Cour d'appel, 14 mars 2017, La SCI A c/ La SPA G
Abstract🔗
Demande en paiement – Preuve – Commencement de preuve par écrit – Créance – Intérêts – Mauvaise foi – Dommages-intérêts
Résumé🔗
Le différend opposant les parties porte sur la livraison de matériel et les agencements de salles de bains fournis à la SCI A et dont le prix n'aurait pas été payé, la société appelante affirmant quant à elle ne pas être la cocontractante de la SPA G, seul son gérant h. MU. ayant été en relation d'affaires avec cette entité. Il est constant et au demeurant non contesté qu'aucun contrat écrit n'a été établi au titre de ces prestations, le jugement entrepris ayant fait application des dispositions de l'article 1194 du Code civil pour reconnaître force probante à un certain nombre de pièces et en déduire la qualité de débiteur de la SCI A. Le commencement de preuve par écrit d'un engagement procède, au sens de l'article précité, de tout acte par écrit émané de celui contre lequel la demande est formée rendant vraisemblable le fait allégué.
Si certaines des pièces produites ne caractérisent pas un tel écrit, les factures ne provenant pas de la SCI A, il n'en demeure pas moins que les bons de livraison de marchandises produits aux débats comportent bien des signatures client toujours semblables mais néanmoins différentes de la signature du gérant h. MU., attestant de la réception des marchandises dans les locaux de la société destinataire. En outre, les bons de livraison susvisés contiennent également une rubrique « transporteur et chargeur » désignant toujours une même entité, la société B, apposant également son paraphe sous la signature du transporteur et témoignant également de la réalité de la livraison des produits transportés. Enfin, en complément de ce commencement de preuve par écrit, il résulte du compte de tiers « la SCI A » extrait de la comptabilité de la SPA G que de nombreuses prestations ont été facturées à cette société, le virement d'une somme de 20.000 euros effectué par le gérant de cette entité h. MU. n'étant pas de nature à exclure la réalité de la relation d'affaires liant les deux personnes morales ou à induire l'existence exclusive d'un rapport contractuel personnel.
En définitive, les premiers juges ont à bon droit déclaré recevable l'ensemble des demandes formées contre la SCI A et condamné cette dernière au paiement des factures impayées établies au nom de cette entité, soit une somme globale de 12.966,58 euros, après déduction des remises consenties et avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2014, date de la mise en demeure produite aux débats. Ils apparaissent également avoir justement évalué à la somme de 1.500 euros le montant des dommages-intérêts alloués à la SPA G en réparation du préjudice causé par la mauvaise foi de la SCI A qui a persisté à dénier l'existence de relations d'affaires avec sa cocontractante alors même qu'elle n'avait jamais émis une quelconque réserve ou protestation à la réception des factures susvisées.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 14 MARS 2017
En la cause de :
- La SCI A, dont le siège social est sis X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, Monsieur h. MU., domicilié à la même adresse ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- La Société de droit italien G, dont le siège social est sis X2 18038 SANREMO, prise en la personne de son Vice-Président du Conseil d'Administration en exercice, Monsieur c. BO., domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Olivier DE FASSIO, avocat au Barreau de Nice ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 25 février 2016 (R.3345) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 23 juin 2016 (enrôlé sous le numéro 2016/000190) ;
Vu les conclusions déposées les 29 septembre 2016 et 7 février 2017 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de la SPA G ;
Vu les conclusions déposées le 6 décembre 2016 par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la SCI A ;
À l'audience du 14 février 2017, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la SCI A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 25 février 2016.
Considérant les faits suivants :
Par exploit d'huissier en date du 16 octobre 2014, la société de droit italien G, exposant qu'elle exerce son activité dans les domaines de la vente de matériels de plomberie, chauffage, salles de bains et climatisation et que des prestations fournies en 2013 n'avaient pas été intégralement honorées, faisait assigner la société civile immobilière de droit monégasque A devant le Tribunal de Première Instance aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 13.597,85 euros, avec intérêts au taux légal à compter d'une mise en demeure du 6 mars 2014, au titre de factures impayées, outre 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
La SCI A, défenderesse, soutenant que la relation contractuelle avec la SPA G avait été conclue par h. MU. (dirigeant de la SCI A) à titre personnel, concluait à l'irrecevabilité des demandes et subsidiairement à leur rejet au fond.
Suivant jugement en date du 25 février 2016, le Tribunal de première instance a :
- Déclaré la SPA G recevable à agir à l'encontre de la société civile immobilière A,
- Condamné la société civile immobilière A à payer à la SPA G les sommes de :
12.966,58 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2014,
1.500 euros à titre de dommages et intérêts,
- Débouté la SPA G du surplus de ses demandes,
- Débouté la SCI A de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamné la SCI A aux dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Au soutien de cette décision, les premiers juges ont en substance fait valoir qu'en l'absence de contrat écrit, la preuve de l'engagement pouvait être caractérisée, en application de l'article 1194 du Code civil, au regard des « signatures client » figurant sur les bons de livraison versés aux débats apparaissant toujours identiques et ne permettant pas d'établir que seul le dirigeant de la SPA G, non signataire, aurait été en relations d'affaires avec la demanderesse.
Suivant exploit en date du 23 juin 2016, la SCI A a interjeté appel du jugement susvisé, signifié le 3 juin 2016, à l'effet de le voir réformer en toutes ses dispositions, déclarer la SPA G irrecevable en son action et en ses demandes et, subsidiairement, la débouter de l'ensemble de ses prétentions tout en la condamnant à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La société appelante fait grief au jugement entrepris de ne pas avoir tenu compte de la nature des relations contractuelles liant en réalité la SPA G à Monsieur h. MU. à titre personnel.
Elle expose que tous les documents émanant de la SPA G ont été établis de façon unilatérale et n'ont donc aucune portée probatoire alors même que l'ordre de virement du 14 février 2013 apparaît signé par le seul h. MU. et que le gérant de la SCI A n'a en réalité jamais signé de bon livraison au nom de cette personne morale.
Elle en déduit que la preuve d'une relation contractuelle entre les deux sociétés n'est pas rapportée tout en précisant que le « compte de tiers » extrait de la comptabilité de la SPA G n'a pas plus de valeur probante que les bons de livraison apocryphes ayant pourtant fondé la décision du Tribunal.
La SCI A observe à titre subsidiaire qu'une partie ne peut être condamnée au paiement sur la simple constatation de ce qu'elle aurait reçu un bon de livraison, une facture et un commandement de payer, de telles pièces n'émanant pas de la partie poursuivie et ne justifiant pas de la réalité du contrat invoqué.
La SPA G, intimée, entend en réponse voir débouter la société appelante de l'ensemble de ses prétentions et sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné cette dernière à lui payer les sommes de 12.966,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2014 et de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts tout en rejetant sa demande de condamnation à la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Elle entend par ailleurs à titre reconventionnel voir dire et juger que l'appel est manifestement abusif et dilatoire et voir condamner la société appelante à lui payer de ce chef la somme de 7.000 euros à titre de dommages intérêts.
La SPA G fait pour l'essentiel valoir que :
- les premiers juges ont qualifié de commencement de preuve par écrit les signatures client figurant sur les bons de livraison versés aux débats tout en analysant par la suite chacune des factures produites et les bons de transport corrélatifs dûment signés établissant la réalité de créance,
- Si les demandes avaient été mal dirigées, h. MU. aurait pu lui-même intervenir aux débats personnellement et se déclarer débiteur des sommes revendiquées,
- la SCI A a régulièrement reçu les marchandises objet du contrat qui ont été livrées et installées et elle en profite sans vouloir en acquitter le montant ce qui établit sa mauvaise foi.
Réitérant les termes de son acte d'appel, la SCI A rappelle qu'aucun document contractuel n'a été versé aux débats et que Monsieur h. MU. n'a pu quant à lui émettre aucune réserve ou opposition dès lors qu'il n'a jamais eu personnellement connaissance des factures objet du présent litige.
La société appelante ajoute que h. MU. n'a jamais signé ès qualités un quelconque bon de commande ou bon de livraison alors même que le rapport de droit existe entre ce dernier à titre personnel et la SPA G.
La suggestion tendant à susciter une intervention volontaire aux débats de Monsieur h. MU. pour reconnaître une dette contestée lui apparaît grotesque et démontre selon la SCI A le défaut de sérieux de l'argumentation adverse et le caractère abusif de la présente procédure.
Aux termes d'ultimes écrits judiciaires la SPA G, intimée, réitère l'ensemble de ses précédents moyens tout en rappelant que les pièces versées à la procédure font état de factures et documents de transport qui sont tous libellés à l'ordre de la SCI A sans qu'aucune opposition ait jamais été formulée. Elle ajoute que l'intégralité des marchandises a été dûment livrée et réceptionnée sans aucune réserve par cette entité après que son gérant ait, en connaissance de cause, passé commande des biens considérés.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel, régulièrement interjeté par la SCI A conformément aux règles de forme et de fond édictées par le Code de procédure civile, doit être déclaré recevable ;
Attendu que le différend opposant les parties porte sur la livraison de matériel et les agencements de salles de bains fournis à la SCI A et dont le prix n'aurait pas été payé, la société appelante affirmant quant à elle ne pas être la cocontractante de la SPA G, seul son gérant h. MU. ayant été en relation d'affaires avec cette entité ;
Attendu qu'il est constant et au demeurant non contesté qu'aucun contrat écrit n'a été établi au titre de ces prestations, le jugement entrepris ayant fait application des dispositions de l'article 1194 du Code civil pour reconnaître force probante à un certain nombre de pièces et en déduire la qualité de débiteur de la SCI A ;
Attendu que le commencement de preuve par écrit d'un engagement procède, au sens de l'article précité, de tout acte par écrit émané de celui contre lequel la demande est formée rendant vraisemblable le fait allégué ;
Que si certaines des pièces produites ne caractérisent pas un tel écrit, les factures ne provenant pas de la SCI A, il n'en demeure pas moins que les bons de livraison de marchandises produits aux débats comportent bien des signatures client toujours semblables mais néanmoins différentes de la signature du gérant h. MU., attestant de la réception des marchandises dans les locaux de la société destinataire ;
Qu'en outre, les bons de livraison susvisés contiennent également une rubrique « transporteur et chargeur » désignant toujours une même entité, la société B, apposant également son paraphe sous la signature du transporteur et témoignant également de la réalité de la livraison des produits transportés ;
Qu'enfin, en complément de ce commencement de preuve par écrit, il résulte du compte de tiers « la SCI A » extrait de la comptabilité de la SPA G que de nombreuses prestations ont été facturées à cette société, le virement d'une somme de 20.000 euros effectué par le gérant de cette entité h. MU. n'étant pas de nature à exclure la réalité de la relation d'affaires liant les deux personnes morales ou à induire l'existence exclusive d'un rapport contractuel personnel ;
Attendu en définitive que les premiers juges ont à bon droit déclaré recevable l'ensemble des demandes formées contre la SCI A et condamné cette dernière au paiement des factures impayées établies au nom de cette entité, soit une somme globale de 12.966,58 euros, après déduction des remises consenties et avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2014, date de la mise en demeure produite aux débats ;
Qu'ils apparaissent également avoir justement évalué à la somme de 1.500 euros le montant des dommages-intérêts alloués à la SPA G en réparation du préjudice causé par la mauvaise foi de la SCI A qui a persisté à dénier l'existence de relations d'affaires avec sa cocontractante alors même qu'elle n'avait jamais émis une quelconque réserve ou protestation à la réception des factures susvisées ;
Attendu que le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 25 février 2016 sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions et la SCI A déboutée des fins de son appel ;
Attendu enfin qu'il n'est pas démontré qu'en exerçant son droit d'appel la SCI A ait été animée d'une intention malveillante à l'égard de son contradicteur ou ait commis une faute caractérisant un abus de droit, en sorte que la demande de dommages-intérêts formée par la SPA G devra être rejetée ;
Attendu que les dépens d'appel demeureront à la charge de la SCI A qui succombe ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit la société SCI A en son appel,
Au fond, l'en déboute et confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 février 2016 par le Tribunal de première instance,
Déboute la SPA G des fins de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
Condamne la société SCI A aux dépens et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 14 MARS 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint.