Cour d'appel, 29 septembre 2015, L'Établissement public de droit monégasque I c/ Monsieur le Professeur c. HU.
Abstract🔗
Procédure civile - Établissements publics - Autorisation d'ester en justice - Exploit d'assignation - Nullité (non)
Créance - Preuve (oui)
Résumé🔗
Sur l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance, que la Cour, faisant sienne la motivation retenue par les premiers juges, rappelle qu'en application de l'article 140 du Code de procédure civile, les établissements publics sont représentés par leur Commission administrative ou Conseil. Il n'est pas contesté que l'Établissement public de droit monégasque I a été constitué (loi n° 127 du 15 janvier 1930) en un établissement public autonome. Chaque établissement public est administré par un Conseil d'Administration ou une Commission Administrative (loi n° 78 du 27 décembre 1971). L'Établissement public de droit monégasque I est administré par un Conseil d'Administration et le Directeur n'assure que la gestion administrative de l'établissement (Ordonnance n° 5.095 du 14 février 1973). En outre, le directeur représente l'établissement en justice, à la condition qu'il ait été expressément et spécialement autorisé par le Conseil d'Administration pour pouvoir intenter les actions judiciaires ou administratives (Ordonnance n° 5.055 du 8 décembre 1972).
En l'espèce, l'assignation introductive d'instance a été délivrée, par exploit d'huissier, en date du 25 octobre 2006 par l'Établissement public de droit monégasque I, agissant poursuites et diligences de son directeur en exercice, à l'encontre de Monsieur le Professeur HU. Est, notamment, produit un procès-verbal de séance du Conseil d'Administration en date du 19 mars 2003, au cours de laquelle a été votée la délibération intitulée « Reversement des dépassements liés à l'activité libérale des praticiens hospitaliers en 2001- Autorisation d'ester en justice : Faisant siennes les conclusions de la Commission d'Activité Libérale, ayant constaté pour l'exercice 2001 que certains praticiens ont dépassé les limites d'activité libérale fixées à l'article 112 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998, le Conseil d'Administration autorise le Directeur à ester en justice, pour recouvrer les sommes dues à l'Établissement ». Cette délibération, ayant pour objet l'autorisation donnée par le Conseil d'Administration au directeur de l'Établissement public de droit monégasque I d'agir en justice en son nom, est expresse et libellée en termes suffisamment précis quant à la détermination de l'objet de l'action - le recouvrement des dépassements liés à l'activité des praticiens hospitaliers -, sans que ni la désignation précise des personnes visées par l'assignation à venir, ni l'indication du montant des sommes à recouvrer ne soient nécessaires à sa validité. Est, en outre, annexée à cette délibération le procès-verbal intégral de la séance du Conseil d'Administration du 19 mars 2003, entièrement consacrée à la question du recouvrement des dépassements. L'assignation du 25 octobre 2006 vise précisément à obtenir la condamnation du Professeur HU., praticien hospitalier, au paiement de la somme de 52.187,68 euros, correspondant à l'excédent d'activité libérale allégué pour les années 2001 et 2002, et obéit donc strictement aux conditions et limites fixées par l'autorisation. Le jugement avant-dire droit du 30 juin 2011, qui a rejeté l'exception de nullité de l'exploit d'assignation, sera confirmé en ses dispositions appelées.
L'article 1162 du Code civil énonce que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Il se déduit de ce texte que l'Établissement public de droit monégasque I, qui a assigné le Professeur HU. en paiement de la somme de 52.187,68 euros au titre d'un excédent de son activité libérale, supporte la charge de la preuve. Il ressort des faits de l'espèce que l'Établissement public de droit monégasque I a, en considération des pièces produites devant la Cour, et notamment des tableaux d'activité établis par les médecins ou par leur service et les rapports de la Commission d'Activité Libérale, démontré à suffisance la créance qu'il détient à l'égard du Professeur HU. à hauteur de la somme réclamée. Ainsi, l'intimé sera condamné à verser à l'appelant la somme de 52.187,68 euros, le jugement du 6 juin 2013 étant infirmé de ce chef.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2015
En la cause de :
- L'Établissement public de droit monégasque I, dont le siège social est sis X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Directeur en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Monsieur le Professeur c. HU., demeurant et domicilié X à 64250 Cambo (France) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 6 juin 2013 (R.5908) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 26 juillet 2013 (enrôlé sous le numéro 2014/000038) ;
Vu les conclusions déposées les 14 janvier, 18 novembre 2014 et 9 avril 2015 par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom du Professeur c. HU. ;
Vu les conclusions déposées les 29 avril 2014, 13 janvier et 11 mai 2015 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de l'Établissement public de droit monégasque I ;
À l'audience du 23 juin 2015, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par l'Établissement public de droit monégasque I à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 6 juin 2013.
