Cour d'appel, 12 décembre 2016, j. SE. c/ t. LA.
Abstract🔗
Accident du travail - Accident de trajet - Blessures involontaires - Action civile - contestation du taux d'IPP - Évaluation faite au Portugal - Systèmes d'évaluation différents - Indemnisation de l'IPP au titre du droit commun (non) - Indemnisation dans le cadre de la législation des accidents du travail - Double indemnisation exclue
Résumé🔗
Victime d'un accident de trajet, l'appelant conteste la somme qui lui a été allouée au titre de l'Incapacité Permanente Partielle (IPP), revendiquant les conclusions d'un praticien portugais ayant retenu un taux d'IPP à 8/9 %. Cependant, cette pièce, qui se base sur un système d'évaluation foncièrement différent, n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire mandaté qui a retenu un taux de 4 %. Il convient donc de rejeter sa demande. Par ailleurs, s'il soutient justement qu'il est fondé à réclamer la réparation des préjudices de droit commun différents et supérieurs à ceux déjà indemnisés par l'assureur-loi, tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il est déjà indemnisé au titre de l'IPP par la législation des accidents de travail et, qu'en application de l'article 13 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, celui-ci ne peut demander une double indemnisation pour le même chef de préjudice.
Motifs🔗
COUR D'APPEL CORRECTIONNELLE
ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2016
En la cause de :
- j. SE., né le 2 septembre 1954 à MURCA (Portugal), de nationalité portugaise, employé de maison, demeurant « X1 », 20 X1 à Monaco, constitué partie civile,
Ayant pour conseil Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Roland TAMISIER, avocat au barreau de Nice ;
APPELANT,
contre :
- t. LA., né le 16 janvier 1953 à BRESCIA (Italie), de a. et de m. RO., de nationalité italienne, entrepreneur, demeurant X2 à BRESCIA - Localita Belvedere (Italie),
Ayant pour conseil Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître E. VOISIN-MONCHO, avocat au barreau de Grasse ;
INTIMÉ,
En présence du MINISTÈRE PUBLIC ;
et de :
- La société anonyme dénommée A, dont le siège social est sis X3 à PARIS (75009), prise en la personne de ses agents responsables en Principauté de Monaco, Messieurs j-p. MO. et j. GI., y demeurant 22 X1, partie intervenante, citée ès qualités d'assureur-loi de l'employeur de Monsieur j. SE.,
Ayant pour conseil Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat défenseur ;
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
jugeant correctionnellement sur les intérêts civils, après débats à l'audience du 7 novembre 2016 ;
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de première instance jugeant correctionnellement sur les intérêts civils le 18 mars 2016, après jugements avant dire droit des 30 octobre 2012 et 21 février 2014 ;
Vu l'appel interjeté par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur substituant Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur et celui de j. SE., partie civile, suivant acte de greffe en date du 31 mars 2016 ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 8 avril 2016 ;
Vu la citation à prévenu et signification suivant exploit enregistré du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 26 avril 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur et celui de la société anonyme dénommée A, partie intervenante, en date du 30 mai 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur et celui de j. SE., partie civile, en date du 30 juin 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur et celui de t. LA., en date du 10 octobre 2016 ;
Ouï Eric SENNA, Conseiller, en son rapport ;
Vu la production de leurs pièces par les conseils des parties, le ministère public entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement contradictoirement intervenu le 18 mars 2016, après jugements avant dire droit des 30 octobre 2012 et 21 février 2014, le Tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils a :
- débouté j. SE. de sa demande au titre de l'IPP,
- condamné t. LA. à verser à la SA A la somme de 4.484,53 euros, outre le remboursement de la rente viagère et annuelle, allouée dans le cadre de la procédure des accidents du travail au fur et à mesure de leur échéance et de leur versement à j. SE.,
- condamné t. LA. aux frais qui comprendront le coût de l'expertise déjà effectuée et les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002 avec distraction au profit de Maîtres Christophe SOSSO et Patrice LORENZI, avocats-défenseurs dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.
Le 31 mars 2016, Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur substituant Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur et celui de j. SE., partie civile, a interjeté appel de ce jugement.
Considérant les faits suivants :
Le 25 mai 2012, j. SE. a été victime d'un accident du travail trajet provoqué par t. LA..
