Cour d'appel, 7 juin 2016, La SAM B c/ Monsieur m. PI.,
Abstract🔗
Contrat de travail - Licenciement pour motif économique - Validité du motif de la rupture (non) - Caractère abusif de la rupture (oui) - Dommages et intérêts (oui)
Résumé🔗
Le salarié, employé en qualité de Directeur Développement marchés Europe du Sud, a été licencié en raison de la suppression de son poste. En l'absence de toute cause économique et de tout élément relatif à la menace qui pesait sur la compétitivité de l'entreprise, membre d'un groupe multinational, de nature à justifier la suppression de ce poste six mois après l'embauche, la Cour estime qu'il n'existe aucun motif valable de rupture. Il résulte des circonstances de l'espèce que le motif réel de la rupture ne réside pas dans une prétendue restructuration de la société mais dans la volonté du groupe de ne pas conserver le salarié en qualité de Directeur commercial Italie pour le remplacer par un tiers, en utilisant le prétexte de l'existence d'une personnalité juridique distincte en Italie. L'employeur a ainsi abusé de son droit unilatéral de rupture en invoquant un faux motif de licenciement, dépourvu de toute considération économique. Cet abus a occasionné au salarié un préjudice moral lié à la perte de son emploi sous un prétexte fallacieux et au manque de considération de l'employeur en dépit de son important niveau de responsabilités et de rémunération, ainsi qu'un préjudice financier et moral lié à la nécessité de s'être expatrié avec sa famille pour une période aussi courte sans qu'il ait pu anticiper ce retournement de situation.
En réparation de l'ensemble des préjudices subis, la Cour alloue au salarié la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 7 JUIN 2016
En la cause de :
- La Société Anonyme Monégasque B, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° X dont le siège social est à Monaco (98000), X1 « Y », agissant poursuites et diligences de son Administrateur Délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur m. PI., demeurant X1 Milan (20122) Italie ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail le 16 juillet 2015 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 7 octobre 2015 (enrôlé sous le numéro 2016/000030) ;
Vu les conclusions déposées les 15 décembre 2015 et 23 février 2016 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de m. PI. ;
Vu les conclusions déposées les 26 janvier 2016 et 12 avril 2016 par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la SAM B ;
À l'audience du 19 avril 2016, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM B à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 16 juillet 2015.
Considérant les faits suivants :
m. PI. a été employé par la société anonyme monégasque B, suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 1er novembre 2011, en qualité de Directeur développement marchés Europe du Sud.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 mai 2012, l'employeur lui a notifié son licenciement pour suppression de poste et par une lettre remise le même jour en mains propres, m. PI. était dispensé d'exécution de son préavis de trois mois.
Soutenant que la rupture de son contrat de travail n'est pas fondée sur un motif valable et revêt un caractère abusif, m. PI. a, suite à un procès-verbal de défaut en date du 28 octobre 2013, attrait la SAM B devant le bureau de jugement du Tribunal du travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
- 170.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- 55.000 euros en remboursement des frais qu'il a avancés pour avoir été contraint de s'installer en Principauté de Monaco afin d'exercer ses fonctions.
Par jugement contradictoire en date du 16 juillet 2015, le Tribunal du Travail a statué comme suit :
- Dit que le licenciement de m. PI. par la SAM B n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif,
- Condamne la SAM B à payer à m. PI. la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis,
- Déboute la SAM B de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- La condamne aux dépens du présent jugement.
Par exploit d'huissier en date du 7 octobre 2015, la SAM B a interjeté appel du jugement entrepris complété par des conclusions en date des 26 janvier et 12 avril 2016 à l'effet de le voir réformer en ce sens :
- Recevoir la SAM B en son appel et la déclarer bien fondée ;
- Réformer le Jugement du Tribunal du Travail du 16 juillet 2015 en toutes ses dispositions, avec toutes conséquences de droit ;
- Déclarer infondés l'appel incident de Monsieur m. PI. ainsi que ses nouvelles demandes ;
En conséquence,
- Débouter Monsieur m. PI. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Statuant à nouveau,
- Dire que le licenciement de Monsieur m. PI. pour suppression de poste est parfaitement valable en ce que celui-ci ne répondait pas, contrairement au raisonnement des Premiers Juges, à des considérations économiques mais à une réorganisation de l'entreprise.
