Cour d'appel, 29 septembre 2015, La Sarl A et autres c/ La Société S et autre

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Abstract🔗

Transaction – Qualification (non)

Résumé🔗

La SARL A, ainsi que Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, sollicitent le règlement du solde de la facture d'honoraire n° 1 mise à jour et de la facture d'honoraire n° 4 au titre de la mission d'architecte confiée par les sociétés S et S1. Ces dernières ne contestent pas avoir confié cette mission à la SARL A, mais opposent à titre principal, que fin septembre 2009, il a été mis fin à la mission d'architecte et qu'elles ont versé la somme de 35.880 euros à titre de règlement complet et définitif de toutes sommes susceptibles d'être réclamées par la SARL A en invoquant l'existence d'un accord transactionnel intervenu par échanges de courriels entre les parties le 22 octobre 2010. Compte tenu des éléments de l'espèce, le Tribunal a justement considéré que cet accord valait transaction et a débouté par conséquent, la SARL A et Maîtres n. TH. et p. GA. ès-qualités de toutes leurs demandes, a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire ordonnée, les a débouté de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et a dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande subsidiaire des sociétés intimées en restitution du trop-versé à la SARL A.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2015

En la cause de :

  • 1 - La société de droit français à responsabilité limitée A, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Cannes sous le n° X, dont le siège social est sis X1 à Cannes, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, Monsieur Michel HA., domicilié en cette qualité audit siège,

  • 2 - Maître n. TH., administrateur judiciaire de la SARL A, nommé en ses fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de Cannes du 15 février 2014, demeurant et domiciliée 1 rue Alexandre Mari à Nice (06000),

  • 3 - Maître p. GA., mandataire judiciaire de la SARL A, nommé en ses fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de Grasse du 18 février 2014, demeurant et domicilié à Mougins (06254), 700 rue de Tournamy, BP 1103,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

  • 1 - La société de droit des Iles Vierges Britanniques dénommée S, dont le siège social est X2 - Tortola VG 1110 (Iles Vierges Britanniques) prise en la personne de son administrateur en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

  • 2 - La société de droit des Iles Vierges Britanniques dénommée S1, dont le siège social est X2 - Tortola VG 1110 (Iles Vierges Britanniques) prise en la personne de son administrateur en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Donald MANASSE, avocat au Barreau de Nice ;

INTIMÉES,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 20 novembre 2014 (R.1352) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 12 janvier 2015 (enrôlé sous le numéro 2015/000083) ;

Vu les conclusions déposées les 17 mars et 16 juin 2015 par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom des sociétés S et S1 ;

Vu les conclusions déposées le 5 mai 2015 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SARL A, de Maître n. TH. et de Maître p. GA. ;

À l'audience du 23 juin 2015, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SARL A, Maître n. TH. et Maître p. GA. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 20 novembre 2014.

Considérant les faits suivants :

La SARL A a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les meubles garnissant les deux appartements des sociétés de droit des Iles Vierges Britanniques dénommées S et S1 qui lui avaient précédemment confié une mission d'architecte pour la rénovation comportant la réunion de leurs deux appartements respectifs.

Sur assignation du 7 juin 2013 délivrée par la SARL A à l'encontre des sociétés S et S1 en validation de cette saisie conservatoire, le Tribunal de Première Instance, par jugement du 10 juillet 2014, a ordonné la mise en cause de Maître p. GA. ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL A, placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Cannes en date du 18 février 2014.

Par jugement du 20 novembre 2014, le Tribunal de Première Instance a statué comme suit :

  • - Déclare recevable les interventions volontaires de Maître n. TH. ès-qualités d'administrateur judiciaire et Maître p. GA. ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL A,

  • - Déboute la SARL A et Maîtres n. TH. et p. GA. ès-qualités de l'ensemble de leurs demandes,

  • - Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire autorisée par la Chambre du Conseil de la Cour d'appel par arrêt du 30 janvier 2013,

  • - Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande subsidiaire des sociétés S et S1,

  • - Déboute les sociétés S et S1 de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • - Met les dépens à la charge de la procédure collective de la SARL A y compris ceux réservés par jugement du 10 juillet 2014, avec distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

Par exploit en date du 12 janvier 2015 la SARL A et Maîtres n. TH. et p. GA. ès-qualités ont régulièrement interjeté appel du jugement entrepris à l'effet de le voir réformer et ont repris les mêmes demandes aux termes de conclusions déposées le 5 mai 2015 en ce sens :

  • « Dire et juger l'appel parte in qua régulier en la forme et bien fondé,

Par suite :

  • Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

    • débouté la SARL A et Maîtres n. TH. et p. GA. ès-qualités, de l'ensemble de leurs demandes ;

    • ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire,

    • autorisée par la Chambre du Conseil de la Cour d'Appel par arrêt du 30 janvier 2013 ;

    • mis les dépens à la charge de la procédure collective de la SARL A.