Le Tribunal correctionnel, statuant sur les intérêts civils, a suivant jugement du 30 octobre 2012 :
- déclaré t. LA. responsable de l'accident du 25 mai 2012 et tenu de réparer les conséquences dommageables qui en sont résultées pour j. SE., et reçu ce dernier ainsi que l'assureur-loi, la SA A, en leur constitution de partie civile,
- avant dire droit sur l'évaluation du préjudice corporel subi par cette victime, désigné le docteur g. BO. en qualité d'expert, après avoir condamné t. LA. à payer une provision de 1.500 euros à j. SE. et renvoyé l'affaire sur les intérêts civils.
Par sa décision du 21 février 2014, il a :
- sursis à statuer sur les demandes de la SA A,
- liquidé le préjudice total de j. SE. à la somme de 3.250 euros, sur la base du rapport de l'expert BO. du 29 janvier 2013,
- sursis à statuer sur le préjudice de j. SE. relatif à l'l. P. P,
- condamné t. LA. à payer à j. SE. la somme de 1.750 euros déduction faite de la provision de 1.500 euros déjà allouée, ainsi qu'aux frais.
Par arrêt en date du 13 avril 2015, la Cour d'appel a statué comme suit :
- reçoit les appels,
- renvoie j. SE., partie civile et la SA A, assureur-loi, devant le Tribunal correctionnel pour qu'il soit statué sur leurs demandes respectives au titre de 1'IPP,
- réforme le jugement du Tribunal correctionnel du 21 février 2014 en ce qu'il a rejeté la demande de j. SE. au titre du préjudice matériel,
Statuant à nouveau de ce chef,
- condamne t. LA. à payer à j. SE. la somme de 70 euros au titre du préjudice matériel,
- confirme le jugement déféré en ses autres dispositions,
- condamne, à raison de la moitié chacun, t. LA. et j. SE. aux frais du présent arrêt qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'ordonnance souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002 avec distraction au profit de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.
Après reprise de l'instance sur les demandes au titre de 1'IPP de j. SE., partie civile et de la SA A, assureur-loi le Tribunal correctionnel a par jugement du 18 mars 2016 statué en ces termes :
- déboute j. SE. de sa demande au titre de l'IPP,
- condamne t. LA. à verser à la SA A la somme de 4.484,53 euros, outre le remboursement de la rente viagère annuelle, allouée dans le cadre de la procédure des accidents du travail au fur et à mesure de leur échéance et de leur versement à j. SE.,
- condamne t. LA. aux frais qui comprendront le coût de l'expertise déjà effectuée et les droits prévus par l'article 63 de l'ordonnance souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002 avec distraction au profit de Maîtres Christophe SOSSO et Patrice LORENZI, avocats-défenseurs, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.
Pour se prononcer ainsi le Tribunal a considéré que :
- il n'était pas sollicité de nouvelle expertise et le seul élément critique quant au taux d'incapacité retenu par l'expert est un rapport d'un médecin traitant aux termes duquel le praticien fixe le taux d'incapacité selon le barème portugais et en faisant application de coefficients de bonification en fonction de l'âge de la victime,
- ce document basé sur un système d'évaluation totalement différent n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire BO.,
- l'IPP consécutive à l'accident causé par t. LA. a été intégralement indemnisée dans le cadre de la procédure d'accident du travail.
j. SE. a régularisé appel de ladite décision suivant déclaration au greffe général en date du 31 mars 2016.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées devant la Cour le 30 juin 2016, j. SE. poursuit l'infirmation du jugement et sollicite en réparation de son préjudice, les sommes suivantes :
- 20.000 euros au titre de l'IPP,
- 10.000 euros en réparation des dommages liés au coût de la présente procédure.
Il fonde sa demande de réparation au titre de l'IPP sur les dispositions de l'article 13 de la loi du 11 janvier 1958 et sur les conclusions du Docteur BO. qui a établi son taux à 4 % en faisant valoir essentiellement que :
- le Tribunal a commis une erreur de droit en confondant l'indemnisation accident du travail et celle de droit commun alors que le préjudice de droit commun peut-être supérieur à celui indemnisé par l'assureur-loi,
- le Docteur CE. FE. SI., praticien portugais a établi son taux à 8/9 % alors que les méthodes d'évaluation dans les deux pays sont sensiblement les mêmes,
- la rente AT allouée est sans commune mesure avec l'importance du préjudice subi et le capital la constituant doit être déduit de la somme de 20.000 euros réclamée,
- il a exposé des frais de procédure comme victime qui doivent lui être indemnisés.
