Cour d'appel, 10 janvier 2017, Monsieur g. CA. c/ Madame p. MA.
Abstract🔗
Baux d'habitation - Expiration - Délai pour libérer les lieux
Résumé🔗
Le premier juge a raisonnablement tenu compte de l'âge avancé du locataire et de sa situation préoccupante sur le plan humain mais aussi financier pour décider qu'un délai de trois mois était suffisant pour lui permettre de pourvoir à un relogement dans une maison de retraite ou dans un logement social.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 10 JANVIER 2017
En la cause de :
- Monsieur g. CA., né le 25 juillet 1936 à Chiusanico (Impéria - Italie), de nationalité italienne, retraité, demeurant et domicilié « X1 », X1 à Monaco (98000) ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 476 BAJ 16, par décision du Bureau du 23 juin 2016.
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître p. REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Madame p. MA., née le 16 mars 1959, à Monaco (98000), de nationalité française, sans profession, demeurant et domiciliée X2, à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu l'ordonnance de référé du 7 septembre 2016 (R.7296) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître p. GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 21 septembre 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000027) ;
Vu les conclusions déposées le 8 novembre 2016 par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de p. MA. ;
Vu les conclusions déposées le 12 décembre 2016 par Maître p. REY, avocat-défenseur, au nom de g. CA. ;
À l'audience du 13 décembre 2016, ouï Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, pour p. MA. en ses observations, Maître p. REY ayant produit ses pièces pour g. CA. ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par g. CA. à l'encontre d'une ordonnance de référé en date du 7 septembre 2016.
Considérant les faits suivants :
Suivant bail à loyer en date du 4 mars 2010, a. TO. a donné en location à g. CA. un bien immobilier situé au troisième sous-sol de l'immeuble « X1 » situé X1 à Monaco, moyennant un loyer annuel révisable de 12.000 euros, payable par trimestre anticipé les 5 avril, 5 juillet, 5 octobre et 5 janvier de chaque année et ce, pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction à compter du 1er avril 2010.
Suivant courrier recommandé avec accusé de réception du 22 octobre 2015, Patrick et a. TO. informaient leur locataire de leur volonté de résilier le bail à son échéance advenant le 4 mars 2016, la date du congé étant reportée au 31 mars 2016 par lettre Recommandée avec accusé de réception en date du 3 février 2016.
Le dit bien immobilier était vendu par les consorts TO. à p. MA. aux termes d'un acte notarié reçu le 8 février 2016 par Maître AUREGLIA-CARUSO, notaire à Monaco.
Ce nouveau propriétaire faisait délivrer le 29 mars 2016 à g. CA. commandement de lui payer dans le mois de la notification la somme de 3.000 euros, représentant le solde dû au titre des loyers du premier trimestre 2016, tout en se prévalant de la clause résolutoire conventionnelle.
Au terme d'un exploit en date du 6 mai 2016, p. MA. faisait assigner ce preneur devant le juge des référés a l'effet de voir constater la résiliation de plein droit du bail et ordonner l'expulsion de ce dernier des lieux loués, dans les 15 jours de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique.
Suivant ordonnance en date du 7 septembre 2016, le juge des référés, constatant que le bail consenti par a. TO., aux droits de laquelle se trouve désormais p. MA., à g. CA. est arrivé à son terme le 31 mars 2016 par l'effet du congé délivré le 22 octobre 2015 pour le 31 mars 2016, déboutait p. MA. des fins de sa demande de constatation de la résolution de plein droit du contrat de bail à la date du 30 avril 2016, par le jeu de la clause résolutoire, et constatait que g. CA. occupe sans droit ni titre l'appartement litigieux depuis le 31 mars 2016 tout en lui accordant un délai de trois mois pour libérer les lieux et en ordonnant son expulsion de corps et de biens et de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier, et ce, sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'astreinte sollicitée.
