établissement bancaire monégasque.

Le 10 mai 2014, M. p. i. EL CH. a transmis à la SAM A un ordre de transfert de 495 onces d'or sur son compte de la société B au Liban. Cet ordre n'a en revanche pas été exécuté par la SAM A.

Suivant acte d'huissier du 15 juillet 2014, M. p. i. EL CH. a fait sommation à la SAM A d'exécuter l'ordre en date du 10 mai 2014, de procéder au virement par débit du compte dont il est titulaire de 495 onces d'or sur le compte de la société B au Liban, agence de Beyrouth.

Par courrier en date du 8 juillet 2014, réitéré par la voie d'une notification d'huissier le 24 juillet 2014, Mesdemoiselles li., lé., ro. et ay. KN., M. m. BA., Mesdames hy. et hi. BA. ont fait interdiction à la SAM A d'opérer quelque opération que ce soit qui serait requise par le cotitulaire du compte n° XX, M. p. i. EL CH..

La SAM A a répondu à M. p. i. EL CH. que le transfert n'était pas possible en raison de la notification par Maître Henri REY, Notaire, intervenant au nom des héritiers de Madame li. s BA. d'avoir à se dessaisir des valeurs.

Suivant exploit d'huissier en date du 5 août 2014, M. p. i. EL CH. a alors fait assigner la SAM A au contradictoire de Mesdemoiselles li., lé., ro. et ay. KN., M. m. BA., Mesdames hy. et hi. BA., devant le Président du Tribunal de Première Instance de Monaco statuant en référé, afin de dire que l'opposition pratiquée par l'hoirie KN. ne saurait avoir pour effet de bloquer l'intégralité des avoirs et valeurs figurant sur le compte joint dont il est cotitulaire, d'ordonner le cas échéant la mainlevée de l'opposition du 24 juillet 2014 et de lui faire injonction de virement, et subsidiairement, à l'effet de cantonner cette opposition à hauteur de la moitié des sommes, valeurs et titres figurant sur le compte joint n° XX.

Le Juge des référés a, par ordonnance en date du 17 juin 2015, débouté M. p. i. EL CH. de ses demandes de mainlevée d'opposition et d'injonction de virement, et s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de cantonnement. Il a notamment relevé que les Hoirs KN., agissant en qualité d'héritier de leur grand-mère, étaient bien fondés à faire délivrer une telle opposition au regard des conditions générales applicables au compte bancaire concerné et notamment à la solidarité active et passive qui s'y trouvait attachée.

Suivant exploit d'huissier du 23 septembre 2014, li., lé., ro. et ay. KN., M. m. BA., et Mesdames hy. et hi. BA. ont fait assigner p. i. EL CH. devant le Tribunal de Première Instance de Monaco, à l'effet de voir :

  • - dire que le compte de la SAM A n° XX a été alimenté par les seuls avoirs de Mme li. s BA. à hauteur de la somme de 2.260.000 dollars américains suivant virement du 20 septembre 2012,

  • - en l'absence de tout apport par M. p. i. EL CH., dire que ce dernier est infondé à former des réclamations sur les avoirs du compte joint litigieux,

  • - obtenir la condamnation de M. p. i. EL CH. à leur restituer la somme de 400.428,17 dollars américains outre intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2014 et ce jusqu'à parfait paiement, et à leur payer la somme de 20.000 dollars américains à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis,

  • - le tout avec exécution provisoire.

Par jugement en date du 17 décembre 2015, le Tribunal de Première Instance a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur la compétence matérielle de la juridiction pour connaître de cette action.

Suivant jugement en date du 20 avril 2016, le Tribunal de Première Instance s'est déclaré incompétent en raison du caractère successoral de l'action et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Les premiers juges ont, pour se déclarer incompétent, en substance relevé que les demandeurs ont introduit leur action en leur qualité d'héritier de Madame li. s BA. et que le litige présentait un caractère successoral ; ils en ont déduit que la règle de conflit monégasque applicable à une succession mobilière donne compétence à la juridiction du lieu d'ouverture de celle-ci, correspondant en l'espèce au dernier domicile de la de cujus décédée à Beyrouth, au Liban.