Considérant les faits suivants :
Par acte d'huissier en date du 25 octobre 2006, l'Établissement public de droit monégasque I a fait assigner le Professeur c. HU. devant le Tribunal de Première Instance en paiement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de la somme de 52.187,68 euros correspondant à l'excédent d'activité libérale constaté pour les années 2001 et 2002, avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2005, date de la mise en demeure, et de la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire avant-dire droit en date du 30 juin 2011, le Tribunal de Première Instance a rejeté l'exception de nullité de l'exploit d'assignation du 25 octobre 2006 soulevée par le Professeur c. HU., a renvoyé la cause et les parties à l'audience du mercredi 12 octobre 2011 à 9 heures pour conclusions fond et a réservé les dépens en fin de cause.
Par jugement contradictoire R.5908, en date du 6 juin 2013, le Tribunal de Première Instance a statué ainsi qu'il suit :
« - déboute l'Établissement public de droit monégasque I de l'intégralité de ses prétentions,
déboute M. le Professeur c. HU. de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
condamne l'Établissement public de droit monégasque I aux dépens, y compris ceux réservés par jugement avant-dire droit du 30 juin 2011, distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat défenseur, sous sa due affirmation,
ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ».
Par exploit d'appel et assignation délivré le 26 juillet 2013, l'Établissement public de droit monégasque I a relevé appel de la décision.
Aux termes de cet exploit, l'appelant demande à la Cour de :
- accueillir l'Établissement public de droit monégasque I en son exploit d'appel et assignation comme recevable en la forme, au fond l'y déclarer fondé,
- s'entendre la Cour réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'Établissement public de droit monégasque I de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens,
et statuant de nouveau,
- condamner le Professeur HU. à payer à l'Établissement public de droit monégasque I la somme de 52.187,68 euros correspondant à l'excédent d'activité libérale constaté pour les années 2001 et 2002, la somme susvisée portant intérêts au taux légal à compter du courrier valant mise en demeure en date du 22 mars 2005,
- ainsi que la somme de 5.000 euros à titre de légitimes dommages intérêts qui viendra compenser le préjudice subi par l'Établissement public de droit monégasque I qui a été contraint d'ester en justice à l'effet d'être rempli de ses droits,
- confirmer la décision entreprise pour le surplus,
- condamner le requis aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat défenseur, sur sa due affirmation.
Aux termes de ses conclusions en date des 29 avril 2014, 13 janvier 2015, et 11 mai 2015, l'Établissement public de droit monégasque I demande en outre à la Cour de débouter le Professeur c. HU. de son appel incident comme de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
L'appelant soutient, en substance, que le Professeur c. HU. soulève, à tort, la nullité de l'exploit introductif d'instance motif pris de ce que le directeur de l'Établissement public de droit monégasque I n'aurait aucune qualité pour représenter l'établissement en justice alors qu'il résulte d'une délibération du Conseil d'Administration de l'Établissement public de droit monégasque I en date du 19 mars 2003, que le Directeur a été spécialement habilité pour agir dans la présente instance.
Sur le fond, il expose que, parallèlement à son activité de praticien hospitalier à l'Établissement public de droit monégasque I, le docteur R. exerçait également une activité libérale réglementée par l'ordonnance souveraine n° 13.839 et par l'arrêté ministériel n° 98.631 en date du 29 décembre 1998.
Aux termes de ces textes, l'activité libérale exercée dans le cadre de ce régime ne peut en aucun cas excéder 30% de l'activité globale personnelle du praticien considéré.
En contrepartie de la possibilité offerte aux praticiens de pratiquer une activité libérale dans l'établissement, l'Établissement public de droit monégasque I est en droit de percevoir une rétribution dont les modalités sont fixées par les textes précités, l'ordonnance souveraine posant, en son article 119, le principe du versement d'une redevance et l'arrêté ministériel réglementant, en son article 2, le mode de calcul de la redevance ainsi fixée, et en son article 3 les pourcentages applicables par catégorie.
Il estime qu'au vu de l'activité globale personnelle du Professeur c. HU. telle qu'elle s'établit pour les années 2001 et 2002, il apparaît que son activité libérale est excédentaire par rapport aux quotas autorisés par les textes susvisés.
Il considère que les premiers juges ont considéré, à tort, que l'Établissement public de droit monégasque I était défaillant dans l'administration de la preuve du bien fondé de ses demandes.
Il rappelle qu'en contrepartie de l'autorisation qui lui a été consentie d'exercer une activité libérale en parallèle de son activité « publique », le médecin a l'obligation légale et contractuelle d'enregistrer ou de faire enregistrer tous les actes médicaux qu'il a accomplis dans le système informatique de l'Établissement public de droit monégasque I.
Dès lors, les documents sur lesquels l'Établissement public de droit monégasque I fonde sa demande émanent nécessairement de l'hôpital lui-même (ainsi, les tableaux informatiques, les fiches financières, les titres de recette et les courriers adressés à l'intimé), mais sont issus des données saisies sous la responsabilité du médecin, et c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré qu'ils n'étaient pas probants.
Il rappelle que le contrat prévoit d'ailleurs, en son article 8, que « les informations saisies dans le Système d'information Hospitalier, sont utilisées pour calculer le montant de la redevance dont il est fait état à l'article 3 et servent à définir le pourcentage global d'activité libérale personnelle autorisée », ces informations étant saisies par une secrétaire médicale, sous la responsabilité du médecin.
Il considère que la preuve selon laquelle l'activité des assistants doit être intégrée à celle de leur chef de service n'est pas rapportée.
Aux termes de conclusions qu'il a déposées les 14 janvier et 18 novembre 2014 et le 9 avril 2015, le Professeur c. HU. demande à la Cour de :
« - débouter l'Établissement public de droit monégasque I de son appel et de ses demandes,
- recevoir le Professeur c. HU. dans son appel incident contre le jugement en date du 30 juin 2011 et contre le jugement en date du 6 juin 2013, et l'y déclarer fondé,
par conséquent,
- réformer le jugement du 30 juin 2011,
- déclarer nulle l'assignation du 25 octobre 2006,
subsidiairement,
- confirmer le jugement du 6 juin 2013 en ce qu'il a débouté l'Établissement public de droit monégasque I de toutes ses demandes,
- le réformer sur la demande reconventionnelle,
- condamner l'Établissement public de droit monégasque I à payer la somme de 4.000 euros au Professeur c. HU. à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
en tout état de cause,
- condamner l'Établissement public de droit monégasque I à payer au Professeur c. HU. la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat défenseur sous sa due affirmation ».
Monsieur le Professeur c. HU. fait valoir qu'en application de l'article 423 du Code de procédure civile, il forme appel incident conjointement contre le jugement du 6 juin 2013 qui l'a débouté de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, et contre le jugement du 30 juin 2011 qui a statué sur une exception de procédure.
Il soulève la nullité de l'assignation introductive d'instance au motif que l'Établissement public de droit monégasque I indique agir poursuites et diligences de son directeur en exercice alors que ce dernier n'a aucune qualité pour représenter l'établissement hospitalier en justice, ni engager une action son nom, seul le Président du Conseil d'Administration ayant cette qualité.
Il précise, en outre, que les deux procès-verbaux de séance du Conseil d'Administration produits aux débats ne suffisent pas à justifier d'une habilitation régulière du directeur pour ester en justice au nom de l'Établissement public de droit monégasque I, dès lors que d'une part, l'extrait d'un procès-verbal d'une séance du Conseil d'Administration du 18 mars 2010 ne saurait justifier l'instance introduite le 25 octobre 2006 et n'est donc pas pertinent, d'autre part l'extrait du procès-verbal d'une séance du Conseil d'Administration, prétendument daté du 19 mars 2003, n'a pas date certaine, que la délibération qui y est reproduite n'indique pas contre qui le directeur est autorisé à agir en justice ni pour quels montants et que les conclusions de la Commission d'Activité Libérale que le Conseil d'Administration fait siennes ne sont pas produites.
