Cour d'appel, 30 janvier 2017, m-a. A c/ Le Ministère Public

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Abstract🔗

Complicité - Exercice d'une activité commerciale, industrielle ou économique sans autorisation - Exercice d'une activité financière sans agrément - Violation des conditions d'embauchage - Aide ou assistance - Intention - Condamnation

Résumé🔗

Le prévenu doit être condamné des chefs de complicité d'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou économique sans autorisation, complicité d'exercice d'une activité financière sans agrément et complicité de violation des conditions d'embauchage. Il a souscrit des contrats d'ouverture de lignes téléphoniques et d'accès internet installés dans des locaux pris à bail par une autre personne. Il a aménagé des postes de travail qu'il a rendu opérationnels notamment en installant les logiciels adaptés, recruté des traders et débuté leur formation ; il a organisé et supervisé leur travail. Il a donné les instructions pour le règlement de leur rémunération et distribué à certains d'entre eux des sommes en espèces. Il a réglé certaines dépenses de fonctionnement en utilisant un chéquier qui lui avait été délivré par une banque. En agissant ainsi, il a aidé et assisté l'auteur principal dans les faits qui ont préparé et facilité, d'une part, son activité professionnelle de formation de traders sans obtention préalable de l'autorisation du ministère d'État, d'autre part, son activité de gestion pour le compte de tiers de portefeuilles de valeurs mobilières ou d'instruments financiers à terme sans autorisation préalable et, en dernier lieu, son embauche de traders sans formalité préalable de déclaration auprès du Service de l'emploi et de la main d'œuvre, délits dont l'auteur a été définitivement reconnu coupable. Il a reconnu avoir eu conscience que les opérations effectuées par les traders nécessitaient un agrément préalable et avoir averti l'auteur du risque constitué par le démarrage en l'état du trading depuis la salle de marché de Monaco. Il avait effectué des recherches en droit monégasque, ce qui lui avait permis d'informer l'auteur sur la nécessité de créer ou d'acquérir une société pour obtenir l'agrément en matière d'opérations financières. La connaissance par le prévenu de l'exercice, par l'auteur, sous couvert d'une société, de l'activité, non seulement de trading mais également de formation, en l'absence de toute autorisation et agrément, est ainsi établie.


Motifs🔗

Dossier PG n° 2012/002578

Cour d'appel correctionnelle INF. JI CABII-2012/000035

ARRÊT DU 30 JANVIER 2017

En la cause de :

  • m-a. A, né le 24 août 1983 à Neuilly-sur-Seine (92), de Michel et de Rose RE., de nationalité française, demeurant « X1 », X1 à Nice (06200) ;

Prévenu de :

  • - COMPLICITÉ D'EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ COMMERCIALE, INDUSTRIELLE OU ÉCONOMIQUE SANS AUTORISATION

  • - COMPLICITÉ D'EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ FINANCIÈRE SANS AGREMENT DE LA CCAF

  • - COMPLICITÉ DE VIOLATION DES CONDITIONS D'EMBAUCHAGE

présent, assisté de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur en cette même Cour et plaidant par Maître Jean TAMALET, avocat au barreau de Paris ;

APPELANT/INTIME

Contre :

  • le MINISTÈRE PUBLIC ;

INTIME/APPELANT

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 9 janvier 2017 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 26 août 2016 ;

Vu les appels interjetés le 5 septembre 2016 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur pour m-a. A, prévenu, et par le Ministère public à titre incident ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 20 septembre 2016 ;

Vu la citation, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 6 octobre 2016 ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les conclusions de Maître Jean TAMALET, avocat au barreau de Paris pour m-a. A, prévenu, en date du 6 janvier 2017 ;

Ouï Paul CHAUMONT, Conseiller, en son rapport ;

Ouï m-a. A, prévenu, en ses réponses ;

Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Jean TAMALET, avocat au barreau de Paris, régulièrement autorisé à plaider par le Président, pour m-a. A, prévenu, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Ouï le prévenu en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 26 août 2016, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

