Cour d'appel, 22 novembre 2016, L'association A c/ Monsieur a. HA.
Abstract🔗
Contrat de travail - Licenciement - Salariés déclarés inaptes par la médecine du travail - Obligation légale de reclassement
Résumé🔗
L'employeur ne justifie pas qu'il a respecté l'obligation légale de reclassement instituée par l'article 3 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 relative au reclassement des salariés déclarés inaptes par la médecine du travail. D'une part, s'il n'est pas contesté que la société employeuse est une « petite structure » et qu'elle ne « peut pas créer de poste inutile ou même fictif », la preuve selon laquelle il n'existait ni poste vacant, ni poste conforme aux qualifications du salarié n'est pas rapportée aux débats. D'autre part, il n'est pas davantage établi que la salarié, agent de maintenance/entretien, qui a occupé, momentanément, un poste de serveur en salle de restaurant, n'aurait pas donné satisfaction à ce poste, ni que celui-ci n'était pas adapté en raison du « manque d'aisance en français » du salarié. Enfin, il n'est pas démontré que les pathologies dont souffre le salarié pouvaient constituer un obstacle à l'exercice d'un emploi de serveur alors que la médecine du travail a uniquement exclu le port de charges lourdes et répétitives.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2016
En la cause de :
- L'association dénommée A, dont le siège est sis à Monaco, X1, agissant poursuites et diligences de son Comité de Direction représenté par son Président en exercice demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, ayant pour avocat plaidant Maître Béatrice EYRIGNOUX, avocat au Barreau de Nice ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur a. HA., demeurant « X2 » - X2 à Menton (06500) ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° XX, par décision du Bureau du 14 février 2012
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 3 décembre 2015 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 8 janvier 2016 (enrôlé sous le numéro 2016/000118) ;
Vu les conclusions déposées les 12 avril 2016 et 28 juin 2016 par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom d a. HA. ;
Vu les conclusions déposées le 24 mai 2016 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de l'association A ;
À l'audience du 18 octobre 2016, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par l'association A à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 3 décembre 2015.
Considérant les faits suivants :
a. HA. a été employé par l'association A à compter du 9 novembre 2006, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent de maintenance/entretien.
Le 8 novembre 2010, ce salarié a été déclaré par le Docteur CO., médecin du travail, définitivement inapte à son poste, avec demande de reclassement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 mars 2011, l'association lui a notifié son licenciement suite à l'inaptitude définitive constatée par la médecine du travail et à l'impossibilité de proposer un reclassement.
Au motif que la rupture de son contrat de travail serait abusive, a. HA. a attrait l'association A devant le bureau de jugement du Tribunal du travail à l'effet d'obtenir la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de licenciement et de la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts à titre de réparation de son préjudice matériel et 15.000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par jugement avant-dire droit du 9 janvier 2014, le Tribunal du travail a débouté a. HA. de son exception de nullité de la pièce adverse n°12, ordonné une expertise médicale, commis pour y procéder le Docteur j-l. MA., enjoint à l'association A de justifier, après expertise, de la composition de son personnel au moment du licenciement d a. HA. et de fournir toutes explications complémentaires sur l'emploi occupé par un serveur lorsque a. HA. a procédé à son remplacement provisoire, et réservé les dépens en fin de cause.
Le 28 mars 2014, le Docteur j-l. MA. a déposé son rapport et conclu ainsi :
« Les conditions de travail du salarié ont été décrites et M. HA. a reconnu qu'il y avait eu une évolution après l'intervention de la médecine du travail. Malheureusement pour lui, celle-ci n'a consisté qu'en la diminution des poids des sacs de terre qui est passée de 50 kg à 35 kg ; le reste n'a pas été modifié selon ses dires.
Nous constatons qu'il n'y a pas eu la mise en place d'un réel monte-charge ou d'un plan incliné sur les trois dernières marches du court supérieur.
Nous constatons également qu'il n'y a pas eu la création de plusieurs zones de stockage et que la manutention à deux personnes n'est pas prouvée.
C'est le port de charges lourdes qui a aggravé l'état dégénératif de M. HA..
Par contre, on peut noter que les recommandations du Docteur CO. n'ont pas été suivies ; si celles-ci avaient été réalisées, l'évolution vers l'inaptitude aurait été moins rapide.
L'accident du 08.09.09 n'a pas eu d'influence sur la pathologie à l'origine de la déclaration d'inaptitude.
Par contre, l'accident du 24.06.10 a dolorisé un état antérieur à type de conflit antéro-interne de l'épaule gauche.
M. HA. s'exprime correctement en français. Il est capable d'écrire en français notamment un menu ».
L'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire en date du 3 décembre 2015, le Tribunal du travail a statué ainsi qu'il suit :
« Condamne l'association dénommée A à payer à a. HA. à titre de dommages-intérêts, la somme de 10.000 euros (dix mille euros) en réparation des pertes de chance ainsi que la somme de 15.000 euros (quinze mille euros) en réparation du préjudice moral, subis des suites des fautes commises lors de l'exécution et la rupture du contrat de travail, le tout avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
déboute les parties du surplus de leurs demandes,
condamne l'association dénommée A aux dépens du présent jugement qui comprendront les frais d'expertise du Docteur MA. et ceux réservés par la décision du 9 janvier 2014, et seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire ».
Pour statuer ainsi, le Tribunal du travail a considéré d'une part, que la responsabilité de l'employeur devait être engagée dès lors que celui-ci n'avait pas suffisamment respecté les préconisations de la médecine du travail relatives à l'aménagement du poste de travail et que cette faute était, même partiellement, à l'origine de la déclaration d'inaptitude définitive à un emploi donné, d'autre part, que l'employeur avait commis une seconde faute en ne respectant pas l'obligation légale de reclassement de son salarié.
Par exploit d'appel et assignation délivré le 8 janvier 2016, l'association dénommée A a relevé appel de cette décision.
Au terme de cet exploit et des conclusions qu'elle a déposées le 24 mai 2016, l'association dénommée A demande à la Cour d'appel de :
« Recevoir l'association A en son appel parte in qua et l'y déclarer bien fondée,
confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur HA. de sa demande en paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
la réformer pour le surplus,
dire et juger que le licenciement de Monsieur HA. en raison de son inaptitude médicalement constatée reposait bien sur un motif valable,
dire et juger que l'employeur n'est nullement responsable de la déclaration d'inaptitude au travail de son salarié décidée par le médecin du travail, et qu'il a mis en œuvre les aménagements prescrits par la médecine du travail,
dire et juger que l'employeur n'a pas enfreint les dispositions légales en matière de reclassement mais qu'il était dans l'impossibilité de proposer un autre emploi à Monsieur HA.,
réformer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné l'association A à payer à Monsieur a. HA. à titre de dommages-intérêts la somme de 10.000 euros au titre d'une perte de chance et celle de 15.000 euros au titre de son préjudice moral,
réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'association A de sa demande reconventionnelle,
y faisant droit, condamner Monsieur a. HA. à verser la somme de 10.000 euros à l'association A à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
le condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit ».
Au soutien de son appel, l'association dénommée A expose, essentiellement, que le licenciement ne revêt aucun caractère abusif.
Faisant grief aux premiers juges d'avoir retenu un comportement fautif de l'employeur qui n'aurait réalisé que partiellement les mesures préconisées par le médecin du travail, elle fait valoir qu'elle a mis tout en œuvre pour améliorer les conditions de travail d a. HA., se dotant d'une brouette mécanique, d'un diable, d'un transpalette électrique avec chargeur incorporé, d'un monte-charge au niveau des différents escaliers et faisant diminuer le poids des sacs de terre manipulés par le salarié de 50 kg à 35 kg.
Estimant que l'imputabilité d'un dommage à un fait traumatique ne peut être admise qu'en l'absence d'un état antérieur pathologique, elle relève que selon le rapport d'expertise du docteur MA., l'évolution de l'état de santé d a. HA. vers une inaptitude définitive n'est pas en rapport avec une prétendue insuffisance des aménagements de ses conditions de travail mais est liée à l'évolution même de la pathologie dégénérative présentée par ce salarié, antérieure à l'embauche.
Elle fait également grief aux premiers juges d'avoir retenu qu'une seconde faute avait été commise, distincte de la précédente, consistant dans le non-respect, par l'employeur, de l'obligation prescrite par la loi n°1.348 du 25 juin 2008, qui aurait omis de rechercher activement toutes les possibilités de reclassement dans l'entreprise, ce qu'elle conteste.
Elle affirme, au contraire, avoir tenté d'opérer un reclassement de son salarié mais précise qu'à la date de la notification du licenciement, il n'y avait ni emploi vacant, ni emploi susceptible de pouvoir être attribué à a. HA. compte tenu de ses qualifications. Elle conteste, notamment, les prétendues capacités de ce dernier dans la maîtrise de la langue française.
Elle rappelle son statut d'association subventionnée par l'État, ne pouvant, de sa propre initiative, créer un poste inutile.
Elle précise qu'à la date de la notification du licenciement d a. HA., l'ensemble des postes nécessaires au bon fonctionnement de l'association A étaient occupés.
Elle fait également valoir qu'il incombe au salarié licencié de rapporter la preuve d'une intention de nuire ou d'un comportement blâmable de son employeur dans son droit de licenciement, ainsi que de la réalité d'un préjudice en relation directe et certaine avec le comportement fautif allégué, preuve qui fait défaut en l'espèce.
Elle souligne qu'en l'état d'une décision médicale d'inaptitude et en l'absence de possibilité de reclassement, elle n'avait d'autre alternative que le licenciement.
Enfin, elle considère abusive et téméraire l'action entreprise à son encontre par a. HA. qui ne pouvait ignorer que son licenciement n'encourait aucune critique et sollicite également une indemnisation, à hauteur de 5.000 euros, pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
Aux termes des conclusions déposées le 12 avril 2016 et le 28 juin 2016, a. HA. demande à la Cour de :
« -Voir débouter l'association A de son appel suivant assignation du 8 janvier 2016 et la dire infondée en celui-ci,
- Voir confirmer le jugement du Tribunal du travail du 3 décembre 2015 en ce qu'il a condamné l'association A au paiement de la somme de 15.000 euros au titre du préjudice moral subi par Monsieur a. HA.,
- voir infirmer le jugement rendu par le Tribunal du travail du 3 décembre 2015 en ce qu'il a condamné l'association A à titre de dommages-intérêts en réparation des pertes de chance à la somme de 10.000 euros,
- voir la Cour recevoir en son appel incident Monsieur a. HA. et porter les dommages-intérêts à la somme de 30.000 euros et condamnant l'association A au paiement de ladite somme en réparation des pertes de chance,
- voir condamner l'association A aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, dont distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit ».
Aux termes de ses conclusions, a. HA. rappelle que l'employeur doit prendre en considération les propositions du médecin du travail portant, notamment, sur un aménagement de poste et que le fait de ne pas avoir recherché sérieusement l'aménagement provisoire ou définitif préconisé lui rend imputable la rupture du contrat de travail.
Il soutient, sur le fondement du suivi médical dont il a fait l'objet et au regard de l'accident du travail dont il a été victime le 8 septembre 2009, que l'employeur, qui n'a tenu aucun compte des prescriptions médicales, est, par son comportement fautif, à l'origine de son inaptitude définitive à son poste de travail, et se réfère, sur ce point, à l'avis émis le 9 décembre 2010 par la commission de reclassement des salariés instituée par l'article 6 de la loi n°1.348 du 25 juin 2008.