Enfin, il observe qu'à supposer même que l'autorisation donnée au directeur de l'Établissement public de droit monégasque I ait date certaine, celle-ci n'est pas valide puisque les membres du Conseil d'Administration ont voté sur une résolution incomplète.
Sur le fond, l'intimé considère, en substance, que l'Établissement public de droit monégasque I ne démontre pas sa prétendue créance, se bornant à produire des tableaux apocryphes, établis par lui-même, dont il n'est pas possible de contrôler la véracité, celle-ci étant contestée depuis l'origine, alors surtout que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.
Il indique que les tableaux comportent des données inexactes comme n'ayant pas intégré dans la comptabilisation de son activité publique celle de ses assistants, en sorte qu'en réalité, les chiffres avancés par l'Établissement public de droit monégasque I sont nécessairement faux.
Il fait valoir que le secrétariat enregistrait les opérations.
Il estime que la carence dans l'administration de la preuve dont l'Établissement public de droit monégasque I a fait preuve caractérise une procédure téméraire, ce qui l'a contraint à exposer des frais pour assurer sa défense et qui justifie ses demandes de dommages-intérêts, l'une pour procédure abusive, l'autre pour appel abusif.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
1- Attendu que la recevabilité des appels principal et incident, régularisés dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile, n'est pas contestée ;
2- Attendu, sur l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance, que la Cour, faisant sienne la motivation retenue par les premiers juges, rappelle qu'en application de l'article 140 du Code de procédure civile, les établissements publics sont représentés par leur Commission administrative ou Conseil ;
Qu'il n'est pas contesté que l'Établissement public de droit monégasque I a été constitué, par la loi n° 127 du 15 janvier 1930, en un établissement public autonome ;
Que la loi n° 78 du 27 décembre 1971 énonce que chaque établissement public est administré par un Conseil d'Administration ou une Commission Administrative ;
Qu'aux termes de l'ordonnance n° 5.095 du 14 février 1973, l'Établissement public de droit monégasque I est administré par un Conseil d'Administration et le Directeur n'assure que la gestion administrative de l'établissement ;
Attendu, par ailleurs, que l'ordonnance n° 5.055 du 8 décembre 1972, énonce que le directeur représente l'établissement en justice, à la condition qu'il ait été expressément et spécialement autorisé par le Conseil d'Administration pour pouvoir intenter les actions judiciaires ou administratives ;
Qu'il n'est pas contesté que les dispositions ci-dessus sont applicables au cas particulier ;
Attendu qu'en l'espèce, l'assignation introductive d'instance a été délivrée, par exploit d'huissier, en date du 25 octobre 2006 par l'Établissement public de droit monégasque I, agissant poursuites et diligences de son directeur en exercice, à l'encontre de Monsieur le Professeur c. HU. ;
Attendu qu'est, notamment, produit un procès-verbal de séance du Conseil d'Administration en date du 19 mars 2003, au cours de laquelle a été votée la délibération suivante, intitulée « Reversement des dépassements liés à l'activité libérale des praticiens hospitaliers en 2001- Autorisation d'ester en justice » : « Faisant siennes les conclusions de la Commission d'Activité Libérale, ayant constaté pour l'exercice 2001 que certains praticiens ont dépassé les limites d'activité libérale fixées à l'article 112 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998, le Conseil d'Administration autorise le Directeur à ester en justice, pour recouvrer les sommes dues à l'Établissement » ;
Que cette délibération a pour objet l'autorisation donnée par le Conseil d'Administration au directeur de l'Établissement public de droit monégasque I d'agir en justice en son nom ;
Attendu que, tentant de dénier à cette pièce la moindre valeur probante, le Professeur c. HU. invoque l'absence de date certaine de ce procès-verbal mais qu'il se contente de simples affirmations non corroborées par la moindre pièce, et n'allègue donc aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause l'authenticité et la valeur probante de la délibération précitée ;
Qu'en outre, cette délibération est évoquée dans un courrier, en date du 8 juillet 2003, adressée par le Conseiller du Gouvernement pour l'Intérieur au Président du Conseil d'Administration de l'Établissement public de droit monégasque I ;
Attendu, par ailleurs, que comme l'ont relevé les premiers juges, aucun support textuel n'impose la communication des conclusions de la Commission d'Activité Libérale ;
Que le Tribunal a, de surcroît, justement rappelé les dispositions de l'article 308-1 du Code pénal édictant un principe de non divulgation des faits, des informations ou du contenu des documents dont les membres de tout conseil, commission ou comité consultatif de caractère administratif auraient eu connaissance en raison de leur qualité ;
Attendu que cette autorisation d'ester en justice est expresse et libellée en termes suffisamment précis quant à la détermination de l'objet de l'action - à savoir, le recouvrement des dépassements liés à l'activité des praticiens hospitaliers -, sans que ni la désignation précise des personnes visées par l'assignation à venir, ni l'indication du montant des sommes à recouvrer ne soient nécessaires à sa validité ;
Qu'est, en outre, annexée à cette délibération le procès-verbal intégral de la séance du Conseil d'Administration du 19 mars 2003, entièrement consacrée à la question du recouvrement des dépassements ;
Que l'assignation du 25 octobre 2006 vise précisément à obtenir la condamnation du Professeur c. HU., praticien hospitalier, au paiement de la somme de 52.187,68 euros, correspondant à l'excédent d'activité libérale allégué pour les années 2001 et 2002, et obéit donc strictement aux conditions et limites fixées par l'autorisation ;
Attendu, enfin, qu'il n'est pas démontré que l'autorisation donnée par le Conseil d'Administration le 19 mars 2003 au directeur de l'Établissement public de droit monégasque I d'ester en justice ne serait pas conforme aux dispositions textuelles susvisées ;
Attendu, en conséquence, que le jugement avant-dire droit du 30 juin 2011, qui a rejeté l'exception de nullité de l'exploit d'assignation, sera confirmé en ses dispositions appelées ;
3- Attendu que l'article 1162 du Code civil énonce que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ;
Qu'il se déduit de ce texte que l'Établissement public de droit monégasque I, qui a assigné le Professeur c. HU. en paiement de la somme de 52.187,68 euros au titre d'un excédent de son activité libérale, supporte la charge de la preuve ;
Attendu qu'il est constant que le 23 juillet 1999, l'Établissement public de droit monégasque I a signé un contrat d'activité libérale avec le Professeur c. HU., dont la validité ne fait pas débat entre les parties ;
Que ce contrat prévoit, dans son article 2, que ce médecin exerce son activité libérale à raison de 30% au plus de son activité globale personnelle, « appréciée par catégories d'actes tels que définis à la nomenclature générale des actes professionnels » ;
Que l'article 3 du contrat dispose que le Professeur c. HU. « informe les patients des honoraires qui leur sont demandés (...) Il procède à la perception directe de ses honoraires et reverse mensuellement la redevance due à l'établissement en application des dispositions relevant de l'article 126 alinéa 1 de l'ordonnance susvisée » ;
Que l'article 8 est ainsi libellé : « Monsieur le Professeur HU. saisit ou fait saisir, en temps réel, avec les moyens informatiques mis à sa disposition par l'Établissement public de droit monégasque I, sur son site de consultation, l'ensemble de son activité privée personnelle qui est intégrée dans le Système d'Information Hospitalier (S. I. H.) Un relevé détaillé de l'ensemble de son activité privée personnelle ainsi enregistrée lui est transmis mensuellement ou, à sa demande et ponctuellement, plus fréquemment. Les informations saisies dans le Système d'Information Hospitalier (S. I. H.) sont utilisées pour calculer le montant de la redevance dont il est fait état à l'article 3 et servent à définir le pourcentage global d'activité libérale personnelle autorisée » ;
Attendu qu'il n'est pas davantage contesté que ce contrat est conforme aux dispositions édictées par l'Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998, qui énonce :
- en son article 112, que l'activité libérale des médecins hospitaliers au sein de l'Établissement public de droit monégasque I ne peut excéder 30% de leur activité globale personnelle,
- en son article 119, que l'exercice d'une telle activité donne lieu au versement d'une redevance,
- en son article 120, que lorsqu'au cours d'un exercice budgétaire, la Commission de l'Activité Libérale constate qu'un praticien hospitalier dépasse les limites d'activité fixées à l'article 112 précité, l'ensemble des actes générateurs du dépassement donne lieu au versement intégral à l'établissement du montant des honoraires perçus à ce titre,
- en son article 122, qu'un contrat signé entre les praticiens hospitaliers et l'établissement définit les conditions dans lesquelles s'exerce l'activité libérale,
- et en son article 126, qu'en cas de perception directe de leurs honoraires par les praticiens hospitaliers, ceux-ci sont tenus de fournir à l'administration hospitalière les éléments nécessaires au calcul de la redevance qu'ils doivent payer en application de l'article 119 précité ;
Attendu, enfin, que le contrat ci-dessus est également conforme à l'arrêté ministériel n° 98-631 qui dispose, en son article 4, que tous les actes médicaux effectués personnellement par le praticien à titre libéral doivent être saisis et intégrés dans le système d'information. Ils donnent lieu à un relevé. Ce relevé, établi mensuellement par l'administration, est communiqué aux praticiens concernés pour information ;
Attendu que l'Établissement public de droit monégasque I fait grief aux premiers juges d'avoir considéré que les éléments versés aux débats étaient insuffisants à démontrer le bien-fondé de ses demandes ;
Qu'il indique que, tenant compte de la décision entreprise, il a « recherché tous les points de saisie de l'information d'activité qui avaient permis à la Direction (¿) d'établir les tableaux de synthèse communiqués au Professeur HU. dans les courriers des 25 avril 2002 (activité libérale), 14 août 2003 (activité libérale) et 9 février 2010 (synthèse) et pour lesquels le dépassement était établi et devait donner lieu à remboursement » ;
Attendu que sont ainsi produits devant la Cour, outre les pièces déjà communiquées ne première instance :
le rapport d'activité établi par la Commission de l'activité libérale au titre de l'année 2001, faisant état, en page 9, d'un excédent, pour l'année considérée, qualifié de « très élevé » de l'activité chirurgicale (8.253 KC en public - soit 24,03% -, 26.087 KC en libéral -soit 75,97% -) ;
le rapport d'activité établi par la Commission de l'activité libérale au titre de l'année 2002 faisant état, en page 9, du non-respect de la proportion, fixée par les textes, entre activité publique et activité libérale ;
les tableaux d'activité du Professeur HU., sous forme de relevés informatiques, mentionnant, colonne par colonne :
la nature, publique ou privée, de l'activité,
le nom du praticien,
la nature de l'acte,
l'année de réalisation,
les nom et prénom du patient concerné,
le numéro de poste de saisie,
le libellé du poste de saisie,
la cotation ;
Attendu que l'Établissement public de droit monégasque I indique que les dépassements ont été calculés sur la base de ces tableaux, correspondant à la saisie, effectuée par le Professeur c. HU. ou en vertu des instructions données par lui, dans le Système d'Information Hospitalier (S. I. H.) ;
Que, pour contester le contenu de ces tableaux, l'intimé fait tout d'abord valoir que la saisie n'est pas effectuée sous la responsabilité du praticien concerné mais était « à l'époque » réalisée par le secrétariat « sur déclaration du patient et non du praticien » ;
Mais attendu d'une part que la Cour rappelle ici les termes de l'article 8 du Contrat d'Activité Libérale selon lesquels « Monsieur le Professeur HU. saisit ou fait saisir, en temps réel, avec les moyens informatiques mis à sa disposition par l'Établissement public de droit monégasque I, sur son site de consultation, l'ensemble de son activité privée personnelle qui est intégrée dans le Système d'Information Hospitalier (S. I. H.) » dont il résulte que la saisie, qui correspond à toute l'activité privée personnelle du praticien, est tantôt le fait du médecin lui-même, tantôt de l'employé agissant sur instructions du médecin : « le Docteur (...) fait saisir » ;
Qu'en outre, il ressort de l'article 93 de l'arrêté ministériel n° 86-620 du 10 novembre 1986, portant règlement intérieur de l'Établissement public de droit monégasque I que le chirurgien-chef a autorité sur le personnel médical et hospitalier de son service ;
Que, d'autre part, aucune pièce n'est produite permettant de confirmer que la saisie ait été réalisée sur la foi de la seule déclaration d'un patient ;
Qu'il s'en déduit que le moyen est inopérant ;
Attendu, par ailleurs, que le Professeur c. HU. prétend que les tableaux d'activité, et donc l'excédent d'activité libérale invoqué, seraient faux comme n'ayant pas intégré, dans son activité publique, celle de ses assistants, les docteurs CL., TE., AM., MA., NA. et GA., ou à tout le moins celle des deux premiers d'entre eux, dont l'intimé estime qu'ils étaient « en formation » dans le service qu'il dirigeait, en sorte que la somme réclamée est inexacte et les chiffres avancés faux ;
Mais attendu d'une part qu'il résulte de l'Ordonnance n° 14.904 du 25 juin 2001, modifiant l'Ordonnance n° 13.841 du 29 décembre 1998 relative à l'activité des assistants à l'Établissement public de droit monégasque I, en son article 14 alinéa 3, que le relevé de l'activité personnelle des assistants est transmis mensuellement par leurs soins à la direction de l'établissement, disposition dont il se déduit que l'activité des assistants fait l'objet d'un relevé distinct ;
Attendu, d'autre part, à supposer même que les médecins précités puissent être considérés comme assistants en formation, ainsi que le considère le Professeur c. HU., qu'il résulte de l'Ordonnance n° 14.904 du 25 juin 2001, modifiant l'Ordonnance n° 13.841 du 29 décembre 1998 relative à l'activité des assistants à l'Établissement public de droit monégasque I, en son article 14, que pour les assistants en formation, leur activité exercée en présence du chef de service est incluse dans la comptabilisation de ce dernier dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de l'article 112 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998 citée plus haut ;
Qu'il s'en déduit que, faute pour le Professeur c. HU. de rapporter la preuve que l'activité de ces médecins assistants s'est exercée en sa présence, il ne peut se prévaloir d'un défaut de comptabilisation de leur activité publique dans la sienne ;
Attendu, enfin, que l'ensemble des courriers que le Professeur c. HU. a écrits à l'Établissement public de droit monégasque I ne peuvent, pour émaner de l'intimé lui-même, lui servir de preuve ;
Attendu qu'il ressort des développements ci-dessus, que l'Établissement public de droit monégasque I a, en considération des pièces produites devant la Cour, et notamment des tableaux d'activité établis par les médecins ou par leur service et les rapports de la Commission d'Activité Libérale, démontré à suffisance la créance qu'il détient à l'égard du Professeur c. HU. à hauteur de la somme réclamée ;
Qu'ainsi l'intimé sera condamné à verser à l'appelant la somme de 52.187,68 euros, le jugement R.5908 du 6 juin 2013 étant infirmé de ce chef ;
Attendu que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal dont le point de départ sera fixé, non pas à compter de la lettre du 22 mars 2005 qui ne présente aucun caractère comminatoire pour pouvoir être considérée comme une mise en demeure, mais de l'assignation introductive d'instance du 25 octobre 2006 ;
4- Attendu que succombant en cause d'appel, le Professeur c. HU. se trouve, dès lors, mal fondé à solliciter l'allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive et appel abusif ;
5- Attendu que la défense à une action en justice représente l'exercice d'un droit et que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une malveillance, d'une intention de nuire ou d'une erreur équipollente au dol. Qu'il s'ensuit que l'Établissement public de droit monégasque I doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre du Professeur c. HU. ;
6- Attendu que conformément à l'article 231 du Code de procédure civile, le Professeur c. HU., qui succombe, sera condamné aux entiers dépens de première instance, en ce compris les dépens réservés par le jugement du 30 juin 2011, ainsi qu'aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Confirme le jugement du 30 juin 2011 en ses dispositions appelées,
Infirme le jugement R.5908 du 6 juin 2013, sauf en ce qu'il a débouté l'Établissement public de droit monégasque I de sa demande de dommages-intérêts et le Professeur c. HU. de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,
Statuant à nouveau des chefs réformés,
Condamne le Professeur c. HU. à payer à l'Établissement public de droit monégasque I la somme de 52.187,68 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2006, date de l'assignation introductive d'instance,
Déboute l'Établissement public de droit monégasque I de sa demande complémentaire de dommages-intérêts,
Déboute le Professeur c. HU. de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne le Professeur c. HU. aux entiers dépens de première instance, en ce compris les dépens réservés par le jugement du 30 juin 2011, ainsi qu'aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef adjoint, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge au Tribunal de première instance, complétant la Cour et remplissant les fonctions de Conseiller en vertu de l'article 22 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2015, par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Premier Substitut du Procureur Général.