« D'avoir, à Monaco, courant 2012 et depuis temps non couvert par la prescription, été complice du délit d'exercice d'une activité commerciale ou professionnelle en Principauté de Monaco sans obtention préalable d'une autorisation administrative du Ministère d'État, commis par j N, en l'aidant et en l'assistant en toute connaissance de cause, en l'espèce en assurant l'ouverture d'un bureau et en supervisant le travail des employés. » ;

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 1, 5, 7 et 12 de la Loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 et par les articles 26, 41 et 42 du Code pénal ;

« D'avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps, été complice du délit d'exercice d'une activité financière sans agrément de la CCAF, commis par j N, en l'aidant et en l'assistant, en toute connaissance de cause, en l'espèce en assurant l'ouverture d'une salle de marchés et en supervisant les activités de gestions de fonds pour le compte de tiers. » ;

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 1, 2, 8, 43, 50, 51 de la Loi n° 1.338 sur les activités financières du 7 septembre 2007 et de l'article 26 du Code pénal ;

« D'avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps, été complice du délit de violation des conditions d'embauchage, commis par j N, en l'aidant et en l'assistant, en toute connaissance de cause, en l'espèce en recrutant et faisant travailler des traders et traders en formation alors qu'aucune démarche n'avait été entreprise auprès du Service de l'emploi et de la main d'œuvre » ;

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 1, 3, 4 et 10 de la Loi n° 629 du 17 juillet 1957 relative aux conditions d'embauchage en Principauté de Monaco ;

  • - déclaré m-a. A coupable des délits qui lui sont reprochés ;

En répression, faisant application des articles visés par les préventions ainsi que des articles 12 et 393 du Code pénal,

  • - l'a condamné à la peine de TROIS MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé au condamné, absent lors du prononcé de la décision ;

  • - ordonné la confiscation des fiches n° 1/INST constituant le scellé n° 2013/100, des fiches UN, DOUZE, VINGT-SIX, VINGT-SEPT, UNCR, QUATRECR, CINQCR, SIXCR constituant le scellé n° 2013/230, de toutes les fiches constituant le scellé n° 2013-230 à l'exception du n° QUATORZE et des fiches SEPT, DIX-NEUF, VINGT, VINGT-CINQ, NEUF CR constituant le scellé n° 2014/592 placé au greffe général ;

  • - condamné, enfin, j N et m-a. A solidairement aux frais.

Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur pour m-a. A, prévenu, a interjeté appel de cette décision par acte de greffe en date du 5 septembre 2016.

Le Ministère public a interjeté appel incident de ladite décision le même jour.

Considérant les faits suivants :

Par courrier du 22 novembre 2012, la Commission de Contrôle des Activités Financières (CCAF) informait le Procureur général qu'une société dénommée « B », qui était dépourvue d'autorisation gouvernementale et d'agrément, avait organisé le 16 novembre courant, dans des locaux situés X2 à Monaco, une réunion pour des investisseurs potentiels (D1).

Le 23 novembre 2012, le Procureur général saisissait la Sûreté publique d'une enquête (D3).

Celle-ci faisait apparaître que les locaux avaient été loués à j N à compter du 1er août 2012.

Le 28 novembre 2012, la police perquisitionnait les lieux où elle constatait la présence de ce dernier, mais également de m-a. A.

Elle notait que le local était constitué de huit bureaux disposés en arc de cercle et équipés de nombreux écrans et d'ordinateurs en fonction, soit 21 postes au total.

Elle constatait que neuf personnes occupaient des postes de travail, cinq d'entre elles (c P, t G, r A, b C, f J) étant placées devant des écrans portant les mentions « simulation » ou « compte démo » tandis que quatre autres (m M, n D, t E, j G) étaient face à des écrans faisant apparaître une activité réelle de trading en cours, avec des logiciels et graphiques de trading tels que X TRADER PRO, STOP GUARDIAN et START GUARDIAN.

m-a. A confirmait qu'il s'agissait d'une activité de trading réelle et en direct, mais précisait qu'elle se faisait avec l'argent personnel des employés.

