Cour d'appel, 29 septembre 2015, La Société Anonyme Monégasque R c/ Monsieur s. MA.
Abstract🔗
Référé - Conditions - Urgence (non)
Résumé🔗
Par application des dispositions des articles 414 et suivants du Code de procédure civile, si le Juge des référés peut d'une part et en cas d'urgence prendre toutes les mesures ne préjudiciant pas au principal et, d'autre part, statuer sur les difficultés d'exécution d'une décision juridictionnelle ou d'un titre exécutoire, il ne dispose d'aucune compétence générale élargie lui permettant de prescrire, en toutes circonstances et même en cas de contestations sérieuses, une mesure conservatoire destinée à faire cesser un trouble apprécié comme étant manifestement illicite. Dans l'ordre juridictionnel du for, il ne peut en effet jamais être préjudicié au principal en référé, le critère du trouble manifestement illicite demeurant inconnu du droit interne et ne pouvant donc autoriser la mise en œuvre d'une mesure impliquant nécessairement que soit au préalable tranchées la nature et l'étendue des obligations contractuelles de chacune des parties, toutes appréciations touchant le fond du litige en cause et excédant la compétence du magistrat des référés.
En l'espèce, pour ordonner à la SAM R de procéder au virement de l'intégralité des avoirs détenus sur le compte ouvert dans ses livres au nom de s. MA. sur les quatre comptes ouverts à la Société C à Dubaï, le premier juge a au préalable estimé que la privation pour un client de la libre disposition de ses avoirs caractérise l'urgence requise par l'article 414 du Code de procédure civile, avant d'apprécier l'illégitimité de la décision de l'établissement bancaire concerné au motif que l'inexécution par son client d'une obligation considérée comme essentielle au maintien des relations contractuelles l'autorisait à suspendre partiellement ses prestations mais ne lui permettait pas de s'opposer aux instructions de clôture de ce dernier. À l'appui de cette interprétation de la convention des parties, il est encore relevé par le premier juge que la SAM R n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 1-15 des conditions générales faute de démontrer qu'il a sollicité en vain la fourniture d'informations afférentes à l'arrière-plan économique de transfert des avoirs et il est par ailleurs dénié à la SAM R le droit de faire opposition à l'exécution de toute opération sur le compte de s. MA. au titre de l'obligation de vigilance à laquelle il est tenu et ce, en l'absence de toute déclaration de soupçon. Le Juge des référés, juge de l'apparence, doit cependant en l'espèce se contenter d'observer que le refus d'exécuter l'ordre de virement opposé à son client par la SAM R se fondait expressément sur les stipulations de l'art 1.24 - clôture du compte - des conditions générales, permettant à la banque de se réserver le droit de suspendre ou de cesser en tout temps ses rapports d'affaires avec effet immédiat et sans indication de motif et se trouvait motivé par l'absence de communication de tous les documents et informations afférents à la situation financière et fiscale de s. MA., en contravention avec les dispositions de l'article 1.1.5 desdites conditions générales relatives à l' « obligation de communication et d'information du client ». Il résulte encore des faits constants de la cause que les conditions générales de la SAM R prévoient que la notification des modifications des conditions générales doit être effectuée auprès du client, ces modifications étant considérées comme approuvées à défaut d'opposition par écrit dans un délai de 30 jours. Si, en l'espèce, une telle information est bien intervenue le 31 mars 2014, la preuve d'une opposition à cette notification n'est pas rapportée par s. MA. qui ne démontre pas davantage, ni n'allègue, avoir justifié de sa conformité fiscale auprès de la SAM R. Le défaut de justification du statut fiscal d'un client et du bon accomplissement des formalités y afférentes caractérisant bien une infraction apparente aux obligations conventionnelles, la SAM R s'est alors estimé autorisé à suspendre ses relations d'affaires après avoir à plusieurs reprises informé son client de la teneur de ses engagements et des risques engendrés par toute défaillance de sa part. Par lettre du 1er août 2014, la SAM R suspendait ainsi l'exécution de toute instruction concernant des opérations pouvant présenter un risque, notamment juridique, visant le transfert d'avoirs sur des comptes hors de Monaco ou de l'OCDE, voire même la clôture du compte par retrait de caisse. Ces seules circonstances ont, en l'état des pièces produites, présidé au refus opposé par la SAM R d'exécuter un ordre de transfert des avoirs tant que le processus de régularisation fiscale n'était pas abouti, un tel refus ne s'apparentant nullement à un blocage illicite de compte, mais procédant de la force obligatoire du contrat liant le client à la banque. Il s'ensuit que l'urgence qui aurait pu fonder la compétence de la juridiction des référés face à une violation de la convention, patente et dénuée d'équivoque, n'est pas caractérisée dans la mesure où le client a, selon les éléments constants de l'espèce, préalablement commis un manquement à ses propres obligations envers son cocontractant, celui-ci se voyant alors autorisé à suspendre toute prestation par la lettre même du contrat. Interpréter différemment une telle situation apparente à travers l'analyse des différentes stipulations contractuelles liant les parties revient à porter un préjudice au principal que prohibent les articles 414 et suivants du Code de procédure civile et que ne peut justifier le recours à la théorie du trouble manifestement illicite, inconnue du droit normatif monégasque.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2015
En la cause de :
- La Société Anonyme Monégasque R, dont le siège social est sis 11 Boulevard Albert 1er à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président administrateur délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur s. MA., né le 28 septembre 1969 à Aachen (Allemagne), pilote automobile, demeurant X à Lontzen (Belgique) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu l'ordonnance rendue par le Juge des référés le 20 avril 2015 (R.5051) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 mai 2015 (enrôlé sous le numéro 2015/000133) ;
Vu les conclusions déposées le 19 mai 2015 par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de s. MA. ;
Vu les conclusions déposées le 2 juillet 2015 par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la SAM R ;
À l'audience du 14 juillet 2015, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM R à l'encontre d'une ordonnance de référé en date du 20 avril 2015.
Considérant les faits suivants :
s. MA., citoyen allemand domicilié en Belgique, a ouvert le 3 mars 2014 un compte personne physique « individuel » dans les livres de la SAM R sous le n° 0555450.
Suivant courrier du 8 septembre 2014, s. MA. a demandé à la SAM R de procéder au transfert des avoirs (titres et liquidités) figurant sur ce compte sur 4 autres comptes ouverts à son nom dans les livres de la Société C à DUBAÏ, tout en précisant les coordonnées précises de cet établissement bancaire.
Les transferts sollicités n'ayant pas été effectués, une mise en demeure était adressée le 13 novembre 2014 par lettre recommandée avec accusé de réception à la SAM R par le conseil de s. MA..
À défaut pour la banque d'exécuter ces ordres, s. MA. a fait assigner par acte d'huissier en date du 12 décembre 2014, la SAM R à l'effet :
- qu'il soit ordonné à cet établissement bancaire de procéder immédiatement au virement de l'intégralité des avoirs (titres et liquidités) détenus sur son compte n° 0555450 sur les comptes ouverts à son nom dans les livres de la Société C à DUBAÏ,
- qu'il lui soit donné acte de ce qu'il se réserve de saisir au fond le Tribunal de première instance pour obtenir l'allocation de dommages et intérêts en raison du caractère abusif et injustifié du refus qui lui a été opposé.
La SAM R concluait à titre principal à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à référé, l'urgence requise n'étant pas démontrée et, à titre subsidiaire, au débouté des prétentions formées par s. MA. à son encontre au motif qu'il était fondé à suspendre, avec effet immédiat, ses rapports d'affaires avec l'intéressé et spécialement à ne pas exécuter le transfert litigieux ; il sollicitait qu'il lui soit donné acte de son offre de mettre fin à cette suspension si ce dernier lui fournissait la preuve du respect de ses obligations dans son pays de résidence.
