Cour d'appel, 3 avril 2017, f. MA. c/ o. VE.

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Abstract🔗

Procédure pénale - Action civile - Accident du travail - Violences exercées par un employé sur un autre - Recevabilité de l'action en réparation de la victime contre l'auteur (non)

Résumé🔗

L'employé d'un casino a été agressé par le prévenu dans les vestiaires de l'établissement. Le prévenu a été condamné du chef de violences volontaires. Aux termes de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, les accidents du travail se définissent comme étant : « les accidents survenus par le fait du travail, ou à l'occasion du travail, en quelque lieu que celui-ci s'effectue... ». En l'espèce, les faits se sont déroulés sur le lieu du travail et pendant le temps de celui-ci sans que l'origine de l'agression relevant d'un problème personnel étranger au service opposant la victime à son agresseur n'ait d'incidence sur cette qualification. Ils constituaient un accident du travail au sens de l'article 2 de la loi précitée. En application de l'article 13 de cette loi, la victime d'un accident du travail est en droit de réclamer la réparation de son préjudice contre l'auteur de l'accident « autre que l'employeur et les préposés de l'entreprise ». Le prévenu étant également salarié de l'établissement, la victime ne dispose pas de l'action civile de droit commun mais du régime légal de réparation spécifique. 


Motifs🔗

Cour d'appel correctionnelle

Dossier PG n° 2016/000709

statuant sur les dispositions civiles

ARRÊT DU 3 AVRIL 2017

En la cause de :

  • f. MA., né le 12 mai 1984 à Monaco, de Jean-Paul et de Muriel AG., de nationalité monégasque, employé de jeux à la SAM A, demeurant X1 à Monaco ;

absent, représenté par Maître Christophe BALLERIO, avocat près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat ;

APPELANT sur les dispositions civiles,

Contre :

  • o. VE., né le 15 avril 1976 à Monaco, de nationalité monégasque, employé de jeux, demeurant X2 à Monaco ;

constitué partie civile, présent, assisté de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

  • En présence du MINISTÈRE PUBLIC ;

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 27 février 2017 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 13 décembre 2016 ;

Vu l'appel interjeté par Maître Christophe BALLERIO, avocat, pour f. MA., prévenu, suivant acte de greffe en date du 21 décembre 2016 ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 4 janvier 2017 ;

Vu la citation et signification, suivant exploit, enregistré, du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 23 janvier 2017 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Eric SENNA, Conseiller, en son rapport ;

Ouï Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur pour o. VE., partie civile, en ses plaidoiries ;

Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Christophe BALLERIO, avocat pour f. MA., prévenu, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 13 décembre 2016, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

« D'avoir à Monaco, le 27 mars 2016, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, volontairement occasionné des blessures, commis des violences ou voies de fait, desquelles il est résulté une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours, en l'espèce 3 jours, sur la personne de VE. o., en l'espèce en le poussant violemment et en lui assénant plusieurs coups, notamment de pied, au visage » ;

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 236 et 238 du Code pénal

Sur l'action publique :

  • - déclaré f. MA. coupable du délit qui lui est reproché ;

En répression, faisant application des articles visés par la prévention ainsi que de l'article 393 du Code pénal,

  • - l'a condamné à la peine de DEUX MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé au condamné, absent lors du prononcé de la décision ;

Sur l'action civile :

  • - reçu o. VE. en sa constitution de partie civile ;

  • - déclaré f. MA. responsable des agissements survenus le 27 mars 2016 et tenu d'en réparer les conséquences dommageables qui en sont résultées pour o. VE. ;

  • - avant dire droit au fond sur le préjudice d o. VE., ordonné une expertise médicale confiée au docteur MAIRESSE ;

  • - déclaré la partie civile tenue de verser à l'expert une provision à titre d'avance ;

  • - condamné, d'ores et déjà, f. MA. à verser une indemnité provisionnelle de 800 euros à o. VE., à valoir sur le montant de son préjudice et à l'effet de lui permettre de faire l'avance des frais d'expertise ;

  • - et condamné, enfin, f. MA. aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.

Maître Christophe BALLERIO, avocat pour f. MA., prévenu, a interjeté appel de la décision le 21 décembre 2016.

Considérant les faits suivants :

Le 30 mars 2016, o. VE., employé de jeux au sein de la SAM A, déposait plainte auprès de la Sureté publique de Monaco à l'encontre de f. MA. pour des faits de violences volontaires commis à son encontre le 27 mars 2016 dans les vestiaires du Casino de Monaco.

Un certificat médical établi le 30 mars 2016 par le Docteur MA.-CO. à l'établissement public de droit monégasque I. constatait la présence d'un hématome important de l'arcade gauche avec lésion érythémateuse reproduisant un motif et prescrivait une ITT de 3 jours.

Aux termes de l'enquête diligentée par la Sureté publique, f. MA. était poursuivi pour des faits de violences volontaires ayant entrainé une ITT de moins de 8 jours commis le 27 mars 2016 à l'encontre d o. VE..