- Constater que la SAM B n'était plus en mesure de remplir son obligation de fournir du travail à Monsieur m. PI. telle que prévue à l'article 1er de la Loi n° 729 du 16 mars 1963, et, que par voie de conséquence, le licenciement pour surpression de poste s'imposait à elle.
- Condamner Monsieur m. PI. à payer à la SAM B la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, celle-ci ayant été, en effet, contrainte d'assurer sa défense devant les Juridictions monégasques.
- Condamner Monsieur m. PI. aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
aux motifs essentiellement que :
- le groupe B2 est présent dans la plupart des pays d'Europe au travers de sociétés de commercialisation,
- la direction de la SRL B1 a décidé de confier à l'intimé la responsabilité du secteur Italie et de Directeur Développement Europe du Sud qui comprenait aussi les Balkans et la Grèce,
- afin de pourvoir ce poste, une publication a été faite en 2010 avec l'aide du cabinet de recrutement K,
- il ressort des échanges avec ce cabinet des 19 novembre 2010 et 29 novembre 2010 que m. PI. a postulé pour occuper l'emploi à pourvoir à Monaco,
- les raisons de la création d'un poste à Monaco étaient commerciales, logistiques, structurelles, comptables et fiscales,
- le salarié a été embauché en juillet 2011, en qualité de Directeur commercial B1 (salaire annuel de 170.000 euros payé sur 14 mois, soit 14.166,66 euros mensuel),
- le groupe B2 ayant changé de stratégie, il a été décidé de regrouper les activités Europe du Sud à Monaco, comme il l'avait initialement envisagé,
- il a été proposé à m. PI. de travailler au sein de la structure monégasque au poste de Directeur Développement marchés Europe du Sud qui engloberait l'Italie,
- la SRL B1 étant une entité juridiquement distincte, le salarié a démissionné de son poste en Italie,
- par courrier du 27 octobre 2011, elle a confirmé à m. PI. son embauche par un nouveau contrat de travail en qualité de Directeur Développement marchés Europe du Sud, à compter du 1er novembre 2011, moyennant un salaire annuel brut de 200.000 euros, soit 16.666,66 euros bruts par mois, correspondant à une augmentation mensuelle de salaire de 2.500 euros,
- compte tenu du coût élevé du logement en Principauté de Monaco et des délais pour obtenir une carte de séjour, il lui a été conseillé de s'installer en Italie à la frontière franco-italienne ou en France,
- les fonctions plus étendues du salarié couvrant l'activité commerciale sur toute l'Europe du Sud y compris l'Italie, elles n'étaient pas les mêmes en Italie et à Monaco,
- les tâches à Monaco nécessitaient des compétences en marketing, ce qui n'est pas le cas des Directeurs commerciaux des secteurs France, Espagne et Portugal, qui n'ont que des attributions commerciales,
- dans le cadre de la restructuration du département ventes Europe du Sud, elle a été contrainte de supprimer le poste de m. PI. et de procéder à son licenciement le 2 mai 2012,
- l'employeur ne peut être tenu de conserver indéfiniment un salarié dès lors que son poste n'est plus utile à l'organisation du travail et ne correspond plus aux besoins, le propre d'une entreprise étant d'être compétitive et rentable dans le contexte d'une économie mondialisée,
- il est inexact de soutenir que Piero CA. a été embauché pour exercer les mêmes fonctions et occuper le bureau en Principauté de Monaco, puisque celui-ci a été recruté le 9 mai 2012 par la SRL B1 pour gérer les nouveaux bureaux ouverts à Milan,
- Piero CA. n'a jamais occupé l'emploi de salarié à Monaco et aucune embauche n'a eu lieu pour le remplacer, comme en atteste G. VE., comptable,
- la SRL B1 et la SAM B sont des entités juridiquement distinctes, et cette dernière ne saurait être responsable des embauches effectuées en Italie,
- le poste de Directeur commercial Italie a été attribué à Piero CA. et non au salarié, ce qui relève d'une décision des organes de direction de la société italienne,
- en janvier 2012, elle a recruté un « Commercial Manager » pour assister l'intimé,
- en mai 2012, à la signature du bail des locaux en Italie au nom de la SRL B1, Monsieur PO. a démissionné de son poste monégasque puis a été embauché par la société italienne,
- il n'a pas été imposé à m. PI. d'accepter le poste à Monaco et encore moins de s'y installer,
- lors de son embauche, ce dernier était résident en France, à La Turbie, et le salarié a choisi de s'établir en Principauté de Monaco pour des raisons fiscales (exonération d'impôts),
- m. PI. ne produit aucun document attestant de ce que sa « famille » l'aurait rejoint à Monaco, ni de ce que son épouse aurait démissionné de son poste,
- il n'a jamais été convenu que l'augmentation de salaire avait vocation à couvrir les frais d'installation,
- elle n'a pas pris en charge les frais de logement de son employé, alors que sa rémunération lui permettait de faire face à ses frais de logement même à Monaco, ce dernier ayant même obtenu un prêt de 13.000 euros pour faire face à un manque de trésorerie qui a été remboursé,
- les allégations du salarié sur le caractère brutal de la rupture ne sont étayées par aucun élément probant,
- au mois de mars 2012, il savait qu'il ne resterait pas salarié à Monaco, comme cela résulte de l'échange de courriers électroniques entre Jean-Philippe CH., DRH, et m. PI. du 20 mars 2012 dans lequel ce dernier, informé de son départ prochain de la Principauté de Monaco, s'inquiétait des conséquences financières et fiscales de son retour en Italie,
- le salarié a bénéficié de trois mois de préavis au lieu d'un mois et a été dispensé de présence durant ce temps,
- la demande de dommages-intérêts est fantaisiste dans son montant puisque l'intimé n'a été salarié que pendant six mois, a été licencié pour un motif dont il était parfaitement informé, a bénéficié d'un entretien préalable, a reçu une lettre de licenciement, a perçu les indemnités légales dues (soit 58.985,40 euros, plus la somme de 7.000 euros qui lui avait été avancée) et a pu saluer ses collaborateurs,
- elle ne peut être tenue responsable du fait que m. PI. a quitté de son plein gré la SRL B1,
- le salarié a saisi le Tribunal du travail de Milan pour obtenir la condamnation de la SRL B1 à lui payer la somme de 610.214 euros à titre de dommages-intérêts du fait de son licenciement par la société monégasque, a été intégralement débouté de ses demandes tendant notamment à contraindre la SRL B1 à l'embaucher suite à son licenciement par la SAM B et a été condamné à payer la somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts à la SRL B1,
- ce jugement est définitif et elle se réserve le droit d'en solliciter l'exéquatur à Monaco et de demander dans ce cas, en cours de procédure, un sursis à statuer,
- le Tribunal du travail dans une décision du 8 juillet 1971 avait validé un licenciement fondé sur une réorganisation ayant pour but de diminuer les frais généraux,
- la réorganisation d'une entreprise est une opération de gestion décidée par l'employeur permettant d'augmenter la rentabilité de son activité et pour ces raisons, il n'était plus possible de maintenir le poste occupé par l'intimé qui était devenu inutile,
- il n'y a pas d'obligation pour l'employeur de maintenir un emploi rémunéré alors qu'il n'est plus en mesure de lui fournir du travail,
- il n'y a jamais eu de transfert du poste de travail en Italie, mais création d'un nouveau poste à Monaco.
Par conclusions déposées les 15 décembre 2015 et 23 février 2016, m. PI., appelant incident, sollicite la réformation du jugement en ces termes :
Allouer à Monsieur m. PI. l'entier bénéfice de ses précédentes écritures judiciaires, régularisées tant devant le Tribunal du Travail que devant la Cour d'Appel ;
Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal du Travail le 15 juillet 2015 en ce qu'il a :
- Déclaré que le licenciement de Monsieur m. PI. par la S. A. M. B n'était pas fondé sur un motif valable et revêtait un caractère abusif ;
- Condamné la SAM B à payer à m. PI. la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis ;
- Débouté la S. A. M. B de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamné la S. A. M. B aux dépens du Jugement ;
Dire et juger que le licenciement abusif de Monsieur m. PI. lui a notifié dans des conditions brutales et vexatoires ;
Condamner de ce chef la S. A. M. B à régler à Monsieur m. PI. la somme de 165.000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts ;
Débouter la S. A. M. B de toutes ses demandes contenues dans son Exploit d'Assignation du 7 octobre 2015 ;
Condamner la S. A. M. B à verser au concluant la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre des frais d'avocat-défenseur et de traduction exposés par lui ;
Condamner la S. A. M. B aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur aux offres de droit ;
aux motifs essentiellement que :
- il a d'abord été embauché par la SRL B1 le 2 juillet 2011, au poste de Directeur commercial secteur Italie, son contrat de travail prévoyait qu'il exercerait ses fonctions en Lombardie,
- il avait pour objectif de rechercher des locaux dans cette zone géographique (Milan) pour installer les nouveaux bureaux du groupe B2 afin de créer et développer une filiale italienne pour commercialiser les fruits et légumes de la marque B3,
- le 28 octobre 2011, il lui a été expliqué qu'en raison de contraintes fiscales, son lieu de travail serait prochainement transféré en Principauté de Monaco, sans qu'une alternative ne lui soit proposée,
- le 1er novembre 2011, son contrat de travail avec la société B1 a pris fin et il a été immédiatement recruté par la SAM B,
- le courrier de rupture du contrat de travail avec la société italienne faisait état de l'embauche par la société monégasque et du fait qu'il exercerait les mêmes fonctions, à savoir Directeur commercial secteur Italie pour le groupe B2,
- il a été contraint de rechercher un appartement, d'acheter du mobilier et de régler les formalités administratives, sa famille demeurant en Italie,
- bien que ses fonctions en Principauté de Monaco soient les mêmes que celles exercées à Milan, l'intitulé de son poste a été modifié par l'employeur pour devenir « Directeur Développement marchés Europe du Sud », étant souligné que chaque pays de l'Europe du Sud possède sa propre filiale pour commercialiser les produits B : B Espagne, B France etc.,
- en mars 2012, il a appris par ses supérieurs que le groupe B2 avait changé d'avis et que sa mutation avec retour vers l'Italie était envisageable,
- sans aucun préavis, il a été congédié le 2 mai 2012 dans des conditions humiliantes,
- son licenciement lui a été notifié en fin de journée au prétexte que la SAM B devait subir une restructuration et supprimer le poste qu'il occupait,
- il n'a pas pu saluer ses clients et ses collaborateurs, tandis qu'il lui a été demandé de quitter l'entreprise sur le champ et de laisser ses outils de travail, comme son téléphone portable et son ordinateur,
- son départ précipité a été mal interprété (faute professionnelle grave),
- sa carrière s'est écroulée brusquement alors qu'il travaillait déjà dans la commercialisation des fruits et légumes chez V, concurrent de B,
- l'information de la rupture de son contrat de travail a été rapidement évoquée dans les médias et sa brutalité a eu des répercussions négatives,
- le 8 mai 2012, soit moins d'une semaine après son licenciement, il a appris que Piero CA. avait été embauché par la SRL B1, appartenant au groupe B2, en qualité de Directeur commercial secteur Italie,
- comme lui auparavant, Piero CA. est devenu le subordonné de Danny DU., Vice-Président Opération (fresh) Europe et Afrique, et devait donc rendre compte des résultats des opérations effectuées en Italie,
- à partir de cette date, Piero CA. a exécuté les mêmes tâches et occupait son ancien bureau à Monaco,
- en août 2012, Piero CA. a été muté à Milan et a bénéficié de la clientèle italienne qu'il avait lui-même précédemment créée et développée,
- son licenciement ne repose sur aucun motif sérieux et revêt un caractère abusif,
- il a été recruté par la SRL B1 pour créer et développer la distribution de produits frais de sa marque sur le secteur italien, qui étaient antérieurement distribués par la marque D avec laquelle le partenariat devait prendre fin en 2011,
- ses fonctions n'ont pas été étendues et ce sont des raisons fiscales, et non pas de logistique, qui l'ont contraint à exécuter son travail à Monaco où sa mission n'a pas été modifiée,
- si la SAM B ne justifie pas de ses dires sur ce point, il produit pour sa part une série de courriers électroniques échangés avec Madame CHE. du groupe U , qui démontre qu'il lui avait été confié la recherche de locaux, ainsi que des mails échangés avec des connaissances du secteur commercial qui établissent qu'il était chargé de recruter une équipe,
- le groupe B2 avait d'ailleurs commencé à partir du 31 juillet 2011 à publier des offres d'emploi pour cette filiale italienne sur internet, ces éléments étant confirmés par le jugement du Tribunal italien du 15 janvier 2014 devant lequel la société B1 avait confirmé sa mission de regroupement des collaborateurs sur Milan (cette décision ne l'a pas opposé à la SAM B mais à la SRL B1 et n'a traité que du conflit relatif aux négociations contractuelles avec la société italienne et non du licenciement économique, objet de la présente instance),
- ses fonctions à Monaco étaient identiques à celles exercées en Italie, comme cela ressort du courrier du groupe B2 du 28 octobre 2011,
- son numéro de téléphone portable était un numéro italien pour joindre plus facilement la clientèle italienne,
- il n'a voyagé qu'en Italie, son déplacement à Miami étant destiné à se rendre au siège mondial du groupe B2,
- aucun document interne n'évoque le secteur Europe du Sud, chaque pays d'Europe du Sud disposant de son propre directeur commercial qui rend compte à Danny DU.,
- il en ressort une continuité de ses fonctions, malgré le changement d'intitulé de son poste, tandis que l'employeur ne justifie pas qu'il aurait été en charge des ventes dans d'autres pays,
- il n'a pas eu le choix de partir travailler à Monaco sinon il serait resté auprès de sa famille en Italie,
- le courrier du 28 octobre 2011 fait état des exigences de l'entreprise,
- l'employeur ne peut pas affirmer qu'il lui aurait été conseillé de rester sur le territoire italien à la frontière, alors que le responsable des ressources humaines lui a adressé des courriers électroniques contenant des annonces le 27 septembre 2011 et que la SAM B lui a consenti un prêt de 13.000 euros pour l'aider à s'installer en Principauté de Monaco,
- l'exemple de Monsieur PO. n'est pas probant car il réside à moins d'une heure de Monaco,
- il était quant à lui basé à Milan, ce qui n'était pas compatible avec des allers-retours quotidiens,
- les échanges entre le responsable de la SAM B et le cabinet de recrutement K pour démontrer que son transfert n'était pas planifié et résultait d'un concours de circonstances sont inopérants dès lors qu'ils datent de novembre 2010, soit à une époque où il ne travaillait pas pour la SRL B1,
- son salaire n'a pas été augmenté de 2.500 euros par mois mais de 1.700 euros après son transfert en Principauté de Monaco,
- en venant à Monaco, il a exposé des frais conséquents supplémentaires (dont 3.300 euros par mois de loyer sur une durée minimale d'une année) que ne compensait pas l'augmentation de 1.700 euros,
- le groupe B2 lui a indiqué que s'il n'acceptait pas ce nouveau poste, il serait licencié,
- l'employeur admet en cause d'appel que le licenciement n'avait pas de cause économique,
- le coût de son installation en Principauté de Monaco de 55.000 euros (frais de location d'appartement, parking, assurances, frais d'agence, internet, électricité, ...) doit être supporté par la SAM B,
- son déplacement a également doublé les frais du ménage puisque sa famille a dû, dans un premier temps, demeurer en Italie avant de le rejoindre en mars 2012 (carte de résident de sa compagne qui comporte la même adresse que la sienne, enfant à peine né dont il devait préparer la venue),
- si l'employeur dispose du droit de rompre le contrat de travail en cas de restructuration de l'entreprise, cela doit être fondé sur un motif économique,
- Piero CA. a été embauché à sa place, leurs cartes de visite professionnelles portaient le même numéro de cellulaire italien et le même numéro de ligne fixe directe monégasque,
- ses courriels ont été transférés vers la messagerie électronique de Piero CA. (témoignage de m. ME.),
- une cliente italienne atteste également que les relations commerciales qu'il suivait ont été reprises par Piero CA.,
- ce dernier a travaillé pour la société monégasque entre le 9 mai 2012, date de son embauche, et le 22 août 2012, date d'ouverture des bureaux en Italie, si bien que le poste qu'il occupait a immédiatement été pourvu,
- l'employeur ne peut justifier de la suppression de poste à défaut de documents attestant de sa situation économique difficile l'ayant conduit à restructurer,
- il a été humilié devant ses collègues et clients en devant quitter les locaux sur le champ,
- la SAM B a porté atteinte à sa réputation et il a eu des difficultés à renouer avec la clientèle et à conclure de nouveaux contrats de commercialisation,
- il est erroné de prétendre qu'il savait depuis le mois de mars 2012 qu'il ne resterait pas dans l'entreprise car la pièce n°10 de l'employeur, qui fait état d'un retour en juin-juillet, se réfère à une mutation de retour vers l'Italie sans que son contrat de travail ne soit rompu,
- s'il avait eu connaissance du licenciement à venir, il ne se serait pas inquiété auprès de son employeur des conséquences fiscales de son retour en Italie,
- sa demande indemnitaire doit prendre en compte le temps passé au sein de la SAM B et le poste qu'il a dû quitter pour intégrer le groupe B2, la façon abusive dont il a été congédié, les motifs fallacieux et injustifiés de la rupture ainsi que les frais pour faire valoir ses droits en justice.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les appels régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;
Attendu qu'en cause d'appel, la SAM B soutient que le motif tiré de la nécessite de réorganiser l'entreprise est réel et n'a pas à être fondé sur une cause économique dès lors que la suppression de poste est motivée par des impératifs de gestion ;
Attendu qu'il appartient à l'employeur, qui a la charge de la preuve de la réalité et la validité du motif de licenciement, de démontrer, par des éléments objectifs, que la rupture contestée est fondée sur un motif non inhérent à la personne du salarié, résultant d'une suppression de son emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise ;
Qu'à cet égard, ce dernier doit établir matériellement la nécessité économique de la restructuration liée à des difficultés économiques ou à la sauvegarde de la compétitivité dans le secteur d'activité du groupe auquel il appartient ;
Qu'en l'espèce, force est de constater que la SAM B, membre d'un groupe de sociétés appartenant à une entreprise multinationale, n'allègue aucune cause économique, ni ne justifie d'aucun élément relatif à une menace qui pesait sur sa compétitivité, de nature à fonder la suppression du poste occupé par le salarié dans un laps de temps aussi court après son embauche, en sorte que le premier juge a justement retenu que l'existence d'un motif valable de rupture ne pouvait être retenue ;
Que par ailleurs, pour considérer que le motif invoqué était inexact, le Tribunal a relevé en premier lieu que :
- le salarié avait poursuivi l'accomplissement des mêmes tâches de Directeur commercial Italie en étant embauché par un nouvel employeur, la SAM B, ses attributions s'exerçant dorénavant à Monaco,
- en dépit de l'intitulé de l'emploi visé par la lettre d'engagement du 27 octobre 2011, à savoir « Directeur Développement marchés Europe du Sud », la lettre de transfert du 28 octobre 2011 avait mentionné l'exercice de fonctions de Directeur commercial à Monaco : « poste en totale adéquation avec vos qualifications et correspondant dans tous les cas aux qualifications utilisées lors de votre précédente fonction » ;
- l'employeur ne démontrait pas que les nouvelles tâches confiées au salarié, par rapport au contrat de travail italien du 24 février 2011 rompu avant son embauche en Principauté de Monaco à partir du 1er novembre 2011, concernaient effectivement toute l'Europe du Sud et impliquaient en sus des attributions en matière de marketing ;
- l'augmentation de la rémunération, soit une différence de 1.700 euros par mois en tenant compte de l'indemnité pour usage du véhicule personnel octroyée par le contrat italien, pouvait être mise en relation avec les contraintes financières résultant de son installation à Monaco (3.300 euros de loyer mensuel) même avec un avantage fiscal, indépendamment de toutes nouvelles responsabilités ;
Attendu en second lieu, que la volonté de recentrer les activités italiennes du groupe en Italie au sein de la SRL B1 et de remplacer m. PI. par Piero CA. au poste de Directeur commercial Italie, ce dernier n'apparaissant pas sur le registre d'entrées et de sorties du personnel de la société monégasque, ressort de plusieurs éléments :
- les numéros de téléphone de m. PI. ont continué à être utilisés par le second (carte de visite et signature messagerie électronique),
- les courriels adressés à ce dernier ont été transférés sur la messagerie de Piero CA. comme le confirme Mauro ME.,
- les relations avec les clients se sont poursuivies avec Piero CA. comme en atteste Edouardo RA. ;
Qu'il apparaît que le motif réel de la rupture réside dans la détermination du groupe à se défaire de ce salarié en qualité de Directeur commercial Italie pour le remplacer par Piero CA., en recourant à une autre entité juridique distincte située en Italie ;
Que c'est donc à juste titre, que le Tribunal a considéré que l'employeur avait abusé de son droit unilatéral de rupture en invoquant un faux motif de licenciement indépendant de toutes considérations économiques et que par suite, l'intimé devait être indemnisé du préjudice moral subi du fait de la perte de son emploi sous un prétexte fallacieux et du manque de considération en dépit du niveau de responsabilités et de rémunération, ainsi que du préjudice financier lié à la nécessité de s'être expatrié avec sa famille pour une période aussi courte sans qu'il ait pu anticiper ce retournement de situation ;
Attendu enfin, que s'agissant de la preuve de la brutalité du congédiement, les premiers juges ont justement retenu à cet égard que l'échange de courriels de mars 2012 ne permettait pas, à lui seul, de déterminer si le retour du salarié en Italie qui était évoqué, s'inscrivait dans une résiliation des relations contractuelles ou dans le cadre d'une nouvelle mutation en sens inverse, et qu'aucun élément ne permet davantage de démontrer la réalité d'humiliations lors de la notification de la mesure ;
Que les premiers juges ont donc fait une juste et complète appréciation de l'ensemble des préjudices subis en allouant à l'intimé une somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Que les prétentions du salarié étant partiellement fondées, le Tribunal a rejeté, à bon droit, la demande indemnitaire pour procédure abusive ;
Que dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que m. PI. ne démontre pas en quoi l'exercice de l'appel aurait dégénéré en abus, qu'il convient par conséquent de le débouter de sa demande de ce chef ;
Attendu que l'appelante qui succombe, doit supporter les dépens de la présente instance d'appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Confirme le jugement du Tribunal du Travail du 16 juillet 2015 en toutes ses dispositions appelées,
Y ajoutant,
Déboute m. PI. de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne la SAM B aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 7 JUIN 2016, par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, substitut du Procureur Général.