Cour d'appel, 24 avril 2017, c. MA. c/ Le Ministère Public
Abstract🔗
Violences volontaires - Éléments constitutifs - Jet d'un objet au visage de la victime - Caractère volontaire de l'acte (oui)
Résumé🔗
La prévenue doit être condamnée du chef de violences volontaires pour avoir jeté un verre au visage de la victime. Elle reconnaît que le verre qu'elle tenait a atteint la victime au visage, provoquant deux plaies qui ont dû être suturées mais elle conteste le caractère volontaire de son acte. Il résulte de ses déclarations qu'elle a jeté le verre et le jet d'un objet inanimé implique nécessairement un acte volontaire. Le caractère volontaire de l'acte commis est confirmé par les déclarations de la victime et celles du témoin, qui sur ce point sont concordantes. Les faits se sont produits dans un contexte conflictuel et d'alcoolisation excessive.
Motifs🔗
Dossier PG n° 2016/001002
Cour d'appel correctionnelle
ARRÊT DU 24 AVRIL 2017
En la cause de :
c. MA., née le 14 février 1962 à San Francisco (Etats-Unis d'Amérique), de Georges et de Célia, de nationalité grecque, comptable, demeurant X1 94128 San Francisco (Californie - Etats-Unis d'Amérique) ;
Prévenue de :
- VIOLENCES VOLONTAIRES
(I. T. T. de - de 8 jours)
présente, assistée de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Stéphane BROQUET, avocat au barreau de Paris ;
APPELANTE/INTIMÉE
Contre :
Le MINISTÈRE PUBLIC ;
INTIMÉ/APPELANT
En présence de :
- m. AR. épouse FU., née le 11 décembre 1967 à Madison (Etats-Unis d'Amérique), de nationalité américaine, demeurant X2 à Oakley (Etats-Unis d'Amérique), constituée partie civile, absente, représentée par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la Cour d'appel de Monaco ;
INTIMÉE
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 27 février 2017 ;
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 22 novembre 2016 ;
Vu les appels interjetés le 2 décembre 2016 par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, pour c. MA., prévenue et par le Ministère public à titre incident ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 13 décembre 2016 ;
Vu la citation et signification, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 29 décembre 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï Virginie ZAND, Conseiller, en son rapport ;
Ouï c. MA., prévenue, en ses réponses, et ce avec l'assistance de Bernadette LOIRE, demeurant 6 chemin des Révoires à Monaco, faisant fonction d'interprète en langue anglaise, serment préalablement prêté ;
Ouï Maître Arnaud CHEYNUT, avocat pour m. AR. épouse FU., partie civile, en ses demandes et plaidoiries ;
Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Stéphane BROQUET, avocat au barreau de Paris, régulièrement autorisé à plaider par le Président pour c. MA., prévenue, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;
Ouï la prévenue en dernier, en ses moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement contradictoire en date du 22 novembre 2016, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :
« D'avoir à Monaco, en tout cas sur le territoire national, le 28 mai 2016, et depuis temps non couvert par la prescription, commis des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de 4 jours sur la personne de FU. m., en l'espèce en lui jetant un verre sur le visage » ;
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 236 et 238 du Code pénal ;
- rejeté la demande de renvoi formée par c. MA. ;
Sur l'action publique :
- déclaré c. MA. coupable du délit qui lui est reproché ;
En répression, faisant application des articles visés par la prévention ainsi que de l'article 393 du Code pénal,
- l'a condamnée à la peine de QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé à la condamnée, absente ;
Sur l'action civile :
- reçu m. AR. épouse FU. en sa constitution de partie civile ;
- dit n'y avoir lieu de rejeter les pièces produites aux débats ;
- la déclarant partiellement fondé en sa demande, condamné c. MA. à lui payer la somme de 10.891,50 euros à titre de dommages-intérêts ;
- rejeté le surplus de ses demandes ;
- condamné, en outre, c. MA. aux frais.
Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur pour c. MA., prévenue, a interjeté appel de cette décision par acte de greffe en date du 2 décembre 2016.
Le Ministère public a interjeté appel incident de ladite décision le même jour.
Considérant les faits suivants :
Le 28 mai 2016 à 07 heures 49, les services de police étaient requis pour une agression venant de se commettre au sein de l'hôtel A.