Il considère, en outre, qu'il résulte du rapport rédigé par le Docteur MA. la confirmation des griefs qu'il a avancés contre son employeur et la preuve que l'association A a engagé sa responsabilité pour n'avoir pas respecté les prescriptions médicales émanant de la médecine du travail.
Il estime également que son état pathologique préexistant à l'embauche ne saurait exonérer son employeur de ses obligations dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise, non contesté par la partie adverse, que le port de charges lourdes de 2006 à 2010 avait aggravé ses pathologies.
a. HA. précise qu'il s'exprime correctement en français et produit, sur ce point, une attestation de l'établissement Z.
L'intimé invoque également l'inutilité de la mise à sa disposition, pour l'aider dans l'exercice de son travail, d'un engin sur chenille mécanique, considéré comme dangereux et ne permettant pas une utilisation à pleine charge pour desservir les paliers où se trouvent les courts de tennis. En outre, il considère que le monte-charge pour personnes handicapées ne pouvait pas être affecté au déplacement des sacs de terre rouge.
Il estime, enfin, qu'il justifie suffisamment des préjudices subis suite à son licenciement et rappelle qu'au titre du préjudice matériel, il a fait état des indemnités de l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public W mensuelles perçues, d'un montant de 1.037 euros, alors qu'il a un enfant à charge et que son épouse ne travaille pas, ainsi que de ses charges courantes, et précise qu'au titre du préjudice moral, son licenciement est intervenu en 2011 alors qu'il était âgé de 46 ans et qu'il s'est retrouvé, sur le marché de l'emploi, avec un handicap physique certain, ce qui l'a contraint à poursuivre jusqu'à la fin sa période de chômage, à l'issue de laquelle il perçoit une allocation de solidarité spécifique de l'ordre de 480 euros par mois seulement.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auquel il est expressément renvoyé.
SUR CE,
1-Attendu que les appels, principal et incident, relevés dans les formes et conditions prescrites par le Code de procédure civile, sont réguliers et recevables ;
2-Attendu que le Tribunal a retenu que le licenciement d a. HA., faisant suite à l'avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 8 novembre 2010 le déclarant définitivement inapte à son poste, avec demande de reclassement, était fondé sur un motif valable et a débouté le salarié de sa demande d'indemnité de licenciement ;
Que cette disposition du jugement n'est pas contestée et qu'elle sera, en conséquence, confirmée ;
Attendu qu'en premier lieu, l'association appelante affirme avoir suffisamment respecté les préconisations de la médecine du travail relatives à l'aménagement du poste occupé par a. HA. et conteste avoir commis une faute de ce chef ;
Attendu qu a. HA. a été engagé par l'association A le 9 novembre 2006 en qualité d'assistant de maintenance et d'entretien du site ;
Attendu que les commémoratifs figurant dans le rapport d'expertise du Docteur MA. révèlent qu'une radiographie du rachis lombo-sacré et du bassin, pratiquée sur la personne d a. HA. le 9 août 2006, avait mis en évidence une discopathie débutante des L4, L5 et L 5S1 avec arthrose inter-apophysaire postérieure et qu'une échographie abdomino rénale et pelvienne pratiquée le même jour mentionnait, quant à elle, un kyste rénal gauche ;
Que s'il ressort de ces éléments qu a. HA. présentait un état pathologique antérieur, les débats démontrent que cette pathologie a été aggravée par les conditions de travail du salarié ;
Qu'en effet, a. HA. a été victime, le 8 septembre 2009, d'un premier accident du travail, avec fracture de la diaphyse radiale gauche, plaie et douleurs au genou, pour lequel il a bénéficié d'un arrêt de travail jusqu'au 4 janvier 2010, puis d'un second accident de travail le 24 juin 2010, pour lequel un arrêt de travail a été prescrit jusqu'au 14 juillet 2010, tandis qu'un nouvel arrêt était ordonné le 30 août 2010 pour une hernie inguinale, à propos de laquelle il était précisé que le travail manuel était contre indiqué ; que l'intimé a été opéré le 20 septembre 2010 d'une cure de hernie inguinale gauche, avec arrêt de travail prolongé jusqu'au 20 octobre 2010 ; qu'il a également souffert de lombosciatalgies gauche ;
Que selon les préconisations du Docteur CO., médecin du travail, telles que figurant dans son compte rendu de visite du 17 février 2008 adressé à l'employeur d a. HA., et que celui-ci ne conteste pas avoir reçu, il était suggéré :
« Un vrai monte-charge, desservant tous les niveaux du club, aurait été très utile, l'utilisation d'une plate-forme pour handicapés n'étant qu'une heureuse solution de secours. Par ailleurs, on peut émettre des doutes sur sa résistance à long terme. En attendant, il serait utile et facile de réaliser un plan incliné pour les 3 dernières marches du court supérieur (soit en ciment soit amovible) qui, par la même occasion, servirait pour l'accès aux toilettes des personnes handicapées. Ne peut-on étudier l'installation de plusieurs zones de stockage (même petites) pour tous les courts afin d'éviter les à-coups dans le travail et permettre une certaine planification ? En attendant, on ne peut que conseiller la manutention à 2 le plus souvent possible et de ne pas trop charger le diable (2 sacs maximum) afin d'éviter les efforts physiques trop intenses, sources de fatigue et d'accidents (lombalgies). »
Dans son résumé de dossier, le docteur CO. notait, en date du 30.10.08, « il existe une 2ème personne qui pourrait aider ? » et constatait, suite à une visite de l'entreprise le 02/2008 : « aménagements non faits ». Le 11.11.08, le docteur CO. préconisait l'utilisation du monte-charge par M. HA. ; cette utilisation a été appliquée et constatée par le docteur CO. lors de sa visite du 24.11.2008.
Que les constatations du Docteur MA., expert judiciaire, ne sont pas utilement combattues lorsqu'évoquant l'évolution des conditions de travail du salarié, celui-ci précise : « Malheureusement pour lui, celle-ci n'a consisté qu'en la diminution des points des sacs de terre qui est passée de 50 à 35 kg ; le reste n'aurait pas été modifié selon ses dires. Nous constatons qu'après l'intervention du médecin du travail, il n'y a pas eu de mise en place d'un réel monte-charge ou d'un plan incliné sur les trois dernières marches du court supérieur. Nous constatons également qu'il n'y a pas eu de création de plusieurs zones de stockage et que la manutention à deux personnes n'est pas prouvée » ;
Qu'en outre, à la question « Ces trois pathologies (discopathies, cervicalgie avec irradiation vers le bras gauche et hernie inguinale gauche) ont-elles été aggravées par les conditions de travail et la réalisation de tâches inhérentes à l'emploi de M. HA. ? », l'expert judiciaire a répondu: « Ce port de charges entre 2006 et 2010 a aggravé les pathologies antérieures de M. HA. à type d'arthrose du rachis lombaire et de compression antérieure de l'épaule gauche, et a conduit ultérieurement au développement d'une hernie inguinale gauche opérée par le Docteur PE. en 2010. Les préconisations du Docteur CO., consistant en la réalisation d'un monte-charge, d'un plan incliné, de plusieurs zones de stockage, d'une manipulation à deux ainsi que la mise à disposition d'une brouette électrique, d'un monte-charge et d'un diable n'ont pas été suffisantes à long terme pour éviter une évolution de la pathologie à la déclaration d'inaptitude. C'est le port de charges lourdes qui a aggravé l'état dégénératif de M. HA.. Par contre, on peut noter que les recommandations du Docteur CO. n'ont pas été suivies ; si celles-ci avaient été réalisées, l'évolution vers l'inaptitude aurait été moins rapide » ;
Qu'il en ressort incontestablement que les pathologies antérieures d a. HA. ont été aggravées par les conditions de travail de ce salarié, notamment le port de charges lourdes, et que la réalisation de l'ensemble des préconisations du médecin du travail aurait ralenti l'évolution vers l'inaptitude ;
Que dès lors, le moyen selon lequel « l'imputabilité d'un dommage à un fait traumatique ne peut être admise qu'en l'absence d'un état antérieur » fondé sur l'étude du Professeur CH. a. intitulée « L'imputabilité et l'état antérieur dans le dommage corporel » n'est pas opérant, l'expert judiciaire ayant conclu à un mécanisme d'aggravation ;
Que si l'employeur reconnaît s'être doté, pour améliorer les conditions de travail de son salarié, « d'une brouette mécanique, d'un diable, d'un transpalette électrique avec chargeur incorporé et d'un monte-charge au niveau des différents escaliers », et si le poids des sacs de terre manipulés par l'intimé est passé de 50 à 35 kg, les recommandations du médecin du travail n'ont pas été intégralement respectées dès lors qu'il n'est pas démontré que plusieurs zones de stockage aient été créées, ni qu'un plan incliné ait été aménagé ;
Que d'ailleurs, la commission relative au reclassement des salariés déclarés inaptes par la médecine du travail a relevé : « Les membres de la Commission regrettent qu'après la fin de l'année 2008, il semblerait qu'aucune amélioration substantielle n'ait été apportée aux conditions de travail pénibles de Monsieur a. HA.. L'employeur aurait pu utiliser les termes de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 qui lui permettent, grâce à un aménagement approprié, d'adapter le poste de l'homme d'entretien et d'alléger ainsi ses conditions de travail ou qui permettaient à Monsieur HA. de suivre une formation en vue d'un reclassement professionnel au sein de l'association A » ;
Qu'ainsi, le Tribunal du travail a justement considéré que l'employeur avait commis une faute en ne réalisant que partiellement les aménagements préconisés par la médecine du travail, à l'origine d'une évolution plus rapide vers l'inaptitude définitive, et que cette faute avait entraîné pour a. HA. la perte d'une chance d'une exécution prolongée de son contrat de travail ainsi qu'un préjudice moral lié à l'absence de prise en compte complète de l'avis du médecin du travail ;
Attendu qu'en second lieu, l'association appelante affirme avoir tout mis en œuvre pour opérer un reclassement de son salarié et conteste avoir commis une faute de ce chef ;
Attendu que l'article 3 de la loi n°1.348 du 25 juin 2008 relative au reclassement des salariés déclarés inaptes par la médecine du travail énonce qu'au vu du rapport établi par le médecin du travail, l'employeur propose au salarié un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé. Pour ce faire, il peut mettre en œuvre des mesures telles que des mutations, des transformations de postes, des formations adaptées à l'emploi proposé et internes à l'entreprise ou des aménagements de temps de travail ;
Qu'il en résulte que le salarié déclaré inapte à son emploi bénéficie d'un droit à reclassement ;
Que l'employeur, à qui incombe l'obligation de reclasser son salarié, doit rapporter la preuve des recherches de reclassement entreprises ;
Attendu qu'au cas d'espèce, il est établi qu a. HA. a fait l'objet d'un licenciement, notifié par lettre recommandé avec avis de réception du 14 mars 2011, suite à une déclaration d'inaptitude définitive à son poste, avec demande de reclassement, établie le 8 novembre 2010 par le médecin du travail ;
Qu'il est, en outre, précisé dans la déclaration d'inaptitude : « Ne peut plus tenir son emploi d'homme d'entretien des courts de tennis. Ne peut plus porter des charges lourdes et répétitives. Pourrait effectuer tout autre travail sans manutention lourde ».
Que par jugement avant-dire-droit du 9 janvier 2014, le Tribunal du travail a fait injonction à l'association A de « justifier de la composition de son personnel au moment du licenciement d a. HA. et de fournir toutes explications complémentaires sur l'emploi occupé par un serveur lorsqu a. HA. a procédé à son remplacement provisoire (intérimaire, CDD, CDI, temps partiel ou complet, autres fonctions, durée des relations contractuelles) en précisant la date de ce remplacement » ;
Que l'association appelante n'a pas satisfait à cette injonction ;
Attendu que celle-ci soutient qu'elle se trouvait « dans l'incapacité de reclasser son salarié, en dépit de ses tentatives » et fait expressément référence à ses pièces 10 et 11 (ses conclusions du 24 mai 2016, II, paragraphe B) ;
Que les deux pièces visées constituent des courriers écrits par l'association A elle-même, l'un à la Commission de l'Inspection du Travail, le second au Ministre d'État, en sorte qu'émanant de la partie qui s'en prévaut, ces courriers ne sauraient servir de preuve pertinente ;
Que s'il n'est pas contesté que l'association A est une « petite structure » et qu'elle ne « peut pas créer de poste inutile ou même fictif », la preuve selon laquelle il n'existait ni poste vacant, ni poste conforme aux qualifications du salarié n'est pas rapportée aux débats ;
Qu'il n'est pas davantage établi qu a. HA., qui a occupé, momentanément, un poste de serveur en salle de restaurant, n'aurait pas donné satisfaction à ce poste, ni que celui-ci n'était pas adapté en raison du « manque d'aisance en français » du salarié, le rapport d'expertise du Docteur MA., non utilement combattu à ce titre, mentionnant, en page 7, « Examen de l'écriture : M. HA. écrit un menu », puis en page 10 « M. HA. s'exprime correctement en français. Il est capable d'écrire en français, notamment un menu », le menu ainsi écrit ayant été annexé au rapport d'expertise produit par l'intimé ;
Qu'enfin, il n'est pas démontré que les pathologies dont souffre l'intimé pouvaient constituer un obstacle à l'exercice d'un emploi de serveur alors que la médecine du travail a uniquement exclu le port de charges lourdes et répétitives ;
Attendu que l'association appelante ne justifie pas qu'elle a respecté l'obligation légale de reclassement instituée par le texte précité ;
Que le Tribunal du travail a justement considéré que cette faute de l'employeur avait généré, pour le salarié, une perte de chance de conserver un emploi, même à temps partiel, ainsi qu'un préjudice moral lié au manque de recherches effectives de reclassement de l'intimé ;
Attendu que l'association A ne critique le montant de l'indemnisation accordée à l'intimé par les premiers juges, tant au titre de la perte de chance que du préjudice moral, que par les moyens, ci-dessus examinés, tenant à l'absence de faute ;
Qu'en particulier, elle ne conteste pas les pièces produites par a. HA. relatives à sa situation financière ;
Que, par ailleurs, la réparation du préjudice résultant de la perte de la chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage que cette chance aurait procuré si elle s'était réalisée, en sorte qu'il n'y a pas lieu, sur le fondement des pièces produites devant la Cour par l'intimé, d'augmenter l'indemnisation accordée par le premier juge à ce titre ;
3-Attendu que succombant en son appel, l'association A ne peut qu'être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et téméraire, ainsi que de celle formée au titre des frais irrépétibles ;
4-Attendu que l'association appelante qui succombe en son appel, supportera les entiers dépens d'appel ; qu'imputables à l'adversaire d'une partie bénéficiant de l'assistance judiciaire, ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n°1.378 du 18 mai 2011 ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal du travail le 3 décembre 2015,
Déboute l'association dénommée A de sa demande en paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne l'association dénommée A aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n°1.378 du 18 mai 2011.
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 22 NOVEMBRE 2016, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.