Cour d'appel, 21 février 2017, Monsieur s. SH. MO. c/ Monsieur c. MO.
Abstract🔗
Baux d'habitation - Congé - Forme - Lettre recommandée (oui) - Validité du congé (oui)
Résumé🔗
Par application de l'article 1579 du Code civil, le congé doit être donné en respectant un délai de trois mois pour les baux d'un an ou plus, l'alinéa 1 du même article prévoyant que lorsqu'il y a un congé signifié, le preneur, quoi qu'il ait continué sa jouissance, ne peut invoquer la tacite reconduction. En dépit de cette référence légale au terme de « congé signifié », la dénonciation donnée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au domicile du locataire est, en droit du for, considérée comme valable. Le congé est donc valable en l'espèce.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU MARDI 21 FÉVRIER 2017
En la cause de :
- Monsieur s. SH. MO., né le 30 novembre 1976 à TÉHÉRAN (Iran), de nationalité iranienne, agent immobilier, demeurant « X1 », X1 à MONACO (MC - 98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Nicolas MATTEI, avocat au Barreau de Nice ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Monsieur c. MO., né le 17 juillet 1951 à BRESCIA (Italie), de nationalité italienne, demeurant X2 à MONACO (MC - 98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu l'Ordonnance de référé rendue le 6 juillet 2016 (R.6326) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 20 juillet 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000010) ;
Vu les conclusions déposées le 15 novembre 2016 et le 17 janvier 2017 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur c. MO. ;
Vu les conclusions déposées le 13 décembre 2016 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur s. SH. MO. ;
À l'audience du 24 janvier 2017, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur s. SH. MO. à l'encontre d'une Ordonnance de référé du 6 juillet 2016.
Considérant les faits suivants :
Suivant contrat en date du 9 juillet 2012, enregistré sous le numéro 129884, M. c. MO. a loué à M. s. SH. MO., à compter du 15 juin 2012, un appartement portant le n° 8 situé au 14ème étage de la « X1 », X1 à Monaco et une cave n° 151 au 2ème étage, moyennant un loyer mensuel de de 1.100 euros pour une durée de 12 mois et demi à compter du 15 juin 2012, bail renouvelable ensuite annuellement, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties avec préavis légal.
Suivant courrier du 26 février 2015, la société A a informé le locataire de la résiliation du bail à son échéance du 30 juin 2015.
Le 15 juillet 2015, M. c. MO., représenté par Mme CU. de la société A a fait sommation à M. s. SH. MO. de quitter les lieux et de convenir d'une date pour l'état des lieux de sortie.
Le 23 octobre 2015, M. c. MO. a fait assigner M. s. SH. MO. en expulsion devant le Juge des référés en faisant valoir pour l'essentiel que le bail renvoyait les parties à l'application du « préavis légal » pour la dénonciation du contrat, lequel est de 3 mois pour les baux d'une durée d'un an ou plus en application de l'alinéa 2 de l'article 1579 du Code civil et que le terme « signifié » n'imposait pas que le congé doive être effectué par acte extrajudiciaire, en sorte que le courrier valant congé donné par lettre recommandée avec accusé de réception avant le délai contractuel de trois mois était valable.
Suivant ordonnance en date du 6 juillet 2016, le Juge des référés a :
- Constaté que le contrat de bail du 9 juillet 2012 conclu entre M. c. MO. et M. s. SH. MO. n'a pas été renouvelé à son échéance du 30 juin 2015 ;
- Accordé à M. s. SH. MO. un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision pour quitter les lieux ;
- Ordonné à défaut de ce faire dans ledit délai son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, à savoir l'appartement n° 8 situé au 14ème étage de la X1, X1 à Monaco et de la cave n° 151 au 2ème étage dudit immeuble, au besoin avec l'assistance d'un serrurier et le concours de la force publique ;
- Condamné M. s. SH. MO. aux dépens.
Le premier Juge a pour l'essentiel observé que le bailleur avait informé son preneur de l'échéance du bail, advenue le 30 juin 2015, tout en lui donnant le préavis dans le délai requis par l'article 1579 du Code civil, le texte de loi n'obligeant pas le bailleur à délivrer congé par voie d'huissier.
Suivant exploit en date du 20 juillet 2016, M. s. SH. MO. interjetait appel de ladite ordonnance dont il sollicitait la réformation tout en demandant à la Cour de :
constater qu'il a réglé le montant du loyer et des charges pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016,
constater qu'il a payé les droits d'enregistrement pour le renouvellement du bail pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016,
constater que la résiliation du bail d'habitation adressée par la société A, mandataire de Monsieur MO., est irrégulière et en tirer toutes conséquences de droit,
dire et juger que le bail liant les parties a été tacitement renouvelé pour une durée d'une année soit jusqu'au 30 juin 2016,
enjoindre à Monsieur MO. de délivrer les quittances de loyer pour la période du 1er janvier 2015 au 30 juin 2016,
et, à titre subsidiaire :
lui accorder un délai de trois mois pour trouver un nouveau logement et libérer les lieux à compter de la décision à intervenir.
L'appelant fait valoir en substance que :
depuis près de sept ans, c'est-à-dire son entrée dans les lieux, il s'acquitte régulièrement du montant des loyers et charges et des droits d'enregistrement de renouvellement du bail,
par lettre RAR du 5 mars 2015, il a immédiatement contesté la résiliation notifiée le 26 février 2015 par le propriétaire et a, par lettre RAR du 13 avril 2015, adressé à ce dernier le règlement des loyers et charges pour la période du 1er avril au 30 juin 2015 pour un montant de 4.260 euros,
le préavis légal n'a pas été respecté dès lors que la location était consentie pour une durée de 12 mois et demi à compter du 15 juin 2012 et que le congé devait lui être « signifié », c'est-à-dire être délivré par huissier de justice conformément aux dispositions de l'article 1579 du Code civil,
la résiliation du bail étant donc entachée d'irrégularité, la location a été tacitement renouvelée pour une durée d'une année jusqu'au 30 juin 2016,
le bailleur sera dès lors condamné à lui délivrer les quittances locatives pour la période correspondante puisqu'il a procédé au règlement du loyer et des charges,
en tout état de cause, si la Cour faisait droit aux demandes du bailleur, son expulsion serait humainement dramatique dès lors qu'il a des problèmes de santé et n'a pas retrouvé un nouveau logement, un délai de grâce de trois mois étant requis pour lui permettre de libérer les lieux en attendant l'amélioration de son état de santé.
c. MO., intimé, entend voir débouter l'appelant des fins de son recours et confirmer l'Ordonnance de référé du 6 juillet 2016 sauf en ce qu'elle a fait partiellement droit à la demande de son locataire tendant à l'octroi d'un délai pour libérer les lieux loués.
L'intimé entend voir constater que M. SH. MO. a bénéficié d'un délai de près de deux ans depuis la réception du congé pour se reloger et qu'il n'a plus réglé le moindre centime depuis le 1er juillet 2015 et se voir donner acte de ses expresses réserves d'agir devant le Juge compétent en paiement des indemnités d'occupation dues depuis le 1er juillet 2015 jusqu'à la remise effective des clés, et ce, sans préjudice de tous dommages intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'impossibilité de relouer le local.
Il entend en conséquence voir rejeter toute demande de délai supplémentaire formée par l'appelant et ordonner son expulsion des lieux loués ainsi que celle de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier dès la signification de l'arrêt à intervenir.
c. MO. expose en substance que :
le congé donné par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au domicile du locataire est valable dès lors qu'il a été réceptionné bien avant le délai de trois mois prévu avant le terme du bail,
il est régulier en la forme et le délai de préavis a été respecté,
l'article 1579 du Code civil n'impose pas une signification du congé par voie d'huissier,
il est inopérant de dire que le preneur a réglé le montant des loyers et charges pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016 dès lors que le bail avait déjà pris fin à la date du 30 juin, l'appelant s'étant maintenu sans droit ni titre dans les lieux en sorte qu'il n'était plus, le cas échéant, redevable que d'une indemnité d'occupation,
il n'est pas davantage justifié de la réalité de ces versements, M. SH. MO. continuant d'occuper les lieux sans régler quelque somme que ce soit au propriétaire,
à ce jour, M. SH. MO. demeure redevable d'une somme de 26.640 euros au titre des indemnités d'occupation et provision sur charges pour la période du 1er juillet 2015 au 30 novembre 2016 outre celle de 2.237,46 euros à titre de régularisation des charges annuelles pour la période du 15 juin 2009 au 30 juin 2015, soit un impayé total de 26.877,46 euros,
il n'est dès lors pas réaliste d'envisager une quelconque condamnation à la délivrance de quittances de loyer pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, alors même que l'intimé se réserve de réclamer le montant des sommes dues devant le Juge compétent,
s'agissant de la demande subsidiaire tendant à l'octroi d'un délai pour libérer les lieux, l'inertie et la mauvaise foi du preneur étant évidentes, aucun délai ne saurait lui être accordé.
Les parties ont ultérieurement réitéré l'ensemble de leurs moyens et prétentions respectives ;
L'appelant a, à titre subsidiaire, fait valoir au terme de tels écrits additionnels, que le propriétaire ne lui avait pas restitué le montant de la caution d'un montant équivalent aux loyers outres les charges, soit une somme de 4.260 euros alors même qu'il avait quitté les lieux à compter du 15 octobre 2016, ce dont il demande qu'il lui soit donné acte tout en réclamant la condamnation de Monsieur MO. à lui rembourser cette somme.
c. MO. a pour sa part entendue se voir donner acte de ses réserves d'agir devant le Juge compétent en paiement d'indemnités d'occupation due depuis le 1er juillet 2015 jusqu'à la remise effective des clés sans préjudice de tous dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de relouer le local. Il entend en outre voir déclarer irrecevables la demande de délivrance des quittances de loyer dans le cas de la procédure de référé comme la demande de condamnation en remboursement de la caution.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel principal et l'appel incident ont été régulièrement interjetés dans les conditions de forme et de fond prescrites par le Code de procédure civile et seront déclarés recevables ;
Que le bail souscrit le 9 juillet 2012 était renouvelable annuellement par tacite reconduction, et ce, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties avec préavis légal ;
Attendu que par application de l'article 1579 du Code civil, le congé doit être donné en respectant un délai de trois mois pour les baux d'un an ou plus, l'alinéa 1 du même article prévoyant que lorsqu'il y a un congé signifié, le preneur, quoi qu'il ait continué sa jouissance, ne peut invoquer la tacite reconduction ;
Qu'en dépit de cette référence légale au terme de « congé signifié », la dénonciation donnée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au domicile du locataire est, en droit du for, considérée comme valable ;
Qu'il résulte à cet égard des pièces produites que le bail liant les parties se renouvelait par tacite reconduction et que le propriétaire a, dès le 26 février 2015, informé son preneur que la location venant à échéance le 30 juin 2015 ne serait pas reconduite ;
Que ledit congé, donné plus de quatre mois à l'avance, a donc été régulièrement délivré puisque le locataire, M. SH. MO., a été destinataire le 3 mars 2015 de la dénonciation du bail en date du 26 février 2015 pour le 30 juin 2015 ;
Qu'il s'ensuit que le contrat de bail a pris fin à cette date et que M. SH. MO. est alors devenu un occupant sans droit ni titre, le cas échéant redevable d'indemnités d'occupation et ne pouvant en cette qualité prétendre à l'obtention de quittances de loyer, une telle demande devra être rejetée ;
Que le premier Juge ayant légitimement constaté le non renouvellement du bail à la date susvisée, l'ordonnance déférée sera de ce chef confirmée ;
Attendu que la demande de remboursement de la caution apparaît irrecevable dans le cadre d'une telle procédure, le Juge des référés étant incompétent pour condamner une partie au paiement de sommes d'argent et ce, en dehors de ses prérogatives spécifiques inhérentes au prononcé d'une astreinte et à sa liquidation prévues par l'article 421 du Code de procédure civile ;
Attendu, sur l'appel incident, que la décision du premier Juge tendant à laisser un délai d'un mois à l'occupant à compter de la signification de sa décision pour organiser son déménagement n'apparaît pas critiquable et n'encourt dès lors pas la réformation, en sorte que l'Ordonnance de référé du 6 juillet 2016 sera également confirmée de ce chef ;
Que les parties seront en conséquence déboutées des fins de leurs appels respectifs outre des demandes de donner acte, sans portée juridique, l'ordonnance entreprise devant être confirmée dans l'ensemble de ses dispositions ;
Attendu que l'appelant qui succombe conservera la charge des dépens d'appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables les appels principal et incident,
Déclare irrecevable la demande de remboursement de la caution,
Déboute les parties de l'ensemble de leurs prétentions respectives, notamment de donner acte et de délivrance de quittances locatives,
Confirme en toutes ses dispositions l'Ordonnance rendue par le Juge des référés le 6 juillet 2016,
Condamne M. SH. MO. aux dépens d'appel, est dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat- défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 21 FÉVRIER 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général.