Suivant exploit en date du 21 septembre 2016, g. CA., formant des défenses à exécution provisoire, sollicite le sursis à l'exécution des poursuites toutes choses demeurant en l'état et demande à la Cour de réformer l'ordonnance de référé du 7 septembre 1016, en ce qu'elle lui a accordé un délai de trois mois à compter du prononcé de la décision pour libérer les lieux.
Il sollicite à cet égard l'octroi d'un délai de six mois, à compter du prononcé de la décision, pour libérer les lieux loués par ses soins dans l'immeuble situé au X1 à Monaco et entend voir débouter p. MA. du surplus de ses demandes.
Au soutien de son appel, g. CA. expose en particulier que son expulsion pourrait avoir des conséquences manifestement irréversibles et irréparables et lui causer un préjudice important en sorte que ses défenses à exécution provisoire devraient, selon lui, être admises.
Il observe que l'ordonnance de référé entreprise contient des contradictions flagrantes puisque le Premier juge a tenu compte de sa situation particulièrement préoccupante, tant sur le plan humain que sur le plan financier, mais ne lui a accordé qu'un délai de trois mois pour libérer les lieux à l'effet de pourvoir à son relogement dans une maison de retraite après avoir, le cas échéant, obtenu une aide financière de la DASS.
L'appelant expose qu'il a 80 ans depuis le 25 juillet 2016, réside en Principauté de Monaco depuis plus de 25 ans, ne dispose pour survivre que de sa retraite le 661 euros par mois, et précise avoir entrepris de nombreuses démarches afin de libérer l'appartement occupé.
Faisant état de l'incertitude qui pèse sur sa situation personnelle, g. CA. fait valoir qu'il attend des réponses sur son éventuelle admission auprès de la Fondation G ou son relogement dans une maison de retraite, et sollicite un délai de six mois pour quitter le logement occupé à compter du prononcé de la décision à intervenir.
p. MA., intimée, entend voir à titre principal déclarer les défenses à exécution provisoire irrecevables et subsidiairement infondées. Concluant par ailleurs au rejet des fins de l'appel principal et relevant appel incident, elle entend voir réformer l'ordonnance entreprise et réduire le délai accordé à g. CA. pour quitter les lieux de trois à un mois tout en demandant que l'expulsion à intervenir soit assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard.
p. MA. observe en premier lieu que les défenses à exécution provisoire sont irrecevables dès lors qu'en matière de référé l'exécution provisoire n'est pas facultative mais obligatoire. L'exécution provisoire procédant de la loi et non de la décision du juge de première instance, est donc de droit, en sorte que la Cour d'appel ne peut la suspendre ou la supprimer.
Elle précise avoir acheté l'appartement des consorts TO., le précédent bailleur, non pas pour spéculer mais bien pour se loger, ne disposant d'aucune autre adresse à Monaco.
Tout en indiquant qu'elle est actuellement hébergée à titre gratuit par une amie, elle fait valoir qu'elle ne peut se voir imputer une mission d'intérêt général, sans subir une atteinte dans son droit de propriété.
S'agissant de la situation de Monsieur CA., celui-ci doit, selon elle, être en mesure de produire des documents bancaires attestant des pertes subies et reflétant sa situation financière actuelle ; elle ajoute qu'il ne justifie pas davantage avoir demandé une aide quelconque aux membres de sa famille et ne peut raisonnablement prétendre obtenir des délais majorés pour quitter les lieux.
p. MA. entend au contraire voir réduire à un mois le délai de libération des locaux et entend voir assortir l'expulsion d'une astreinte de 500 euros par jour de retard.