Suivant ordonnance en date du 20 avril 2015, le Juge des référés a, par mesure provisoire et urgente de référé, tous droits demeurant quant au fond réservés :
- ordonné à la SAM R de procéder au virement de l'intégralité des avoirs (titres et liquidités) actuellement détenus sur le compte ouvert dans ses livres sous le n° 0555450 au nom de s. MA. sur les comptes ouverts au nom de l'intéressé sous les numéros :
0214789000801
0314789000802
0314789000803
0314789000804
dans les livres de la Société C à DUBAÏ,
- donné acte à s. MA. de ce qu'il se réserve le droit de saisir au fond le Tribunal de première instance d'une demande de dommages et intérêts.
et ce, aux motifs essentiels que :
- dès lors que le transfert de ses avoirs (titres et liquidités) sur 4 comptes ouverts à son nom dans les livres de la Société C à DUBAÏ sollicité le 8 septembre 2014 par s. MA. n'a toujours pas été exécuté à ce jour, malgré la mise en demeure adressée le 13 novembre 2014 à la SAM R, et que celui-ci ne peut librement disposer de ses avoirs, l'urgence requise par l'article 414 du Code de procédure civile est caractérisée,
- la SAM R justifiant sa décision par la suspension de ses prestations sur le fondement des conditions générales, l'appréciation de l'illégitimité de ce refus, pouvant seule justifier l'intervention du juge des référés au titre d'un trouble manifestement illicite, doit s'effectuer au regard des obligations contractuelles respectives des parties,
- en l'espèce, le client s'engage à communiquer à la banque tout document afférent à sa situation financière et fiscale et à lui fournir sur simple demande tout document justifiant de son statut fiscal,
- s. MA. ne conteste pas en avoir reçu notification le 31 mars 2014 de la modification des conditions générales le prévoyant et ne justifie pas y avoir formé opposition dans le délai imparti a cet effet, en sorte qu'il doit être considéré comme les ayant approuvées,
- son refus de communiquer à la banque dans les délais impartis la déclaration de conformité fiscale qui lui avait été demandée le 31 juillet 2013, puis le mandat d'échange d'informations réclamé le 31 mars 2014, n'est pas davantage contesté par s. MA. qui n'allègue et ne justifie pas avoir régularisé sa situation fiscale,
- si cette inexécution par s. MA. d'une obligation considérée par la banque comme essentielle au maintien des relations contractuelles l'autorisait à notifier dans un premier temps à son client le 31 mars 2014 la suspension partielle de ses prestations, elle ne pouvait valablement légitimer le refus d'exécution par cette dernière des instructions de clôture adressées en réponse par s. MA. le 8 septembre 2014,
- à défaut de pouvoir démontrer qu'il a en vain sollicité la fourniture par s. MA. d'informations ou de justifications afférentes à l'arrière-plan économique du transfert de ses avoirs réclamé le 8 septembre 2014, la SAM R n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 1-15 des conditions générales du contrat ni à invoquer l'obligation de vigilance à laquelle il est tenu faute d'avoir, à réception des instructions de transfert de son client, saisi, sur le fondement des dispositions de l'article 18 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, le SICCFIN d'une déclaration de soupçons, lequel pouvait seul faire opposition à l'exécution de toute opération sur le compte de s. MA.,
- le refus d'exécution par la banque des instructions de clôture données le 8 septembre 2014 par s. MA. caractérise donc un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre un terme.
Suivant exploit en date du 4 mai 2015, la SAM R a régulièrement interjeté appel de l'ordonnance de référé susvisé dont il a sollicité la réformation tout en demandant à la Cour de :
« - constater que l'urgence n'est pas démontrée,
- dire que la notion de trouble manifestement illicite fondant la compétence du juge des référés n'existe pas en droit monégasque,
- constater l'existence d'une contestation sérieuse,
- dire n'y avoir lieu à référé,
subsidiairement :
- dire que la SAM R est fondée à suspendre avec effet immédiat ses rapports d'affaires avec Monsieur s. MA. et spécialement à ne pas exécuter le transfert litigieux,
- donner acte à la SAM R qu'elle offre de mettre fin à cette suspension si Monsieur s. MA. fournit la preuve du respect de ses obligations déclaratives dans son pays de résidence,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
La SAM R fait valoir en substance, aux termes de ses écrits judiciaires, que :
- l'urgence n'est pas avérée dès lors que s. MA. n'a fait état d'aucun besoin particulier dont la satisfaction aurait répondu à une véritable urgence alors même qu'il n'y avait aucun blocage des avoirs et que la banque était disposée à exécuter l'ordre de virement sous certaines conditions au demeurant conformes aux conditions générales,
- par application des dispositions du droit monégasque le Juge des référés n'est compétent qu'en cas d'urgence hors le cas de préjudice au principal et lorsqu'il est nécessaire de statuer sur une difficulté d'exécution d'une décision judiciaire ou d'un titre exécutoire, la notion de trouble manifestement illicite n'existant pas en droit du for,
- le critère de l'illicéité de la situation permet d'ordinaire aux juges des référés français de préjudicier au principal puisqu'il peut ordonner des mesures même en cas de contestation sérieuse, ce qui est totalement contraire au droit monégasque et apparaît seulement conforme aux dispositions de l'article 809 alinéa 1 du Code de procédure civile français, inapplicable en l'espèce,
- le juge des référés n'était pas compétent pour analyser la nature et l'étendue des relations contractuelles des parties sauf à porter des appréciations touchant le fond ce qui est interdit et aurait dû le conduire à dénier sa compétence comme il l'a fait dans d'autres affaires jugées le même jour,
- le premier juge n'a pas répondu à l'argumentation de la SAM R fondée sur le contexte fiscal international, l'engagement du client de donner à la banque si elle le réclame toute information justificative utile sur le contexte des opérations et/ou la provenance des fonds étant rentrée dans le champ contractuel et l'adhésion au principe de conformité aux obligations déclaratives des clients résidents d'un État de l'union européenne apparaissant essentielle à la poursuite de leurs relations,
- La banque a attiré l'attention de son client sur son refus d'accepter de transférer des avoirs sur un compte hors de la Principauté de Monaco ou de l'OCDE en raison des exigences de conformité,
- l'obligation de communication d'information imposée au client recouvre les éléments d'information concernant sa situation financière et fiscale et implique la production sur simple demande de tout document justifiant de son statut fiscal,
- s. MA. auquel les conditions générales ont été notifiées par lettre du 18 avril 2014 n'a manifesté aucune réserve mais n'a pas répondu à la demande de justification de sa conformité fiscale, en sorte que la SAM R pouvait faire application des dispositions de l'article 1. 24 des conditions générales lui conférant le droit de suspendre ou de cesser en tout temps ses rapports d'affaires avec son client,
- le transfert litigieux a été bloqué dans le cadre de la décision de suspension du fonctionnement du compte de Monsieur s. MA. qu'il a été conduit à prendre après avoir, par lettre en date du 31 juillet 2013, invité la SA H et son bénéficiaire économique à souscrire avant le 31 décembre 2013 une déclaration de conformité fiscale régulière, et par lettre en date du 28 mars 2014, demandé à la SA H prise en la personne de son bénéficiaire économique, s. MA., de lui adresser avant le 31 mai 2014, non seulement la déclaration requise mais aussi une preuve du respect de ses obligations déclaratives par son bénéficiaire économique dans son pays de résidence,
- en application des dispositions des articles 1-15 et 1-24 des conditions générales du contrat, il était fondé à demander la preuve du respect par son client de ses obligations déclaratives dans le pays où il se trouve domicilié, s'agissant d'un élément essentiel au maintien des relations contractuelles, et à tirer les conséquences qui s'imposent de son refus réitéré de produire les documents réclamés en suspendant ses prestations jusqu'à l'obtention de ces preuves avant de procéder, le cas échéant, à la clôture du compte.
s. MA., intimé, entend pour sa part, aux termes de ses écrits, voir confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et ordonner à la SAM R de procéder immédiatement au virement de l'intégralité des avoirs (titres et liquidités) lui appartenant depuis son compte n° 0555450 en sa faveur sur son compte ouvert dans les livres de la Société C et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard commençant à courir à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir et entend se voir donner acte de ce qu'il se réserve de saisir au fond le Tribunal de première instance pour demander des dommages et intérêts compte tenu du refus abusif et injustifié opposé par la banque de procéder au virement dont s'agit sans aucune explication.
Il soutient en particulier que :
- l'impossibilité de pouvoir librement disposer de ses avoirs caractérise manifestement l'urgence requise par l'article 414 du Code de procédure civile,
- la décision de suspension de ses prestations prise unilatéralement par la SAM R est illégitime et caractérise un trouble manifestement illicite au regard des obligations contractuelles respectives des parties,
- l'obligation de communication et d'information du client résultant de la modification des conditions générales du contrat réalisée en mars 2014 lui a été valablement notifiée et il ne conteste pas ne pas s'y être opposé, comme il ne nie pas davantage avoir refusé de communiquer à la banque la déclaration de conformité fiscale et le mandat d'échange d'informations,
- si ce refus autorisait la banque à lui notifier une suspension partielle de ses prestations elle ne pouvait légitimer le refus d'exécution des instructions de clôture adressées en réponse le 8 septembre 2014,
- la banque ne peut davantage invoquer l'obligation de vigilance à laquelle elle se dit tenue, à défaut d'avoir saisi le SICCFIN, à réception des instructions de transfert de son client, d'une déclaration de soupçon qui, seule, aurait pu faire obstacle à l'exécution de toute opération sur le compte d'un client,
- le premier juge a rempli son office en retenant l'existence d'un trouble manifestement illicite, enrichissant de la sorte l'ordre juridique interne d'une nouvelle théorie,
- il sera en conséquence fait droit à sa demande à l'effet de voir respecter les instructions qu'il a pu donner en sa qualité de client d'un établissement bancaire.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que la recevabilité de l'appel dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile n'est pas contestée ;
Attendu que par application des dispositions des articles 414 et suivants du Code de procédure civile, si le Juge des référés peut d'une part et en cas d'urgence prendre toutes les mesures ne préjudiciant pas au principal et, d'autre part, statuer sur les difficultés d'exécution d'une décision juridictionnelle ou d'un titre exécutoire, il ne dispose d'aucune compétence générale élargie lui permettant de prescrire, en toutes circonstances et même en cas de contestations sérieuses, une mesure conservatoire destinée à faire cesser un trouble apprécié comme étant manifestement illicite ;
Que dans l'ordre juridictionnel du for, il ne peut en effet jamais être préjudicié au principal en référé, le critère du trouble manifestement illicite demeurant inconnu du droit interne et ne pouvant donc autoriser la mise en œuvre d'une mesure impliquant nécessairement que soit au préalable tranchées la nature et l'étendue des obligations contractuelles de chacune des parties, toutes appréciations touchant le fond du litige en cause et excédant la compétence du magistrat des référés ;
Attendu que pour ordonner à la SAM R de procéder au virement de l'intégralité des avoirs détenus sur le compte ouvert dans ses livres au nom de s. MA. sur les quatre comptes ouverts à la Société C à Dubaï, le premier juge a au préalable estimé que la privation pour un client de la libre disposition de ses avoirs caractérise l'urgence requise par l'article 414 du Code de procédure civile, avant d'apprécier l'illégitimité de la décision de l'établissement bancaire concerné au motif que l'inexécution par son client d'une obligation considérée comme essentielle au maintien des relations contractuelles l'autorisait à suspendre partiellement ses prestations mais ne lui permettait pas de s'opposer aux instructions de clôture de ce dernier ;
Qu'à l'appui de cette interprétation de la convention des parties, il est encore relevé par le premier juge que la SAM R n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 1-15 des conditions générales faute de démontrer qu'il a sollicité en vain la fourniture d'informations afférentes à l'arrière plan économique de transfert des avoirs et il est par ailleurs dénié à la SAM R le droit de faire opposition à l'exécution de toute opération sur le compte de s. MA. au titre de l'obligation de vigilance à laquelle il est tenu et ce, en l'absence de toute déclaration de soupçon ;
Attendu le Juge des référés, juge de l'apparence, doit cependant en l'espèce se contenter d'observer que le refus d'exécuter l'ordre de virement opposé à son client par la SAM R se fondait expressément sur les stipulations de l'art 1.24 - clôture du compte - des conditions générales, permettant à la banque de se réserver le droit de suspendre ou de cesser en tout temps ses rapports d'affaires avec effet immédiat et sans indication de motif et se trouvait motivé par l'absence de communication de tous les documents et informations afférents à la situation financière et fiscale de s. MA., en contravention avec les dispositions de l'article 1.1.5 desdites conditions générales relatives à l' « obligation de communication et d'information du client » ;
Attendu qu'il résulte encore des faits constants de la cause que les conditions générales de la SAM R prévoient que la notification des modifications des conditions générales doit être effectuée auprès du client, ces modifications étant considérées comme approuvées à défaut d'opposition par écrit dans un délai de 30 jours ;
Que si, en l'espèce, une telle information est bien intervenue le 31 mars 2014, la preuve d'une opposition à cette notification n'est pas rapportée par s. MA. qui ne démontre pas davantage, ni n'allègue, avoir justifié de sa conformité fiscale auprès de la SAM R ;
Attendu que le défaut de justification du statut fiscal d'un client et du bon accomplissement des formalités y afférentes caractérisant bien une infraction apparente aux obligations conventionnelles, la SAM R s'est alors estimé autorisé à suspendre ses relations d'affaires après avoir à plusieurs reprises informé son client de la teneur de ses engagements et des risques engendrés par toute défaillance de sa part ;
Que par lettre du 1er août 2014, la SAM R suspendait ainsi l'exécution de toute instruction concernant des opérations pouvant présenter un risque, notamment juridique, visant le transfert d'avoirs sur des comptes hors de Monaco ou de l'OCDE, voire même la clôture du compte par retrait de caisse ;
Attendu que ces seules circonstances ont, en l'état des pièces produites, présidé au refus opposé par la SAM R d'exécuter un ordre de transfert des avoirs tant que le processus de régularisation fiscale n'était pas abouti, un tel refus ne s'apparentant nullement à un blocage illicite de compte, mais procédant de la force obligatoire du contrat liant le client à la banque ;
Qu'il s'ensuit que l'urgence qui aurait pu fonder la compétence de la juridiction des référés face à une violation de la convention, patente et dénuée d'équivoque, n'est pas caractérisée dans la mesure où le client a, selon les éléments constants de l'espèce, préalablement commis un manquement à ses propres obligations envers son cocontractant, celui-ci se voyant alors autorisé à suspendre toute prestation par la lettre même du contrat ;
Qu'interpréter différemment une telle situation apparente à travers l'analyse des différentes stipulations contractuelles liant les parties revient à porter un préjudice au principal que prohibent les articles 414 et suivants du Code de procédure civile et que ne peut justifier le recours à la théorie du trouble manifestement illicite, inconnue du droit normatif monégasque ;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à référé, l'ordonnance entreprise devant être réformée avec toutes conséquences de droit ;
Attendu que les entiers dépens de l'instance seront mis à la charge de s. MA..
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Vu les dispositions des articles 414 et suivants du Code de procédure civile,
Reçoit l'appel de la SAM R,
Au fond y fait droit,
Dit n'y avoir lieu à référé et réforme l'ordonnance rendue le 20 avril 2015 par le Juge des référés,
Condamne s. MA. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Magali GHENASSIA, Juge de Paix, complétant la Cour et remplissant les fonctions de conseiller en vertu de l'article 22 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2015, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Premier substitut du Procureur Général.