Cour d'appel, 10 mai 2016, Monsieur e. RO. c/ La société A
Abstract🔗
Arbitrage - Clause compromissoire - Validité de la clause (oui) - Clause abusive (non)
Résumé🔗
Le contrat dont s'agit est un contrat international, de sorte que les parties ont valablement pu décider de le soumettre au droit italien, pays du lieu d'exécution du contrat et de la prestation caractéristique. Cette clause ne constitue pas une clause abusive au sens du droit italien, en l'absence de déséquilibre significatif entre les parties, notamment quant à la difficulté et au coût du recours arbitral en Italie. Enfin la loi italienne compétente qui reconnaît valable, sous certaines conditions, la clause compromissoire d'un contrat conclu par un consommateur n'est pas contraire à l'ordre public monégasque.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 10 MAI 2016
En la cause de :
- Monsieur e. RO., né le 29 mars 1972 à Sydney (Australie), sans profession, demeurant X1 à (98000) Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
Contre :
- La société anonyme monégasque A, dont le siège social est sis X2 à Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 19 mars 2015 (R.4189) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 29 avril 2015 (enrôlé sous le numéro 2015/000130) ;
Vu les conclusions déposées les 6 octobre 2015, 12 janvier 2016 et 15 mars 2016 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;
Vu les conclusions déposées les 17 novembre 2015 et 9 février 2016 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom d e. RO. ;
À l'audience du 12 avril 2016, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par e. RO. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 19 mars 2015.
Considérant les faits suivants :
Le 11 décembre 2009, un contrat a été conclu entre e. RO. et la société A EUROPE S. r. l portant sur la vente d'un yacht immatriculé auprès de l'autorité portuaire de Marina de Carrare (Italie) appartenant à la société B, suivant contrat de leasing conclu entre cette société et la société A EUROPE, et l'exécution de travaux de remise en état pour un prix global de 1.188.258,00 euros, la livraison devant intervenir le 3 mai 2010.
Sont intervenues par la suite des modifications au contrat initial, tenant compte de travaux de remise en état supplémentaires, fixant la date de livraison au 31 mai 2010.
Le 21 septembre 2010, la société B a résilié le contrat de leasing avec la société A EUROPE pour défaut de paiement.
Le 11 novembre 2010, un protocole d'accord est intervenu entre e. RO., la société A EUROPE S. r. l et la SAM A, prévoyant notamment :
- la résiliation du contrat du 11décembre 2009,
- le versement à e. RO. de la somme de 145.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- l'acquisition par e. RO. du yacht auprès de la société B,
- le versement à e. RO. de la somme de 80.000 euros, devant être restituée si l'acquisition projetée se réalisait.
Le 9 décembre 2010, un contrat portant sur la vente du yacht est intervenu entre e. RO. et la société B.
Le 26 janvier 2011, e. RO. a conclu avec la SAM A un contrat portant sur la remise en état du bateau, fixant la nature et le montant des travaux et les délais d'exécution.
Le 25 janvier 2012, e. RO. a notifié à la SAM A sa décision de résilier le contrat, invoquant des manquements contractuels tenant notamment aux délais d'exécution et a fait procéder à l'achèvement des travaux de remise en état.
Par requête en date du 17 mai 2013, e. RO. a saisi le Président du Tribunal de première instance aux fins d'être autorisé à pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la l'établissement bancaire C sur les fonds, deniers ou valeurs détenus par elle pour le compte de la SAM A, pour avoir sûreté et garantie de la somme de 1.450.000 euros, invoquant une créance de pénalités de retard, de frais de remise en état, et de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance.
Par ordonnance du 27 mai 2013, il a été fait droit à cette demande à hauteur de la somme de 1.054.000 euros, ramenée à la somme de 1.014.069,21 euros par arrêt de la Cour d'appel du 29 septembre 2014, statuant sur l'appel de l'ordonnance de référé rendue le 26 mars 2014 à la requête de la SAM A.