Sur place, ils étaient mis en présence de p. GE., assistante de réception laquelle prodiguait les premiers soins à la victime, disant se nommer m. FU., qui présentait plusieurs plaies au visage et était couverte de sang au niveau de la poitrine.
Des premières explications recueillies, il résultait que m. FU. occupait la chambre 712, avec son compagnon j. JO., c. MA., qu'elle mettait en cause, et le compagnon de celle-ci d. AL., les deux hommes étant présents dans le hall de l'hôtel à l'arrivée des services de police.
c. MA. était trouvée endormie dans la chambre 712, et présentait tous les signes extérieurs de l'ivresse, refusant de décliner son identité.
Entendue après avoir reçu des soins à l'établissement public de droit monégasque I., m. FU. indiquait être arrivée à Monaco avec son ami, en même temps que l'autre couple, le 25 mai précédent pour assister au Grand Prix automobile.
Le matin même, une dispute éclatait entre c. MA. et son compagnon, lequel quittait la chambre.
Alors qu'elle était sur son lit, c. MA. s'en était ensuite pris à elle, lui attrapant le bras gauche, cherchant à l'entraîner sur le balcon, puis à lui faire quitter la chambre.
Devant sa résistance, et les demandes pressantes de j. JO. l'invitant à se calmer, c. MA. saisissait un verre, le brisait et le lançait en direction de son visage.
Le sang coulait immédiatement et elle se précipitait à la réception pour demander de l'aide.
Elle expliquait le comportement de c. MA. par une consommation excessive d'alcool et par un sentiment de jalousie, ayant elle-même entretenue une relation amoureuse avec j. JO. quelques années auparavant.
Le certificat médical établi le 25 mai 2016 à 9 h 40 par le médecin urgentiste de l'établissement public de droit monégasque I. faisait état de 2 plaies suturées au visage, d'érosion au niveau du nez et du menton, des plaies à la face externe du coude gauche et de l'avant-bras, une plaie superficielle au niveau du sein droit et un hématome à la face externe de la cheville droite, les lésions constatées entraînant une ITT de 4 jours, sauf complication.
Entendu, j. JO. mentionnait qu'une dispute avait éclaté entre m. FU. et c. MA., provoquant le départ de d. AL. de la chambre, au cours de laquelle c. MA. s'était saisie d'un verre et l'avait jeté au visage de m. FU., alors qu'elles se trouvaient à environ 1m50 l'une de l'autre.
Il précisait que m. FU. n'avait porté aucun coup à c. MA..
Entendu sous le régime de la garde à vue, c. MA. faisait état d'une dispute initiale entre m. FU. et j. JO., au cours de laquelle cette dernière l'avait provoquée, ce qui l'avait fait réagir.
m. FU. lui avait alors sauté à la gorge et lui avait tiré les cheveux.
Elle expliquait les blessures de m. FU. par un geste involontaire de j. JO., lorsqu'il avait tenté de les séparer, puis admettait finalement, au vu des déclarations de celui-ci, qu'elles avaient été provoquées par un verre lui ayant involontairement échappé des mains.
Par jugement du 22 novembre 2016, le Tribunal correctionnel :
- a déclaré c. MA. coupable du délit de violences volontaires ayant entrainé une incapacité totale de travail de 4 jours ;
- en répression, l'a condamnée à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis ;
- a reçu m. FU. en sa constitution de partie civile ;
- a condamné c. MA. à lui payer la somme de 10.891,50 euros à titre de dommages et intérêts.
Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que :
- les faits sont établis par les éléments de l'enquête ;
- le certificat médical décrit la nature des blessures et mentionne qu'elles entraînent une ITT de 4 jours ;
- la gravité des violences commises, mais aussi la personnalité de l'auteur qui n'a jamais été condamné justifie une peine d'emprisonnement assortie du sursis ;
- il n'est pas opportun d'ordonner une mesure d'expertise, les parties étant de nationalité américaine et demeurant dans ce pays ;
- le pretium doloris doit être chiffré à 4 sur 7 compte tenu de la douleur, du choc émotionnel et du nécessaire suivi traumatique ;
- indépendamment du pretium doloris il convient d'indemniser les frais de transport de la partie civile, et ses frais hospitaliers et médicaux.
Appel du jugement a été interjeté le 2 décembre 2016, par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur et celui de c. MA., et par le Ministère public à titre incident.
