Cour d'appel, 10 octobre 2016, Le Ministère Public c/ k. J et m. J
Abstract🔗
Vol - Cambriolage de deux appartements - Vols commis le même jour - Immeubles situés à proximité l'un de l'autre - Modes opératoires identiques - Condamnation
Résumé🔗
Si c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la culpabilité des deux prévenues du chef d'un premier cambriolage qu'elles ont reconnu, c'est à tort qu'ils ont prononcé la relaxe du chef du second cambriolage poursuivi au bénéfice du doute. En effet, non seulement les deux cambriolages ont été commis le même jour dans deux immeubles proches et selon un mode opératoire similaire, mais des objets et bijoux provenant des deux cambriolages ont été retrouvés dans leur chambre d'hôtel. En outre, les prévenues ont reconnu l'ensemble des faits reprochés à l'audience. Il convient donc de les déclarer coupable des deux vols visés à la prévention.
Motifs🔗
Dossier PG n° 2016/001069
Cour d'appel correctionnelle
ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2016
En la cause du :
MINISTÈRE PUBLIC ;
APPELANT,
Contre :
1) k. J, née le 1er janvier 1990 à Belgrade (Serbie), de Milan et de Zora (nom de famille ignoré), de nationalité serbe, sans profession, demeurant X1 (06), alias v J, née le 28 mai 1993 à Paris, d'Antoine et de Ramiza, de nationalité française, sans profession, domiciliée à Paris ;
2) m. J, née le 5 août 1988 à Aleksinac (Serbie), de Toma et de Ljiljana (nom de famille ignoré), de nationalité serbe, sans profession, demeurant X1 (06), alias l N, née le 8 janvier 1988 à Aleksinac (Serbie), de Biljena N et de Bogdan J, de nationalité néerlandaise, sans emploi, domiciliée X2 en Hollande ;
Prévenues de :
- VOLS
présentes, détenues (mandats d'arrêt du 10 juin 2016), assistées de Maître Jean-Yves LIENARD, avocat au barreau de Versailles, substitué par Maître Alexandre SIMONIN, avocat en ce même barreau ;
INTIMÉES,
En présence de :
- M. i. C, né le 6 mai 1974 à Alassio (Italie), de nationalité italienne, demeurant X3 à Monaco, constitué partie civile, comparaissant en personne ;
- M. s. C, né le 22 juin 1977 à Albenga (Italie), de nationalité italienne, demeurant X3 à Monaco, constitué partie civile, absent ;
- M. f. D, né le 29 juin 1972 à Monaco, de nationalité française, demeurant X4 à Monaco, constitué partie civile, comparaissant en personne ;
INTIMÉS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 12 septembre 2016 ;
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 17 juin 2016 ;
Vu l'appel interjeté le 22 juin 2016 par le Ministère public, à titre principal ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 8 juillet 2016 ;
Vu les citations et significations, suivant exploits, enregistrés, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 21 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï Eric SENNA, Conseiller, en son rapport ;
Ouï k. J et m. J, prévenues, en leurs réponses, et ce avec l'assistance de Karina BROK-DRLJE, faisant fonction d'interprète en langue serbe, serment préalablement prêté ;
Ouï i. C, partie civile, comparaissant en personne ;
Ouï f. D, partie civile, comparaissant en personne ;
Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Alexandre SIMONIN, avocat au barreau de Versailles, substituant Maître Jean-Yves LIENARD, avocat en ce même barreau, pour k. J et m. J, régulièrement autorisé à plaider par le Président, en ses plaidoiries ;
Ouï les prévenues en dernier, en leurs moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement contradictoire en date du 17 juin 2016, le Tribunal correctionnel a, sous la même prévention :
« D'avoir à Monaco le 8 juin 2016, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, frauduleusement soustrait :
- 3 bracelets en or, 5 bagues, deux chaines, 2 paires de boucles d'oreilles, 2 montres de femmes de marque A, 1 paire de lunettes de marque C femme, une gourmette et de nombreuses pièces d'1 et 2 euros de la Principauté au préjudice de f. D,
- une montre de marque E, une mallette et deux portefeuilles de marques F, des boutons de manchette de marque H au préjudice d i. C,
- un chéquier au préjudice de s. C » ;
DÉLITS prévus et réprimés par les articles 26 chiffre 4, 27, 309 et 325 du Code Pénal ;
sur l'action publique,
- relaxé k. J et m. J des faits de vols commis au préjudice de f. D ;
- les a déclaré en revanche coupables du surplus ;
En répression, faisant application des articles visés par les préventions,
- condamné k. J et m. J, chacune, à la peine de NEUF MOIS D'EMPRISONNEMENT ;
- ordonné la confiscation des fiches n° J m. UN, J m. CINQ, J k. UN et J k. DEUX constituant le scellé n° 2016/478 placé au Greffe Général (procès-verbal de la direction de la sûreté publique n° 16/0842) ;
sur l'action civile,
- reçu f. D en sa constitution de partie civile mais au fond l'a débouté de sa demande ;
- reçu s. C en sa constitution de partie civile en ce qu'elle tend à corroborer l'action publique ;
- reçu également i. C en sa constitution de partie civile ;
- fait droit à la demande d i. C en condamnant solidairement k. J et m. J à lui payer la somme de 14.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamné, enfin, k. J et m. J solidairement aux frais.
Le Ministère public a interjeté appel principal de ladite décision le 22 juin 2016.
Considérant les faits suivants :
Le 8 juin 2016, le service de la Sûreté publique recevait la plainte des frères i. et s. C qui signalaient le cambriolage de leur appartement X3 à Monaco, commis entre 8 h 45 et 18 h. Ils déploraient le vol de plusieurs objets de luxe et des bijoux.
f. D déposait également plainte pour le cambriolage de son appartement situé X4, les faits s'étant déroulés le même jour pendant son absence soit entre 12 h et 16 h et déplorait le vol de plusieurs objets de luxe, des bijoux et de la monnaie.
Dans les deux cas, les plaignants indiquaient avoir seulement claqué la porte d'entrée de leur logement, sans l'avoir fermée à clé et aucune trace d'effraction n'était relevée par les enquêteurs.
b G, voisin des frères C, fournissait aux enquêteurs la description de deux jeunes femmes qui avaient sonné sans raison apparente à sa porte, au sein de l'immeuble situé X3, le 8 juin 2016, aux alentours de 15 h 30.
Deux personnes dont la description correspondait au signalement de ce témoin, étaient interpellées le lendemain à 15 h 15, alors que celles-ci sortaient de l'immeuble K, X5 à Monaco.
Il s'agissait de k. J laquelle était trouvée porteuse d'une paire de gants de moto et d'un morceau de plastique rigide transparent provenant d'une bouteille de lotion dentaire et de m. J qui était trouvée en possession d'une paire de chaussettes dans un sac de marque B, d'un morceau de plastique rigide transparent et parmi d'autres pièces et de billets d'un montant de 197,22 euros, d'une pièce de deux euros monégasque (2012) et d'une pièce de un euro monégasque (2014).
Entendues sous le régime de la garde à vue par les enquêteurs, elles contestaient les faits au cours de leurs auditions et niaient toute présence en Principauté de Monaco le 8 juin 2016.
b G reconnaissait formellement k. J et m. J comme étant les deux personnes aperçues dans son immeuble.
Les deux mises en cause se déclaraient domiciliées dans un camp de gitans situé à Nice à proximité de l'aéroport.
Poursuivies selon la procédure de fragrant délit, le Tribunal faisait droit à la demande de report des prévenues par jugement en date du 13 juin 2016 à l'issue de quoi, lors de l'audience suivante celles-ci reconnaissaient le vol commis au sein de l'appartement des frères C.
Elles expliquaient avoir pénétré dans ce logement en utilisant les morceaux de plastique retrouvés sur elles lors de leur fouille ce qui leur permettaient d'actionner le penne des serrures des portes non verrouillées et pour ne pas laisser d'empreintes de traces papillaires, k. J indiquait avoir revêtu des gants et pour m. J une paire de chaussettes. Malgré une commission des autres faits dans un temps voisin du premier cambriolage dans un lieu situé à proximité géographique et l'emploi d'un mode opératoire similaire pour s'introduire dans le logement de f. D, elles contestaient être les auteurs de ce cambriolage.
Par jugement du 17 juin 2016, le Tribunal correctionnel relaxait k. J et m. J du vol au préjudice de f. D et les déclaraient coupables du vol au préjudice des frères C en les condamnant à la peine de neuf mois d'emprisonnement et à payer à i. C la somme de 14.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Pour statuer ainsi, le Tribunal a considéré que les faits étaient établis et reconnus pour le premier cambriolage mais que pour l'autre le bénéfice du doute devait leur être reconnu dès lors qu'il n'avait pas été retrouvé d'objets issus des vols, sans équivoque possible, sur les prévenues, interpellées le lendemain lors de leur retour en Principauté de Monaco et en l'absence d'un élément objectif d'identification, il n'était pas démontré que les pièces d'euros monégasques trouvées sur m. J étaient celles volées à f. D.
Suivant procès-verbal de renseignement judiciaire en date du 4 juillet 2016, il résultait d'une perquisition réalisée dans le cadre de la convention d'entraide judiciaire bilatérale le 24 juin 2016 en France à Menton à l'hôtel L dans la chambre occupée par les deux prévenues que deux pièces d'identité aux noms de J v et N l correspondant respectivement à k. J et m. J y étaient trouvées ainsi que plusieurs objets appartenant à i. et s. C (un porte document et une sacoche F et une paire de lunettes C) et à f. D (une chaine en métal argenté, deux bagues, un bracelet, une boucle d'oreille en métal doré et une montre de femme A).
Les casiers judiciaires de k. J et m. J ne mentionnent pas de condamnation à Monaco.
Le casier judiciaire français de k. J fait état sous divers alias de trois condamnations pour des faits de vols aggravés de 2011 à 2013 à des peines de deux mois et trois d'emprisonnement.
m. J fait l'objet de mandats d'arrêt nationaux émis par les autorités judiciaires suisses.
A l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, sur demande de la Cour, le conseil des prévenues a indiqué qu'il avait eu communication intégrale des copies des pièces de procédure communiquées par le Parquet général après le jugement dont appel.
i. C, partie civile, a été entendu en ses observations aux termes desquelles il a sollicité la confirmation des dispositions civiles du jugement.
f. D, partie civile, a indiqué qu'il n'avait pas interjeté appel du jugement.
Le Ministère public, appelant principal, a requis la réformation du jugement entrepris en faisant valoir que les éléments objectifs étaient réunis pour déclarer les deux prévenues coupables des deux vols qui étaient désormais pleinement reconnus et qui devaient être sanctionnés par une peine d'un an d'emprisonnement dès lors que ces dernières se comportaient comme des délinquantes d'habitude susceptibles de causer un trouble grave à l'ordre public.
k. J et m. J, assistées de leur conseil, ont reconnu chacune leur participation aux deux vols qui leur étaient reprochés et n'ont pas contesté leur responsabilité pénale, chacune d'elle a indiqué que l'identité qu'elles avaient fournies au cours de l'enquête était fausse et que k. J était v J et que m. J était l N. Elles ont chacune également fait part de leurs regrets quant au préjudice causé aux victimes par leurs agissements.
Leur conseil a sollicité la confirmation du jugement sur la peine en faisant valoir que leur sanction devait être juste et proportionnée, que les prévenues n'étaient pas des délinquantes professionnelles et que le contexte particulier dans lequel celles-ci évoluaient devait être pris en compte au regard de leur situation personnelle.
SUR CE,
Attendu qu'il résulte des déclarations faites par les deux prévenues à l'audience que celles-ci reconnaissent être les auteurs des deux vols poursuivis lesquels ont été commis le même jour dans deux immeubles proches et selon un mode opératoire identique ;
Que lors de leur interpellation, celles-ci ont été trouvées en possession d'une paire de gants de moto et d'une paire de chaussettes et chacune d'elles détenait un morceau de plastique rigide transparent destinés à actionner le penne des portes d'entrée des appartements que les occupants n'avaient pas précédemment verrouillées ;
Qu'un témoin en la personne de b G, voisin d i. et s. C, a reconnu formellement k. J et m. J comme étant les deux personnes aperçues dans son immeuble lors du premier vol ;
Que par ailleurs, la perquisition réalisée le 24 juin 2016 dans le cadre de la convention d'entraide judiciaire bilatérale à Menton à l'hôtel Méditerranée dans la chambre occupée par les deux prévenues, a permis d'y trouver deux pièces d'identité établies aux noms de J v et N l correspondant respectivement à k. J et m. J ainsi que plusieurs objets appartenant à i. et s. C et des bijoux appartenant à f. D : une chaine en métal argenté, deux bagues, un bracelet, une boucle d'oreille en métal doré et une montre de femme A qui ont été formellement identifiés par chacune des victimes ;
Que dans ces conditions, l'imputabilité des deux vols aux prévenues apparaissant parfaitement caractérisée, il y a lieu de les en déclarer coupables ;
Attendu qu'eu égard à leur personnalité, à leurs antécédents judiciaires pour des faits de même nature et aux circonstances de commission des infractions qui révèlent un certain ancrage dans une délinquance itinérante, il convient de leur faire une juste application de la loi pénale qui assure une répression suffisante en prononçant une peine de dix mois d'emprisonnement pour la sanction des infractions ;
Qu'il convient de confirmer la confiscation des scellés déjà ordonnée et d'ordonner en outre, la confiscation de la fiche J m. TROIS, lequel est en lien avec les infractions réprimées ;
Que le jugement sera en conséquence réformé en ce sens ;
Attendu que les dispositions civiles n'ayant pas été appelées sont définitives ;
Attendu que les prévenues seront condamnées aux frais de l'instance ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement à l'égard de k. J et m. J et à l'égard d i. C et de f. D et par défaut à l'égard de s. C,
Reçoit l'appel ;
Le déclare bien fondé ;
Constate que k. J se déclare sous l'identité de v J, de nationalité française, née le 28 mai 1983 à Montreuil (France) ;
Constate que m. J se déclare sous l'identité de l N, de nationalité néerlandaise, née le 8 janvier 1988 à Aleksinac (Serbie) ;
Sur l'action publique,
Réforme le jugement du Tribunal correctionnel du 17 juin 2016 en ce qu'il a relaxé k. J et m. J des faits de vol commis au préjudice de f. D ainsi que sur la peine prononcée à leur encontre,
Le confirme en ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant ;
Déclare k. J alias v J et m. J alias l N coupables de vol au préjudice de f. D ;
Condamne k. J alias v J à la peine de dix mois d'emprisonnement ;
Condamne m. J alias l N à la peine de dix mois d'emprisonnement ;
Maintient les effets du mandat d'arrêt délivré à leur encontre ;
Ordonne la confiscation de la fiche J m. TROIS constituant le scellé n° 2016/478 ;
Sur l'action civile,
Constate que les dispositions civiles du jugement sont définitives ;
Condamne k. J alias v J et m. J alias l N aux frais du présent arrêt ;
Composition🔗
Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le douze septembre deux mille seize, qui se sont tenus devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur général, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier ;
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, le présent arrêt a été signé seulement par Monsieur Eric SENNA, Conseiller et Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en l'état de l'empêchement de signer de Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, conformément à l'article 60 de ladite loi.
Lecture étant donnée à l'audience publique du dix octobre deux mille seize par Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.