Cour d'appel, 21 juin 2016, La SA A c/ Madame c. BR.

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement pour motif personnel - Faute grave - Validité du motif de licenciement (oui) - Paiement des indemnités de rupture (oui) - Licenciement abusif (oui) - Dommages et intérêts (oui)

Résumé🔗

La salariée, employée en qualité de secrétaire, a été licenciée pour faute grave en raison de l'utilisation frauduleuse d'une carte carburant destinée à un usage exclusivement professionnel. L'intéressée ne bénéficiait pas d'un véhicule de la société et a reconnu avoir fait usage de la carte et de son code pour l'approvisionnement en essence de son véhicule personnel. Elle n'a toutefois utilisé cette carte qu'à trois reprises en près d'un an pour un montant total de 30 euros. Cette faute n'est donc pas qualifiée de faute grave par la cour, de sorte que la salariée a droit au versement des indemnités de rupture. Par ailleurs, le licenciement a été d'une particulière brutalité dès lors qu'elle n'avait aucun antécédent disciplinaire en cinq ans de présence et qu'elle elle a dû quitter immédiatement l'entreprise, sans effectuer de préavis et sans percevoir aucune indemnité. Une telle brutalité rend la rupture abusive et ouvre droit au versement à l'intéressée de la somme de 5 000 euros, à titre de dommages et intérêts.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 21 JUIN 2016

En la cause de :

  • - La Société Anonyme A, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro 64S01120, dont le siège social est situé au X « N » à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco et ayant pour avocat plaidant Maître Philippe-Bernard FLAMANT, avocat au Barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Madame c. BR., demeurant X1 à Beausoleil (06240) ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 58 BAJ 13, par décision du Bureau du 14 février 2013 et du 10 février 2016

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail le 2 juillet 2015 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 30 juillet 2015 (enrôlé sous le numéro 2016/000017) ;

Vu les conclusions déposées les 24 novembre 2015 et 15 mars 2016 par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de Madame c. BR. ;

Vu les conclusions déposées les 2 février 2016 et 12 avril 2016 par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;

À l'audience du 17 mai 2016, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM A à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 2 juillet 2015.

Considérant les faits suivants :

Suivant contrat à durée indéterminée, c. BR. a été embauchée à compter du 1er novembre 2007, en qualité de secrétaire, au sein de la société A, pour une durée hebdomadaire de 17 heures moyennant un salaire brut mensuel moyen de 800 euros.

Selon courrier du 14 novembre 2012, remis en mains propres, la société A notifiait à c. BR. son licenciement pour faute grave au motif de l'utilisation frauduleuse d'une carte « BP » servant à approvisionner les véhicules de la société et dont l'usage est exclusivement professionnel.

Après saisine du bureau de conciliation du Tribunal du travail de Monaco ayant abouti à un procès-verbal de non conciliation par défaut le 10 mars 2014, c. BR. a saisi le bureau de jugement aux fins de condamnation de la société A à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes de :

  • - 434,02 euros à titre d'indemnité de congédiement,

  • - 2.060,40 euros à titre d'indemnité de licenciement (avant déduction de l'indemnité de congédiement),

  • - 1.736 euros à titre d'indemnité de préavis,

  • - 171,70 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente au préavis,

  • - 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Se prévalant d'un licenciement sans motif valable, elle faisait valoir que :

  • - elle avait obtenu de ses responsables l'autorisation d'utiliser la carte « BP » pour approvisionner son véhicule en essence, le code lui ayant été confié en décembre 2011,

  • - à chaque utilisation, elle fournissait à son employeur un ticket justificatif,

  • - elle avait utilisé la carte à deux ou trois reprises pour des montants minimes, à des fins de déplacements professionnels ou extra-professionnels demandés par l'employeur,

  • - le motif fallacieux du licenciement et sa brutalité justifient l'allocation de dommages et intérêts.

La société A s'est opposée aux demandes de c. BR. invoquant pour l'essentiel que :

  • - celle-ci ne bénéficiait d'aucune carte « BP »,

  • - elle a reconnu lors de l'entretien préalable de licenciement avoir utilisé, sans autorisation, la carte « BP » de la société pour approvisionner en essence son véhicule personnel,

  • - le code de la carte lui a été remis par un autre salarié,

  • - ces éléments sont confirmés dans le courrier qu'elle a adressé à la société le 27 novembre 2012 et dans le courrier en réponse en date du 11 décembre suivant,

  • - la preuve d'un préjudice lié à une rupture abusive n'est pas rapportée.

Par jugement en date du 2 juillet 2015, le Tribunal du travail a :

  • - annulé les attestations produites en pièce n°5 et 6 par la société A,

  • - dit n'y avoir lieu d'annuler les attestations produites par la société A en pièces 7et 8 et l'attestation produite par c. BR. en pièce 7-1,

  • - dit que le licenciement de c. BR. n'est pas justifié et revêt un caractère abusif,

  • - condamné la société A à lui payer les sommes de :

    • - 434,02 euros au titre de l'indemnité de congédiement,

    • - 1.736 euros au titre de l'indemnité de préavis,

    • - 171,70 euros au titre des congés payés sur préavis,

    • avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation,

  • - condamné la société A à lui payer les sommes de :

    • - 1.626,38 euros à titre d'indemnité de licenciement,

    • - 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

  • - Ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que :

  • - une carte et un code sont attribués à chaque véhicule dépendant de la flotte de la société,

  • - l'approvisionnement en essence d'un véhicule hors flotte relève d'une autre procédure consistant dans le remboursement des frais sur justificatif que l'employé a exposés,

  • - s'il est certain que c. BR. ne pouvait utiliser la carte « BP », il est établi qu'elle ne l'a pas dérobée, le code lui ayant été remis par un autre salarié,

  • - l'employeur ne conteste pas lui avoir confié des missions au cours desquelles elle devait utiliser son véhicule personnel,

  • - elle a donc pu estimer avoir l'aval tacite de sa direction,

  • - il est constant qu'elle n'a utilisé la carte qu'à trois reprises pour un montant total d'environ 30 euros,

  • - l'utilisation à des fins personnelles de la carte, si elle est répréhensible, ne constitue pas un fait de nature à justifier son licenciement encore moins pour faute grave, excluant sa présence au sein de l'entreprise durant la période de préavis,

  • - le caractère particulièrement abusif du licenciement résulte du motif fallacieux sur lequel il repose, et de sa brutalité,

  • - en raison de la rupture sans indemnité, c. BR. s'est trouvée dans une situation financière très délicate,

  • - l'urgence justifie que soit ordonnée l'exécution provisoire de la décision.

Appel du jugement a été interjeté par la société A.

Dans l'assignation qu'elle a fait délivrer le 30 juillet 2015 et par conclusions ultérieures du 2 février 2016 et 12 avril 2016, elle demande à la Cour de :

  • - La déclarer recevable en son appel et le disant bien fondé,

  • - Débouter purement et simplement c. BR. de ses demandes, fins et conclusions,

  • - Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, tant en ce qui concerne l'absence de faute grave que les dommages et intérêts alloués à la salariée,

  • - Constater la réalité des éléments établissant la faute grave de la salariée visée dans le licenciement intervenu,

  • - Constater le bien fondé du licenciement de Madame BR.,

  • - Prononcer la suspension de l'exécution provisoire du jugement du 2 avril 2015,

Subsidiairement,

  • - Constater le caractère réel et sérieux du licenciement,

  • - Condamner en conséquence la société A aux seules indemnités légales,

  • - Condamner Madame BR. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir pour l'essentiel que :

  • - l'attestation de Monsieur RE. est conforme aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile,

  • - la présence de Madame OL. à l'entretien préalable n'a jamais été contestée par c. BR. jusqu'à ce qu'elle le dénie dans ses conclusions du 15 mars 2016,

  • - la production du témoignage de Monsieur RE. n'est pas tardive mais a été rendue nécessaire pour répondre aux allégations de c. BR.,

  • - l'obtention par Monsieur RE. du numéro de sa carte confirme que c. BR. n'avait pas reçu l'autorisation de sa direction,

  • - la lettre du 6 décembre 2012 de la société appelante le confirme,

  • - les attestations de Madame OL. et de Monsieur MI. qui ont tous deux assisté à l'entretien préalable rapportent les circonstances dans lesquelles c. BR. a reconnu les agissements reprochés,

  • - c. BR. est dans l'impossibilité de préciser à quel moment et qui lui a donné l'autorisation d'utiliser la carte,

  • - aucun élément ne permet de retenir une utilisation limitée de la carte par c. BR. tel que le tribunal l'a fait,

  • - le tribunal a admis le comportement fautif de c. BR., mais a cru pouvoir à tort minimiser cette faute et le montant du préjudice qui en est résulté pour la société A,

  • - c. BR. n'a apporté aucun élément permettant d'apprécier sa situation après son licenciement,

  • - si la faute grave n'est pas retenue, la cause du licenciement est réelle et sérieuse,

  • - l'urgence requise pour le prononcé de l'exécution provisoire n'est pas caractérisée.

Par conclusions des 24 novembre 2015 et 15 mars 2016, c. BR. demande à la Cour de :

  • - constater que la pièce adverse n° 9 ne respecte pas les prescriptions exigées par le chiffre 3 de l'article 324 du Code de procédure civile,

  • - en conséquence de l'écarter des débats,

  • - dire qu'elle a été licenciée sans motif valable,

  • - dire que son licenciement revêt un caractère abusif,

  • - débouter la société A de ses demandes, fins et conclusions,

  • - confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société A à lui payer les sommes de :

  • - 434,02 euros au titre de l'indemnité de congédiement,

  • - 1.736 euros au titre de l'indemnité de préavis,

  • - 171,70 euros au titre des congés payés sur préavis,

  • - 1.626,38 euros à titre d'indemnité de licenciement,

  • - 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

  • - débouter la société A de sa demande de suspension d'exécution provisoire,

  • - la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître CAMPANA, avocat défenseur sous sa due affirmation.

Elle fait valoir que :

  • - l'attestation, objet de la pièce n° 9 ne précise pas si l'auteur a un lien d'intérêt avec l'une des parties,

  • - elle n'a jamais utilisé la carte « BP » de manière frauduleuse, puisqu'elle a sollicité et obtenu l'autorisation de ses supérieurs hiérarchiques pour son utilisation et que le code lui a été confié,

  • - à chaque utilisation, elle a donné le ticket correspondant, ce que la société A n'a pas contesté dans sa lettre du 6 décembre 2012,

  • - elle en a fait un usage limité, pour des sommes modiques, à des fins de déplacements demandés par son employeur,

  • - aucun des témoignages produits par la société appelante ne permet de retenir qu'elle aurait agi avec malice à l'égard de Monsieur RE.,

  • - la production tardive de l'attestation, que ce dernier a établie, laisse penser qu'il a été difficile à convaincre de rédiger cette attestation mensongère,

  • - l'utilisation limitée de la carte ne permet en aucun cas de justifier son licenciement,

  • - le témoignage de Madame OL. ne peut être pris en compte puisqu'elle n'a pas été témoin direct et qu'elle est actionnaire de la société,

  • - il appartient à la société appelante de prouver l'usage qu'elle allègue,

  • - le caractère fallacieux du motif invoqué résulte de la parfaite connaissance qu'avait la société A de l'usage qu'elle faisait de la carte,

  • - la brutalité du licenciement est caractérisée par l'absence de préavis et d'indemnité, alors qu'elle était en poste depuis 5 ans,

  • - ce licenciement inattendu l'a placée dans une situation financière délicate,

  • - l'exécution provisoire est justifiée au regard du licenciement brutal et injustifié que le jugement a sanctionné,

  • - la société A ne démontre pas que le règlement des condamnations prononcées serait de nature à produire des effets irréparables.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel interjeté du jugement du 2 juillet 2015 dans les forme et délai prescrits par les dispositions du Code de procédure civile est recevable ;

  • Sur la nullité de l'attestation de Monsieur RE. :

Attendu qu'aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, l'attestation doit notamment, à peine de nullité, mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

Que c. BR. critique l'attestation établie par Monsieur RE. le 29 janvier 2016, au motif que si elle indique l'existence d'un lien de subordination entre l'auteur et l'une des parties, elle ne mentionne pas l'absence ou l'existence d'un lien d'intérêt qui pourrait exister ;

Mais attendu qu'une telle omission n'est pas suffisante en elle-même pour priver de toute régularité cette attestation ;

Qu'en outre, une nouvelle attestation a été établie par Monsieur RE. le 23 mars 2006 reprenant l'intégralité de ses déclarations antérieures ;

Qu'il n'est pas contesté que cette attestation est conforme aux prescriptions légales ;

Attendu dans ces conditions que la demande tendant à voir déclarer nulle l'attestation en date du 29 janvier 2016, laquelle a été régularisée par l'attestation du 23 mars 2016, doit être rejetée ;

  • Sur le motif de la rupture :

Attendu qu'il résulte des pièces produites que la société A dispose d'une flotte de véhicules dont l'approvisionnement en essence se fait au moyen d'une carte et d'un code remis au bénéficiaire du véhicule ;

Que les salariés qui utilisent leur véhicule personnel à des fins professionnelles peuvent obtenir le remboursement des frais d'essence qu'ils ont exposés sur présentation du ticket correspondant ;

Attendu que c. BR., secrétaire, ne bénéficiait pas d'un véhicule de la société ;

Mais qu'il est acquis qu'elle a fait usage d'une carte et d'un code pour l'approvisionnement en essence de son véhicule personnel ;

Qu'elle ne l'a contesté ni à l'occasion de l'entretien préalable à son licenciement, ce que confirme Monsieur MI., délégué du personnel, présent à l'entretien, ni au cours de la présente instance ;

Attendu que pour justifier cette pratique, elle a fait valoir, dans le courrier qu'elle a adressé à son employeur le 27 novembre 2012, avoir obtenu l'autorisation au mois de décembre 2011 de ses supérieurs hiérarchiques, qui l'avaient sollicitée pour des livraisons diverses ou démarches personnelles effectuées au moyen de son véhicule personnel, sans qu'aucun remboursement de frais ne soit intervenu de novembre 2007 à décembre 2011 ;

Mais attendu que l'autorisation invoquée n'est pas établie et qu'elle est contestée ;

Que l'identité de la personne responsable qui aurait accordé l'autorisation alléguée n'est même pas mentionnée par c. BR. ;

Attendu que si comme elle le prétend, elle a obtenu l'autorisation d'utiliser la carte, elle aurait dû se voir attribuer le véhicule de société correspondant, ce qui n'a pas été le cas ;

Qu'en tout état de cause, l'utilisation de son véhicule personnel dans le cadre de son activité professionnelle lui donnait droit au remboursement des frais exposés sur présentation des justificatifs ;

Attendu, dans ces conditions, que l'on ne peut que s'interroger sur les circonstances et les motivations qui l'ont conduite à méconnaître les procédures en vigueur au sein de la société qu'elle ne prétend pas ignorer, et à approvisionner en essence son véhicule personnel au moyen d'une carte de la société ;

Attendu qu'il convient enfin de relever que la carte utilisée par c. BR. et le code correspondant ne lui ont pas été remis par un responsable de la société ou une personne habilitée, mais par un autre salarié de l'entreprise, dans des circonstances qui restent discutées, lui permettant le cas échéant d'agir pour ses besoins propres et à l'insu de son employeur ;

Qu'à cet égard, si elle prétend l'avoir avisé à chaque utilisation par la remise d'un ticket sur lequel figurait son nom, elle ne l'établit pas ;

Attendu que dans ces conditions, l'utilisation par c. BR. de la carte de la société pour l'approvisionnement de son propre véhicule est constitutive d'une faute ;

Attendu que la faute commise justifie la mesure de licenciement intervenue, sans qu'il puisse être fait grief à l'employeur de ne pas avoir fait choix d'une autre mesure venant sanctionner le comportement de c. BR. ;

Attendu que pour qualifier la faute, il convient de tenir compte de l'usage modéré que c. BR. indique avoir fait de la carte, limité à trois reprises pour un montant total de 30 euros, pendant la période allant, selon ses propres déclarations, du mois de décembre 2011 au mois de novembre 2012 ;

