Cour d'appel, 8 mars 2016, Monsieur d. l. ME c/ Madame s., m., r ST. épouse TO.

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Abstract🔗

Divorce - Effets patrimoniaux du divorce - Modification de la pension alimentaire (non)

Résumé🔗

Si l'ex-mari n'a pas réglé pendant dix mois la pension alimentaire d'un montant mensuel de 304 euros due à son ex-épouse, il ne peut prétendre que ce fait vaudrait reconnaissance de ce que la pension litigieuse ne serait plus due dès lors qu'il lui a fait parvenir un chèque de 3.040 euros avant le dépôt de plainte pénale dont elle l'avait menacé. Tant le remariage de l'ex-épouse que l'exercice de la profession libérale de comptable agréé ne peuvent démontrer qu'elle n'aurait plus besoin de la somme mensuelle de 304 euros pour lui permettre de subvenir à ses besoins. Faute pour l'ex-mari de justifier d'une modification de la situation de son ex-épouse et d'une augmentation de ses propres charges, sa demande de suppression ou de révision de la pension alimentaire est rejetée.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 8 MARS 2016

En la cause de :

  • - Monsieur d. l. ME., né le 5 novembre 1962 à Paris (Xème), de nationalité française, demeurant et domicilié X1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • - Madame s., m., r ST. épouse TO., née le 4 février 1968 à Monaco, de nationalité monégasque, comptable, demeurant et domiciliée X2 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 16 avril 2015 (R.4914) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 3 juin 2015 (enrôlé sous le numéro 2015/000145) ;

Vu les conclusions déposées les 14 juillet 2015, 24 novembre 2015 et 9 février 2016 par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de Madame s. ST. épouse TO. ;

Vu les conclusions déposées les 13 octobre 2015 et 12 janvier 2016 par Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur d. ME. ;

À l'audience du 16 février 2016, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur d. ME. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 16 avril 2015.

Considérant les faits suivants :

Par jugement du 16 janvier 2003, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux d. ME. - s. ST. et a condamné le mari au paiement d'une pension alimentaire mensuelle de 304 euros sur le fondement des dispositions de l'article 206-23 du Code civil dans sa rédaction en vigueur à l'époque de la décision.

Par exploit du 13 mai 2014, d. ME. a fait assigner s. ST. épouse TO. devant le Tribunal de première instance aux fins d'être déchargé du paiement de cette pension alimentaire en faisant valoir que celle-ci était aujourd'hui remariée et avait été autorisée à exercer la profession de comptable agréé, se trouvant donc en mesure de pourvoir seule à sa propre subsistance.

Suivant jugement en date du 16 avril 2015, le Tribunal de première instance déclarait recevables mais non fondées les demandes formées par d. ME. tendant à obtenir principalement l'annulation et subsidiairement la suppression de la pension alimentaire dont il est redevable envers s. ST. épouse TO., déboutait en conséquence ce dernier de l'intégralité de ses prétentions et le condamnait à payer à s. ST. la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Au soutien de cette décision, les premiers juges relevaient pour l'essentiel que la pension alimentaire mise à la charge de d. ME. l'avait été sur le fondement des dispositions de l'article 206-23 du Code civil dans sa rédaction antérieure disposant qu'à défaut d'avantages matrimoniaux suffisant à assurer sa subsistance, l'époux au profit de qui le divorce a été prononcé, pouvait obtenir une pension alimentaire à la charge de son conjoint. Estimant que le remariage de son ex-épouse ne mettait pas de plein droit fin au versement de la pension alimentaire à laquelle il est tenu et qu'aucune pièce n'était versée pour justifier de l'évolution de la situation financière de s. ST., en dépit de l'agrément obtenu pour exercer la profession de comptable, les premiers juges rejetaient la demande de suppression de pension alimentaire.

Suivant exploit du 3 juin 2015, d. ME. interjetait appel du jugement susvisé, signifié le 8 mai 2015, à l'effet de le voir réformer en toutes ses dispositions et voir la Cour le décharger purement et simplement du paiement de la pension alimentaire auquel il a été condamné par jugement du Tribunal de première instance du 16 janvier 2003 au profit de s. ST..

