Cour d'appel, 7 décembre 2015, Ministère public c/ s. AL. MI.
Abstract🔗
Procédure pénale - Usage de faux document administratif - Extinction de l'action publique - Prescription - Point de départ du délai de prescription - Délit instantané - Relaxe
Résumé🔗
C'est à bon droit que le prévenu a été relaxé du chef d'usage de faux document délivré par une administration publique en vue de constater une identité ou une qualité. En effet, s'agissant d'un délit instantané, il se prescrit par trois ans à compter du jour où le délit a été commis, chaque fait positif d'usage renouvelant l'infraction et faisant ainsi courir un nouveau délai de prescription. Or, en l'espèce, le prévenu est poursuivi pour avoir fait usage d'une fausse carte d'identité française dans le courant de l'année 2006 alors que les poursuites pénales ont été engagées en mai 2015. La prescription de l'action publique était donc acquise.
Motifs🔗
Cour d'appel correctionnelle
Dossier PG n° 2015/000709
ARRÊT DU 7 DECEMBRE 2015
En la cause du :
MINISTÈRE PUBLIC ;
APPELANT,
Contre :
s. AL. MI., né le 18 mai 1976 à Mitsamiouli (Comores), d'Ali MI. et de Baraka SA., de nationalité comorienne, balayeur, demeurant X à Nice (06000) ;
DÉFAILLANT
Prévenu de :
USAGE DE FAUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
INTIMÉ,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 9 novembre 2015 ;
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de première instance jugeant correctionnellement le 7 juillet 2015 ;
Vu l'appel interjeté à titre principal par le Ministère public le 15 juillet 2015 ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 6 août 2015 ;
Vu la citation suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 septembre 2015 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï Virginie ZAND, Conseiller, en son rapport ;
Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;
Nul pour s. AL. MI. ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement en date du 7 juillet 2015, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :
« D'avoir à MONACO, à compter de juin 2012 jusqu'au 8 mai 2015, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,
- fait usage, notamment auprès du Service de l'Emploi, d'un faux document délivré par une administration publique en vue de constater une identité et une qualité, en l'espèce une carte d'identité française n° 070392200392 délivrée le 5 mars 2007 par la Préfecture des Hauts de Seine »
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 chiffre 3, 27 et 97 du Code pénal ;
- relaxé s. AL. MI. des fins de la poursuite sans peine ni dépens ;
- laissé les frais à la charge du Trésor.
Le Ministère public a interjeté appel principal de ladite décision le 15 juillet 2015.
Considérant les faits suivants :
Le 22 avril 2015, la Direction de la Sûreté Publique était avisée d'une demande d'informations émanant de la Police nationale française auprès de la Société Monégasque B. concernant l'un des employés de la société nommé s. AL. MI., lequel ferait l'objet d'une instruction du parquet de Nice relative à l'usage d'une fausse pièce d'identité française.
Convoqué par les services de la Sûreté Publique, il était entendu le 8 mai 2015, sous le régime de la garde à vue.
Il déclarait être de nationalité comorienne, être arrivé en France dans le courant de l'année 2002, et avoir obtenu d'une connaissance, successivement deux fausses cartes d'identité française, la première en 2005, mentionnant un délai de validité expirant fin 2006, et la seconde en 2007.
Il reconnaissait avoir fait usage du premier document, pour obtenir l'autorisation de travailler à Monaco, ce qui lui avait permis d'occuper des emplois successifs depuis le mois de mars 2006.
Déféré devant le magistrat de permanence du Parquet Général, s. AL. MI. a comparu suivant procès-verbal de notification du 8 mai 2015 à l'audience du Tribunal correctionnel du 7 juillet 2015 pour avoir :
« À MONACO, à compter de juin 2012 jusqu'au 8 mai 2015, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,
- fait usage, notamment auprès du Service de l'Emploi, d'un faux document délivré par une administration publique en vue de constater une identité et une qualité, en l'espèce une carte d'identité française n°070392200392 délivrée le 05 mars 2007 par la Préfecture des Hauts de Seine,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 chiffre 3, 27 et 97 du Code Pénal » ;
À l'audience, s. AL. MI. a expliqué que la nécessité de travailler l'avait conduit à commettre les faits reprochés et qu'il est désormais sans emploi depuis son licenciement de la SMA le 11 mai 2015.
Aucune mention ne figure à son casier judiciaire monégasque.
Par jugement du 7 juillet 2015, s. AL. MI. a été relaxé des fins de la poursuite.
Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que l'usage de la fausse carte est intervenu antérieurement à la période de prévention, retenue pour tenir compte des délais de prescription.
Le Parquet général a interjeté appel du jugement le 15 juillet 2015.
À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, le prévenu n'était ni présent, ni représenté.
Le Ministère public a indiqué s'en rapporter à l'appréciation de la Cour.
SUR CE,
Attendu que l'appel du Ministère public, interjeté dans les formes et délais prévus par la loi est recevable ;
Attendu que le délit d'usage de faux implique nécessairement un acte positif d'usage d'une fausse pièce ;
Attendu que la circonstance que la fausse pièce continue à être détenue par le prévenu est indifférente et ne caractérise pas l'élément matériel de l'infraction ;
Attendu par ailleurs, qu'en application des dispositions de l'article 13 du code de procédure pénale l'action publique résultant du délit d'usage de faux, délit instantané, se prescrit par trois ans à compter du jour où le délit a été commis, chaque fait positif d'usage renouvelant l'infraction faisant courir un nouveau délai de prescription, sans que le point de départ de ce délai puisse être reporté au jour de découverte de l'infraction ;
Attendu en l'espèce, que s. AL. MI. ne conteste pas avoir fait usage, dans le courant de l'année 2006, d'une fausse pièce d'identité française pour obtenir l'autorisation de travailler à Monaco ;
Attendu que s'agissant de ce fait d'usage, à la date des poursuites, le 8 mai 2015, la prescription était acquise ;
Attendu qu'il ne résulte pas de la procédure et des débats, que s. AL. MI. ait fait usage de la fausse pièce d'identité postérieurement à cette date, et spécifiquement aux dates visées dans la prévention, soit entre juin 2012 et le 8 mai 2015 ;
Attendu en conséquence que le jugement qui l'a relaxé des fins de la poursuite sera confirmé ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et par défaut,
Confirme le jugement du 7 juillet 2015 ;
Laisse les frais du présent arrêt à la charge du Trésor ;
Composition🔗
Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le neuf novembre deux mille quinze, qui se sont tenus devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier Substitut du Procureur général, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier ;
Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;
Lecture étant donnée à l'audience publique du sept décembre deux mille quinze par Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier Substitut du Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.