Et statuant à nouveau :

  • Condamner les sociétés S et S1 à payer chacune la somme de 51.390 euros TTC à la SARL A, assortie des intérêts légaux à compter du 10 janvier 2012,

  • Condamner solidairement les sociétés S et S1 à régler à la SARL A une somme de 144.947,36 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture abusive des relations contractuelles,

  • Condamner solidairement les sociétés S et S1 à régler à la SARL A une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

  • Déclarer régulière, bonne et valable la saisie conservatoire autorisée par l'arrêt de la Chambre du Conseil de la Cour d'Appel du 30 janvier 2013, pratiquée par Maître ESCAUT-MARQUET le 26 mars 2013,

  • Convertir cette saisie conservatoire en saisie-exécution,

  • Débouter les sociétés S et S1 de l'intégralité de leurs demandes,

  • Condamner les sociétés S et S1 aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

Aux motifs essentiellement que :

  • - SARL A a été mandatée par ces deux sociétés -dont le bénéficiaire économique est Monsieur r. CH.- propriétaires de deux appartements dans l'immeuble S2, pour les rénover et les réunir en un seul, à charge pour chacune de régler la moitié des honoraires qui devaient être de 459.000 euros, correspondant à 17% du coût total des travaux fixé à 2.700.000 euros, le règlement des honoraires devant intervenir au moyen de 19 mensualités de 12.079 euros, que chacune des sociétés devait payer à compter du mois d'octobre 2008 jusqu'au mois de mai 2010, période correspondant à la durée des travaux,

  • - en cours de chantier, les intimées ont décidé de mettre fin à la mission, si bien qu'elle a stoppé ses diligences au 31 octobre 2009, le solde restant dû par chacune des sociétés s'élevant à la somme qu'elle réclame,

  • - elle les a mis en demeure de régler cette somme, mais elles ont fait état d'un accord étant intervenu pour fixer le solde de tout compte à la somme de 35.880 euros par courriel du 22 octobre 2010, ce qui est contesté fermement au motif que cet accord concerne d'autres projets,

  • - cet échange de mail ne peut valoir transaction, étant observé que la mention « S/S1 » a été ajoutée sur le courriel produit car elle ne figurait pas à l'origine, alors qu'il n'existe pas de concessions réciproques, d'autant que lui était due au total la somme de 236.731 euros au titre des projets Monaco, Thaïlande et Singapour,

  • - elle n'a pas pu accepter une transaction pour 30.000 euros, cette somme correspond à un règlement partiel des factures relatives aux projets asiatiques, ainsi que le confirment le courriel du 12 avril 2010 et la TVA de 19,6% (alors qu'elle est de 5,5% à Monaco, s'agissant de la réfection complète de locaux à usage d'habitation de plus de deux ans,

  • - les sociétés S et S1 ne peuvent donc pas se prévaloir du projet de contrat d'architecte qui n'a pas été signé par elles,

  • - il ressort du mail du 11 novembre 2008 que ses honoraires devaient être calculés sur la base de 459.000 euros, s'agissant d'un honoraire fixe prévu et pas par pourcentage selon l'avancement des travaux ; qu'ainsi les sociétés S et S1 ont effectué un premier versement à titre d'acompte de 60.000 euros HT, soit 63.000 euros TTC et suite à des règlements de 12.079 euros HT de juin à septembre 2009 en exécution de l'accord intervenu, qui constituent à eux seuls la preuve de l'existence de cet accord,

  • - elle a parfaitement exécuté sa mission sans que les sociétés intimées n'aient eu à se plaindre, la contestation n'intervenant que le 13 novembre 2012, soit quatre années après l'exécution de sa mission,

  • - elle a subi un préjudice du fait de la rupture abusive du contrat, la prise en charge de cette mission ayant nécessité l'affectation à plein temps de quatre salariés, alors que les sociétés intimées n'avaient jamais eu à se plaindre de ses services, si bien qu'est demandé en réparation le montant des honoraires forfaitaires dont elles auraient dû s'acquitter jusqu'au terme du contrat en l'absence de résiliation fautive,

  • - la demande reconventionnelle de remboursement d'un trop-perçu est mal fondée.

Par conclusions en date des 17 mars et 16 juin 2015, les sociétés S et S1 demandent à la Cour la confirmation du jugement et de débouter les appelantes de leurs demandes comme suit :

  • « Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL A, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités respectivement d'administrateur et de mandataire judiciaire de la SARL A ;

Par conséquent :

  • Dire et juger qu'en vertu de l'accord conclu entre les parties le 22 octobre 2010, la SARL A a perçu des sociétés S et S1, la somme de 35.800 euros TTC, à titre de règlement complet et définitif de toutes les réclamations d'ordre contractuel ou autres, ainsi que des droits d'action dont la SARL A et/ou son gérant disposeraient, à l'encontre notamment des sociétés S et S1.

  • Dire et juger qu'en vertu de cet accord, les sociétés S et S1 ne sont plus redevables d'aucune somme à l'égard de la SARL A, au titre de la mission d'architecte qui lui a été confiée par les sociétés S et S1, pour la rénovation de leur appartement situé à Monaco.

  • Débouter la SARL A, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, en ce compris leur demande tendant à voir valider la saisie conservatoire que la SARL A a faite pratiquer le 26 mars 2013 en vertu d'un arrêt rendu par la Chambre du Conseil de la Cour d'Appel du 30 janvier 2013.

Subsidiairement :

  • Dire et juger que la SARL A, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, ne rapportent pas la preuve de l'engagement des sociétés S et S1 à régler à la SARL A la somme de 459.000 euros en 19 mensualités, chacune, de 12.079 euros.

  • Dire et juger que la SARL A, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, ne rapportent pas la preuve de l'étendue des prestations que la SARL A prétend avoir réalisées.

  • Dire et juger que la SARL A, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, ne justifient pas que la SARL A détient une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre des sociétés S et S1.

  • Par conséquent, débouter la SARL A, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, en ce compris leur demande tendant à voir valider la saisie conservatoire que la SARL A a faite pratiquer le 26 mars 2013 en vertu d'un arrêt rendu par la Chambre du Conseil de la Cour d'Appel du 30 janvier 2013.

  • Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés S et S1 de leurs demandes reconventionnelles ;

Par conséquent :

  • Dire et juger que la SARL A a reçu des sociétés S et S1, un trop perçu de 82.607,97 euros et, subsidiairement, de 76.236,76 euros ;

  • Constater que la SARL A doit rembourser aux sociétés S et S1 la somme de 82.607,97 euros et, subsidiairement, de 76.236,76 euros ;

  • Constater la créance des sociétés S et S1, à concurrence de la somme de 82.607,97 euros et, subsidiairement, à concurrence de celle de 76.236,76 euros ;

  • Fixer la créance des sociétés S et S1, au passif de la SARL A, à la somme de 82.607,97 euros et, subsidiairement, à celle de 76.236,76 euros ;

  • Dire et juger que cette créance à concurrence de la somme de 82.607,97 euros et, subsidiairement, à concurrence de celle de 76.236,76 euros, sera inscrite au passif de la SARL A ;

En tout état de cause,

  • Constater que la SARL A doit verser aux sociétés S et S1 la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • Constater la créance des sociétés S et S1 à concurrence de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • Fixer la créance des sociétés S et S1 au passif de la SARL A, à concurrence de la somme de 50.000 euros, à titre de dommages et intérêts ;

  • Dire et juger que cette créance de 50.000 euros, à titre de dommages et intérêts, sera fixée au passif de la SARL A ;

  • Dire et juger que la SARL A, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, ne rapportent pas la preuve d'une résiliation fautive et/ou brutale par les sociétés S et S1 de ses relations avec la SARL A ;

  • Dire et juger que la société NBMH ARCHITECTES, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, ne rapportent pas la preuve d'une quelconque résistance abusive de la part des sociétés S et S1 ;

  • Débouter la SARL A, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, de l'ensemble de leurs demandes dont celles tendant à l'allocation de dommages et intérêts pour résiliation abusive et résistance abusive ;

  • Condamner la SARL A, Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, Avocat-défenseur sous sa due affirmation ».

Aux motifs essentiellement que :

  • - leur société mère est la société G ; elles ont effectivement confié à la SARL A une mission d'architecte qui a débuté en octobre 2008 pour la rénovation comportant la réunion de leurs deux appartements respectifs en un seul,

  • - il a été mis fin à cette mission à la fin du mois de septembre 2009, et au titre de l'exécution de cette mission, elles ont payé une somme totale de 264.426,76 euros TTC à titre d'honoraires, comprenant un dernier versement de 35.880 euros TTC effectué à titre de règlement complet et définitif de toutes sommes susceptibles d'être réclamées par la SARL A et ce, conformément aux termes d'un accord transactionnel intervenu entre les parties le 22 octobre 2010,

  • - plus de 14 mois après la conclusion et l'exécution de cet accord, la SARL A, prétendant qu'elles lui seraient redevables de la somme de 51.390,11 euros TTC chacune, leur a adressé une mise en demeure en ce sens,

  • - la transaction intervenue le 22 octobre 2010 résulte d'un échange de mails concernant la société G et ses sociétés affiliées, ce qui les inclut comme bénéficiaires de cet accord, s'agissant d'une offre de paiement de la somme de 30.000 euros que la SARL A a acceptée en formulant une seule observation sur la majoration de la somme du montant de la TVA à 19,6%, qui a également été acceptée,

  • - cet accord ne se limite pas aux marchés de travaux asiatiques en ce que la TVA applicable serait de 19,6% et non de 5,5%, comme indiqué sur les factures relatives à la mission d'architecte confiée pour la rénovation des deux appartements à Monaco dès lors que les prestations réalisées en Asie ne sont pas assujetties à la TVA,

  • - la SARL A a assujetti ses honoraires au taux de 5.5% comme cela résulte d'un courriel adressé le 3 février 2011,

  • - aucun formalisme particulier n'est imposé à la transaction, l'écrit sous forme électronique est admis comme mode de preuve,

  • - il existe des concessions réciproques et les juges n'imposent pas une proportionnalité entre les concessions, en faisant référence à un mail de Cyril CO. du 12 avril 2010 évoquant les différends concernant les projets asiatiques et monégasques et recherchant un accord pour terminer les relations du fait de certains manquements commis par la SARL A dans l'exécution de ses prestations en Asie et à Monaco,

  • - subsidiairement, en l'absence de convention signée entre les parties, la SARL A ne rapporte pas la preuve des prestations réalisées, des obligations prétendument souscrites à hauteur de 459.000 euros et de la rémunération forfaitaire convenue,

  • - le règlement devait être effectué suivant l'avancement des différentes prestations que la SARL A devait réaliser et dans des proportions définies,

  • - la mission s'étant terminée à la fin du mois de septembre 2009, la SARL A n'est pas fondée à facturer le mois suivant,

  • - le montant des prestations réalisées ne saurait, conformément aux conditions de rémunération déterminées dans le contrat d'architecte, être évalué à plus de 181.818,79 euros correspondant à 6,97% du coût des travaux estimé dans ledit contrat soit 2.608.591 euros, ou subsidiairement 188.190 euros si on retenait des travaux de 2.700.000 euros, si bien qu'elles ont réglé un surplus estimé à 82.607,97 euros ou 76.236,76 euros, dont elles sollicitent le remboursement, outre des dommages et intérêts supplémentaires au regard de la manière abusive avec laquelle la SARL A a engagé la présente action et a sollicité l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire à leur encontre,

  • - l'appelante soutient qu'elles auraient interrompu brusquement le contrat alors qu'elle ne démontre pas que la rupture est abusive, ni le prétendu préjudice en résultant.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • Sur la recevabilité des appels

Attendu que la recevabilité des appels régularisés dans les formes et délais légaux n'est pas discutée ;

  • Sur l'accord transactionnel

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1162 du Code civil « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver » et réciproquement, celui qui se prétend libérer, doit justifier du paiement ou du fait qui a produit l'extinction de l'obligation ;

Attendu que la SARL A, ainsi que Maîtres n. TH. et p. GA., ès-qualités, sollicitent le règlement du solde de la facture d'honoraire n° 1 mise à jour et de la facture d'honoraire n° 4 au titre de la mission d'architecte confiée par les sociétés S et S1 ;

Que ces dernières ne contestent pas avoir confié cette mission à la SARL A, mais opposent à titre principal, que fin septembre 2009, il a été mis fin à la mission d'architecte et qu'elles ont versé la somme de 35.880 euros à titre de règlement complet et définitif de toutes sommes susceptibles d'être réclamées par la SARL A en invoquant l'existence d'un accord transactionnel intervenu par échanges de courriels entre les parties le 22 octobre 2010 ;

Attendu que selon les dispositions de l'article 1883 du Code civil, la transaction est un contrat rédigé par écrit par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ;

Que pour démontrer l'existence de ladite transaction, les sociétés S et S1 versent aux débats les échanges de courriels en date du 22 octobre 2010 dont l'objet est intitulé : « proposition de règlement de 30.000 euros » et qui se présentent ainsi :

  • Courrier électronique adressé par Wendy ST. :

    • « Monsieur HA., je vous écris au nom de mon collègue afin de confirmer mon offre portant sur le versement d'un montant de 30.000 euros en contrepartie des services fournis par A et vous-même à la société G, ses sociétés affiliées et/ou ses propriétaires, y compris Monsieur R F. CH. (conjointement « G »).

    • Ce paiement constituera le règlement complet et définitif de toutes les réclamations d'ordre contractuel ou autres, ainsi que des droits d'actions dont la SARL A et/ou vous disposeriez le cas échéant au titre de la relation qui vous lie à la société G. Vous vous engagez à dégager la société G de toute responsabilité à l'égard de toutes actions, poursuites ou réclamations que vous avez ou pourriez intenter par la suite au titre de votre relation avec la société et des services fournis par la SARL A et/ou vous-même. Merci de bien vouloir nous signifier votre acceptation de ce qui précède par retour de courriel (...) » ;

  • - Réponse de Michel HA. :

    • « Madame ST., les relevés bancaires de la société présentent les factures d'origine. Le paiement de 30.000 euros que nous avons sollicité et accepté il y a « quelques » temps doit être reconsidéré avec un taux de TVA à 19,6% étant donné que nos discussions ne tenaient pas compte de la TVA. La discussion concernant la TVA était à l'origine du retard de facturation de l'année dernière étant donné que nous avions proposé de chercher une solution permettant à notre client de ne pas avoir à s'acquitter du taux plein. Ce qui, manifestement n'était pas dans notre intérêt. Merci beaucoup de votre aide au final (...) » ;

  • - Réponse de Wendy ST. :

    • « Cher Michel, nous règlerons la TVA à 19.6% de sorte que le montant final de notre paiement, versé à titre de règlement complet et définitif comme convenu ci-dessous, s'élèvera à 35.880 euros. J'ai demandé au Service financier d'effectuer le paiement ce jour (...) » ;

Qu'en application des dispositions de l'article 1188 du Code civil l'exigence de la preuve par écrit s'applique à tout engagement excédant une somme supérieure à 1.140 euros, ce qui exclut le recours aux témoignages ;

Que contrairement à ce que soutiennent les appelants, cet échange de courriels, conforme aux prescriptions de l'article 1163-1 du Code civil, constitue un commencement de preuve par écrit, lequel en application des dispositions de l'article 1194 du Code civil, émane bien de celui contre la demande est formée pour rendre vraisemblable le fait allégué, puisque ces courriels sont indivisibles dès lors que le courriel de Michel HA. est adressé pour le compte de la SARL A en réponse au courriel précédemment adressé par Wendy ST. pour les sociétés S et S1 qui proposait une offre de règlement définitif du litige entre les deux parties, suivi de la réponse de Wendy ST. ;

Qu'en l'espèce, il ressort de cet échange de courriels, hormis l'indication manuscrite ajoutée sur le dernier courriel postérieurement : « montant final des frais comptabilisés S/S1 », que les sociétés S et S1 sont parvenues à un accord pour solder les sommes dues à la SARL A et/ou Monsieur Michel HA. au titre de la relation qui les liait à la société G et à ses sociétés affiliées S et S1 ;

Que cet accord ne concernait pas uniquement les marchés asiatiques, comme cela est soutenu par les appelants, puisqu'il ressort d'un autre courriel adressé le 12 avril 2010 par Cyril CO. à Michel HA., en réponse à une demande concernant la facturation pour Monaco et notamment le règlement du mois d'octobre 2009, que tant les marchés asiatiques que le marché de Monaco étaient l'objet de discussions entre les parties, et qu'il proposait de solder les marchés asiatiques respectivement à hauteur de 20.000 euros (Villas Y 23 et 35) et 10.000 euros (Résidences P) correspondant « à ce qui a été produit et nous a été livré » et de ne verser aucune somme supplémentaire que celle de 228.546,76 euros déjà perçue pour le marché de Monaco, cette somme compensant « la valeur ajoutée et le travail intellectuel fourni par la SARL A » ;

Qu'à cet égard, les premiers juges ont justement relevé qu'il ne pouvait être tiré de l'application du taux de TVA de 19,6% à la somme convenue de 30.000 euros, qu'elle ne concernait que le règlement des marchés asiatiques soumis à ce taux, le marché de Monaco étant soumis au taux de 5,5%, alors que ce taux de TVA réduit ne s'appliquait qu'en cas de signature d'une attestation fiscale simplifiée à signer par le client certifiant que les travaux ont la nature de travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, ce que les sociétés S et S1 n'ont nullement certifié, ce qui est confirmé par le courriel de Michel HA. précité, dans lequel ce dernier fait référence à une recherche de « solution permettant à notre client de ne pas avoir à s'acquitter du taux plein » ;

Que si la SARL A a produit les factures datées du 8 février 2010 au nom de la société G pour les marchés asiatiques à hauteur de deux fois 40.000 euros, outre 32.000 euros, ainsi d'ailleurs que la TVA au taux de 19.6%, il ressort des échanges de courriels précités et des justificatifs des règlements intervenus par les sociétés intimées au titre du marché de Monaco à hauteur de 228.546,76 euros au mois de septembre 2009, que les parties sont parvenues à un accord sur l'ensemble des marchés confiés par la société G et les sociétés affiliées S et S1, à savoir la renonciation à réclamer plus qu'une somme de 30.000 euros, outre la TVA au taux de 19,6% qui a été réglée le 22 octobre 2010, au titre de l'ensemble des marchés y compris celui de Monaco ;

Que sur l'absence de concessions réciproques, qui est également invoquée par les appelants, force est de relever qu'il ressort de la teneur de cet accord qu'il contient des concessions de chacune des parties sans qu'il soit indispensable que celles-ci soient équivalentes, que d'une part, les sociétés S et S1, qui reprochaient à la SARL A de ne pas avoir exécuté correctement ses prestations contractuelles comme cela résulte expressément du courriel précité émanant de Cyril CO., ont renoncé à demander le remboursement des prestations déjà payées mais non exécutées et ont offert, à titre amiable, un ultime règlement d'un montant de 30.000 euros ; que d'autre part, la SARL A a renoncé à la poursuite de l'exécution de la mission et a obtenu en sus des honoraires déjà versés une somme complémentaire de 30.000 euros ;

Qu'en outre, il est constant que la SARL A ne justifie pas avoir réclamé postérieurement à l'accord du 22 octobre 2010 le règlement des factures de l'année 2009 au titre du marché de Monaco avant le 10 janvier 2012, soit plus de quatorze mois après, sans fournir aucune explication sur ce différé important alors que suite au rappel par les sociétés intimées de l'existence de l'accord précité, il est constant qu'elle n'a engagé la présente action que dix-huit mois plus tard alors qu'elle-même, était assignée en redressement judiciaire par l'URSSAF ;

Que compte tenu de ces éléments d'appréciation, le Tribunal a justement considéré que cet accord valait transaction et a débouté par conséquent, la SARL A et Maîtres n. TH. et p. GA. ès-qualités de toutes leurs demandes, a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire ordonnée, les a débouté de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et a dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande subsidiaire des sociétés intimées en restitution du trop-versé à la SARL A ;

Attendu enfin, qu'il ne résulte pas des éléments de la procédure, que la SARL A ait abusé de son droit d'agir en justice dans des conditions qui auraient pu causer aux intimées un préjudice, par dol ou par malice, que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que la SARL A et Maîtres n. TH. et p. GA. ès-qualités respectives, succombant en leurs prétentions, les dépens d'appel seront mis à la charge de la procédure de redressement judiciaire de la SARL A avec distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Les déclare mal fondés,

Confirme le jugement du Tribunal de Première Instance du 20 novembre 2014 en toutes ses dispositions déférées,

Dit que les dépens de la présente instance seront supportés par la SARL A et Maîtres n. TH. et p. GA., inscrits au passif de la procédure collective et distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2015, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Premier Substitut du Procureur Général.

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