Les enquêteurs découvraient un chéquier délivré par la banque E au nom de m-a. A.

Celui-ci expliquait qu'il l'utilisait actuellement pour des dépenses de fonctionnement de la société puisque cette dernière n'avait pas encore de compte bancaire ouvert en Principauté.

Les policiers trouvaient également sept enveloppes sur lesquelles étaient inscrits à la main les prénoms c, r, g, f, m, n et t, et contenant des sommes en espèces de 1.000 à 2.000 euros (D19).

Le même jour, j N était entendu par les enquêteurs auxquels il expliquait qu'il avait créé en 2009 la société B, immatriculée au registre du commerce et des sociétés des SEYCHELLES et destinée à la réalisation d'achats et de ventes sur les marchés financiers (trading), et qu'il avait l'intention de développer cette activité à Monaco.

Il avait ainsi pour projet d'installer une salle de trading à Monaco, d'acquérir la société anonyme monégasque K, de lui donner comme dénomination sociale « B » et de lancer son activité au début de l'année 2013.

Il précisait qu'il avait confié au cabinet d'expertise comptable BRYCH la charge d'accomplir toutes les formalités administratives à cette fin.

Il indiquait qu'il avait rencontré m-a. A à Paris, lequel était un opérateur (trader) reconnu dans le milieu, qui faisait de la formation par l'intermédiaire de la société L, et qu'il avait fait venir ce dernier à Monaco pour former des traders et devenir le responsable de la salle de trading.

Il reconnaissait que les premiers employés, arrivés en septembre 2012, avaient commencé à suivre la formation dispensée par m-a. A alors qu'aucune autorisation n'avait été délivrée pour l'exercice d'une telle activité.

Il expliquait qu'il s'agissait de personnes en formation, avec un statut de stagiaire rémunéré, qui percevaient, depuis la fin du mois d'octobre une indemnité de stage en espèces de 1.200 à 2.000 euros nets par mois, les espèces découvertes lors de la perquisition correspondant aux indemnités de stage qui allaient être versées à la fin du mois de novembre 2012.

Il justifiait l'absence de fiche de paie et de toutes démarches de sa part et de celle de m-a. A auprès du service de l'emploi par la circonstance que l'acquisition de la SAM K n'était pas encore officialisée.

Il soutenait que m-a. A ne s'était pas du tout occupé de la partie administrative et qu'il n'avait pas eu de contact avec le cabinet BRYCH (D38).

Lors de sa deuxième audition, le 29 novembre 2012, j N affirmait que m-a. A n'avait eu d'autre rôle que celui de formateur, qu'il n'était au courant de rien et qu'il ne connaissait rien au sujet du montage de la nouvelle SAM au sein de laquelle il aurait dû être juste administrateur délégué (D39).

Mme FA., juriste au sein du cabinet d'expertise comptable BRYCH, confirmait que j N avait pris rendez-vous en vue de l'achat, par la société B, des actions de la SAM K et en vue de modifier l'objet social de cette dernière qui était le commerce notamment de matériel photographique et bureautique, pour le transformer en achat, vente et prestations en services informatiques dans le domaine de la recherche en données et prévisions économiques.

Mme FA. indiquait qu'après avoir consulté la Direction de l'expansion économique, elle avait informé j N que la loi sur les sociétés anonymes monégasques ne permettait pas une telle modification de l'objet social, que ce dernier lui avait alors répondu qu'il prendrait rendez-vous avec la Direction de l'expansion économique pour régler le problème, et qu'en définitive, le projet de cession d'actions ne s'était pas réalisé (D57).

Les enquêteurs adressaient une réquisition à la société F qui, en réponse, les informait que m-a. A était titulaire de trois lignes téléphoniques analogiques simples et de deux accès internet installés le 16 août 2012 au X2 et qu'il avait conclu les contrats correspondants (D4 et D11).