Suivant exploit en date du 25 janvier 2017, li., lé., ro. et ay. KN., et m., hy. et hi. BA. ont régulièrement interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal de Première Instance le 28 avril 2016 à l'effet de voir la Cour :

  • - recevoir l'hoirie KN. en son appel,

  • - réformer le jugement rendu le 28 avril 2016 par le Tribunal de Première Instance,

  • - vu l'absence aux débats de Monsieur le Procureur Général au regard du moyen d'incompétence soulevé par le Tribunal de Première Instance suivant décisions des 17 décembre 2015 et 28 avril 2016,

  • - vu les dispositions de l'article 184 du Code de procédure civile,

  • - voir la Cour en tirer toutes conséquences de droit,

  • - vu l'article 56 des conditions générales de la SAM A applicables au fonctionnement du compte joint,

  • - vu l'article 3-2 du Code de procédure civile,

  • - vu la demande de l'hoirie KN. tendant à voir dire et juger qu'elle est en droit d'obtenir non seulement le règlement entre ses mains du solde du compte joint n° XX ouvert auprès de la SAM A au nom de Madame li. s BA.-Monsieur EL CH., mais également la répétition des sommes indûment perçues de ce compte par Monsieur EL CH.,

  • - voir réformer le jugement déféré en ce que le Tribunal s'est déclaré incompétent en raison du caractère successoral de l'action,

Et, statuant à nouveau :

  • - dire que l'autorité judiciaire monégasque est compétente pour statuer du chef des demandes résultant de l'exploit d'assignation du 23 septembre 2014 des consorts KN. et renvoyer la présente demande à cette fin devant le Tribunal de Première instance.

Au soutien de cet appel, l'hoirie KN. fait valoir pour l'essentiel que :

  • - contrairement aux dispositions de l'article 184 du Code de procédure civile, le Ministère public n'est pas intervenu aux débats pour fournir son argumentation sur le problème de compétence posé par le Tribunal alors que la cause était communicable de plein droit,

  • - le litige qui oppose l'hoirie à Monsieur EL CH. concerne uniquement la détermination du propriétaire des fonds et avoirs du compte joint détenus dans les livres de la SAM A et plus généralement la détermination du fonctionnement d'un compte joint,

  • - le litige relève donc exclusivement du droit monégasque et de la compétence des tribunaux du for par application de l'article 56 des conditions générales de la SAM A applicables au fonctionnement des comptes bancaires dont s'agit,

  • - l'action introduite est une action opposant deux co-titulaires d'un compte joint : les héritiers d'un co-titulaire d'une part et l'autre co-titulaire d'autre part en vue de déterminer à qui revient le produit de ce compte,

  • - il ne s'agit donc pas d'une action successorale et l'article 3-2 du Code de procédure civile donne bien compétence aux tribunaux de la Principauté pour statuer sur cette action fondée sur une obligation qui y est née ou qui doit y être exécutée,

  • - la prétendue libéralité invoquée par Monsieur EL CH. retenue par les premiers juges pour qualifier l'action caractérise un document nul dans la forme et dans le fond non susceptible de produire un quelconque effet juridique, cette lettre étant établie sur du papier en-tête de p. EL CH. lui-même, ne portant aucune date précise ni la mention de son destinataire ni même le numéro du compte concerné,

  • - le juge de l'action étant le juge de l'exception, le Tribunal de Première Instance est compétent pour examiner et décider de la validité du document présenté par Monsieur EL CH. comme constituant une donation indirecte en sa faveur puisque selon ce dernier cette pièce établit la prétendue libéralité portant sur les actifs du compte joint.

Monsieur p. EL CH., intimé, entend pour sa part, relevant appel incident, voir réformer le jugement entrepris du 28 avril 2016 en ce que le Tribunal s'est déclaré incompétent en raison du caractère successoral de l'action et, statuant à nouveau, demande à la Cour de :

  • - dire et juger que l'action introduite n'est pas de nature successorale,

  • - dire et juger que l'action a pour objet la demande de restitution de sommes d'argent par les demandeurs au procès, en l'espèce les avoirs détenus sur le compte joint n° XX ouvert le 30 mai 2011 par feu li. s BA. et Monsieur EL CH. auprès de la SAM A,

  • - dire et juger que le Tribunal de Première Instance est compétent en raison de la matière pour statuer sur les demandes des parties au procès,

  • - renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de Première Instance pour qu'il soit statué tant sur les demandes résultant de l'exploit d'assignation du 23 septembre 2014 des consorts KN. que sur celles reconventionnelles de Monsieur El CH.,

À titre subsidiaire, si par impossible la Cour n'ordonnait pas le renvoi devant le Tribunal de Première Instance :

  • - déclarer les consorts KN. et BA. irrecevables en leurs demandes, fins et conclusions telles que résultant de l'exploit introductif d'instance du 23 septembre 2014,

  • - rejeter en tout état de cause les demandes, fins et conclusions adverses et déclarer Monsieur El CH. recevable en sa demande reconventionnelle,

Y faisant droit,

  • - dire et juger que Monsieur EL CH. est seul bénéficiaire des avoirs bancaires figurant sur le compte joint n° XX ouvert dans les livres de la SAM A à Monaco,

  • - ordonner la mainlevée l'opposition pratiquée par les consorts KN. et BA. suivant acte de notification aux fins de réitération d'opposition signifiée par Maître ESCAUT-MARQUET, huissier, le 24 juillet 2014 avec toutes conséquences de droit,

  • - dire et juger que Monsieur EL CH. pourra valablement faire injonction à la SAM A d'avoir à exécuter l'ordre transmis par lui le 10 mai 2014 en procédant au virement par débit du compte joint n° XX dont le concluant est titulaire dans ses livres, de 495 onces d'or sur le compte dont il est titulaire sous les références indiquées au dispositif des conclusions,

  • - ordonner le cas échéant à la SAM A d'avoir à exécuter l'ordre transmis par Monsieur EL CH. en procédant au virement par débit du compte joint susvisé dont il est titulaire dans ses livres, de 495 onces d'or sur le compte dont il est titulaire et dont les références sont précisées au dispositif des conclusions sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter la signification de la décision à intervenir.

Monsieur EL CH. soutient en substance que le Tribunal a été saisi d'une demande principale tendant à voir restituer aux consorts KN. et BA. une somme de 400.428,17 dollars américains avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2014 jusqu'à parfait paiement, outre une somme de 20.000 euros au titre de dommages-intérêts, et d'une demande reconventionnelle tendant à déterminer la qualité du bénéficiaire des fonds et avoirs figurant sur un compte bancaire.

Il en déduit qu'au regard des dispositions de l'article 3-2° du Code de procédure civile, les tribunaux monégasques devaient statuer sur cette action fondée sur une obligation née ou devant être exécutée dans la Principauté, la compétence du Tribunal de Première Instance ne faisant selon lui l'objet d'aucune difficulté alors de surcroît qu'il avait encore demandé au premier juge de statuer sur la mainlevée d'une mesure conservatoire et que l'article 3 9° du Code de procédure civile donne également compétence aux tribunaux monégasques pour statuer sur de telles demandes ay. nt pour objet des mesures provisoires.

Le fait qu'il affirme être bénéficiaire d'une donation indirecte portant sur des biens meubles situés à Monaco, en l'occurrence un compte bancaire joint ouvert auprès de la SAM A, ne permet selon lui pas de faire obstacle à la compétence des juridictions monégasque pour statuer sur la validité de cette donation indirecte effectuée du vivant du donateur.

L'appelant incident estime avoir été privé de la possibilité de faire valoir ses droits et moyens de défense devant les premiers juges et fait état d'absence de solution définitive apportée au litige en première instance pour s'opposer à toute évocation.

Si la Cour décidait d'évoquer l'affaire, p. EL CH. observe pour l'essentiel que :

  • - avant de pouvoir prétendre à l'attribution d'avoirs bancaires se trouvant sur le territoire monégasque, les demandeurs auraient dû obtenir au préalable l'exequatur du jugement libanais,

  • - une telle voie de droit ne concerne pas que les décisions judiciaires contentieuses, mais également les décisions gracieuses par application des dispositions des articles 470 et suivants du Code de procédure civile dès lors que l'exécution sur les biens était nécessaire,

  • - il verse aux débats la preuve écrite de la propriété de la totalité des avoirs figurant sur le compte litigieux, s'agissant de l'ordre de clôture du compte joint signé par l'intimé et approuvé par Madame BA.,

  • - ce document a acquis date certaine après l'intervention d'un notaire libanais le 15 avril 2014, 11 jours avant le décès de Madame BA.,

  • - la volonté de la défunte de lui céder la totalité des avoirs figurant sur ce compte au détriment de ses propres héritiers se trouve corroborée par de nombreux éléments factuels résultant notamment de l'ordre de transfert des fonds sur le compte joint, du dépôt du testament auprès d'un notaire français et du virement d'une somme de 6.570.340,56 dollars américains auprès de la société C prouvant qu'elle n'avait pas l'intention d'écarter ses petits-enfants de sa succession.

Le Ministère Public, auquel la procédure a été communiquée par application des dispositions de l'article 184 du Code de procédure civile, a conclu à la confirmation du jugement entrepris en exposant :

  • - au visa des dispositions de l'article 184 du Code de procédure civile, que le Ministère public aurait dû déposer ses conclusions devant le Tribunal dès lors que les parties s'étaient positionnées sur la compétence juridictionnelle, une telle carence ouvrant droit à la rétractation prévue par l'article 438 7° du Code de procédure civile, mais aucune conséquence juridique ne s'induisant de la voie d'appel choisie par les parties,

  • - sur la demande d'incompétence, que la présente action tendait à voir réintégrer des fonds dans le partage successoral en sorte que la nature successorale du litige devait être privilégiée et que la règle monégasque de conflit applicable donnait compétence au lieu d'ouverture de la succession, les juridictions monégasques étant donc radicalement incompétentes pour connaître de la cause.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel principal formé par li., lé., ro. et ay. KN., M. m. BA., et Mesdames hy. et hi. BA. et l'appel incident formé par Monsieur p. EL CH. dans les conditions de forme et de délais prescrites par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;

Attendu en la forme, qu'après avoir ordonné la réouverture des débats suivant jugement du 17 décembre 2015 afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur la compétence matérielle de la juridiction pour connaître de l'action qui lui était soumise, le Tribunal de Première Instance n'a pas fait application des dispositions de l'article 184(4°) du Code de procédure civile aux termes desquelles le Ministère public doit donner ses conclusions en cas d'exception d'incompétence, et ce, alors même qu'il était déjà dans son intention de soulever d'office une telle exception en l'état de la motivation développée dans ce jugement avant-dire droit ;

Que s'agissant d'une cause dont la communication au Ministère public est obligatoire, le jugement entrepris apparaît de ce chef entaché d'irrégularité, mais aucune demande de rétractation n ay. nt été formée conformément aux dispositions de l'article 438 7° du Code de procédure civile, la Cour ne peut en tirer aucune conséquence de droit ;

Attendu au demeurant que la transmission du dossier au Procureur général, à laquelle il a été procédé en cause d'appel pour lui permettre de prendre ses conclusions, régularise désormais une telle omission et assure le respect des dispositions de l'article 184 du Code de procédure civile ;

Attendu sur la compétence des juridictions monégasques, que l'action introduite par les consorts KN.- BA. suivant acte d'huissier du 23 septembre 2014 devant le Tribunal de Première Instance tendait à obtenir la restitution d'avoirs figurant au crédit du compte joint dont leur auteur, li. s BA., était co-titulaire avec p. EL CH. ;

Attendu que l'ensemble des parties a conclu à la compétence des juridictions monégasques, les appelants sur le fondement des dispositions de l'article 3 2° du Code de procédure civile monégasque aux termes duquel les tribunaux de la Principauté sont compétents pour statuer sur les actions fondées sur les obligations nées ou qui doivent être exécutées dans la Principauté, l'intimé p. EL CH. faisant également état des dispositions de l'article 3 9° du Code de procédure civile aux termes duquel les juridictions monégasques sont compétentes pour statuer sur les demandes ay. nt pour objet des mesures provisoires ou conservatoires ;

Attendu que force est cependant de constater que les co-demandeurs se sont, au soutien de leur action, présentés comme les ay. nts droit de leur grand-mère, la co-titulaire pré-décédée du compte joint ouvert en Principauté de Monaco, en l'occurrence li. s BA. ;

Qu'ainsi, même si le litige tend à consacrer l'existence d'un droit de propriété sur les avoirs détenus sur le compte joint n° XX ouvert à Monaco le 30 mai 2011 par Madame li. s BA. et p. EL CH. auprès de la SAM A, il n'en demeure pas moins que l'action intentée concerne l'attribution de sommes dépendant de la succession de li. s BA., laquelle s'est ouverte au Liban ;

Qu'il n'est en effet pas contesté que feue la co-titulaire du compte, li. s BA., de nationalité libanaise, est décédée au Liban où se trouvait son dernier domicile et où sa succession a été ouverte ainsi que cela résulte du jugement du Tribunal charié sunnite de Baabda du 16 juillet 1435 de l'hégire correspondant au 15 mai 2014 du calendrier chrétien, une telle décision étrangère n ay. nt pas besoin d'être revêtue de l'exequatur pour valoir à titre de simple élément d'information de la juridiction saisie ;

Que le fait qu'un actif mobilier de la succession partiellement revendiquée se trouve situé sur le territoire monégasque, en l'occurrence le solde créditeur d'un compte bancaire, n'apparaît pas de nature à induire une compétence spécifique d'attribution aux juridictions monégasques, comme cela pourrait en revanche être le cas si un immeuble dépendant de la succession se trouvait situé sur le territoire monégasque et ce, par application des dispositions de l'article 3 1° du Code de procédure civile ;

Attendu que la nature successorale et mobilière de l'action étant établie, il résulte des règles de conflit du for qu'aux termes de l'article 3 3° du Code de procédure civile, les tribunaux de la Principauté de Monaco ne peuvent connaître que des actions relatives à une succession ouverte dans la Principauté de Monaco, l'article 83 du Code civil disposant par ailleurs que le lieu où la succession s'ouvre est celui du domicile du défunt ;

Attendu en définitive - l'opposition pratiquée le 24 juillet 2014 ne relevant pas des dispositions de l'article 3 9° du Code de procédure civile comme ne procédant pas d'une mesure provisoire conservatoire ordonnée en justice - que les premiers juges ont à bon droit appliqué la règle de conflit monégasque susvisée pour dire et juger que la succession de la titulaire du compte dont les avoirs sont revendiqués s'était ouverte au Liban, en déduire leur propre incompétence et renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

Attendu que le jugement entrepris sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions et les parties déboutées de l'ensemble de leurs prétentions ;

Attendu que les entiers dépens de première instance et d'appel demeureront à la charge des appelants ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel principal formé par Mesdemoiselles li., lé., ro. et ay. KN., Monsieur m. BA., Mesdames hy. et hi. BA., et reçoit l'appel incident formé par Monsieur p. EL CH.,

Au fond, les déclare infondés,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Première Instance le 28 avril 2016,

Condamne Mesdemoiselles li., lé., ro. et ay. KN., Monsieur m. BA., Mesdames hy. et hi. BA., aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 16 MAI 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DORÉMIEUX, Procureur Général.

  • Consulter le PDF