Cour d'appel, 26 janvier 2016, La SAM C c/ Madame l. BL. et autres
Abstract🔗
Faillites - Liquidation de biens - Dessaisissement du débiteur - Irrecevabilité de l'appel formé par le débiteur (oui)
Résumé🔗
En application de l'article 530 du Code de commerce, une société en procédure de liquidation des biens est représentée par son syndic. L'appel interjeté par la société seule est donc irrecevable.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 26 JANVIER 2016
En la cause de :
- La SAM dénommée C, dont le siège social est situé X à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président Délégué en exercice, demeurant en cette qualité au siège social,
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, désigné par Ordonnance du 12 mai 2015, et ayant pour avocat plaidant Maître Alain BAYLON, avocat au Barreau de Nice ;
APPELANTE,
d'une part,
CONTRE :
1- Madame l. BL., née le 11 avril 1933 à Frangy en Bresse (France), de nationalité française, retraitée, domiciliée et demeurant X, 71460 Cormatin (France),
2- Madame s. LE., née le 1er avril 1960, de nationalité française, professeur des écoles, domiciliée et demeurant X, 83320 Carqueiranne (France),
3- Mademoiselle a. BL., née le 16 juin 1971 à Charolles (France), de nationalité française, employée de banque, demeurant X, 71460 Cormatin (France),
4- Monsieur c. BL., né le 28 juillet 1964, de nationalité française, employé de communauté de communes, demeurant X 71120 Charolles (France),
5- Monsieur p. BL., né le 18 août 1957, de nationalité française, professeur des écoles, demeurant X 71700 Boyer (France),
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Patrick GAULMIN, avocat au Barreau de Toulon ;
6 - Monsieur A, ès-qualités de syndic liquidateur de la SAM C, suivant jugement du Tribunal de première instance du 26 mars 2015 (R. 4386), désigné par jugement du Tribunal de première instance en date du 22 novembre 2012, domicilié et demeurant en cette qualité à Monaco, X,
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur
INTIMÉS,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 26 mars 2015 (R.4385) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 19 mai 2015 (enrôlé sous le numéro 2015/000139) ;
Vu l'ordonnance en date du 12 mai 2015 ayant désigné Maître Richard MULLOT, Bâtonnier, aux fins d'assister et de défendre la SAM C dans la présente procédure ;
Vu les conclusions « sans pièces, ni moyens » déposées le 3 novembre 2015 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, pour la SAM C ;
Vu les conclusions déposées le 17 novembre 2015 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de l. BL., s. LE., a. BL., c. BL. et p. BL. ;
Vu les conclusions déposées le 18 novembre 2015 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur A ;
À l'audience du 1er décembre 2015, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Maître Richard MULLOT à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 26 mars 2015.
Considérant les faits suivants :
Le 31 octobre 1974, par devant Maître Paul-Louis AUREGLIA, notaire, un bail commercial a été conclu entre la S. C. I. I, prise en la personne de Monsieur BL., et la S. A. C, prise en la personne de Monsieur DA., portant sur un local commercial, une courette et un appartement de quatre pièces situés dans l'immeuble Villa Claude, 5 avenue de Saint-Michel à MONACO, pour une durée de 3 ans renouvelable.
Le 29 juillet 1985, la SCI I a été dissoute avec attribution à b. BL. des droits y afférents.
Le 27 décembre 2006, b. BL. est décédé, laissant pour lui succéder l. BL., p. BL., c. BL., a. BL. et s. LE..
Par exploit d'huissier en date du 21 novembre 2012, la société anonyme monégasque dénommée C a fait assigner devant le Tribunal de première instance l. BL., p. BL., c. BL., a. BL. et s. LE., aux fins d'obtenir qu'ils soient condamnés au paiement de la somme de 500.000 euros à titre de dommages-intérêts, que soit ordonnée la suspension de l'obligation de régler le loyer jusqu'à l'accomplissement de tous les travaux nécessaires dans les lieux loués, qu'ils soient condamnés, sous astreinte, à effectuer les travaux et à payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires en couverture des frais irrépétibles.
Monsieur A, ès-qualités de syndic de la cessation des paiements de la SAM C, désigné à ces fonctions par jugement du Tribunal de première instance en date du 22 novembre 2012, est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement contradictoire en date du 26 mars 2015 (R.4385), le Tribunal de Première Instance a statué ainsi qu'il suit :
« - Dit que Monsieur A, ès-qualités de syndic, représente seul la SAM C aux fins de désistement d'instance et d'action dans le cadre de la présente instance, en application de l'ordonnance du juge commissaire en date du 10 avril 2014, devenue définitive ;
- Dit en conséquence n'y avoir lieu de renvoyer l'examen de la cause ;
Constate que la SAM C, représentée par le syndic de sa cessation des paiements, s'est désistée de l'action et de l'instance introduites suivant exploit d'assignation du 21 novembre 2013 (sic) et que l. BL., s. LE., a. BL., c. BL. et p. BL., défendeurs, ont accepté ce désistement ;
Déclare en conséquence ce désistement parfait avec toutes conséquences de droit ;
Dit que chacune des parties, conformément à leur accord, conservera la charge de ses propres dépens ».
Pour statuer ainsi, le Tribunal a considéré que le syndic avait été judiciairement autorisé, par ordonnance du juge commissaire définitive, à représenter seul la SAM C, alors en phase de cessation des paiements, et qu'il était, dès lors, fondé à solliciter un désistement d'instance et d'action.
Par exploit d'appel et assignation délivré le 19 mai 2015, la société anonyme monégasque dénommée C, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice, a relevé appel de cette décision à l'encontre de toutes les parties.
Aux termes de cet exploit, elle demande à la Cour de :
« - RECEVOIR ET DÉCLARER la SAM C en son appel régulier en la forme et, au fond, l'en déclaré (sic) bien fondé,
DIRE que le tribunal de première instance a violé les principes élémentaires des droits de la défense nonobstant les règles relatives aux procédures collectives monégasques et aux pouvoirs du liquidateur,
DIRE que le tribunal de première instance n'a pas tenu compte des informations écrites et orales qui étaient portées à sa connaissance, à savoir que l'avocat plaidant de la société C a abandonné sa mission et a été remplacé par un nouvel avocat plaidant qui n'était pas en possession de tous les dossiers au moment de l'audience du 5 mars 2015. Il ne pouvait donc pas valablement prendre des écritures et faire valoir les arguments de la société appelante qui sont totalement contraires à ceux avancés par Monsieur Samba liquidateur et par l'hoirie BL. LE..
CONSTATER que le tribunal de première instance prétend à tort que :
« Attendu dès lors qu'il n'y a pas lieu de renvoyer l'examen de la cause, étant précisé en outre qu'entre le mois de juillet 2014 et l'audience du 5 mars 2015, les dirigeants de la SAM C n'ont pas cru devoir préciser leur position ni faire valoir le moindre argument dans cette procédure, nonobstant le large délai dont ils ont bénéficié ; »
CONSTATER que l'homologation de la cession a été faite à vil prix alors que le local est situé face au CASINO DE MONTE-CARLO, dans le lieu magnifique dit le « carré d'or ».
CONSTATER que la décision a été rendue alors que le Tribunal savait que le nouvel avocat n'était pas en possession de tous les dossiers et que le Tribunal avait été parfaitement informé que l'appelante s'opposait fermement au désistement d'instance et d'action. En effet, le Greffe avait été alerté par télécopie que l'Avocat n'était pas en possession de toutes les pièces du dossier et qu'il ne pourrait pas plaider cette affaire.
CONSTATER que l'appelante a fait savoir à de multiples reprises qu'elle conteste fermement l'argumentation de Monsieur SAMBA et des autres adversaires.
CONSTATER qu'il y a notamment et en outre, une violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en son article six-un qui énonce que la cause doit être entendue équitablement et dans un délai raisonnable et, de son protocole additionnel n°01 sur le respect du droit de propriété, puisque la société C risque d'être privée du droit de sa propriété commerciale et de deux biens immobiliers à Nice.
INFIRMER le jugement du Tribunal de Première Instance de MONACO du 26 mars 2015 R.4385 en ce qu'il a confirmé le désistement d'instance et d'action de la société C concernant son bail commercial,
CONDAMNER tout succombant aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'Appel, en ce compris tous frais et accessoires, frais d'huissiers, d'expertises et de traductions éventuelles distraits au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur sous sa due affirmation ».
Par conclusions dites sans pièce ni moyen déposées le 3 novembre 2015, Maître Richard MULLOT, pour la société C demande à la Cour de :
« - donner acte à l'avocat-défenseur soussigné qu'il se trouve sans pièce ni moyen pour assurer la défense de la société anonyme monégasque dénommée C, aux côtés de Maître Alain BAYLON, avocat au barreau de NICE, et dominus litis qu'il assiste,
- condamner tout succombant aux dépens dont distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Aux termes des conclusions qu'il a déposées le 18 novembre 2015, Monsieur A, ès-qualités de syndic à la cessation des paiements de la société anonyme monégasque dénommée C demande à la Cour de :
« - voir dire et juger que l'appel interjeté par la SAM C est irrecevable en l'état du dessaisissement de ladite société suite au jugement de conversion en liquidation des biens de la cessation des paiements intervenu le 26 mars 2015 -R4386-,
voir constater que le conseil de la SAM C se trouve sans pièce ni moyen,
voir confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Première Instance le 26 mars 2015 R4385, avec toutes conséquences de droit,
voir condamner la société anonyme monégasque dénommée C aux frais et dépens d'appel, en ce compris tous frais et accessoires, dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Monsieur A expose que selon jugement en date du 26 mars 2015, a été prononcée la conversion en liquidation des biens de la procédure de cessation des paiements de la SAM C et que cette décision, non frappée d'appel, est définitive.
Se prévalant de l'article 530 du Code de commerce, il considère que le débiteur ne peut poursuivre une action en justice sans l'assistance du syndic et qu'en conséquence, l'appel interjeté le 19 mai 2015 par la SAM C, sans l'assistance du syndic, est irrecevable.
Par conclusions déposées le 17 novembre 2015, l. BL., s. LE., a. BL., c. BL. et p. BL. demandent à la Cour de :
« - constater que Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, désigné par Ordonnance du 12 mai 2015 pour assister l'avocat plaidant de la SAM C, Maître Alain BAYLON, avocat au barreau de Nice, demeure sans pièce ni moyen pour assurer la défense de la SAM C,
En conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Première Instance en date du 26 mars 2015 (R.4385),
- condamner la SAM C à payer aux consorts BL. la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
- condamner la SAM C aux entiers dépens de première instance et d'appel au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Ils font valoir que la Cour ne peut que confirmer le jugement, l'avocat de la société appelante étant sans pièce ni moyen. Ils considèrent que l'appel, qui les a contraints à exposer des frais et honoraires pour assurer la défense de leurs droits, est abusif.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
1- Attendu qu'aux termes de l'article 530 du Code de commerce, dès l'ouverture de la procédure en liquidation des biens, le débiteur est dessaisi ;
Qu'il se déduit de ce texte qu'une société en procédure de liquidation des biens est représentée par son syndic ;
Attendu, au cas d'espèce, que par jugement en date du 26 mars 2015 (R.4386), le Tribunal de première instance a prononcé la conversion en liquidation des biens de la procédure de cessation des paiements de la SAM C, Monsieur A ayant été désigné comme syndic ;
Qu'il n'est pas justifié que ce jugement ait été frappé d'appel ;
Attendu qu'il est constant, au cas particulier, que l'appel a été relevé par la SAM C selon exploit d'assignation délivré le 19 mai 2015, soit postérieurement au jugement prononçant la liquidation de ses biens ;
Que cet appel a été formé par la seule société, « agissant poursuites et diligences de son Président Délégué en exercice », et non représentée par son syndic, lequel ne reprend pas l'appel à son compte ;
Attendu, en conséquence du principe ci-dessus rappelé, que l'appel sera déclaré irrecevable, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les demandes au fond ;
2- Attendu, par ailleurs, que l'exercice d'une voie de recours est un droit et que l'appréciation erronée qu'une partie peut faire de son droit à recours n'est pas, en elle-même, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'intention malveillante ou malicieuse ;
Qu'en conséquence, les consorts BL. LE., qui, en outre, ne justifient pas de leur préjudice, seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;
3- Attendu qu'en raison de sa succombance en cause d'appel, la SAM C sera condamnée aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO et de Maître Patricia REY, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare irrecevable, sur le fondement de l'article 530 du Code de procédure civile, l'appel formé par la SAM C contre le jugement rendu le 26 mars 2015 par le Tribunal de première instance,
Déboute les consorts BL. LE. de leurs demandes de dommages-intérêts,
Condamne la SAM C aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO et de Maître Patricia REY, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun en ce qui le concerne,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 26. JANVIER.2016, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Premier substitut du Procureur Général.