Par conclusions déposées le 30 mai 2016, la SA A demande la confirmation du jugement qui a condamné t. LA. à payer à la SA A la somme de 4.484,53 euros, outre le remboursement de la rente viagère annuelle, allouée dans le cadre de la procédure des accidents du travail au fur et à mesure de leur échéance.
Par conclusions du 10 octobre 2016, t. LA. demande la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions en faisant valoir que :
- l'appelant ne saurait être indemnisé deux fois du même préjudice,
- il bénéficie déjà d'une rente viagère sur la base d'un taux d'IPP de 4% dans la cadre de la procédure d'accident de travail,
- l'IPP consécutive à l'accident a déjà été intégralement indemnisée,
- l'article 13 de la loi du 11 janvier 1958 prévoit que la rente est entièrement absorbée par l'assureur-loi,
- le rapport médical portugais est basé sur un système d'évaluation différent,
- il est faux de soutenir qu'aucun paiement partiel n'a été adressé à la victime,
- l'assureur-loi se trompe sur l'identité de l'appelant et seul j. SE. doit être condamné aux dépens d'appel.
SUR CE,
Attendu que pour fonder son appel relatif à la somme allouée au titre de l'IPP, l'appelant se prévaut d'un rapport d'expertise privé établi le 5 avril 2013 par le Docteur CE. FE. SI., praticien portugais qui a retenu un taux d'IPP à 8/9 % ;
Qu'à cet égard, les premiers juges ont relevé que cette pièce se basait sur un système d'évaluation foncièrement différent et qu'il n'était pas de nature à pouvoir remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire mandaté qui a retenu un taux de 4% ;
Que les affirmations de l'appelant selon lesquelles les méthodes d'évaluation dans les deux pays sont sensiblement les mêmes, ne sont étayées par aucun élément venant au soutien de ces allégations ;
Que dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté j. SE. de sa demande tendant à voir fixer un taux d'IPP supérieur à 4 % ;
Attendu par ailleurs, qu'il est constant que dans le cadre de la procédure d'accident de travail, le juge chargé des accidents de travail a fixé le taux d'IPP à 4 % par ordonnance du 27 novembre 2013 et que l'appelant bénéficie d'une rente viagère annuelle d'un montant de 796,33 euros ;
Que l'appelant soutient qu'il est fondé à réclamer la réparation des préjudices de droit commun différents et supérieurs à ceux déjà indemnisés par l'assureur-loi ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque l'appelant est déjà indemnisé au titre de l'IPP par la législation des accidents de travail et qu'en application de l'article 13 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, celui-ci ne peut demander une double indemnisation pour le même chef de préjudice ;
Que dans ces conditions, le Tribunal a justement retenu que l'assureur-loi était fondé à obtenir du responsable de l'accident, le paiement de sa créance comprenant les honoraires et frais médicaux ainsi que le coût de la rente servie au titre de l'IPP, ce à hauteur de la somme de 4.484,53 euros à laquelle devait s'ajouter les arrérages de rente au fur et à mesure de leur échéance ;
Attendu enfin, à défaut d'énonciation de tout fondement légal au soutien de la demande nouvelle en cause d'appel visant au remboursement de frais de procédure et la législation monégasque n'autorisant pas le remboursement de frais irrépétibles, celle-ci sera rejetée et par suite l'appelant qui succombe en totalité de ses prétentions sera condamné aux dépens d'appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant en matière correctionnelle sur les intérêts civils, publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel ;
Le déclare mal fondé ;
Confirme le jugement du Tribunal correctionnel du 18 mars 2016 en toutes ses dispositions ;
Condamne j. SE. aux frais du présent arrêt qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002 avec distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA et Maître Patrice LORENZI, avocats-défenseurs dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats ;
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le douze décembre deux mille seize, par Monsieur Eric SENNA, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier.