Cour d'appel, 4 juillet 2016, e. GE. épouse ER. c/ Ministère public
Abstract🔗
Non-représentation d'enfant - Éléments constitutifs - Refus réitéré de respecter la décision fixant la résidence des enfants - Condamnation
Résumé🔗
La prévenue doit être condamnée du chef de non-représentation d'enfants. Elle n'a jamais exécuté la décision de la cour d'appel fixant la résidence des deux enfants du couple au domicile du père. Son comportement, qui prive ce dernier de tous contacts avec ses enfants depuis de nombreuses années, a été sanctionné par plusieurs décisions judiciaires, aujourd'hui définitives, la déclarant coupable des faits de non-représentation d'enfants. Malgré les décisions intervenues, la prévenue persévère dans son comportement délictueux, particulièrement préjudiciable à ses enfants, victimes d'une rupture brutale de tous liens avec leur père.
Motifs🔗
Cour d'appel correctionnelle
Dossier PG n° 2014/001693
R.6304
ARRÊT DU 4 JUILLET 2016
En la cause de :
e. GE. épouse ER., née le 25 août 1970 à Athènes (Grèce), de Dimitrios et de Anna PA., de nationalité monégasque, demeurant X1 - à Athènes (Grèce) et/ou X2 - 17121 Nea Smyrni à Athènes (Grèce) ;
absente, représentée par Maître Charles LECUYER, avocat près la Cour d'appel de Monaco, commis d'office, plaidant par ledit avocat ;
Prévenue de :
NON REPRÉSENTATION D'ENFANTS
OPPOSANTE à l'encontre d'un arrêt de défaut rendu à son encontre par la Cour d'appel correctionnelle de Monaco le 9 novembre 2015 ;
Contre :
le MINISTÈRE PUBLIC ;
En présence de :
c. BE., né le 15 octobre 1948 à Monaco, de nationalité monégasque, chargé de mission, demeurant « X3 », X3 à Monaco, constitué partie civile, absent, représenté par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 20 juin 2016 ;
Vu l'arrêt de défaut rendu par la Cour d'appel correctionnelle le 9 novembre 2015 ;
Vu l'exploit de notification et opposition de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 9 décembre 2015 par lequel e. GE. épouse ER. a déclaré former opposition à l'encontre de l'arrêt de défaut susvisé, dont il lui a été donné connaissance le 3 décembre 2015 ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 17 décembre 2015 ;
Vu la citation et signification, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 19 janvier 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de c. BE., partie civile, en date du 20 juin 2016 ;
Ouï Madame A, Conseiller, en son rapport ;
Ouï Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur et celui de c. BE., partie-civile ;
Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Charles LECUYER, avocat, pour e. GE. épouse ER., en sa plaidoirie et moyens d'opposition ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement de défaut en date du 24 février 2015, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :
« D'avoir à Monaco, depuis décembre 2012 jusqu'au 30 septembre 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, alors qu'il a été statué sur la garde des enfants mineurs Dimitri et Alexandre, par ordonnance du juge tutélaire du 8 juillet 2010, confirmée par arrêt en date du 18 octobre 2010 omis de présenter ces mineurs à leur père, qui est en droit de les réclamer » ;
DÉLIT prévu et réprimé par l'article 294 du Code pénal ;
Sur l'action publique
déclaré e. GE. épouse ER. coupable du délit qui lui est reproché ;
En répression, faisant application des articles visés par la prévention, ainsi que de l'article 395 du code de procédure pénale,
l'a condamnée à la peine de DIX-HUIT MOIS D'EMPRISONNEMENT ;
décerné mandat d'arrêt à son encontre ;
Sur l'action civile
reçu c. BE. en sa constitution de partie civile ;
l'a déclaré partiellement fondé en sa demande, condamné e. GE. épouse ER. à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
condamné, en outre, e. GE. épouse ER. aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.
e. GE. épouse ER. a déclaré former opposition le 30 avril 2015 à l'encontre du jugement de défaut susvisé, dont il lui a été donné connaissance le 23 avril 2015, ensuite de la signification de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 15 avril 2015 ;
Par jugement contradictoire en date du 7 juillet 2015, le Tribunal correctionnel a :
Sur l'action publique
reçu e. GE. épouse ER. en son opposition, régulière en la forme ;
mis à néant le jugement en date du 24 février 2015 ;
Et jugeant à nouveau,
relaxé e. GE. épouse ER. des faits de non représentation de son fils Dimitri à compter du 25 janvier 2014 ;
l'a déclarée coupable des autres faits qui lui sont reprochés ;
En répression, faisant application des articles visés par la prévention, ainsi que de l'article 395 du Code de procédure pénale,
l'a condamnée à la peine de DIX HUIT MOIS D'EMPRISONNEMENT ;
décerné mandat d'arrêt à son encontre ;
Sur l'action civile
reçu c. BE. en sa constitution de partie civile ;
l'a déclaré partiellement fondé en sa demande, condamné e. GE. épouse ER. à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.
condamné, en outre, e. GE. épouse ER. aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.
Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur et celui de e. GE. épouse ER., prévenue, a interjeté appel en toutes ses dispositions de cette décision par acte de greffe en date du 21 juillet 2015.
Par arrêt de défaut du 9 novembre 2015, la Cour d'appel correctionnelle a :
reçu les appels :
Sur l'action publique
confirmé le jugement en date du 7 juillet 2015 en ses dispositions ayant statué sur la culpabilité d e. GE. ;
l'infirmé sur la peine ;
statuant à nouveau de ce chef,
condamné e. GE. à la peine d'un an d'emprisonnement ;
décerné mandat d'arrêt à son encontre ;
l'a condamnée au paiement d'une amende de 5.000 euros ;
Sur l'action civile
confirmé le jugement en ses dispositions ayant statué sur l'action civile ;
condamné e. GE. aux frais du présent arrêt qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, dont la présence a été reconnue effective et nécessaire aux débats.
e. GE. a formé opposition à l'encontre de cet arrêt par exploit de notification et opposition de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 9 décembre 2015.
Considérant les faits suivants :
Le divorce du couple BE. / GE. a été prononcé par arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 20 mars 2007.
La résidence des deux enfants communs du couple, Dimitri, né le 25 janvier 1996 et Alexandre, né le 18 septembre 1998, initialement établie au domicile de la mère, a été fixée au domicile du père, par décision du juge tutélaire de Monaco en date du 8 juillet 2010, confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 18 octobre 2010.
Le 8 juillet 2014, c. BE. a déposé plainte auprès des services de la Sûreté publique, dénonçant la continuité du délit de non représentation d'enfants commis par e. GE. qui refuse de lui remettre ses deux fils depuis le 11 avril 2010.
Cette plainte fait suite à de nombreuses plaintes qui ont abouti à un jugement de condamnation en date du 10 juillet 2012, prononçant à l'encontre d e. GE. la peine de six mois d'emprisonnement assortie du sursis, et à un arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 10 mai 2013, statuant sur l'appel du Ministère public d'un jugement en date du 22 janvier 2013, la condamnant à la peine d'un an d'emprisonnement assortie d'un mandat d'arrêt.
Malgré les condamnations intervenues, c. BE. confirme que le délit se perpétue, précisant que son fils aîné Dimitri est majeur depuis le 25 janvier 2014.
Dans le cadre de la présente procédure, un premier jugement est intervenu le 24 février 2015, rendu par défaut à l'égard d e. GE., à l'encontre duquel elle a formé opposition.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement du 7 juillet 2015, dont appel interjeté le 21 juillet 2015 par e. GE., et par le Ministère public à titre incident, qui l'a relaxée des faits de non représentation de son fils Dimitri à compter du 25 janvier 2014, l'a déclarée coupable des autres faits, l'a condamnée en répression à la peine de 18 mois d'emprisonnement, mandat d'arrêt étant décerné à son encontre, et recevant c. BE. en sa constitution de partie civile, a condamné e. GE. à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu :
l'âge de 18 ans atteint le 25 janvier 2014 par Dimitri, l'aîné des enfants, de sorte qu'à compter de cette date les faits de non représentation d'enfant le concernant ne pouvaient plus être poursuivis,
un comportement coupable persistant d e. GE., caractérisant un mépris des décisions de justice de la Principauté de Monaco, dont elle est ressortissante, et une volonté d'empêcher tout contact des enfants avec leur père, dont ils ont été privés pendant leurs années d'adolescence.
À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire e. GE. n'était ni présente ni représentée.
Par arrêt en date du 9 novembre 2015, la Cour d'appel, sur l'action publique, a confirmé le jugement du 7 juillet 2015 en ses dispositions ayant statué sur la culpabilité d e. GE., et l'infirmant sur la peine l'a condamnée à un an d'emprisonnement et au paiement d'une amende de 5.000 euros, décernant mandat d'arrêt à son encontre, et a confirmé le jugement en ses dispositions ayant statué sur l'action civile.
Opposition à l'arrêt a été formée le 9 décembre 2015, par Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur d e. GE. épouse ER..
À l'audience du 20 juin 2016, fixée pour l'examen de l'affaire, c. BE., représenté par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat- défenseur a déposé et développé des conclusions demandant à la Cour de statuer ce que de droit sur l'opposition d e. GE., de confirmer l'arrêt du 9 novembre 2015 sur les dispositions civiles et de condamner en conséquence e. GE. à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'aux entiers dépens.
Le ministère public a requis la condamnation d e. GE. à la peine d'un an d'emprisonnement, au paiement d'une amende de 5.000 euros, et que mandat d'arrêt soit décerné à son encontre.
Maître Charles LECUYER, représentant e. GE. a sollicité la clémence de la Cour, faisant valoir la trahison qu'elle avait ressentie lorsque la procédure a été initiée devant le juge tutélaire par Monsieur BE., ayant abouti aux décisions modifiant la résidence habituelle des enfants.
SUR CE,
Attendu que l'opposition formée dans les conditions prescrites par les dispositions du code de procédure pénale est recevable ;
Attendu que par arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 18 octobre 2010, la résidence des deux enfants du couple a été fixée au domicile du père, les modalités d'exercice du droit d'hébergement de la mère étant par ailleurs prévues ;
Que cette décision est intervenue à l'initiative du père qui avait déclaré ne plus avoir vu ses enfants depuis le 11 avril 2010, lesquels étaient retenus par leur mère en Grèce, où elle a désormais son domicile ;
Qu e. GE. n'a jamais exécuté la décision de la Cour d'appel de Monaco du 18 octobre 2010 ;
Que le comportement d e. GE., qui prive c. BE. de tous contacts avec ses enfants depuis de nombreuses années, a été sanctionné par plusieurs décisions judiciaires, aujourd'hui définitives, la déclarant coupable des faits de non représentation d'enfants ;
Attendu que malgré les décisions intervenues, e. GE. persévère dans son comportement délictueux, particulièrement préjudiciable à ses enfants, victimes d'une rupture brutale de tous liens avec leur père ;
Que dans ces conditions, le délit de non représentation d'enfants, qui ne saurait aller au-delà de la majorité de Dimitri intervenue le 25 janvier 2014 est constitué ;
Que le jugement doit être confirmé en ses dispositions ayant statué sur la culpabilité d e. GE. ;
Attendu que la réitération de l'infraction, malgré les décisions judiciaires la condamnant, justifie une stricte application de la loi pénale et sa condamnation à la peine maximale d'emprisonnement prévue par la loi, soit un an d'emprisonnement, la délivrance d'un mandat d'arrêt et sa condamnation à une peine d'amende de 5.000 euros ;
Qu'en conséquence le jugement sera infirmé de ce chef ;
Attendu que le jugement sera confirmé en ses dispositions ayant statué sur l'action civile, les premiers juges ayant fait une juste appréciation du préjudice subi ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale à l'égard de la prévenue et de la partie civile,
Reçoit e. GE. en son opposition ;
Met à néant l'arrêt rendu le 9 novembre 2015 par la Cour d'appel,
Statuant à nouveau,
Sur l'action publique
Confirme le jugement du 7 juillet 2015 en ses dispositions ayant statué sur la culpabilité d e. GE. ;
L'infirme sur la peine ;
Condamne e. GE. à la peine d'un an d'emprisonnement ;
Décerne mandat d'arrêt à son encontre ;
La condamne au paiement d'une amende de 5.000 euros ;
Sur l'action civile
Confirme le jugement en ses dispositions ayant statué sur l'action civile ;
Condamne e. GE. aux frais du présent arrêt qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, dont la présence a été reconnue effective et nécessaire aux débats ;
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le quatre juillet deux mille seize, par Monsieur Eric SENNA, Conseiller faisant fonction de Président, Madame A, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier.