Cour d'appel, 26 avril 2016, Madame i. AR. c/ Le Syndicat des Copropriétaires
Abstract🔗
Copropriété - Règlement de copropriété - Définition des parties communes - Dispositions d'ordre public (non) - Absence de définition du plénum - Ambiguïté de la clause (non) - Abus de droit (non)
Résumé🔗
Les définitions des parties communes énoncées par la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007, modifiée le 2 juillet 2012, ne sont pas d'ordre public, les parties peuvent librement y déroger. L'absence de définition du plénum ne saurait permettre de caractériser le caractère équivoque des énonciations du règlement de copropriété, dès lors notamment que le plancher est clairement défini comme étant une partie commune. Une décision régulièrement prise dans la limite des pouvoirs du syndicat de copropriété demeure susceptible d'être annulée si elle n'est justifiée par aucun motif valable ou si elle apparaît contraire à l'intérêt collectif des copropriétaires, ce qui n'est pas établi en l'espèce.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 26 AVRIL 2016
En la cause de :
- Madame i. AR., née le 9 janvier 1951 à Monaco, retraitée, demeurant X1 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Philippe-Bernard FLAMANT, avocat au Barreau de Nice ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble situé X2 à Monaco-Ville, représenté par son Syndic en exercice, la société anonyme monégasque dénommée B. SAM, immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro X, exerçant sous l'enseigne C., dont le siège est X3 à Monaco (98000), prise en la personne de son Président administrateur délégué en exercice, Madame Marie-Hélène THOMANN demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 12 mars 2015 (R.4013) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 30 avril 2015 (enrôlé sous le numéro 2015/000132) ;
Vu les conclusions déposées les 30 juin 2015, 12 janvier 2016 et 22 mars 2016 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis X à Monaco ;
Vu les conclusions déposées les 17 novembre 2015 et 23 février 2016 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Madame i. AR. ;
À l'audience du 12 avril 2016, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Madame i. AR. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 12 mars 2015.
Considérant les faits suivants :
L'assemblée générale annuelle de la copropriété immobilière X à Monaco a adopté lors de sa séance du 15 octobre 2013 le projet de règlement de copropriété de l'immeuble à la majorité des deux tiers des voix de tous les copropriétaires.
i. AR., copropriétaire, estimant qu'une des clauses du règlement de copropriété portait atteinte à ses droits privatifs et, plus généralement, à ceux de tous les autres copropriétaires a, par exploit du 20 décembre 2013, fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis X devant le Tribunal de première instance afin de voir, par application des dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.391 du 2 juillet 2012 modifiant la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007, prononcer l'annulation de la décision de l'assemblée générale annuelle du 15 octobre 2013 figurant au paragraphe IV du procès-verbal par laquelle a été adopté le règlement de copropriété.
Au soutien de ce recours, i. AR. critiquait pour l'essentiel la définition des parties communes donnée par une clause du règlement de copropriété et dénaturant selon elle une telle notion aux seules fins de régulariser l'installation de canalisations dans le plénum de son plafond effectuées par Madame FR., copropriétaire majoritaire.
Suivant jugement en date du 12 mars 2015, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits de la cause, le Tribunal de première instance déboutait i. AR. de sa demande tendant à l'annulation de la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble X en date du 15 octobre 2013 ayant approuvé le règlement de copropriété de l'immeuble et la condamnait à payer au syndicat des copropriétaires de cet immeuble la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Les premiers juges, analysant la clause litigieuse qualifiant les parties communes, observaient que la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 modifiée le 2 juillet 2012 n'est pas d'ordre public, les parties pouvant librement y déroger, et qu'il n'était pas démontré que la décision prise soit contraire à la défense légitime de l'intérêt collectif de la copropriété.
Suivant exploit en date du 30 avril 2015, i. AR. a régulièrement interjeté appel du jugement précité signifié le 2 avril 2015 à l'effet de le voir infirmer en toutes ses dispositions et voir la Cour dire et juger que par le vote du 15 octobre 2013 concernant l'adoption du projet de règlement de copropriété, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé X a méconnu l'ambiguïté de la clause définissant les parties communes dans le projet de règlement de copropriété favorisant des abus de majorité, cette clause portant atteinte à ses droits privatifs mais encore portant atteinte aux droits généraux permettant à un copropriétaire de faire utilement valoir ses droits et prononcer en conséquence purement et simplement l'annulation de la décision découlant du point IV du procès-verbal d'assemblée générale en date du 15 octobre 2013 par laquelle le projet de règlement de copropriété a été adopté.
i. AR. fait en substance grief au jugement entrepris de ne pas avoir défini clairement le plénum, soit dans le paragraphe relatif aux parties communes, soit dans celui concernant les parties privatives, en sorte qu'il en serait résulté une source d'ambiguïté évidente permettant à Madame FR. qui a fait passer des canalisations dans le plénum de son propre plafond de se l'approprier indirectement.
Une telle ambiguïté lui apparaît de nature à favoriser un copropriétaire au détriment des autres et à provoquer une inégalité entre eux en sorte qu'il en résulte une atteinte à l'intérêt collectif de la copropriété, la procédure dès lors initiée ne pouvant être qualifiée d'abusive contrairement à ce qui a été jugé en première instance.
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis X, intimé, entend pour sa part, aux termes de l'ensemble de ses écrits judiciaires, voir débouter i. AR. des fins de son appel, confirmer le jugement du Tribunal de première instance en date du 12 mars 2015 en toutes ses dispositions et condamner l'appelante à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Il rappelle notamment que le règlement de copropriété de l'immeuble a été adopté conformément à l'article 16 de la loi sur la copropriété puisqu'après avoir été soumis au vote, il a été adopté par 709 tantièmes sur 1.000 et donc à la majorité des copropriétaires représentant au moins les deux tiers des voix des copropriétaires présents ou représentés.
Il fait encore valoir que la clause litigieuse du règlement de copropriété correspond à la définition donnée par l'article 2 de la loi sur la copropriété des immeubles bâtis puisqu'elle comprend les conduits, les canalisations, tuyauteries, prises d'air conduits de fumée ou ventilation avec leurs coffres, gaines et accessoires y compris les parties y afférentes qui traversent les locaux privatifs à l'exclusion toutefois des seuls branchements et raccordements particuliers à un seul et même local privatif.
L'intimé estime par ailleurs qu'il n'est pas démontré en quoi la définition des parties communes dans le règlement de copropriété de l'immeuble ne serait pas conforme à l'intérêt général de l'ensemble des copropriétaires, aucun élément n'étant rapporté permettant d'induire un abus de majorité de la décision prise par l'assemblée générale le 15 octobre 2013.
Il expose enfin qu i. AR. n'avait aucun véritable grief contre l'adoption du règlement de copropriété et n'a diligenté une procédure que pour alimenter les différends l'opposant à une autre copropriétaire de l'immeuble auquel le syndicat est totalement étranger en sorte que son comportement apparaît abusif et sera sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts.
i. AR., répliquant à une telle argumentation, insiste sur le fait que le règlement de copropriété ne définissant pas le plénum ne permet donc pas de déterminer s'il s'agit d'une partie commune ou d'une partie privative et, dans ce cas, si elle appartient à Madame FR. ou elle-même. Elle précise que son intention n'est pas d'entretenir la polémique mais d'obtenir la rédaction d'un règlement de copropriété clair et univoque permettant d'éviter toute contestation concernant la définition des parties communes et privatives.
L'abus de majorité ne saurait selon elle se résumer à la régularité du vote dans la mesure où même une décision prise dans les formes de droit est susceptible d'être annulée si elle n'est justifiée par aucun motif valable ou si elle est contraire à l'intérêt collectif des copropriétaires, ce qui selon-elle le cas de la délibération litigieuse.
L'appelante soutient que le syndicat des copropriétaires, à propos d'une définition des parties communes concernant les canalisations, exclut une situation particulière de sa définition alors même qu'elle fait précisément l'objet d'un litige pendant entre copropriétaires. L'abus de majorité est selon elle résulté de ce que Madame FR. et sa cousine représentaient à elles deux 709 tantièmes sur 1.000, soit 514 tantièmes sur 1.000 pour Madame FR. et 195 tantièmes sur 1.000 pour Madame MA..
i. AR. rappelle enfin avoir fait part à l'assemblée des copropriétaires de ses réserves concernant la définition des parties communes et des problèmes résultant de l'ambiguïté du paragraphe concernant les canalisations en l'absence de définition du plénum et de sa demande de sursis à statuer sur ce vote. Elle dénonçait déjà le rapprochement à faire entre le litige l'opposant à Madame FR. et le vote du règlement de copropriété et elle estime n'avoir pas engagé de façon désinvolte la présente procédure contrairement à ce qui a été jugé par le Tribunal de première instance.
SUR CE,
Attendu que l'appel a été régulièrement interjeté dans les formes et conditions prescrites par le Code de procédure civile et sera déclaré recevable ;
Attendu qu i. AR. a saisi les premiers juges d'une demande d'annulation de la décision de l'assemblée générale annuelle du 15 octobre 2013 figurant au paragraphe IV du procès-verbal et au terme de laquelle a été adopté le règlement de copropriété de l'immeuble situé X à Monaco ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 modifié par la loi n° 1.391 du 2 juillet 2012 qu'une telle saisine était régulière, tout copropriétaire, opposant ou défaillant pouvant valablement introduire devant le Tribunal de première instance une action en contestation des décisions de l'assemblée générale dans le délai de deux mois suivant la notification qui lui en est faite par le syndic et ce, à peine de déchéance ;
Qu'il résulte en outre des dispositions de l'article 16 de la même loi que :
« sont adoptées à la majorité des copropriétaires représentant au moins les deux tiers des voix des copropriétaires présents ou représentés, les décisions concernant l'établissement ou la modification du règlement de copropriété. »
Attendu que le règlement de copropriété de l'immeuble sis X, soumis au vote, a été adopté par 709 tantièmes sur 1.000, seule i. AR. ayant voté contre, en sorte que les premiers juges ont à bon droit considéré que le vote par lequel l'assemblée s'était prononcée à la majorité des copropriétaires, représentant au moins les deux tiers des voix de tous les copropriétaires, était régulier et conforme aux dispositions légales précitées ;
Qu'aucune nullité n'apparaît dès lors encourue de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé quant à la régularité du vote ;
Attendu par ailleurs que la demande d'annulation de l'assemblée générale le 15 octobre 2013 repose sur l'ambiguïté alléguée de la clause du règlement de copropriété relative aux canalisations, laquelle inclut dans les parties communes : « les conduites, les canalisations, tuyauteries, prises d'air, conduits de fumée ou de ventilation avec leurs coffres, gaines et accessoires, y compris les parties y afférentes qui traversent les locaux privatifs à l'exclusion, toutefois, des seuls branchements et raccordements particuliers à un seul et même local privatif » ;
Que l'appelante fait également grief aux premiers juges de ne pas avoir considéré que ladite clause litigieuse du règlement de copropriété ne fait aucune référence au plénum ;
Attendu que l'article 2 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 modifiée le 2 juillet 2012 dispose que, dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées parties communes : « le sol, les voies d'accès, les cours et jardins, le gros oeuvre des bâtiments, y compris l'étanchéité, les éléments d'équipement commun, y compris les parties de canalisations communes y afférentes qui traversent des locaux privatifs, les locaux des services communs, les passages et corridors, les coffres, gaines et têtes de cheminées à l'exclusion de celles qui sont à usage exclusivement privatif. »
Qu'il résulte d'une analyse comparative objective des deux textes susvisés que la définition des parties communes donnée dans la clause du règlement de copropriété n'est pas exactement similaire à celle donnée par la loi sur la copropriété des immeubles bâtis ;
Attendu cependant que les définitions énoncées par la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007, modifiée le 2 juillet 2012, ne sont pas d'ordre public, les premiers juges ayant à bon droit relevé que les parties peuvent librement y déroger puisque le législateur a expressément mentionné à l'article 2 qu'une telle définition légale n'est applicable que « dans le silence ou la contradiction des titres » ;
Attendu, s'agissant par ailleurs de l'ambiguïté alléguée des définitions données par le règlement de copropriété, que l'absence de définition du plénum ne saurait permettre de caractériser le caractère équivoque de telles énonciations, dès lors notamment que le plancher est clairement défini dans le règlement de copropriété comme étant une partie commune ;
Attendu qu i. AR. soutient enfin que la clause susvisée du règlement de copropriété serait de nature à favoriser un copropriétaire au détriment des autres et à provoquer une inégalité entre eux, portant en conséquence atteinte à l'intérêt collectif de la copropriété ;
Qu'il est en effet admis et ce, sur le fondement de la théorie de l'abus de droit, qu'une décision régulièrement prise dans la limite des pouvoirs du syndicat de copropriété demeure susceptible d'être annulée si elle n'est justifiée par aucun motif valable ou si elle apparaît contraire à l'intérêt collectif des copropriétaires ;
Que l'appelante excipe à cet égard d'une coalition de vote entre Madame FR., représentant 514 tantièmes sur 1.000, et sa cousine Madame MA., représentant 195 tantièmes sur 1.000, dont l'issue aurait permis l'adoption d'une délibération bénéficiant à une seule copropriétaire, en l'occurrence Madame FR. et aurait rompu l'égalité entre tous les copropriétaires ;
Attendu que force est cependant de relever que Madame FR. n'apparaît pas revendiquer la propriété privative du plénum dans le cadre de l'instance l'opposant à Madame i. AR., ni au demeurant dans le cadre de la présente instance, et qu'il n'est pas davantage établi que Madame FR. serait la seule copropriétaire disposant de branchements et de raccordements particuliers à son local privatif, bénéficiant de la sorte exclusivement de l'exception prévue à la clause du règlement de copropriété relative aux « branchements et raccordements particuliers à un seul local privatif » ;
Attendu que la preuve n'étant pas davantage rapportée de ce que la décision prise serait contraire à la défense légitime de l'intérêt collectif de la copropriété, il n'est pas établi que le syndicat des copropriétaires aurait en l'espèce commis un abus de majorité au préjudice d i. AR., laquelle sera en définitive déboutée des fins de son appel ;
Attendu en conséquence que le jugement rendu le 12 mars 2015 par le Tribunal de première instance sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que l'appelante i. AR. n'apparaît, dans le cadre de son recours, avoir commis aucune erreur équipollente au dol, ni avoir fait preuve d'une intention de nuire manifeste, en sorte que l'intimé sera débouté des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Attendu que les dépens d'appel demeureront en revanche à la charge de l'appelante ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel de Madame i. AR. recevable,
Au fond, le déclare mal fondé et confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 mars 2015 par le Tribunal de Première Instance,
Déboute le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble X à Monaco des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne i. AR. aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 26 AVRIL 2016, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.