Au terme d'ultimes écrits en réponse, l'appelant réitère l'ensemble de ses demandes et moyens notamment en ce qu'il entend voir ordonner le sursis à l'exécution des poursuites et réformer l'ordonnance de référé entreprise pour se voir octroyer un délai de six mois à compter du prononcé de la décision pour libérer les lieux loués par ses soins dans l'immeuble situé au X1 à Monaco.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel principal et l'appel incident régulièrement interjetés dans les conditions de forme et de fond prévues par le Code de procédure civile doivent être déclarés recevables ;
Sur les défenses à exécution provisoire :
Attendu que le juge d'appel a la possibilité de mettre à néant l'exécution provisoire d'une décision de première instance lorsqu'elle a été ordonnée de façon inadaptée ou irrégulière ;
Mais attendu que l'exécution provisoire n'a pas, en l'espèce, été ordonnée par le premier juge et résulte de l'application des dispositions de l'article 419 du Code de procédure civile prévoyant que les ordonnances de référé emportent exécution provisoire ;
Qu'il s'ensuit que l'exécution provisoire se trouve attachée de plein droit par l'effet de la loi aux ordonnances de référé et ne peut donc être remise en cause par la Cour d'appel, la demande de défense à exécution provisoire et de sursis aux poursuites par l'appelant apparaissant irrecevable ;
Sur les demandes au fond :
Attendu que g. CA. entend voir réformer l'ordonnance de référé du 7 septembre 2016 en ce qu'elle lui a accordé un délai de trois mois à compter du prononcé la décision pour libérer les lieux loués par ses soins dans l'appartement situé X1 à Monaco ;
Que l'appelant estime ce délai trop court et entend le voir porter à six mois à compter du prononcé de l'arrêt et ce, au regard de sa situation personnelle difficile ;
Que de son côté, la propriétaire, venant aux droits du bailleur précédent et formant appel incident, estime excessif le délai de trois mois accordé pour la libération des lieux et entend le voir réduire à un mois tout en sollicitant le prononcé d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Mais attendu que le premier juge a déjà raisonnablement tenu compte de l'âge de g. CA., né le 25 juillet 1936, et de sa situation préoccupante sur le plan humain mais aussi financier pour décider qu'un délai de trois mois devait être suffisant pour lui permettre de pourvoir à un relogement dans une maison de retraite après avoir, le cas échéant, obtenu une aide financière de la DASS ;
Attendu qu'il résulte du courrier émanant de la DASS, en date du 15 septembre 2016, qu'une aide financière pourrait être octroyée à l'appelant en cas d'admission au sein de la Fondation G, aucune décision n'apparaissant avoir été prise à ce jour sur ce relogement ;
Qu'il s'induit des termes d'un nouveau courrier adressé à la Direction de l'habitat le 9 décembre 2016 par g. CA. que ce dernier, dans le cadre d'une requête gracieuse faisant état de sa situation de précarité, sollicite l'attribution d'un logement social ;
Attendu cependant qu'à défaut de toute indication temporelle sur la date à laquelle est susceptible d'intervenir soit la décision d'admission au sein la Fondation G, soit l'éventuelle attribution de logement social, il n'y a pas lieu de remettre en cause l'appréciation du premier juge sauf à préjudicier plus gravement encore au droit de propriété de p. MA., et il convient de dire que le délai de trois mois octroyé dans l'ordonnance entreprise pour libérer les lieux concilie raisonnablement les intérêts en présence ;
Attendu que l'ordonnance déférée sera dès lors confirmée en toutes ses dispositions, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'astreinte réitérée en cause d'appel, l'exécution provisoire étant de droit en l'espèce et rien ne permettant d'établir, à ce stade, une attitude de résistance du preneur expulsé ;
Attendu que les parties seront dès lors déboutées de l'ensemble de leurs prétentions respectives et les dépens de première instance et d'appel demeureront à la charge de g. CA..
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables les appels principal et incident,
Déclare irrecevables les défenses à exécution provisoire formées par g. CA.,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 7 septembre 2016 par le juge des référés,
Dit n'y avoir lieu d'accorder l'astreinte sollicitée par p. MA.,
Déboute les parties de l'ensemble de leurs prétentions,
Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de g. CA. et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 10 JANVIER 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.