Cour d'appel, 8 mars 2016, Madame m., e. CA. veuve CU. c/ Monsieur a. CU.
Abstract🔗
Succession - Mesure conservatoire et d'investigation - Atteinte à la vie privée (non) - Bien-fondé de la mesure (oui)
Résumé🔗
Un litige oppose le fils à sa mère dans le cadre de la succession ouverte après le décès de son père, mari de sa mère. Dans ce cadre, il a sollicité et obtenu l'apposition des scellés par application des dispositions de l'article 853 et suivants du Code de procédure civile sur l'ensemble des biens situés à l'intérieur de divers immeubles, sis en Principauté de Monaco, tout en sollicitant l'établissement d'un inventaire. La mère conteste cette mesure et a relevé appel de l'ordonnance de référé l'autorisant. Cet appel est recevable, l'intéressée disposant d'un intérêt à agir au jour de l'exploit d'appel dès lors que les opérations d'inventaire n'étaient pas achevées à cette date. Par ailleurs, l'appel a été régulièrement interjeté dans les formes et conditions prévues par le Code de procédure civile.
En sa qualité d'héritier réservataire, le fils est fondé à requérir l'apposition des scellés, conformément aux dispositions de l'article 854 alinéa premier du Code de procédure civile, en vue d'obtenir l'inventaire des biens de la succession pouvant se trouver dans les biens immobiliers concernés.
À défaut de tout délai de forclusion, la demande présentée six ans après le décès de son père, dans le but de trouver une solution amiable, apparait régulière. En outre, le fils avait sollicité en vain et à de multiples reprises auprès de sa mère et du notaire en charge de la succession, l'établissement d'un inventaire.
Cette mesure, que la mère estime attentatoire à sa vie privée et à celle de son compagnon, résulte de la permission de la loi. Elle est proportionnée au but légitime poursuivi et a été décidée sous le contrôle successif de deux magistrats, avant que ne soit ordonnée la mainlevée de cette mesure d'ingérence. Il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'éventuel préjudice moral subi par le compagnon de la mère, qui n'est pas partie à la procédure, et qui a pu récupérer ses effets personnels en présence d'un huissier.
La cour confirme ainsi la décision critiquée et rejette l'intégralité des demandes présentées par la mère.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 8 MARS 2016
En la cause de :
- Madame m., e. CA. veuve CU., née le 1er janvier 1949 à Riposto (Italie), de nationalité italienne, Présidente de la Fondation A., demeurant et domiciliée « X », X1 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, près la même Cour ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur a. CU., né le 14 avril 1973 à Rome (Italie), entrepreneur, demeurant et domicilié X2 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu l'ordonnance de référé rendue le 26 juin 2015 (R.6409) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 13 juillet 2015 (enrôlé sous le numéro 2016/000007) ;
Vu les conclusions déposées les 24 novembre 2015 et 2 février 2016 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. CU. ;
Vu les conclusions déposées le 5 janvier 2016 par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Madame m., e. CA. veuve CU. ;
À l'audience du 16 février 2016, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Madame m., e. CA. veuve CU. à l'encontre d'une ordonnance de référé du 26 juin 2015.
Considérant les faits suivants :
al. CU. est décédé ab intestat le 18 juillet 2009 à Monaco, laissant pour seuls héritiers habiles à recueillir la totalité des biens composant sa succession son épouse m. CA. épouse CU. et son fils a. CU..
La succession a été ouverte auprès de Maître Henry REY, notaire à Monaco, lequel a rédigé l'acte de notoriété.
a. CU., fils de de cujus, a, suivant requête du 26 mai 2015, saisi le Juge de Paix afin de solliciter l'apposition des scellés par application des dispositions de l'article 853 et suivants du Code de procédure civile sur l'ensemble des biens situés à l'intérieur de divers immeubles sis en Principauté de Monaco tout en sollicitant l'établissement d'un inventaire.
Suivant Ordonnance en date du 5 juin 2015, le Juge de Paix a fait droit à sa demande tout en fixant au 23 juin 2015 la date de l'apposition des scellés, selon des horaires différents s'agissant des divers immeubles concernés.
Au jour fixé pour l'apposition des scellés, Madame m. e. CU. a fait obstacle à l'accès à l'appartement situé au 19ème étage de l'immeuble X constituant son domicile et a déclaré ne pas être en possession des clés de l'appartement situé au Y.
Procès-verbal a alors été dressé le même jour par le Juge de Paix qui en a référé au Président du Tribunal de première instance, l'affaire étant renvoyée à l'audience du 24 juin 2015 en état de référé pour qu'il soit statué sur les difficultés constatées.
Suivant assignation en date du 23 juin 2015, a. CU. sollicitait qu'il soit ordonné à Madame m. e. CU. de laisser libre accès aux lieux dont s'agit et, à défaut, d'autoriser le recours à un serrurier et, au besoin, le concours de la force publique afin de favoriser cet accès et de permettre l'apposition des scellés et l'établissement de l'inventaire requis.
Suivant ordonnance de référé du 26 juin 2015, le Président du Tribunal de première instance a :
- écarté des débats les pièces portant les numéros 1 à 18 communiquées tardivement par a. CU.,
- ordonné qu'il soit procédé dans les meilleurs délais par Madame le Juge de Paix à l'apposition des scellés sur les portes extérieures de l'appartement situé au 18ème étage de l'immeuble X, X et des appartements numéro 63 et 64 situés au 4ème étage de l'immeuble Y,
- dit que le Juge de Paix pourra se faire assister lors de ses opérations par un serrurier et bénéficier le cas échéant du concours de la force publique,
- donné acte à Madame CU. de ce qu'elle ne s'oppose pas à ce qu'il soit procédé aux opérations d'inventaire des objets mobiliers situés à l'intérieur de l'appartement du 19ème étage de l'immeuble X constituant son domicile,
- dit que dans l'attente de l'organisation par le Juge de Paix des opérations d'inventaire, les scellés ne sont pas apposés sur la porte extérieure de l'appartement mais uniquement sur les objets mobiliers dont la nature et la consistance le permettent et qu'un procès-verbal contenant la description sommaire des autres objets sera établi,
- ordonné à Madame CU. de permettre l'accès à l'appartement constituant son domicile pour la réalisation de ces diverses opérations.
Suivant exploit en date du 13 juillet 2015 et conclusions en date du 5 janvier 2016, m. CU. interjetait appel de l'ordonnance de référé rendue le 26 juin 2015 dont elle sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a selon elle ordonné l'apposition des scellés judiciaires sur son domicile six ans après l'ouverture de la succession de son défunt époux.
Elle entend voir dire et juger que cette mesure tardive d'apposition des scellés était non nécessaire et disproportionnée au regard des circonstances de la cause et à défaut de toute urgence et entend voir constater l'absence de contrôle par les magistrats des référés de la nécessité et de la proportionnalité de l'ingérence réalisée à la poursuite d'un but légitime.
Elle entend en conséquence voir rétracter l'ordonnance de référé ayant autorisé l'apposition de scellés et, statuant à nouveau, entend voir la Cour dire et juger que l'ordonnance de référé du 26 juin 2015 comme l'ordonnance d'apposition des scellés du 5 juin 2015 portent une atteinte disproportionnée à l'intimité de sa vie privée et familiale et à l'inviolabilité de son domicile, dire qu'il n'y avait pas lieu à apposition de scellés, lui donner acte de ce qu'elle se réserve tous droits à l'égard d a. CU. et notamment celui de réclamer des dommages-intérêts pour le préjudice moral subi du fait des agissements procéduraux agressifs et abusifs dont il est l'auteur.