Au soutien de son appel et aux termes de l'ensemble de ses conclusions, d. ME. expose que :

  • - la situation financière et familiale de son ex-épouse a bien évolué depuis l'année 2003 même s'il n'est pas en mesure de connaître les revenus actuels et les charges de s. ST.,

  • - s. ST. n'est pas salariée mais comptable agréé et elle exerce donc une profession libérale ne lui imposant aucune obligation de déclaration de revenus,

  • - elle a épousé un animateur notoirement connu de la télévision française et de la radio s'appelant ma. TO. dont les revenus se seraient élevés à la somme de 96 millions d'euros pour la période d'août 2014 à août 2015,

  • - si la suppression d'une pension alimentaire n'est pas automatique en cas de remariage de l'époux créancier, une jurisprudence constante permet de décharger le débiteur qui justifie d'une modification dans les revenus de son ex-conjoint au profit duquel la pension est versée.

Il est démontré que s. ST. épouse TO. est désormais en mesure d'assurer sa subsistance et ne justifie pas éprouver les besoins prévus à l'article 206-23 du Code civil pour prétendre au maintien de la pension alimentaire mise à sa charge depuis le jugement de divorce du 16 janvier 2003.

s. ST. épouse TO., intimée, entend pour sa part, aux termes de l'ensemble de ses écrits judiciaires, voir débouter d. ME. des fins de son appel et sollicite la confirmation du jugement rendu le 16 avril 2015 par le Tribunal de première instance. Elle entend par ailleurs voir condamner d. ME. dont la procédure d'appel lui apparaît abusive au paiement d'une somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts en l'état des frais qu'elle a dû elle-même engager pour assurer sa défense.

s. ST. épouse TO. fait valoir en réponse aux arguments de l'appelant que :

  • - son ex-époux est demeuré pendant 10 mois sans lui verser le montant des pensions alimentaires dues et elle n'a pour autant engagé ni action civile, ni action pénale à son encontre, un chèque de régularisation d'un montant de 3.040 euros lui étant finalement parvenu,

  • - le fait qu'elle ait été nommée comptable agrée ne démontre pas que sa situation matérielle ait favorablement évolué,

  • - elle a nécessairement dû travailler après son divorce puisqu'elle ne pouvait pas vivre décemment avec une pension mensuelle de 304 euros et sa précédente activité de conseil et d'assistance en matière administrative commerciale et de gestion d'entreprise exercée jusqu'en novembre 2013 n'avait pas généré la moindre action en suppression pension alimentaire de la part de son ex-conjoint.

  • - l'appelant, auquel incombe la charge de cette preuve, ne démontre finalement pas en quoi ses revenus seraient désormais supérieurs et le fait qu'elle se soit mariée ne révèle pas davantage l'amélioration de sa situation financière,

  • - si son mari actuel était un animateur connu, ce n'était que dans les années 80 alors qu'il officiait à Canal+, l'article versé au débat étend dénué de sérieux quant au montant des revenus actuels de Monsieur TO.,

  • - aucune disposition du droit monégasque ne permet de supprimer le versement d'une pension alimentaire dans le cas du remariage de l'époux créancier.

d. ME. ne démontre pas davantage en quoi une pension mensuelle de 304 euros grèverait son propre budget, ni ne justifie en cause d'appel du changement de sa situation familiale et ne conteste plus même être en mesure de payer la pension alimentaire, reconnaissant implicitement ses facultés contributives.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel interjeté par d. ME. apparaît formé conformément aux règles de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile et sera déclaré recevable ;

Attendu que s. ST. épouse TO. est bénéficiaire d'une pension alimentaire mise à la charge de son ex-conjoint d. ME., sur le fondement des dispositions de l'article 206-23 du Code civil, dans sa rédaction en vigueur à l'époque du prononcé du divorce le 16 janvier 2003, disposant que l'époux au profit duquel le divorce a été prononcé peut, à défaut d'avantages matrimoniaux suffisant à assurer sa subsistance, obtenir à la charge de son conjoint une pension alimentaire ;

Attendu que la révision de la pension alimentaire octroyée est possible à la demande de l'ex-époux débiteur si les conditions prévues par l'article 178 du Code civil sont remplies, c'est-à-dire si celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments est replacé dans un état tel, que l'un ne puisse plus en donner ou que l'autre n'en ait plus besoin, en tout en partie, la décharge ou la réduction de la pension alimentaire pouvant alors être demandée ;

Attendu que la charge de la preuve du bien-fondé d'une telle demande incombe en l'espèce à d. ME. qui se prévaut d'un changement dans la situation personnelle et financière de son ex-épouse justifiant selon lui la suppression de la pension alimentaire qu'il lui verse mensuellement ;

Que les premiers juges ont dès lors justement estimé qu'il appartient à ce dernier d'établir que sa situation ou celle de s. ST. épouse TO. a évolué depuis le prononcé du divorce pour pouvoir prétendre à la diminution, voire même à la suppression, de la pension mise à sa charge ;

Attendu que force est à cet égard de relever que si l'appelant affirme être à jour de ses règlements quant à la pension alimentaire toujours octroyée à son ex-épouse, les pièces produites établissent néanmoins qu'il est resté de nombreux mois sans assurer son règlement, se contentant de régulariser une telle situation en faisant parvenir à s. ST. un chèque de 3.040 euros avant le dépôt de plainte pénale dont cette dernière l'avait menacé ;

Qu'il ne saurait donc raisonnablement être déduit de ce délai de 10 mois durant lequel la pension alimentaire n'a pas été acquittée, la prétendue reconnaissance par s. ST. de ce que la pension alimentaire ne serait plus due, et ce, compte tenu de ses réclamations et protestations récurrentes ;

Attendu par ailleurs que l'appelant ne démontre pas plus qu'en première instance en quoi les revenus et charges de Madame s. ST. rendraient inutile, pour assurer sa subsistance, le versement de la somme mensuelle de 304 euros dont elle n'aurait donc plus besoin, ni en quoi sa propre situation financière ne lui permettrait plus d'acquitter une telle pension ;

Attendu que le simple fait que Madame s. ST. se soit remariée n'est pas en soi un élément de nature à induire de plein droit la suppression de la pension alimentaire versée, l'article de presse relatif à la situation patrimoniale très favorable de son nouvel époux, Monsieur ma. TO., animateur de télévision bien connu des années 80, apparaissant dénué de sérieux et semblant davantage procéder d'une rumeur, ainsi que l'article le mentionne au demeurant lui-même sous le correctif du 22 septembre 2015 ainsi libellé : « il semblerait que cette rumeur soit infondée » ;

Qu'aucun élément probant ne saurait en tout état de cause en résulter ;

Attendu que le fait que Madame s. ST. ayant nécessairement dû reprendre un emploi après son divorce et qui exerçait auparavant une activité d'assistance et de conseil en matière administrative commerciale et de gestion d'entreprise soit devenue comptable agréée en 2013 et exerce désormais une profession libérale ne caractérise pas davantage la démonstration de ce qu'elle n'aurait plus besoin de la somme mensuelle de 304 euros pour lui permettre de subvenir à ses besoins ;

Que la preuve n'est donc pas rapportée d'une modification dans les revenus de l'épouse au profit duquel la pension est versée ;

Attendu enfin que si d. ME. fait brièvement état de son remariage et des deux enfants mineurs à sa charge, il ne justifie par la production d'aucune pièce de ce changement de sa situation de famille, ni donc d'une majoration de ses propres charges telle qu'elle lui interdirait de grever son budget par le versement de la somme mensuelle de 304 euros au bénéfice de son ex-épouse ;

Attendu en définitive que les premiers juges ont à bon droit estimé que d. ME. ne justifiait pas de l'existence d'une modification notable dans la situation financière de son ex-épouse ou dans la sienne depuis le prononcé du divorce, de nature à permettre un réexamen du montant de la pension alimentaire allouée ;

Que l'appelant sera dès lors débouté des fins de sa demande réformation du jugement entrepris qui sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'aucune faute, ni erreur équipollente au dol ou intention de nuire n'apparait toutefois résulter du présent appel en sorte que s. ST. sera déboutée des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Attendu que d. ME. conservera la charge des dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

Déclare l'appel de d. ME. recevable,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 avril 2015 par le Tribunal de première instance,

Déboute s. ST. épouse TO. des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne d. ME. aux dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 8 MARS 2016, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.

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