Par acte du 28 mai 2013, e. RO. a fait pratiquer saisie-arrêt et a sollicité sa validation et la condamnation de la SAM A au paiement des sommes de :
- 760.000 euros au titre des pénalités de retard,
- 484.565,04 euros au titre des frais de remise en état,
- 150.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.
La SAM A s'est opposée à cette demande, soutenant à titre principal l'incompétence du Tribunal de première instance, les parties ayant soumis leur accord contractuel à l'arbitrage, ce à quoi e. RO. s'est opposé invoquant pour l'essentiel que :
- L'exception d'incompétence n'avait pas été soulevée in limine litis,
- L'article 940 du Code de procédure civile limite la validité des clauses compromissoires aux rapports entre commerçants, qualité qu'il n'a pas,
- La Principauté de Monaco, dans le cadre de son adhésion à la Convention de New York pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, a expressément exclu la reconnaissance à Monaco des sentences arbitrales rendues en matière civile.
Par jugement du 19 mars 2015, le Tribunal de première instance :
- a dit que la clause compromissoire stipulée à l'article 15 du contrat du 26 janvier 2011 est valable et doit recevoir application,
- s'est déclaré en conséquence incompétent pour connaître des demandes en paiement formulées par e. RO. à l'encontre de la SAM A,
- a sursis à statuer sur la demande en validation de la saisie-arrêt pratiquée le 28 mai 2013 jusqu'à ce qu'une décision arbitrale ait été rendue sur le fond du litige opposant les parties et déclarée exécutoire sur le territoire de la Principauté de Monaco.
Appel de ce jugement a été interjeté par e. RO..
Dans l'assignation qu'il a fait délivrer le 29 avril 2015, et par conclusions ultérieures des 17 novembre 2015 et 9 février 2016, il demande à la Cour de :
- Le déclarer recevable en son appel,
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Dire et juger que la clause compromissoire stipulée à l'article 15 du contrat du 26 janvier 2011 contrevient aux dispositions impératives du droit Monégasque et à tout le moins aux dispositions du droit Italien,
- Prononcer la nullité de ladite clause,
- Dire et juger que les juridictions monégasques sont compétentes pour statuer sur le fond du litige,
- Condamner la SAM A à lui payer les sommes de :
- 760.000 euros au titre des pénalités de retard,
- 484.565,04 euros au titre des frais engagés du fait de la défaillance de la SAM A,
- 150.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- Valider la saisie-arrêt pratiquée le 28 novembre 2013 avec toutes conséquences de droit,
- Rejeter la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la SAM A,
- La condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Il soutient pour l'essentiel que :
le tribunal a statué sur la validité d'une clause du contrat et il a donc tranché une partie du principal,
le sursis à statuer prononcé en l'état de la mesure conservatoire à l'origine de la procédure est une mesure provisoire,
les deux conditions cumulatives imposées par l'article 423 du Code de procédure civile sont ainsi réunies,
le litige qui oppose les parties ne porte pas sur un contrat international,
le contrat ne peut échapper aux dispositions impératives de l'article 940 du Code de procédure civile monégasque,
le droit italien auquel est soumis le contrat prohibe, comme étant abusives, les clauses compromissoires contenues dans les contrats conclus avec les consommateurs,
la date de livraison du bateau n'a pas été respectée,
les travaux réalisés par la SAM A sont affectés de non-façons et de malfaçons,
la SAM A a admis ses manquements contractuels,
la clause pénale contenue au contrat doit trouver application,
les travaux de reprises des désordres ont été exécutés à hauteur de 484.565,04 euros,
e. RO. a été privé de la jouissance de son bateau en raison des manquements de la SAM A qui doit réparer le préjudice en résultant,
aucune faute ne peut être reprochée à e. RO. dans le recours qu'il a engagé à l'encontre de la décision qui lui fait grief et dans sa demande au bénéfice des dispositions de l'article 423 du Code de procédure civile.
Par conclusions en date des 6 octobre 2015, 12 janvier et 15 mars 2016, la SAM A demande à la Cour de :
À titre principal,
- Constater que l'affaire est toujours au rôle du Tribunal de première instance dans l'attente d'une décision arbitrale sur le fond à intervenir par application de la clause compromissoire insérée au contrat,
- Dire et juger que le jugement d'incompétence et de sursis à statuer du 19 mars 2015 n'a pas tranché le litige en principal, n'a pas mis fin à l'instance et n'ordonne aucune mesure d'instruction ou de mesure provisoire,
En conséquence,
- Déclarer irrecevable l'appel interjeté par e. RO. par application de l'article 423 du Code de procédure civile,
À titre subsidiaire,
- Dire et juger que les parties ont soumis leurs accords contractuels non seulement à l'arbitrage en Italie, mais également au droit italien, à l'exclusion de tout autre,
En conséquence,
- Confirmer la décision du Tribunal de première instance qui s'est déclaré incompétent à trancher le fond du litige concernant la demande en paiement avec toutes conséquences de droit,
À titre infiniment subsidiaire,
- Réserver à la SAM A le droit de conclure sur le fond pour faire pleinement valoir ses arguments,
En tout état de cause,
- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires d e. RO.,
- Dire et juger que l'appel interjeté par e. RO. résulte d'un comportement procédurier abusif et vexatoire, donc fautif, obligeant la SAM A à supporter des frais importants et inutiles, laquelle subit des préjudices matériels et commerciaux qui ne peuvent rester à sa charge,
- Condamner e. RO. en paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts au bénéfice de la SAM A pour appel abusif et vexatoire,
- Condamner e. RO. en tous frais et dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront tous frais et accessoires, dont distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
- les jugements de sursis à statuer ne tranchent pas une partie du principal et ne mettent pas fin à l'instance,
- les jugements d'incompétence, qui constituent une exception de procédure, ne mettent pas fin à l'instance,
- il ne suffit pas que le jugement tranche une partie du principal pour qu'il puisse faire l'objet d'un appel immédiat ; il doit également ordonner une mesure d'instruction ou une mesure provisoire,
- l'instance étant simplement suspendue, l'appel immédiat n'est pas recevable,
- la loi applicable à la convention est celle choisie par les parties, en l'espèce la loi italienne,
- par application du droit italien, la clause compromissoire doit être strictement respectée,
- e. RO. a librement consenti et approuvé la clause compromissoire,
- la SAM A se réserve de conclure au fond sur la validité de la saisie-arrêt et son quantum,
- les demandes au fond dont la Cour est saisie, n'ont pas été tranchées en première instance,
- le préjudice subi par la SAM A résulte du comportement procédurier d e. RO..
SUR CE,
1°- Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu qu'à la suite de l'article 422 du Code de procédure civile qui énonce que les jugements rendus en premier ressort peuvent être frappés d'appel, l'article 423 du même code règle le sort des jugements qui n'ont pas mis fin à l'instance, et la possibilité d'en interjeter appel, soit que le jugement ait ordonné une mesure d'instruction ou une mesure provisoire, soit qu'il ait statué sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident ;
Attendu que dans le premier cas, lorsque le jugement a ordonné une mesure d'instruction ou une mesure provisoire, sans trancher dans son dispositif une partie du principal, l'appel doit être déclaré irrecevable, tandis qu'appel peut en être immédiatement interjeté lorsqu'il tranche dans son dispositif une partie du principal ;
Attendu qu'il en résulte que la recevabilité de l'appel d'un jugement ordonnant une mesure d'instruction ou une mesure provisoire est subordonnée à la condition qu'il ait tranché dans son dispositif une partie du principal ;
Mais attendu que cela ne signifie pas que le jugement qui a tranché dans son dispositif une partie du principal doit nécessairement ordonner une mesure d'instruction ou une mesure provisoire pour que son appel immédiat soit recevable ;
Attendu que s'agissant d'un jugement qui a statué sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, son appel immédiat sera recevable s'il a mis fin à l'instance, tandis qu'il sera déclaré irrecevable dans le cas contraire ;
Attendu qu'en l'espèce, le tribunal, saisi d'une demande en paiement et en validation de saisie-arrêt, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la première, après s'être prononcé sur la validité de la clause compromissoire contenue au contrat liant les parties, et a sursis à statuer sur la deuxième demande dans l'attente de la décision arbitrale à intervenir sur le fond du litige opposant les parties ;
Attendu que le jugement, pour retenir la compétence de la juridiction arbitrale et se déclarer incompétent sur la demande en paiement, s'est prononcé sur la validité de la clause compromissoire contenue au contrat liant les parties, dont l'exécution constitue l'objet du litige les concernant ;
Attendu ainsi qu'il a tranché une partie du principal et que l'appel de ce jugement sur la partie du principal qu'il tranche est recevable ;
2°- Sur la validité de la clause compromissoire :
Attendu que le contrat conclu entre les parties prévoit que :
- il est régi par le droit italien (article 15.1),
- les litiges pouvant survenir entre les parties en rapport avec ce contrat, y compris son interprétation, sa validité ou son exécution, seront réglés définitivement par arbitrage conformément aux articles 806 et suivants du Code de procédure civile italien ;
Attendu que le principe selon lequel les parties peuvent librement choisir la loi applicable au contrat trouve à s'appliquer s'agissant d'un contrat international ;
Attendu que le caractère international d'un contrat se détermine en tenant compte de l'ensemble des relations contractuelles existant entre les parties ;
Attendu en l'espèce que le contrat a été conclu à Monaco entre e. RO., de nationalité australienne et domicilié à Monaco et la société A, société de droit monégasque ;
Attendu que le contrat qui porte sur l'exécution de travaux de remise en état mentionne qu'ils seront tous effectués, en ce compris les travaux directement commandés par le propriétaire à des entreprises tierces, au chantier naval de Fano (Italie), où les tests et essais en mer, et la livraison doivent intervenir ;
Attendu ainsi que le contrat dont s'agit est un contrat international, de sorte que les parties ont valablement pu décider de le soumettre au droit italien, pays du lieu d'exécution du contrat et de la prestation caractéristique ;
Attendu que la validité de la clause compromissoire, qui est contestée, doit s'apprécier au regard des dispositions légales italiennes dont l'application ne peut être écartée autrement que pour des motifs tenant à la contrariété à l'ordre public monégasque, et sans que puisse être utilement invoqué l'article 940 du Code de procédure civile monégasque qui prohibe les clauses compromissoires en matière civile, mais ne contient aucune disposition impérative en matière internationale ainsi qu'il est unanimement admis ;
Attendu que l'arbitrage en matière civile n'est pas prohibé par les dispositions légales italiennes dès lors qu'il porte sur des droits disponibles, ce dont les parties conviennent ;
Attendu qu e. RO. se prévaut de l'article 33 du Code de la consommation italien, portant mise en œuvre de la Directive européenne 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats à la consommation, selon lequel sont nulles les dispositions contractuelles considérées comme abusives, les clauses conduisant à un déséquilibre significatif entre les droits et obligations découlant du contrat, au détriment du consommateur, et les clauses ayant pour objet ou pour effet d'imposer aux consommateurs des dérogations à la compétence des tribunaux ou d'adopter des instances compétentes en cas de litiges autres que celles où le consommateur a sa résidence ou son domicile étant présumées abusives, sauf preuve contraire ;
Attendu que l'article 34 § 4 du même code prévoit que la clause contractuelle présumée abusive en vertu de l'article 33 est considérée comme légitime et a force obligatoire, lorsqu'elle a été spécifiquement négociée entre le consommateur et le professionnel, la preuve de cette négociation spécifique incombant au professionnel ;
Attendu par ailleurs que l'annexe à la Directive contient une liste indicative des clauses contractuelles devant être considérées comme abusives à l'égard du consommateur, au nombre desquelles figurent les clauses ayant pour effet de « supprimer ou d'entraver un droit du consommateur à intenter une action en justice ou exercer toute autre voie de recours, particulièrement celles qui imposent au consommateur le recours exclusif à l'arbitrage non couvert par des dispositions légales » ;
Attendu qu'il ressort de ces textes, la présomption énoncée à l'article 33 ne s'applique pas aux clauses d'arbitrage, le déséquilibre significatif devant être évalué au cas par cas, en tenant compte des circonstances de l'affaire et de la position de faiblesse du consommateur concerné, le juge pouvant retenir le caractère abusif de la clause lorsqu'elle rend plus difficile et couteux le recours que l'exercice d'une action en justice, ou en l'absence d'une négociation spécifique et effective de cette clause ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le caractère abusif d'une clause compromissoire contenue dans un contrat auquel un consommateur est partie n'est pas présumé ;
Attendu que doivent donc être établis, si le consommateur entend se prévaloir de la nullité de la clause d'arbitrage, l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties quant à la difficulté et au coût du recours, et l'absence de négociation spécifique de la clause ;
Attendu que sur le premier point, e. RO. n'apporte aucun élément sur l'augmentation du coût du recours à l'arbitrage par rapport à l'engagement d'une procédure judiciaire devant les juridictions monégasques ;
Attendu par ailleurs que le lieu de l'arbitrage en Italie, qui n'est pas son lieu de résidence n'est pas non plus de nature à établir l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties, la SAM A ayant elle-même son siège social à Monaco, le lieu de l'arbitrage étant au demeurant celui de l'exécution des travaux sur lesquels e. RO. a exercé un contrôle permanent prévu par le contrat ;
Attendu qu'il convient également de tenir compte de l'objet du contrat, qui porte sur l'exécution de travaux de remise en état d'un yacht, de son montant, des circonstances de son intervention, qui fait suite à un précédent contrat d'achat du même yacht et à un protocole transactionnel intervenu après résiliation du premier contrat mentionnant pareillement le recours à l'arbitrage, mais aussi des clauses qu'il contient prévoyant notamment l'application de pénalités en cas de retard au bénéfice d e. RO., établissant qu'il ne s'agit en aucun cas d'un contrat d'adhésion, mais d'un contrat négocié entre les parties qui en ont accepté chacune des clauses ;
Attendu que la volonté d e. RO., entouré de ses avocat et conseiller, de recourir à l'arbitrage que le contrat prévoit, résulte du mail qu'il a adressé aux représentants de la SAM A le 17 janvier 2012 ;
Attendu dans ces conditions que la clause compromissoire ne saurait être qualifiée d'abusive et déclarée nulle en application des dispositions légales italiennes ;
Attendu que la loi italienne compétente qui reconnait valable, sous certaines conditions, la clause compromissoire d'un contrat conclu par un consommateur n'est pas contraire à l'ordre public monégasque ;
Attendu que la déclaration effectuée par la Principauté de Monaco lors de la ratification le 2 juin 1982 de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères vient le confirmer ;
Attendu qu'en limitant le champ d'application de cette convention aux différends issus de relations juridiques que la loi nationale considère comme étant d'ordre commercial, la Principauté de Monaco n'a pas entendu exclure de toute reconnaissance les sentences arbitrales internationales rendues en matière civile, mais simplement les soumettre à une procédure plus contraignante que celle prévue par la Convention de New York ;
Attendu dans ces conditions que la clause compromissoire doit recevoir application et que c'est par une juste application des dispositions de l'article 3 alinéa 9 et 9 bis du Code de procédure civile que le Tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande en paiement, réservant sa compétence pour se prononcer sur la demande en validation de la saisie et ordonnant en conséquence un sursis à statuer de ce chef, dans l'attente de la décision arbitrale à intervenir ;
Attendu que le jugement doit être confirmé ;
3°- Sur la demande de dommages et intérêts :
Attendu qu'aucun abus ne peut être reproché à e. RO. dans l'exercice de son droit de recourir à l'encontre d'un jugement qui s'est prononcé sur la validité d'une clause contractuelle ;
Attendu que la SAM A sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Attendu qu e. RO., qui succombe en ses prétentions, sera condamné aux dépens de la présente procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit e. RO. en son appel,
Le déclare mal fondé,
Confirme le jugement rendu par le Tribunal de Première Instance, le 19 mars 2015 (R.4189), en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SAM A de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
Condamne e. RO. aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistées de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 10 MAI 2016, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.