Que la société A, qui dispose nécessairement des relevés relatifs à l'utilisation de la carte, ne démontre pas que c. BR. en ait fait une plus ample utilisation, laquelle ne résulte pas des attestations produites ;

Que dans ces conditions, la faute commise, justifiant le licenciement de c. BR., ne peut être qualifiée de faute grave, rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ;

Attendu que le jugement qui a déclaré non justifié le licenciement intervenu sera réformé en ce sens ;

  • Sur les conséquences de la rupture :

Attendu que le licenciement de c. BR. pour faute, sans que celle-ci puisse être qualifiée de grave, entraîne pour l'employeur l'obligation au paiement du préavis et de l'indemnité de congédiement, à l'exclusion de l'indemnité de licenciement ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement des sommes, avec intérêts au taux légal à compter de la citation, de :

  • - 434,02 euros au titre de l'indemnité de congédiement,

  • - 1.736 euros au titre de l'indemnité de préavis,

  • - 171,70 euros au titre des congés payés sur préavis ;

Mais qu'il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société A au paiement d'une indemnité de licenciement, et de débouter c. BR. de la demande qu'elle forme de ce chef ;

Attendu qu'aux termes de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive d'un contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts ;

Que le caractère abusif peut tenir au faux motif ou au motif fallacieux de la rupture du contrat de travail, mais qu'il peut être aussi retenu lorsque le licenciement est mis en œuvre dans des conditions brutales et vexatoires ;

Qu'en l'espèce, le licenciement de c. BR. a été d'une particulière brutalité, puisque salariée depuis cinq années, sans avoir jamais fait l'objet d'aucune sanction, elle a dû quitter immédiatement l'entreprise, sans effectuer de préavis et sans percevoir aucune indemnité ;

Que cette brutalité que ne justifiait pas le motif du licenciement et la nature de la faute reprochée, confère à la rupture du contrat un caractère abusif ouvrant droit à indemnisation ;

Attendu que les circonstances particulièrement vexatoires de la rupture ont causé à c. BR. un préjudice moral certain ;

Attendu que la somme de 4.000 euros viendra justement compenser le préjudice par elle subi et que le jugement sera réformé sur ce point ;

  • Sur la demande de suspension d'exécution provisoire :

Attendu que se prévalant des dispositions de l'article 203 du Code de procédure civile, lequel énonce que la Cour peut rapporter l'exécution provisoire ordonnée par le Tribunal, hors des cas prévus par la loi, la société A demande que soit prononcée la suspension de l'exécution provisoire, estimant n'être débitrice d'aucune indemnité ;

Mais attendu qu'en l'espèce, il n'est pas établi que l'exécution provisoire a été ordonnée, hors les cas prévus par la loi ;

Que cette demande formée devant la Cour est en tout état de cause sans objet ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de suspension de l'exécution provisoire ;

  • Sur les dépens :

Attendu que la société A succombant pour partie en son appel sera condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur sous sa due affirmation ;

Attendu que la SAM A qui succombe sera condamnée aux dépens ; qu'imputables à l'adversaire d'une partie bénéficiant de l'assistance judiciaire, ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit la SAM A en son appel,

Rejette la demande tendant à voir écarter des débats la pièce n°9 communiquée par la SAM A,

Réforme le jugement en ce qu'il a déclaré non justifié par un motif valable le licenciement de c. BR. et en ce qu'il a fixé à la somme de 12.000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit le licenciement justifié par un motif valable,

Condamne la SAM A à payer à c. BR. les sommes de :

  • - 434,02 euros au titre de l'indemnité de congédiement,

  • - 1.736 euros au titre de l'indemnité de préavis,

  • - 171,70 euros au titre des congés payés sur préavis,

avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation,

  • - 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Déboute c. BR. de sa demande en paiement de la somme de 1.626,38 euros à titre d'indemnité de licenciement,

Y ajoutant,

Déboute la SAM A de sa demande de suspension d'exécution provisoire,

Condamne SAM A aux dépens, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 21 JUIN 2016, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint.

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