Ils interrogeaient également la Direction de l'expansion économique qui répondait que j N, m-a. A et la société B étaient inconnus de ses services (D4).

M. BL., agent immobilier, confirmait aux policiers que le bail avait été signé par j N, mais ajoutait qu'il avait rencontré m-a. A dans les locaux du X2 et qu'il avait pensé que celui-ci était le « bras droit » de j N et qu'il semblait « s'occuper de tout » (D8).

Un procès-verbal de renseignement mentionnait les propos du gardien de l'immeuble selon lesquels les lieux étaient occupés par une société comptant une dizaine d'employés présents quotidiennement et que le responsable de la société se serait présenté comme étant m-a. A (D5).

Les neuf personnes présentes lors de la perquisition du 28 novembre 2012 étaient entendues par la police.

c P déclarait qu'il avait fait la connaissance de m-a. A un mois auparavant, que celui-ci lui avait parlé de son activité et lui avait proposé de suivre une formation pour une période non déterminée devant probablement aboutir à un poste de trader, qu'il l'avait accueilli le 26 novembre 2012, et qu'il ne percevait aucune rémunération (D49).

Thomas GO. indiquait qu'il connaissait m-a. A depuis plusieurs années et que ce dernier lui avait parlé d'une formation pour obtenir un éventuel emploi, qu'il s'était présenté début octobre à la société B où il avait été mis en présence de m-a. A, qu'il travaillait sur un simulateur de marché financier avec plusieurs autres personnes également en formation, et qu'il ne percevait aucune rémunération (D51).

Raphaël A déclarait qu'il était arrivé le 27 octobre 2012 au sein de la société B pour y effectuer un stage de formation en vue d'un emploi de trader, qu'il avait été recruté par son frère m-a. qui « est un des responsables de cette société » et qu'il ne percevait aucun traitement (D48).

b C indiquait qu'il avait commencé le 8 octobre dernier, que m-a. A lui avait donné quelques heures de formation et qu'il faisait des simulations d'achat et de vente de titres boursiers et de devises avec de l'argent virtuel, qu'il n'avait ni contrat de travail ni convention de stage, et que la durée de formation n'était pas prévue (D52).

f J déclarait qu'il était en formation depuis un mois et demi sous les ordres de m-a. A, lequel lui avait proposé de l'intégrer dans la société, qu'il devait être formé pendant deux mois, un accord ayant été signé et devant déboucher sur un contrat de travail (D44).

m M indiquait que m-a. A lui avait proposé de travailler pour le compte de la société B en qualité d'opérateur de marchés, qu'il était en poste depuis le 15 octobre 2012, qu'il avait signé un contrat, qu'il n'avait encore perçu aucune rémunération, qu'il était, à sa connaissance, salarié de la société B, que son rôle consistait à prendre des positions d'achat et de vente sur les indices boursiers, plus précisément des contrats à terme, et qu'il estimait à quatre ou cinq le nombre d'ordres financiers qu'il pouvait prendre par journée de présence, soit cinq jours par semaine (D47).

n D déclarait que m-a. A lui avait proposé un poste en Principauté, qu'il l'avait reçu le 11 novembre 2012 et commencé sa formation, qu'il ne connaissait pas encore le montant de son salaire, qu'il n'avait signé aucun document, qu'il avait commencé à passer des ordres financiers dès le 13 novembre 2012 pour le compte de la société et géré le portefeuille existant (D53).

t E indiquait que m-a. A lui avait proposé de venir travailler avec lui à Monaco, qu'il était arrivé le 11 novembre 2012 pour faire de la recherche en trading, que les sommes engagées étaient au maximum de 50.000 euros et qu'il n'avait investi aucun argent personnel sur le marché (D 45).

j G déclarait qu'il était trader pour la société B depuis le 15 octobre 2012, qu'il n'avait pas de contrat de travail car la société était en cours de création, qu'il avait perçu 2.000 euros fin octobre 2012, son salaire devant être de 4.000 euros par mois, qu'il vendait et achetait des produits financiers dérivés et que m-a. A était son seul interlocuteur.

m-a. A était entendu par les enquêteurs le 28 novembre 2012.

Il exposait qu'après avoir obtenu un master de finances à l'université de Paris-Dauphine puis un magistere de banque finances assurances en 2006, il avait été embauché en qualité de trader par une société à Paris puis à Amsterdam avant de créer sa propre société, dénommée H, pour gérer ses fonds propres, qu'il avait transformée en « L », destinée à la formation des traders, cette structure ayant fonctionné jusqu'en 2011, qu'il avait été chargé de cours pendant 18 mois à l'université Paris-Dauphine à l'intention d'étudiants en Master II finances, et que, début 2012, il avait effectué des démarches auprès de l'Autorité des marchés financiers qui lui avait délivré l'agrément de « conseiller en investissement financier ».

Il indiquait qu'il avait ensuite été travaillé en collaboration avec j N, lequel lui avait demandé de venir, à la mi-août 2012, en Principauté afin d'installer une salle de marché, qu'à la fin du mois de septembre, il avait aménagé 21 postes de travail fonctionnels, qu'il avait monté lui-même le matériel informatique et qu'il avait financé sur ses propres deniers le branchement des lignes téléphoniques et internet.

Il ajoutait qu'il avait recruté sept traders juniors et quatre traders seniors après validation de son plan de formation par j N, qu'il avait débuté la formation des sept juniors le 8 octobre 2012, que les seniors avait commencé à travailler « en trading réel » le 25 octobre 2012 pour le compte de la société B, et que tous avaient signé des précontrats qui n'étaient pas encore « officialisés » dans l'attente de la régularisation de la structure monégasque.

Il précisait qu'après avoir défini les stratégies, il avait affecté à chacun des traders seniors, en fonction de leurs compétences respectives, une certaine somme provenant, selon lui, de la société B.

S'agissant de la rémunération des traders, il soulignait que les sommes en numéraires trouvées lors de la perquisition étaient destinées à régler les salaires de certains juniors et seniors qui n'avaient pas demandé de virement, que ces sommes devaient leur être données ou virées le lundi suivant, et que l'argent liquide lui avait été donné par j N le lundi précédent.

Il indiquait qu'il avait lui-même perçu, par virement, la somme de 4.000 euros par mois depuis juillet 2012 et qu'il avait réussi à négocier une augmentation de 6.000 euros mensuels auxquels devait s'ajouter un intéressement sur le résultat global de la salle de marché.

Il affirmait qu'il n'était responsable que du risque trading et des stratégies, que c'est à ce titre qu'il avait été recruté par j N, qu'il n'était en rien chargé de la partie administrative de la société, et qu'il n'avait jamais porté attention à la nécessité d'obtenir des autorisations pour procéder à des opérations financières pour compte propre de la société (D41).

À l'occasion de sa deuxième audition, les enquêteurs lui soumettaient un message du 7 septembre 2012 que j N lui avait envoyé relatif à la création d'une SARL monégasque B.

Il leur révélait qu'à cette occasion, il avait effectué des recherches et qu'il avait indiqué à j N que cette forme juridique ne permettait pas d'obtenir d'agrément de la CCAF pour les opérations financières et que ce dernier lui avait alors dit qu'il allait choisir une SAM.

En réponse à une question des policiers, il reconnaissait qu'il avait « conscience que les opérations de trading effectuées par les seniors nécessitaient un agrément préalable et que lorsque j N lui avait demandé de commencer le trading depuis la salle des marchés de Monaco, il lui avait indiqué que c'était risqué ».

Il ajoutait « il m'a alors clairement dit de commencer l'activité avec les seniors en pleine connaissance de cause. Il m'a dit que de toute façon, la situation de l'agrément était en cours de règlement avec la SAM qui devait être achetée. Il m'a dit que la SAM qu'il achetait disposait de tous les agréments nécessaires. Je n'ai pas discuté ses ordres car je pensais que c'était lui qui prenait les risques en cas de problèmes. Je vous précise que je l'ai régulièrement questionné sur l'avancée du rachat et de l'agrément et qu'il me disait à chaque fois que c'était en cours ».

Dans le même temps, m-a. A confiait qu'il trouvait que j N était « un homme mystérieux » lui ayant « toujours déclaré avoir un grand nombre d'activités génératrices de revenus sans toutefois (lui en) donner le détail même quand (il) le questionnais dessus » qui « en rajoutait un peu » « par exemple, il (lui) avait souvent parlé de véhicules de luxe qu'il détenait tel que Bentley mais (il) ne l'avait toujours vu se déplacer en Twingo verte qui semblait être à lui ».

Il ajoutait qu'il avait « toujours eu des réserves sur certains des dires (de j N) car il (avait) l'impression qu'il avait tendance à embellir la situation ».

Interrogé sur la provenance des fonds mis à la disposition des traders, il répondait aux policiers qu'il ne le savait pas réellement.

Lorsque ces derniers lui faisaient remarquer qu'apparaissaient sur le relevé du compte de la société B ouvert dans les livres de la Banque I des virements de particuliers correspondant vraisemblablement à des fonds récoltés par j N pour alimenter l'activité de trading, il admettait qu'il s'agissait « de façon détournée de gérer des fonds pour le compte de tiers » (D42).

Mme TR., engagée par la société G le 22 juin 2012 en qualité d'assistante de direction, et mise à la disposition de la société B a déclaré qu'elle était chargée du règlement des rémunérations des traders sur demande expresse de m-a. A (D163).

Le 30 novembre 2012, le Procureur général requérait l'ouverture d'une information contre j N et m-a. A (D69).

Le même jour, j N était inculpé notamment d'exercice illégal d'une activité commerciale ou professionnelle, d'exercice illégal d'une activité financière réglementée et de violation des conditions d'embauchage de salariés et placé en détention provisoire, tandis que m-a. A était inculpé de complicité de ces infractions et placé sous contrôle judiciaire (D68 et D69).

À l'issue de l'information, ils étaient renvoyés devant le Tribunal correctionnel :

. j N, pour avoir, à Monaco, courant 2012, notamment :

  • - exercé une activité commerciale ou professionnelle en Principauté de Monaco sans obtention préalable d'une autorisation administrative du Ministère d'Etat, en l'espèce une activité de trading et de formation de traders ;

  • - s'être livré, en son propre nom ou à quelque titre que ce soit, à tout ou partie d'une activité de gestion, pour le compte de tiers, de portefeuilles de valeurs mobilières ou d'instruments financiers à terme, sans avoir obtenu l'agrément nécessaire en vertu de l'article 2 ou de l'article 8 de la loi n° 1.338 du 7 septembre 2007 sur les activités financières ;

  • - avoir, violé les conditions d'embauchage en Principauté de Monaco, en l'espèce en n'effectuant aucune formalité préalable de déclaration d'embauche au Service de l'emploi et de la main d'œuvre.

. m-a. A, pour avoir, à Monaco, courant 2012 :

  • - été complice du délit d'exercice d'une activité commerciale ou professionnelle en Principauté de Monaco sans obtention préalable d'une autorisation administrative du Ministère d'État, commis par j N (activité de trading et de formation de traders), en l'aidant et en l'assistant en toute connaissance de cause, en l'espèce en assurant l'ouverture d'un bureau et en supervisant le travail des employés ;

  • - été complice du délit d'exercice d'une activité financière sans agrément de la Commission de contrôle des activités financières (activité de gestion, pour le compte de tiers, de portefeuilles de valeurs mobilières ou d'instruments financiers à terme) commis par j N, en l'aidant et en l'assistant, en toute connaissance de cause, en l'espèce en assurant l'ouverture d'une salle de marchés et en supervisant les activités de gestion de fonds pour le compte de tiers ;

  • - été complice du délit de violation des conditions d'embauchage, commis par j N, en l'aidant et en l'assistant, en toute connaissance de cause, en l'espèce en recrutant et faisant travailler des traders et traders en formation alors qu'aucune démarche n'avait été entreprise auprès du Service de l'emploi et de la main d 'oeuvre.

Par jugement du 26 août 2016, j N et m-a. A ont été déclarés coupables et condamnés, le premier, à un an d'emprisonnement, et le second à trois mois d'emprisonnement avec sursis.

Seul m-a. A a relevé appel.

Les casiers judiciaires français et monégasque du prévenu ne portent mention d'aucune condamnation.

Aux termes de ses conclusions reçues le 6 janvier 2017, réitérées à l'audience, m-a. A demande à la Cour d'infirmer le jugement et de prononcer sa relaxe.

Sur le délit de complicité d'exercice illégal d'une activité professionnelle, il fait valoir essentiellement que l'élément moral de la complicité fait défaut en ce que, simple salarié chargé exclusivement de la formation des traders, il ignorait les obligations de j N envers les autorités monégasques préalables à l'ouverture d'une salle de marché et la circonstance que ces démarches n'avaient pas été effectuées, ce qui ne lui incombait pas de le vérifier.

Sur le délit de complicité d'exercice d'une activité financière sans agrément, il soutient que, compte tenu des déclarations que j N lui avait faites selon lesquelles l'agrément allait être obtenu par le rachat d'une SAM par la société B, il avait toujours pensé que l'ouverture de la salle de marché était régulière, d'autant qu'il n'était pas tenu, au regard de ses compétences et de ses attributions, de se tenir informé de la situation juridique et administrative.

Sur le délit de complicité de violation des conditions d'embauche, il souligne que l'obligation d'obtenir une autorisation écrite de la direction de la main-d'œuvre et des emplois pour l'embauchage d'un travailleur étranger incombe à l'employeur, ce qu'il n'était pas puisqu'il était seulement chargé de sélectionner puis de former une équipe de traders, et non de gérer la partie administrative et juridique de l'embauche de ces derniers.

Il ajoute que sa volonté d'aider j N à commettre chacune de ces infractions n'est pas caractérisée.

Le ministère public a requis la confirmation du jugement.

SUR CE,

Attendu que l'appel, relevé dans les formes et délais prescrits par les articles 406 et 411 du Code de procédure pénale est régulier et recevable ;

  • Sur la culpabilité :

Attendu que l'article 42 du Code pénal dispose que « seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit, ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l'auront consommée » ;

  • Sur les éléments matériels de la complicité :

Attendu qu'il est établi par l'enquête et l'information, et non contesté, que m-a. A a :

  • - souscrit auprès de la société F, des contrats d'ouverture de trois lignes téléphoniques et deux accès internet installés le 16 août 2012 dans les locaux situés X2 à Monaco pris à bail par j N ;

  • - aménagé, de la mi-août à la fin du mois de septembre 2012, vingt-et-un postes de travail qu'il a rendu opérationnels notamment en installant les logiciels adaptés comme il l'a précisé à l'audience ;

  • - recruté sept traders juniors et quatre traders seniors qu'il a accueillis à Monaco ;

  • - débuté la formation des traders juniors, ainsi qu'organisé et supervisé le travail des traders seniors en définissant la tâche de chacun et en leur attribuant une somme déterminée destinée au trading en fonction de leur capacité respective ;

  • - donné les instructions pour le règlement de leur rémunération et distribué à certains d'entre eux les sommes en espèces qui lui avaient été remises par j N ;

  • - réglé certaines dépenses de fonctionnement en utilisant un chéquier qui lui avait été délivré par la banque E ;

Attendu qu'en agissant ainsi, m-a. A a aidé et assisté j N dans les faits qui ont préparé et facilité, d'une part, son activité professionnelle de formation de traders sans obtention préalable de l'autorisation du ministère d'Etat, d'autre part, son activité de gestion pour le compte de tiers de portefeuilles de valeurs mobilières ou d'instruments financiers à terme sans autorisation préalable de la CCAF, et, en dernier lieu, son embauche de traders sans formalité préalable de déclaration auprès du Service de l'emploi et de la main d'œuvre, délits dont j N a été définitivement reconnu coupable ;

  • Sur l'élément moral de la complicité :

  • Sur la complicité d'exercice illégal d'une activité professionnelle sans autorisation et d'une activité financière sans agrément :

Attendu que m-a. A a reconnu expressément devant les enquêteurs avoir eu conscience que les opérations effectuées par les traders seniors nécessitaient un agrément préalable et avoir averti j N du risque constitué par le démarrage en l'état du trading depuis la salle de marché de Monaco ;

Que l'affirmation de j N faite à m-a. A selon laquelle la situation était en cours de régularisation dès lors qu'une SAM disposant de tous les agréments nécessaires était en voie d'acquisition, portait, en elle-même, à la connaissance du prévenu l'existence d'une situation irrégulière ;

Que celui-ci pouvait d'autant moins l'ignorer qu'il était un trader expérimenté et doté d'un sérieux bagage universitaire, et qu'il avait lui-même précédemment sollicité et obtenu de l'Autorité des marchés financiers un agrément pour exercer les fonctions de conseillers en investissement financier ;

Qu'il avait au reste effectué des recherches en droit monégasque, ce qui lui avait permis d'informer j N sur la nécessité de créer ou d'acquérir une SAM, et non une SARL, pour obtenir l'agrément de la CCAF en matière d'opérations financières ;

Que la connaissance, par m-a. A, de l'exercice, par j N, sous couvert de la société B, de l'activité, non seulement de trading mais également de formation, en l'absence de toute autorisation et agrément, est ainsi établie ;

  • Sur la complicité de violation des conditions d'embauche :

Attendu qu'à l'audience, m-a. A a affirmé avoir assisté à une soirée d'accueil des employés au cours de laquelle leurs contrats de travail, ou, à tout le moins, des « précontrats » avaient été signés par j N au nom de la société B ;

Que cette assertion est cependant démentie par les déclarations de deux d'entre eux, b C et n D, qui ont affirmé n'avoir signé aucun document ; que, de plus, aucun contrat de travail n'a été trouvé par les enquêteurs sinon celui conclu, bien avant la période monégasque, entre la société B et n D, en qualité de prestataire intitulé « contrat de prestation » et daté du 1er mars 2011, prévoyant le paiement d'honoraires et de commissions ;

Que, par ailleurs, m-a. A remettait lui-même à certains traders des enveloppes remplies d'espèces ce qui était incompatible avec l'existence d'une situation de travail régulière, ce qu'il ne pouvait ignorer, d'autant que cette situation a perduré pendant plusieurs semaines ;

Que m-a. A ne peut donc sérieusement avoir cru que chacun des traders était doté d'un contrat d'embauche et, a fortiori, que j N avait effectué les démarches nécessaires auprès des services compétents ;

Que sa connaissance de la violation des conditions d'embauche, par j N, est également avérée ;

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement sur la culpabilité ;

  • Sur la peine :

Attendu que, compte tenu de la nature des faits et de la personnalité du prévenu, le Tribunal a apprécié justement la peine qu'il a prononcée à l'égard de ce dernier ;

Que le jugement sera également confirmé sur ce point ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D' APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel ;

Confirme le jugement du Tribunal correctionnel du 26 août 2016 en toutes ses dispositions ;

Condamne m-a. A aux frais du présent arrêt ;

Composition🔗

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le neuf janvier deux mille dix-sept, qui se sont tenus devant Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier ;

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;

Lecture étant donnée à l'audience publique du trente janvier deux mille dix-sept par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.

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