À l'audience devant le Tribunal, o. VE. demandait la somme de 10.000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices et subsidiairement une mesure d'expertise médicale et la somme de 2.000 euros à titre provisionnel.

f. MA. demandait sa relaxe et soulevait l'irrecevabilité des demandes de la partie civile au motif qu'il s'agissait d'un accident de travail.

Le Tribunal correctionnel, a suivant jugement du 13 décembre 2016 :

  • - déclaré f. MA. coupable du délit qui lui est reproché ;

  • - condamné à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis ;

Sur l'action civile,

  • - reçu o. VE. en sa constitution de partie civile ;

  • - déclaré f. MA. responsable des agissements survenus le 27 mars 2016 et tenu d'en réparer les conséquences dommageables qui en sont résultées pour o. VE. ;

  • - avant dire droit au fond sur le préjudice d o. VE. ;

  • - ordonné une expertise médicale et désigné à cet effet le docteur Jean-Louis MAIRESSE, demeurant 23 rue Edouard Béri à NICE (06000) ;

  • - condamné f. MA. à verser une indemnité provisionnelle de 800 euros à o. VE., à valoir sur le montant de son préjudice et à l'effet de lui permettre de faire l'avance des frais d'expertise ;

  • - condamné f. MA. aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002, distraits au profit de Maître Frank MICHEL.

Pour statuer ainsi les premiers juges en déclarant les demandes de la partie civile recevables, ont retenu que si les faits jugés s'étaient déroulés sur le lieu de travail des parties, ceux-ci s'inscrivaient dans un contexte de rivalité amoureuse totalement extérieur et détaché de leur service, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de faire application de la loi sur les accidents du travail.

f. MA. a régularisé appel des dispositions civiles de ladite décision suivant déclaration au greffe général en date du 21 décembre 2016.

Le conseil de f. MA. poursuit l'infirmation du jugement en soutenant l'irrecevabilité des demandes de la partie civile aux motifs essentiellement que :

  • - il s'agit d'un accident du travail répondant à la définition de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958,

  • - l'article 13 de la loi prive la victime du recours de droit commun dès lors que l'auteur est son employeur ou un autre salarié de l'entreprise.

Le Procureur général s'en est remis à l'appréciation de la Cour.

o. VE., assisté de son conseil, sollicite la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions civiles en faisant valoir essentiellement que :

  • - le prévenu n'a pas qualité pour soulever l'irrecevabilité résultant de l'application de la loi n° 636 du 11 janvier 1958,

  • - la qualification d'accident du travail suppose que celui-ci soit lié à l'activité professionnelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque le contexte de l'agression est extérieur au travail.

SUR CE,

Attendu tout d'abord que le prévenu dispose de la qualité à agir pour soutenir l'irrecevabilité des demandes de la partie civile et ce quel que soit le moyen qu'il soulève pour ce faire ;

Attendu en second lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, les accidents du travail se définissent comme étant : « les accidents survenus par le fait du travail, ou à l'occasion du travail, en quelque lieu que celui-ci s'effectue... » ;

Qu'il n'est en l'espèce ni contestable, ni contesté que l'incident survenu le 27 mars 2016 s'est bien déroulé sur le lieu du travail et pendant le temps de celui-ci sans que l'origine de l'agression relevant d'un problème personnel étranger au service opposant la victime à son agresseur n'ait d'incidence sur cette qualification ;

Qu'il s'ensuit qu'il constituait un accident du travail au sens de l'article 2 de la loi précitée ;

Attendu en dernier lieu, qu'en application de l'article 13 de la loi précitée, la victime d'un accident du travail est en droit de réclamer la réparation de son préjudice contre l'auteur de l'accident « autre que l'employeur et les préposés de l'entreprise » ;

Qu'il est constant que f. MA. était également salarié de la SAM A ;

Qu'ainsi, en l'espèce, la victime ne dispose pas de l'action civile de droit commun mais du régime légal de réparation spécifique ;

Que dans ces conditions, les demandes d o. VE. doivent être déclarées irrecevables et le jugement déféré sera réformé en ce sens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle sur les dispositions civiles, publiquement et contradictoirement à l'égard d o. VE. et conformément à l'article 377 du Code de procédure pénale à l'égard de f. MA.,

Reçoit l'appel ;

Infirme le jugement du Tribunal correctionnel du 13 décembre 2016 en ses dispositions civiles ;

Statuant à nouveau,

Déclare o. VE. irrecevable en son action civile dirigée contre f. MA. ;

Condamne o. VE. aux frais du présent arrêt ;

Composition🔗

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-sept janvier deux mille dix-sept, qui se sont tenus devant Monsieur Eric SENNA, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier ;

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Monsieur Eric SENNA, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;

Lecture étant donnée à l'audience publique du trois avril deux mille dix-sept par Monsieur Eric SENNA, Conseiller faisant fonction de Président, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.

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