Cour d'appel, 14 octobre 2015, La Société A c/ M. A RO.

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Abstract🔗

Qualité pour agir – Convention – Dénaturation (non) – Pouvoir souverain d'interprétation

Résumé🔗

La société fait grief à l'arrêt de dire irrecevables ses demandes, faute de qualité pour agir, alors, selon le moyen, « que la convention du 22 juin 2009 signée entre les avocats associés de la société A en voie de constitution dont Thomas RI., membre d'une ancienne structure d'exercice B fusionnant avec la société A, mentionne clairement que les bilans des anciens cabinets des avocats concernés ont fusionné, qu'ils ont chacun listé la liste de leurs débiteurs respectifs, parmi lesquels figurent les factures litigieuses et que les débiteurs existants apportés (« débiteurs antérieurs ») sont également apportés dans la fusion, et la société anonyme devient le nouveau créancier de ces débiteurs. Il en résulte clairement que les avocats constituant la nouvelle entité entendaient lui apporter les créances dont ils étaient bénéficiaires avant la fusion. La Cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 989 du Code civil ». Mais la convention du 22 juin 2009 n'est pas produite ; il s'ensuit que le moyen tiré d'une dénaturation, dépourvu de justification, n'est pas recevable de ce chef.

Après avoir reproduit partiellement le contenu de la convention du 22 juin 2009, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation des termes ambigus de ce document, et d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la Cour d'appel a considéré que, s'il est justifié du fait que la société A est bien issue de la transformation de la société en nom collectif A and Partner en société anonyme, il n'est nullement établi que B, auteur des factures litigieuses, aurait été intégrée dans la société en nom collectif A, ensuite transformée en société anonyme, aucune pièce n'étant produite relativement à cette prétendue intégration, et que ladite convention était insuffisante à démontrer l'existence d'une fusion en amont de la transformation en société anonyme, entre les deux sociétés A et B. En l'état de ces constatations et appréciations, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision.

La transmission des droits et actions de la société B à la société A n'étant pas établie, le moyen tiré de la validité éventuelle de sa signification au débiteur prétendument cédé est sans objet.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2015-29 en session

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2015

En la cause de :

  • - Société A, société anonyme de droit suisse ayant son siège social X Zurich (Suisse), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Zurich sous le n° X, agissant poursuites et diligences de son président du conseil d'administration en exercice, M. H RI., demeurant et domicilié en cette qualité à ladite adresse ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Claire WAQUET avocat aux conseils ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

  • - M. A RO., demeurant X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

  • - l'arrêt rendu le 20 janvier 2015 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, signifié le 20 février 2015 ;

  • - la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 20 mars 2015, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la société A ;

  • - le récépissé délivré par un organisme privée chargé de la gestion d'un service public E sous le n° X, en date du 20 février 2015, attestant du dépôt par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la société demanderesse, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

  • - la requête déposée le 20 avril 2015 au greffe général, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la société A, signifiée le même jour ;

  • - la contre-requête déposée le 19 mai 2015 au greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de M. A RO., signifiée le même jour ;

  • - les conclusions du Ministère Public en date du 26 mai 2015 ;

  • - le certificat de clôture établi le 28 mai 2015, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 12 octobre 2015 sur le rapport de M. Jean-Pierre GRIDEL, conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte en date du 28 décembre 2010, la société anonyme suisse d'avocats A (la société), dans laquelle Maître Thomas RI. est associée, créée le 15 juin 2009 et se disant aux droits de la société B RI. et Burger, a assigné M. RO. en paiement d'une somme de 143.049,20 francs suisses, soit 107.063 euros, total de factures jamais acquittées, émises entre le 30 octobre 2007 et le 20 avril 2009 ; que par jugement du 20 janvier 2013, le Tribunal de première instance a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société demanderesse et condamné M. RO. au paiement des sommes réclamées ; que par arrêt du 20 janvier 2015 la Cour d'appel, réformant partiellement le jugement, a accueilli la fin de non-recevoir ;

  • Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire irrecevables ses demandes, faute de qualité pour agir, alors, selon le moyen, « que la convention du 22 juin 2009 signée entre les avocats associés de la société A en voie de constitution dont H RI., membre d'une ancienne structure d'exercice B fusionnant avec la société A, mentionne clairement que les bilans des anciens cabinets des avocats concernés ont fusionné, qu'ils ont chacun listé la liste de leurs débiteurs respectifs, parmi lesquels figurent les factures litigieuses et que les débiteurs existants apportés (« débiteurs antérieurs ») sont également apportés dans la fusion, et la société anonyme devient le nouveau créancier de ces débiteurs ; qu'il en résulte clairement que les avocats constituant la nouvelle entité entendaient lui apporter les créances dont ils étaient bénéficiaires avant la fusion ; que la Cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 989 du Code civil » ;

Mais attendu que la convention du 22 juin 2009 n'est pas produite ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré d'une dénaturation, dépourvu de justification, n'est pas recevable de ce chef ;

  • Et sur le même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que la société adresse le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, d'une part, que « la société A invoquait à l'appui de sa demande les pièces annexées à la convention du 22 juin 2009, dont la liste des créances de la fusion sur laquelle figurait la créance B invoquée dans la présente instance ; qu'en s'abstenant totalement de s'expliquer sur ces documents susceptibles d'éclairer la convention du 22 juin 2009 et de démontrer la cession de créance de B à la nouvelle structure A au sein de laquelle elle a fusionné, la Cour d'appel a en toute hypothèse privé sa décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; et alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le fait que les changements de structure d'exercice de Maître RI. (exercice seul, puis exercice dans une SA d'avocats) entraînaient nécessairement la reprise de son cabinet et le transfert de ses créances sur ses clients, au profit de la dernière structure, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ;

Mais attendu qu'après avoir reproduit partiellement le contenu de la convention du 22 juin 2009, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation des termes ambigus de ce document, et d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la Cour d'appel a considéré que, s'il est justifié du fait que la société la société A est bien issue de la transformation de la société en nom collectif A and Partner en société anonyme, il n'est nullement établi que B, auteur des factures litigieuses, aurait été intégrée dans la société en nom collectif A, ensuite transformée en société anonyme, aucune pièce n'étant produite relativement à cette prétendue intégration, et que ladite convention était insuffisante à démontrer l'existence d'une fusion en amont de la transformation en société anonyme, entre les deux sociétés A et B; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

  • Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, d'une part que « l'assignation devant le Tribunal de première instance mentionne expressément que A, agit pour le compte de son associé, M. H RI., en règlement des honoraires dus à cet avocat par son client, M. RO. ; que cette indication était de nature à révéler sans aucune ambiguïté possible que M. RI. exerçait désormais son activité au sein d'une nouvelle structure à laquelle il avait cédé ses créances sur ses clients ; que la Cour d'appel en considérant que cet acte n'emportait pas signification du transport de créance au débiteur, M. RO., l'a dénaturé et a violé l'article 989 du Code civil », et alors, d'autre part, que, « lorsqu'un litige naît entre deux parties, litige pour lequel la représentation est obligatoire, la signification des conclusions de l'avocat de l'une des parties à l'avocat de l'autre équivaut à la signification à personne des moyens qui y sont invoqués ; qu'en signifiant à l'avocat de M. RO. ses conclusions par lesquelles il faisait valoir que l'assignation avait emporté signification de la cession de créance à M. RO., l'avocat de A a nécessairement signifié à ce dernier la cession de créance dans des formes satisfaisant aux exigences de l'article 1530 du Code civil ; que la Cour d'appel a donc violé ce texte, outre les articles 427 et 430 du Code de procédure civile » ;

Mais attendu que la transmission des droits et actions de la société B à la société A n'étant pas établie, le moyen tiré de la validité éventuelle de sa signification au débiteur prétendument cédé est sans objet ; que le moyen est inopérant ;

  • Et sur la demande de dommages-intérêts de Monsieur RO. :

Attendu que Monsieur RO., défendeur au pourvoi, sollicite la condamnation de de la société A AG à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article 459-4 de procédure civile ;

Mais attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause énoncées ci-dessus, la société A AG n'a pas abusé de son droit de se pourvoir en révision ; qu'il n'y a lieu à condamnation de ce chef ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Rejette la demande de dommages-intérêts de Monsieur A RO. ;

Condamne la société anonyme suisse d'avocats A à l'amende et aux dépens dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le quatorze octobre deux mille quinze, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Roger BEAUVOIS, premier-président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles Monsieur Charles BADI, chevalier de l'ordre de Saint-Charles et Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, rapporteur, conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

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