Au soutien de ce recours, m. CU. soutient pour l'essentiel que :
l'apposition des scellés après décès prévue aux articles 853 et suivant du Code de procédure civile est un acte conservatoire destiné à empêcher le détournement de biens dépendant du patrimoine d'une personne et permet de préserver de tout enlèvement clandestin ce qui se trouve contenu dans les locaux sur lesquels ils ont été apposés,
il s'agit d'une mesure facultative et non obligatoire en sorte qu'elle n'est ordonnée qu'en cas de nécessité dictée par l'urgence,
eu égard au caractère intrusif et attentatoire aux droits des tiers et des membres de la famille proche, cette mesure est soumise à l'autorisation du juge et donc lieu à un contrôle judiciaire d'opportunité et de nécessité,
la plupart des biens appartenant à la succession de son époux défunt avait été déjà partagée entre les héritiers depuis le décès de ce dernier, a. CU. reconnaissant lui-même s'être fait attribuer une part de certains actifs ayant appartenu à son père,
elle ne s'est jamais elle-même opposée aux opérations d'inventaire prévues par la loi et ce, d'autant que les parties se sont réparties d'un commun accord les actifs de la succession,
si a. CU. craignait un détournement des actifs successoraux se trouvant au domicile du défunt, il aurait dû agir au décès de ce dernier et non six ans après, la demande d'apposition de scellés étant alors dépourvue de toute urgence et de toute nécessité,
ordonner la pose de scellés dans un lieu de vie constitue une ingérence de l'autorité publique dont la nécessité, l'opportunité, la proportionnalité au but légitime poursuivi doivent être soumises au contrôle du juge, dans le respect des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale, au respect du domicile et de la correspondance et prévoyant que toute ingérence doit reposer sur la loi et être nécessaire,
la Constitution et le Code civil monégasque consacrent les mêmes principes de droit au regard desquels tant le Juge de Paix que le magistrat des référés avaient l'obligation de mettre en balance l'atteinte à l'intimité de la vie privée et familiale et l'atteinte à l'inviolabilité du domicile avec l'intérêt à protéger,
elle-même Présidente de la fondation A., créée par son défunt époux, et son compagnon g. DR., cardiologue chirurgien réputé, ont subi une violente immixtion dans l'intimité de leur vie privée et familiale et dans leur domicile face à une apposition de scellés ressemblant plus à une investigation pénale de flagrant délit qu'à une mesure conservatoire en matière successorale,
une telle mesure fondée sur un motif de préservation des preuves est manifestement contraire à la Constitution et la Convention Européenne des Droits de l'Homme et a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
a. CU., intimé, entend pour sa part aux termes de l'ensemble de ses écrits judiciaires voir, à titre principal, déclarer irrecevables les demandes formées en appel par m. e. CU. et, à titre subsidiaire, dire et juger que les conditions requises pour l'apposition des scellés ont été respectées, que cette apposition des scellés a été opportune, qu'il n'a pas été statué ultra petita, que l'ingérence dans la vie privée de m. e. CU. est prévue par la loi et constitue une mesure nécessaire à la protection de ses droits et libertés, et que m. e. CU. n'a subi aucun préjudice du chef de l'apposition des scellés.
En tout état de cause, il entend voir dire et juger que m. e. CU. serait seule responsable du préjudice prétendument subi et il sollicite la confirmation de l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de première instance le 26 juin 2015 avec toutes conséquences de droit, m. e. CU. devant être selon lui déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
a. CU. entend par ailleurs se voir donner acte de ce qu'il se réserve le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 673 relatif au recel successoral et de réclamer des dommages et intérêts à m. e. CU. pour le préjudice moral subi du fait de la résistance abusive dont elle est responsable.
Au soutien d'une telle argumentation, a. CU. expose que tous les biens de son défunt père sont encore occupés et détenus par sa veuve qui dispose de fait de l'ensemble des meubles, souvenirs personnels et bijoux d al. CU. et qu'il a donc été dans l'obligation de faire apposer des scellés pour faire réaliser un inventaire des biens se trouvant dans les résidences monégasques de son père qu'il réclame à l'amiable depuis de nombreuses années.
Il rappelle qu'au jour fixé pour l'apposition des scellés, l'accès aux appartements situés dans l'immeuble X a été interdit par m. e. CU., qui y a fait obstacle, le Juge de Paix n'ayant pu rentrer ni dans cet appartement, ni dans celui du Y en sorte qu'il a dû être fait application des dispositions de l'article 865 du Code de procédure civile, le juge ayant alors sursis à statuer tout en en référant sur-le-champ aux Président du Tribunal de première instance.
L'intimé précise que l'ordonnance de référé rendue le 26 juin 2015 par le Président de cette juridiction ordonnait néanmoins l'apposition des scellés, lesquels ont été effectivement apposés par le Juge de Paix en application de cette décision.
Il ajoute avoir alors, suivant requête du 1er juillet 2015, sollicité la levée des scellés en vue de l'inventaire par application des dispositions de l'article 871 et suivants du Code de procédure civile, cette requête ayant été accueillie par une ordonnance du même jour et procès-verbal d'inventaire ayant été dressé par Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO les 2, 10 et 17 juillet 2015 dans les différents appartements visés.
a. CU. fait valoir que c'est dans de telles circonstances que m. e. CU. a cru devoir interjeter appel de l'ordonnance du juge des référés et ce, à l'effet de faire opposition aux scellés.
Il précise que si cette procédure d'opposition à scellé est prévue par les dispositions de l'article 869 du Code de procédure civile, elle n'a pas été suivie par l'appelante qui aurait dû faire une déclaration sur le procès-verbal dressé le 26 juin 2015 ou faire établir un exploit signifié au greffier du Juge de Paix et non interjeter appel de l'ordonnance de référé.
L'intimé ajoute que l'appelante ne dispose d'aucun intérêt à agir, n'ayant à ce jour plus aucun droit à sauvegarder dans la mesure où les scellés précédemment apposés ont déjà été levés, l'appel devant selon lui être déclaré irrecevable en vertu de la règle « pas d'intérêt pas d'action ».
a. CU. entend, en tout état de cause, voir confirmer la décision déférée, dès lors que les conditions requises pour l'apposition des scellés ont été remplies, la condition d'urgence n'étant pas requise par les articles 853 et suivants du Code de procédure civile et aucun délai de forclusion n'apparaissant au demeurant prescrit par le texte.
Il soutient que l'apposition des scellés était opportune, justifiée notamment eu égard au nombre des œuvres d'art concernées et à leur valeur pécuniaire puisqu'à l'occasion des opérations d'inventaire le total général des tableaux et sculptures se trouvant dans les appartements des résidences, a été estimé pour une valeur globale comprise entre 5.568.700 euros et 6.858.000 euros, Madame CU. cherchant manifestement à le spolier, tous éléments attestant de l'existence d'un recel successoral imputable à sa belle-mère qu'il se réserve d'invoquer conformément aux dispositions de l'article 673 du Code civil.
S'agissant de l'atteinte à l'intimité et à la vie privée de Madame CU., il rappelle que l'ingérence des autorités publiques est en l'espèce prévue par la loi puisque la visite domiciliaire dont s'agit est intervenue dans les conditions légales des articles 853 et suivants du Code de procédure civile.
Il soutient encore que l'apposition des scellés poursuivait un but légitime consistant à protéger ses droits d'héritier.
Aucun préjudice n'aurait enfin été subi du fait d'une apposition des scellés qui n'a duré que quelques jours, sachant que les scellés n'ont pas été apposés sur la porte d'entrée mais sur deux buffets et deux coffres situés dans l'appartement et qu'il n'appartient pas à l'appelante de se prévaloir du préjudice subi par son compagnon, non partie à la procédure.
SUR CE,
Attendu, sur la recevabilité de l'appel, que par l'ordonnance entreprise, le Juge des référés, statuant sur les obstacles et difficultés rencontrés par le Juge de Paix lors de l'apposition des scellés a, sur le fondement des dispositions des articles 865 et 866 du Code de procédure civile, ordonné qu'il soit procédé dans les meilleurs délais par le Juge de Paix à l'apposition des scellés sur les portes extérieures des appartements de l'immeuble Y et de l'appartement de l'immeuble X tout en autorisant ce magistrat à se faire assister lors de ses opérations par un serrurier et bénéficier le cas échéant du concours de la force publique ;
Que s'il est constant que le droit de faire opposition à une apposition de scellés est expressément prévu par les dispositions des articles 869 et 870 du Code de procédure civile et peut s'induire d'une déclaration sur le procès-verbal des scellés ou d'un exploit signifié au greffier du Juge de Paix, il ne saurait pourtant être déduit de l'option procédurale prise - consistant à critiquer au moyen de griefs multiples la décision du juge des référés ayant ordonné au Juge de Paix l'apposition des scellés - l'irrecevabilité de l'appel interjeté par m. e. CU. à l'encontre de l'ordonnance du 26 juin 2015 ;
Qu'en effet, en dépit du caractère exécutoire de l'ordonnance de référé entreprise ayant déjà donné lieu à l'apposition des scellés, il est loisible à la personne s'estimant victime d'une décision, selon elle prise en violation de ses droits, de soumettre ses griefs aux juges du second degré ;
Que force est à cet égard de relever qu'au jour de l'exploit d'appel, c'est-à-dire le 13 juillet 2015, les opérations de levée des scellés et d'inventaire dans les appartements occupés par Madame m. e. CU. n'étaient pas toutes achevées puisque le procès-verbal d'inventaire correspondant à l'appartement situé dans l'immeuble Y est en date du 17 juillet 2015, en sorte que m. e. CU. disposait bien d'un intérêt à agir ;
Qu'il s'ensuit que l'appel par ailleurs régulièrement interjeté dans les formes et conditions prévues par le Code de procédure civile sera déclaré recevable ;
Attendu, quant au bien-fondé de la décision déférée, que le magistrat des référés, statuant sur les obstacles et difficultés rencontrées a, sans excéder les termes de sa saisine, en premier lieu légitimement constaté qu'a. CU., fils du défunt al. CU., était fondé en sa qualité d'héritier réservataire à requérir l'apposition des scellés conformément aux dispositions de l'article 854 alinéa premier du Code de procédure civile et ce, à l'effet d'obtenir l'inventaire des biens de la succession pouvant se trouver dans les biens immobiliers concernés ;
Attendu que les dispositions des articles 853 et suivants du Code précité n'imposent aucune condition de délai au titre d'une telle apposition de scellés, en sorte qu'à défaut de tout délai de forclusion, la demande formalisée par a. CU. six ans après le décès de son père, dans le dessein, attesté par les correspondances produites, de trouver une solution amiable, apparait régulière ;
Qu'aucune intention dolosive ne s'induit davantage d'une telle démarche procédurale dès lors que le fils du de cujus avait sollicité en vain et à de multiples reprises auprès de Madame m. e. CU., mais également auprès du notaire en charge de la succession, l'établissement d'un inventaire ;
Que le Premier juge ayant alors à bon droit écarté les moyens inhérents au caractère injustifié de la demande d'apposition de scellés a, par la suite, légitimement résolu les obstacles allégués par m. e. CA. veuve CU. en autorisant notamment le Juge de Paix à se faire assister lors de ses opérations par un serrurier ainsi que par la force publique, aucun vice n'entachant de ce chef sa décision ;
Attendu enfin, sur l'atteinte alléguée à la vie privée de Madame CU. et de son compagnon, que force est de relever qu'aucun manquement aux dispositions de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est établi ;
Que s'il résulte en effet des dispositions de l'article 21 de la Constitution que le domicile est inviolable et qu'aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans les conditions qu'elle prescrit, les articles 853 et suivants du Code de procédure civile autorisent expressément les opérations d'apposition de scellés et d'inventaire qui ont été entreprises et caractérisent donc la permission de la loi au titre d'une telle ingérence dans la vie privée de Madame m. e. CU. ;
Qu'il est non moins constant que cette mesure conservatoire et d'investigation a répondu à un but légitime dès lors qu'elle était destinée à protéger les droits d'un héritier réservataire, ignorant l'assiette réelle du patrimoine dépendant de la succession de son père et ne pouvant y avoir accès par les voies amiables ;
Qu'une telle mesure est en outre apparue proportionnelle au but légitime poursuivi par a. CU., puisque décidée sous le contrôle successif de deux magistrats, d'abord le Juge de Paix puis le Président du Tribunal de première instance statuant sur les obstacles rencontrés dans le cadre de l'ordonnance de référé entreprise, lesquels ont successivement apprécié et contrôlé dans sa durée la mesure d'apposition des scellés, outre les opérations d'inventaire, avant que ne soit ordonnée la mainlevée de cette mesure d'ingérence ;
Qu'en outre, il ne saurait être reproché au Premier juge d'avoir statué ultra petita réitérant l'injonction tendant à l'apposition des scellés ordonnée par le Juge de Paix, puisqu'il tire ainsi toute conséquence de droit de la décision ayant réglé les difficultés soulevées ;
Que la Cour ne saurait par ailleurs se prononcer sur l'éventuel préjudice moral qu'aurait subi, du fait des mesures de scellés ordonnées, Monsieur g. DR., non partie à la procédure, les pièces produites attestant au demeurant de ce que ce dernier a été mis en mesure de récupérer ses effets personnels en présence d'un huissier ;
Attendu en définitive que l'appelante m. e. CU. devra être déboutée de l'ensemble de ses demandes, l'ordonnance rendue le 26 juin 2015 par le juge des référés devant être confirmée en toutes ses dispositions ;
Attendu enfin qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les « donner acte » sollicités qui ne caractérisent pas des demandes judiciaires ;
Attendu que les dépens seront supportés par m. e. CU. qui succombe en son appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel recevable,
Au fond, le déclare mal fondé,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 26 juin 2015,
Condamne m. e. CU. aux dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 8 MARS 2016, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.