Cour d'appel, 15 décembre 2015, Maître Raoul Bernard S., Monsieur m. AL. et la Société A. c/ Monsieur g. LU. et Monsieur u. LU.
Abstract🔗
Obligation – Responsabilité contractuelle (non) – Responsabilité délictuelle (non)
Résumé🔗
L'inexécution par les intimés de leurs obligations contractuelles et les règlements qu'ils auraient perçus en contrepartie n'étant pas établis, la demande de condamnation formée à leur encontre doit être rejetée.
Le manquement commis dans l'exécution d'une obligation résultant d'une convention ne permet pas d'invoquer la responsabilité délictuelle du débiteur de l'obligation. Ce principe ne souffre d'aucune exception quand bien même le manquement contractuel allégué ne serait pas établi. En l'espèce la faute invoquée par l'appelant consiste dans un manquement à une obligation contractuelle, à l'exclusion de toute autre faute qu'il ne démontre d'ailleurs pas. Dans ces conditions, sa demande de condamnation qu'il forme à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité délictuelle, doit être rejetée.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2015
En la cause de :
- Maître Raoul Bernard S., mandataire judiciaire, demeurant 219 rue Duguesclin 69427 Lyon Cedex 03,
Pris en sa qualité de liquidateur de :
- Monsieur m. AL., de nationalité française, né le 5 février 1951 à Saint Martin en Haut (69), immatriculé au RCS de Lyon sous l'enseigne B. sous le n° X, demeurant X1 à Lyon (69005) ;
- La Société de droit français A., société à responsabilité limitée au capital de 210.000 euros dont le siège social est sis à Lyon (69005), X1, immatriculée au RCS de Lyon sous le n° X ;
Tous deux en liquidation judiciaire selon jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lyon du 12 mai 2015 prononçant la conversion en liquidation judiciaire de Monsieur m. AL., d'une part et selon, d'autre part, jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 12 mai 2015 prononçant l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL A.),
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Romain LAFFLY, avocat au Barreau de Lyon ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Monsieur g. LU., exerçant en nom personnel l'activité d'aide et d'assistance pour le compte de professionnels de l'édition et production de musique sous l'enseigne C., immatriculé au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro X, demeurant C/o X à Monaco ;
Non comparant, non représenté ;
Monsieur u. LU., exerçant en son nom personnel l'activité de chanteur-compositeur, d'aide et assistance dans le cadre d'évènements musicaux, sous l'enseigne C. immatriculé au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro X, n'étant plus domicilié au X - bloc B - 6ème étage n°6 B1 à Monaco depuis plus d'une année et sans domicile connu en Principauté de Monaco ;
Non comparant, non représenté ;
INTIMÉS,
d'autre part,
En présence de :
Monsieur le Procureur Général,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 11 juin 2015 (R.6076) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 14 septembre 2015 (enrôlé sous le numéro 2016/000024) ;
À l'audience du 27 octobre 2015, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties, le Ministère Public entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur Raoul, Bernard S., en sa qualité de liquidateur de Monsieur m. AL. et de la société de droit français A. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 11 juin 2015.
Considérant les faits suivants :
Par assignation du 17 mars 2015, m. AL. et la SARL de droit français A. ont sollicité la condamnation solidaire de g. et u. LU. au paiement de la somme de 212.470 euros augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 février 2015 et de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Au soutien de leurs demandes, ils exposaient qu'ils exerçaient une activité de publicité, organisation, production et vente de spectacles, qu'un contrat de cession du droit d'exploitation d'une prestation artistique avait été conclu le 27 août 2013, prévoyant la participation du chanteur u. LU. à une série de spectacles intitulée « Sacrée soirée, la tournée », qu'à titre d'avance les sommes de 79.125 euros et 83.345 euros avait été versées par chèques émis à l'ordre de la société C., et que par suite de l'annulation de la tournée initialement prévue et son remplacement par une autre tournée intitulée « Rendez-vous avec les Stars », l'avance avait été complétée par les sommes de 30.000 euros et 20.000 euros par chèques émis à l'ordre de la société C., mais que la prestation n'avait pas été exécutée par le chanteur et que malgré les demandes réitérées et la mise en demeure adressée, aucun remboursement n'est intervenu.
Les requérants fondaient leurs demandes sur les dispositions de l'article 1223 du Code civil.
Réassignés le 8 avril 2015, les défendeurs n'ont pas comparu.
Par jugement du 11 juin 2015, le Tribunal a débouté m. AL. et la SARL de droit français A. de leurs demandes.
Pour statuer ainsi le Tribunal a retenu qu'ils fondaient en réalité leur demande principale sur l'enrichissement sans cause des défendeurs à leur détriment, alors que l'action visait le remboursement de sommes versées en exécution d'un contrat.
Appel de la décision a été interjeté par Maître Raoul S., mandataire à la liquidation judiciaire de m. AL. et de la société de droit français A., le 14 septembre 2015.
Par assignation du même jour, l'appelant rappelle qu'en exécution d'un premier contrat en date du 27 août 2013, une première avance d'un montant de 79.125 euros a été versée le même jour, par chèque établi à l'ordre de la société C., suivie d'une deuxième avance d'un montant 83.345 euros, réglée dans les mêmes conditions le 18 décembre 2013.
Par suite de l'annulation de la tournée pour laquelle la participation du chanteur était sollicitée, il est indiqué que les parties ont décidé d'affecter les deux avances reçues au paiement de la participation du chanteur à une nouvelle tournée, pour laquelle il a reçu deux avances supplémentaires d'un montant de 30.000 euros le 4 octobre 2014, et d'un montant de 20.000 euros le 10 octobre 2014, les règlements étant intervenus par virements bancaires au profit de la société C..
Un nouveau contrat, tenant compte de l'annulation de la tournée initiale et de son remplacement par une nouvelle tournée, a été établi, mais n'a jamais été régularisé par u. LU., qui n'a pas non plus respecté ses engagements de participation à la tournée, malgré les sommes versées.
Maître Raoul S., ès-qualités, considère que l'existence des relations contractuelles entre les parties et l'étendue des obligations de u. LU. résultent des quatre versements intervenus, et qu'à défaut d'y avoir satisfait, il y a lieu à remboursement des sommes perçues, outre la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subi, lié aux frais de communication et d'affichages, inutilement exposé, et à la résistance abusive des intimés.
Il demande en conséquence la réformation du jugement et fondant ses demandes de condamnation solidaire à titre principal sur la responsabilité contractuelle, subsidiairement invoquant un comportement fautif des intimés, sur le fondement de leur responsabilité délictuelle, il sollicite de la Cour qu'elle prononce :
- la condamnation solidaire de g. LU. et u. LU. à rembourser à la SARL A. la somme de 212.470 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 février 2015,
- la condamnation solidaire de g. LU. et u. LU. à verser à m. AL. et à la SARL A. la somme 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- et leur condamnation aux dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie LAVAGNA.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que l'appel régulièrement formé dans les conditions de forme et de fond prévues par le Code de procédure civile doit être déclaré recevable ;
Sur le fond :
Attendu qu'il résulte des pièces produites, qu'un contrat de cession du droit d'exploitation d'une prestation artistique pour « Sacrée soirée la tournée » a été signé entre d'une part, u. LU. et une société C. domiciliée à Monaco et représentée par g. LU., désignés comme étant « le vendeur », et d'autre part la société A., de droit français, représentée par m. AL., désigné comme étant « l'acheteur » ;
Attendu que ce contrat prévoit la fourniture de prestations par u. LU. et ses modalités, dans le cadre du spectacle « Sacrée soirée la tournée », moyennant le versement par la société A. de la somme de 7.385 euros T. T. C pour jour de spectacle, payable par chèque à l'issue de chaque série de représentations, sur présentation d'une facture de la société C., avec déduction progressive de l'avance de 154.000 euros H. T, payée au moyen de deux chèques remis à la signature du contrat, le premier de 75.000 euros encaissable le 1er août 2013, le second d'un montant de 79.000 euros encaissable le 30 novembre 2013 ;
Attendu que l'article 13 du contrat prévoit la suspension ou l'annulation de plein droit du contrat et sans indemnité d'aucune sorte dans tous les cas reconnus de force majeure, à l'exclusion de toute autre cause ;
Attendu enfin qu'il est mentionné in fine que les exemplaires du contrat devront être parvenus au vendeur signés avant le 30 juin 2013 pour être considérés comme valable et à peine de nullité de plein droit, mais qu'il convient de constater que la signature du contrat par le vendeur est intervenue à une date non précisée, tandis que la régularisation par l'acheteur est intervenue le 27 août 2013 ;
Attendu que l'appelant déclare que les sommes prévues à titre d'avance ont été réglées et produit la copie d'un chèque établi le 27 août 2013 à l'ordre de la société C. d'un montant de 79.125 euros, correspondant au montant TTC du premier acompte prévu, un document à l'entête de la société C. en date du 30 novembre 2013, adressé à la société A., se rapportant à la seconde avance d'un montant TTC de 83.345 euros, et un document intitulé « Relevé et informations bancaires » mentionnant le règlement d'une somme d'un montant équivalent intervenu le 19 décembre 2013, au moyen d'un chèque ;
Attendu qu'un deuxième contrat de cession entre les mêmes parties est produit, concernant la tournée « Rendez-vous avec les Stars » du 18 octobre 2014 au 13 juin 2015 et prévoit, s'agissant des conditions financières et des modalités de paiement, que l'avance de 154.000 euros versées dans le cadre de la tournée « Sacrée soirée », qui a été annulée, est reportée sur la tournée objet du contrat et que le solde, soit 168.000 euros HT sera versé à sa signature, au moyen d'un chèque encaissable le 30 juin 2014, le règlement intervenu devant rester acquis au vendeur en cas d'annulation de la tournée par manque de public ;
Attendu que ce contrat, qui prévoit que les exemplaires devront être parvenus au vendeur signés avant le 27 février 2014 pour être considéré comme valable et à peine de nullité de plein droit, n'a pas été signé par les parties ;
Attendu que l'appelant produit deux justificatifs de virement au bénéfice de la société C., intervenu le premier le 4 octobre 2014, pour un montant de 30.000 euros, et le second le 10 octobre 2014 pour un montant de 20.000 euros ;
1°- La demande de condamnation fondée sur la responsabilité contractuelle :
Attendu qu'aux termes de l'article 997 du Code civil, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ;
Attendu par ailleurs qu'il résulte de l'article 1001 du Code civil, que les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation ;
Attendu que l'appelant se prévaut d'une mise en demeure adressée le 25 février 2015 à la « SARL C. », invoquant un défaut d'exécution par u. LU. de ses engagements, et sollicitant le remboursement de la somme de 214.470 euros, perçue à titre d'avance ;
Mais attendu que le défaut d'exécution allégué ne résulte pas des pièces produites ;
Attendu en effet, qu'il convient de constater en premier lieu qu'aucun élément ne vient confirmer la tenue des représentations prévues dans le cadre de la tournée « Rendez-vous avec les Stars » ;
Attendu qu'il n'est pas davantage justifié qu'u. LU. aurait été défaillant à l'occasion de ces spectacles ;
Attendu que l'engagement même d u. LU., pour sa participation aux spectacles de la tournée « Rendez-vous avec les Stars » ne résulte pas des pièces produites ;
Attendu en effet que le contrat par lequel il se serait engagé n'a pas été signé par les parties ;
Attendu que sa volonté de s'engager ne saurait être déduite des règlements de 30.000 euros et 20.000 euros intervenus au mois d'octobre 2014 au bénéfice de la société C., qu'aucune disposition contractuelle ne prévoit et qui pourraient avoir eu une toute autre cause ;
Attendu par ailleurs que la preuve du règlement de la somme de 79.125 euros, correspondant au montant d'une avance, versée en exécution du premier contrat, lequel a été signé, ne résulte pas de la seule copie d'un chèque de ce montant, sans qu'il ne soit autrement justifié que la somme qu'il mentionne a effectivement été perçue par le bénéficiaire du chèque, qui en l'espèce ne semble correspondre à aucune entité juridique mais à une enseigne, sous le nom de laquelle exercent u. et g. LU. ;
Attendu que la preuve du règlement de la somme de 83.345 euros au bénéfice des intimés ne résulte pas non plus du relevé des informations bancaires concernant le compte de la société A., mentionnant le débit de cette somme au profit d'un bénéficiaire dont l'identité est inconnue ;
Attendu que l'inexécution par les intimés de leurs obligations contractuelles et les règlements qu'ils auraient perçus en contrepartie n'étant pas établis, la demande de condamnation formée à leur encontre doit être rejetée ;
2°- La demande de condamnation fondée sur la responsabilité délictuelle :
Attendu que le manquement commis dans l'exécution d'une obligation résultant d'une convention ne permet pas d'invoquer la responsabilité délictuelle du débiteur de l'obligation ;
Attendu que ce principe ne souffre d'aucune exception quand bien même le manquement contractuel allégué ne serait pas établi ;
Attendu qu'en l'espèce la faute invoquée par l'appelant consiste dans un manquement à une obligation contractuelle, à l'exclusion de toute autre faute qu'il ne démontre d'ailleurs pas ;
Attendu que dans ces conditions, sa demande de condamnation qu'il forme à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité délictuelle, doit être rejetée ;
Attendu en conséquence que le jugement qui a débouté m. AL. et la société A., aujourd'hui représentés par Maître Raoul S., mandataire judiciaire, de leur demande en paiement de la somme en principal de 212.470 euros, et de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive doit être confirmé ;
Attendu que Maître Raoul S., ès-qualités, qui succombe en son appel sera condamné aux dépens de la procédure ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant par défaut,
Reçoit Maître Raoul S., mandataire judiciaire, en son appel,
Le déclare mal fondé,
Confirme le jugement du 11 juin 2015 en toutes ses dispositions,
Condamne Maître Raoul S., mandataire judiciaire aux dépens de la présente instance,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 15 DÉCEMBRE 2015, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général.