À l'audience de la Cour d'appel du 27 février 2017 fixée pour l'examen de l'affaire, Maître Arnaud CHEYNUT, avocat, représentant la partie civile, invoquant une aggravation du préjudice de celle-ci, a sollicité l'allocation d'une somme complémentaire de 2.959 dollars.
Le ministère public a requis la confirmation du jugement en ses dispositions ayant statué sur l'action publique.
Maître Stéphane BROQUET, avocat de c. MA. a fait état d'inexactitudes dans les déclarations de la partie civile et d'imprécisions de la procédure sur les circonstances de la commission des faits, ne permettant pas d'établir la réalité des faits reprochés, soulignant en tout état de cause le caractère involontaire de l'acte à l'origine des blessures.
SUR CE,
1° - Sur la recevabilité des appels
Attendu que l'appel principal de la prévenue et l'appel incident du ministère public, formés dans les formes et délais prescrits, sont recevables ;
2° - Sur l'action publique
Attendu que c. MA. est prévenue d'avoir volontairement commis des violences sur la personne de m. FU. ayant entraîné une incapacité totale de travail de 4 jours ;
Attendu que c. MA. reconnaît que le verre qu'elle tenait a atteint m. FU. au visage, provoquant deux plaies qui ont dû être suturées ;
Qu'elle conteste cependant le caractère volontaire de son acte ;
Mais attendu qu'elle ne prétend pas avoir involontairement lâché le verre, qui dans cette hypothèse aurait nécessairement chuté au sol, sans atteindre la victime ;
Qu'en effet, il résulte des propres déclarations de la prévenue, qu'elle a jeté le verre ;
Que le jet d'un objet inanimé implique nécessairement un acte volontaire ;
Attendu que le caractère volontaire de l'acte commis est confirmé par les déclarations de la victime et celles du témoin, qui sur ce point sont concordantes ;
Que par ailleurs, les faits se sont produits dans un contexte conflictuel et d'alcoolisation excessive ;
Qu'il convient également de tenir compte du propre comportement de la prévenue immédiatement après les faits, qui sans se préoccuper de l'état de la victime et lui porter secours, s'est couchée et s'est endormie ;
Que cet acte volontaire caractérise le délit prévu et réprimé par les articles 236, 238 et 26 du Code pénal, le certificat médical mentionnant une ITT de 4 jours en conséquence des blessures constatées ;
Attendu que les contradictions signalées par la prévenue, entre les déclarations de la victime, celles du témoin, et ses propres déclarations dont l'évolution à l'audience a été par ailleurs constatée par la Cour, sur les circonstances de la commission des faits, sont sans incidence sur la nature des faits commis ;
Que dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré c. MA. coupable des faits poursuivis ;
Que tenant compte de la nature des violences et de la personnalité de la prévenue, c'est par une juste appréciation que le Tribunal a prononcé à son encontre la peine de 4 mois d'emprisonnement assortie du sursis ;
Que le jugement sera également confirmé de ce chef ;
3° - Sur l'action civile
Attendu qu'appel du jugement n'a pas été interjeté par la partie civile ;
Qu'elle n'est donc pas recevable à former une demande devant la Cour, quand bien même elle invoque un préjudice souffert depuis la décision de première instance ;
Attendu que pour le surplus le jugement doit être confirmé en ses dispositions civiles lesquelles ne sont pas en elles-mêmes critiquées par l'appelant ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D' APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement à l'égard de c. MA., et contradictoirement par application de l'article 377 du Code de procédure pénale à l'égard de la partie civile,
Reçoit c. MA. et le ministère public en leur appel ;
Sur l'action publique
Confirme le jugement du Tribunal correctionnel en date du 22 novembre 2016 en ses dispositions ayant statué sur la culpabilité et sur la peine ;
Sur l'action civile
Déclare irrecevable m. AR. épouse FU. en sa demande de dommages et intérêts supplémentaires ;
Confirme le jugement ;
Condamne c. MA. aux frais du présent arrêt ;
Composition🔗
Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-sept janvier deux mille dix-sept, qui se sont tenus devant Monsieur Eric SENNA, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier ;
Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Monsieur Eric SENNA, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;
Lecture étant donnée à l'audience publique du vingt-quatre avril deux mille dix-sept par Madame Virginie ZAND, Conseiller faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.