Cour d'appel, 29 septembre 2015, Monsieur t. CA. c/ Monsieur r. FA.
Abstract🔗
Procédure civile - Demande de nullité - Recevabilité (non)
Obligations - Acte sous-seing privé - Reconnaissance de dette (oui) - Extinction de l'obligation - Preuve (non)
Résumé🔗
Invoquer un défaut de consentement valable et dire qu'il n'a été donné que sous la contrainte procède d'un moyen nouveau parfaitement recevable tandis que la demande de nullité de l'acte sous-seing privé sous-tendu par ce moyen caractérise bien une défense à l'action principale en paiement fondée sur l'acte litigieux. En revanche l'appel doit être formé par un exploit d'assignation devant obéir aux prescriptions de l'article 427 du Code de procédure civile et contenir l'exposé des griefs et motifs à l'appui, seul l'appel incident pouvant être interjeté par de simples conclusions écrites prises à l'audience au sens des dispositions de l'article 428 du Code de procédure civile. Dès lors que la demande de nullité de l'acte sous-seing privé du 17 décembre 2003 n'a été formée que dans les conclusions écrites du 16 avril 2015, postérieures à l'exploit d'appel du 31 octobre 2014 et qu'il est conclu à l'irrecevabilité de cette prétention, il y a lieu de déclarer irrecevable cette demande.
L'acte sous-seing privé litigieux écrit en entier de la main de t. CA. caractérise indubitablement l'engagement pris par une partie envers l'autre à lui payer une somme d'argent obéissant au formalisme prescrit par l'article 1173 du Code civil pour les reconnaissances de dette. Il n'est nullement contesté par t. CA. que la somme totale de 2.000 euros lui a bien été versée par r. FA.. Dès lors, pour s'opposer utilement aux effets de cet engagement unilatéral et démontrer qu'il est libéré, il lui appartient, au sens des dispositions de l'article 1162 alinéa 2 du Code civil, de justifier du paiement ou du fait ayant produit l'extinction de son obligation. Cependant, l'appelant, sans rapporter aucunement cette preuve, soutient simplement qu'il n'a pas bénéficié d'un prêt d'argent mais que r. FA. souhaitait devenir son associé dans le cadre de la constitution d'une future société spécialisée dans la l'audiovisuel et le spectacle dont la dénomination aurait été Z. Force est cependant de relever que dans l'acte sous-seing privé rédigé et signé par t. CA. lui-même, il n'est nullement question d'un projet de constitution d'une société, l'exploitation de ce dernier ayant au contraire été inscrite au répertoire du commerce en son nom personnel sous l'enseigne Z. L'hypothèse avancée par l'appelant, tenant à l'existence d'une société de fait, apparaît radicalement inopérante dans la mesure où la preuve d'aucun affectio societatis n'est en l'espèce rapportée, t. CA. et r. FA. n'apparaissant pas avoir eu la volonté de collaborer à une entreprise commune afin de partager les profits et les pertes en résultant. En définitive, les premiers juges apparaissent avoir à bon droit donné son plein et entier effet à la reconnaissance de dette signée par t. CA. le 17 décembre 2003 en condamnant ce dernier à payer à r. FA. la somme de 28.000 euros qui n'avait pas été remboursée avant le 8 mars 2005 et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013, date de la sommation valant mise en demeure suffisante du débiteur.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2015
En la cause de :
- Monsieur t. CA., né à Monaco le 16 mars 1974, de nationalité monégasque, demeurant et domicilié X à Monaco, commerçant immatriculé au RCI de Monaco sous le n° Y, exploitant sous l'enseigne « Z » sis à Monaco, « X », X, demeurant en cette qualité audit siège,
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la même Cour ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Monsieur r. FA., né le 1er décembre 1948 à Talence, de nationalité française, demeurant et domicilié à Bordeaux (33000), X,
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 16 septembre 2014 (R.7847 bis) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 31 octobre 2014 (enrôlé sous le numéro 2015/000041) ;
Vu les conclusions déposées les 17 février, 12 mai et 30 juin 2015 par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de r. FA. ;
Vu les conclusions déposées les 16 avril et 2 juin 2015 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de t. CA. ;
À l'audience du 7 juillet 2015, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par t. CA. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 16 septembre 2014.
Considérant les faits suivants :
r. FA., au préalable employé par a. CA., père de t. CA., de 1984 à 1997, se retrouvait un temps sans emploi avant d'être contacté en février 2003 par ce dernier qui l'informait que son fils t. souhaitait exercer en Principauté le commerce sous l'enseigne « Z ».
Le 17 décembre 2003, t. CA. établissait alors un acte sous seing prive aux termes duquel il :
« Atteste par la présente avoir reçu entre septembre 2003 et le 14 décembre 2003 la somme de 28.000 euros (vingt huit mille euros)
Constitué d'une part :
Espèce 2.000 (retrait poste épargne r. FA.)
Chèque 3.950 poste épargne r. FA.
Chèque 3.950 poste épargne r. FA.
Espèce 100
Et d'autre part :
18.000 (dix huit mille euros) sous forme d'or (lingot et pièces) négocié par la compagnie monégasque de change
Des mains de M. r. FA. pour le compte de la famille FA., X 33.000 Bordeaux.
Cette avance financière en apport en compte courant de Z est faite à titre amical et sans intérêt.
Toutefois, il sera agréable que dès que possible, l'entreprise Z emploie Mr FA. R. AC à temps partiel.
Ladite somme sera restituée à la famille FA. en plusieurs versements au fur et à mesure de la progression de cette nouvelle entreprise, avec une date limite pour le solde de tous comptes fixée au 8 mars 2005 ».
Par acte d'huissier en date du 11 avril 2013, r. FA. a fait assigner t. CA. devant le Tribunal de Première Instance de Monaco afin de le voir :
- condamner à lui verser la somme de 28.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013,
- condamner à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, portée à la somme de 30.000 euros par conclusions postérieures,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision en application de l'article 202 du Code civil,
- condamner aux dépens.
À l'appui de sa demande, r. FA. soutenait en substance que t. CA. s'est engagé aux termes d'une reconnaissance de dette à lui restituer la somme de 28.000 euros au plus tard le 8 mars 2005, alors qu'il n'a jamais été convenu qu'il serait associé de la société Z, l'affectio societatis n'étant selon lui nullement établi dès lors qu'il était prévu qu'il serait l'employé à temps partiel de t. CA. et non son associé.
t. CA. s'est pour sa part opposé à ces demandes en soutenant à titre principal que r. FA. est irrecevable dans ses demandes dès lors qu'il ne justifie pas agir aux intérêts de la « famille FA. », et a conclu subsidiairement à leur rejet au fond au motif principal que le versement de la somme de 28.000 euros n'était pas constitutive d'un prêt mais d'un apport à une société exploitée en nom personnel à l'enseigne Z.
Suivant jugement en date du 16 septembre 2014, le Tribunal de première instance a déclaré l'action formée par r. FA. recevable et a condamné t. CA. à payer à r. FA. la somme de 28.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013 tout en rejetant le surplus des demandes notamment de dommages intérêts pour résistance abusive et procédure abusive et a dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.
Et ce, au motif que :
l'acte sous-seing privé en date du 17 décembre 2003 désigne nommément r. FA. comme étant celui qui a remis à t. CA. une somme de 28.000 euros pour le compte de la famille FA.,
les pièces produites établissent que r. FA. est le seul habile à se porter héritier de ses parents décédés en sorte qu'il est recevable à agir en sa qualité d'ayants droit de ces derniers,
l'engagement pris par acte sous-seing privé le 17 décembre 2003 par t. CA. vaut reconnaissance de dette,
il n'est pas contesté que la somme qui a été versée devait être restituée au plus tard le 8 mars 2005 à la famille FA.,
la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'une société créée de fait entre les parties, t. CA. ne démontrant pas que les sommes versées constitueraient un apport en société, ni n'établissant la volonté de partager les bénéfices,
t. CA. doit donc être condamné à rembourser la somme de 28.000 euros faisant l'objet de la reconnaissance de dette signée par ses soins.
Suivant exploit du 31 octobre 2014, t. CA. a régulièrement interjeté appel du jugement susvisé, signifié le 3 octobre 2014, dont il a sollicité la réformation en toutes ses dispositions à l'effet de voir la Cour :
- à titre principal, déclarer Monsieur r. FA. irrecevable en ses demandes, dès lors qu'il ne justifie pas agir aux intérêts de la « famille FA. »,
- subsidiairement, le débouter de l'ensemble de ses demandes,
- dans tous les cas, le condamner à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi et pour procédure abusive.
Il expose en substance au soutien de son appel que :
- le document daté du 17 décembre 2003, improprement qualifié de reconnaissance de dette, fait état d'un versement de 28.000 euros des mains de r. FA. pour le compte de la famille FA., X, 33000 Bordeaux,
ce document prévoit que la somme de 28.000 euros sera restituée à la famille FA.,
la preuve n'est pas rapportée que r. FA. représente aujourd'hui cette famille, les actes de notoriété produits étant tout d'abord apparus incomplets et faisant ensuite apparaître que les parents de ce dernier étaient domiciliés à Bègles et non à Bordeaux,
il existe dès lors une ambiguïté sur la désignation de la famille FA. domiciliée à Bordeaux dans l'acte de 2003, r. FA. n'établissant pas que cette famille était constituée de ses parents,
le document régularisé le 17 décembre 2003 ne caractérise pas une reconnaissance de dette et la somme remise ne procède pas d'un prêt mais davantage d'un apport en société en nom personnel à l'enseigne Z,
l'utilisation du terme compte courant est dénuée d'ambiguïté, révélant l'intention de r. FA. d'être associé au sein de cette société dont l'objet était l'organisation de spectacles,
ce dernier devait faire bénéficier cette société en nom personnel à l'enseigne Z de son relationnel puisqu'il avait précédemment travaillé avec le père de t. CA. dans une régie publicitaire,
il avait été loué un local professionnel dans l'immeuble « X » et r. FA. devait participer aux bénéfices et aux pertes en tant qu'associé de fait,
les parties étaient d'accord pour transformer l'activité existante de t. CA. en nom personnel en une société dénommée Z, r. FA. étant pour sa part chargé de trouver des sponsors et le spectacle « G » s'étant bien déroulé dans la salle du Canton le 13 décembre 2003,
t. CA. n'avait pas besoin de solliciter r. FA. en vue d'un prêt puisque son père était en mesure de l'aider financièrement et la référence à un apport en compte courant est au demeurant incompatible avec la notion de prêt,
le développement de la nouvelle entreprise devait permettre le remboursement de cette somme mais compte tenu de l'échec de la soirée du 13 décembre 2003, seul t. CA. a réglé les dettes y compris le loyer relatif au « Y », r. FA. n'ayant de son côté rien réclamé jusqu'en 2013,
r. FA. s'est porté caution solidaire du bail à loyer du 24 septembre 2003 et il a reçu une facture de travaux à son nom pour un bureau dans le local loué au « X », tous éléments de nature à établir sa qualité d'associé de fait,
un associé devant participer non seulement aux bénéfices mais aussi aux pertes, il doit être constaté qu'il n'a pas respecté ses propres engagements s'agissant de la recherche des sponsors pour le spectacle « G » à l'issue duquel il a immédiatement disparu, préférant laisser t. CA. assumer seul la charge financière de cette expérience déficitaire.
r. FA., intimé, entend pour sa part voir confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'il était recevable à agir en sa qualité d'ayants droit de ses parents décédés et sollicite également la confirmation sur le fond de la décision entreprise en ce que t. CA. a été débouté de son argumentation et condamné au paiement de la somme de 28.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013.
r. FA. entend par ailleurs voir déclarer abusif et dilatoire l'appel interjeté par t. CA. et sollicite à ce titre la condamnation de ce dernier au paiement d'une somme de 30.000 euros.
Il expose en substance que :
Aux termes de deux actes de notoriété en date du 21 mai 2012 dressés après le décès de Jeanne et p. FA., ses parents, il a été reconnu habile à se dire et se porter héritier de la totalité de la succession de ces derniers.
Le moyen d'irrecevabilité soulevé apparaît de très mauvaise foi puisque au terme de la reconnaissance de dette c'est bien lui, r. FA., qui a remis à t. CA., tiré sur son propre compte épargne, deux chèques de 3.950 euros, puis a effectué un retrait d'espèces de 1.000 euros outre 100 euros ainsi que 18.000 euros sous forme d'or, s'étant domicilié X, à Bordeaux,
l'avis d'imposition de la taxe foncière de son propre père p. FA. mentionnait bien qu'il était propriétaire de l'immeuble situé à cette adresse X, à Bordeaux,
la famille FA. mentionnée dans la reconnaissance de dette était bien la sienne et son action apparaît tout à fait recevable,
après avoir été employé par a. CA., père de t., en qualité d'agent commercial au sein de la « Société B » de 1984 à 1989 puis en qualité de chef de publicité au sein de son entreprise « Régie plus » de 1989 à 1997, il était de nouveau contacté en février 2003 par ce dernier l'informant de la volonté de son fils t. de revenir s'installer à son compte en Principauté,
t. CA. ne créait aucune société mais se faisait immatriculer le 17 juillet 2003 à titre personnel auprès du répertoire du commerce sous l'enseigne Z au « X »,
t. CA. lui avait alors emprunté la somme de 28.000 euros en s'engageant à restituer cette somme au plus tard le 8 mars 2005 et à employer r. FA. à temps partiel,
il n'était nullement mentionné dans l'acte sous seing privé alors souscrit un quelconque projet de création de sociétés ni aucune allusion à des statuts, la thèse de t. CA. étant mensongère et seulement destinée à faire échec à la demande de remboursement formulée,
la reconnaissance de dette précisait de façon claire que le montant emprunté serait remboursé au plus tard et sans intérêt le 8 mars 2005 en l'état des relations amicales entretenues par les parties, de telles prévisions étant incompatibles avec l'hypothèse d'une quelconque association,
les pièces produites ne sont pas déterminantes et ne permettent pas de conclure à une société de fait,
l'absence de toute réclamation pendant une très longue période de temps est liée à de graves problèmes de santé suivis du décès successif de ses deux parents,
sa confiance a été trompée puisque t. CA., contrairement à sa promesse, n'a jamais effectué la moindre démarche auprès des services de la main-d'œuvre pour l'embaucher à mi-temps alors qu'il s'y était engagé,
la mauvaise foi de ce dernier face à sa légitime demande de remboursement devra être sanctionnée par l'octroi d'une réparation destinée à réparer les conséquences d'un appel manifestement abusif et dilatoire.
Tenant pour répétés les termes de son exploit d'appel, t. CA., modifiant ses précédents écrits, entend par conclusions déposées les 16 avril et 2 juin 2015 voir à titre principal prononcer la nullité de l'acte sous-seing privé du 17 décembre 2003 pour vice du consentement et à titre subsidiaire déclarer r. FA. irrecevable en ses demandes dès lors qu'il ne justifie pas agir aux intérêts de la famille FA. ;
Il entend en toutes hypothèses voir débouter r. FA. de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi et procédure abusive ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Versant aux débats une attestation des services fiscaux en date du 20 mars 2015 et trois attestations de témoins, t. CA. soutient que l'acte sous-seing privé du 17 décembre 2003 a été établi sous la contrainte et la violence morale et s'estime donc fondé à solliciter la nullité de cet acte sur le fondement des dispositions de l'article 964 du Code civil, le surplus des pièces produites confirmant selon lui que r. FA. était tenu de participer aux bénéfices et aux pertes et avait donc bien la qualité d'associé de fait dans la nouvelle activité exercée avec lui.
En réponse à cette argumentation, r. FA. conclut à l'irrecevabilité du moyen développé par t. CA. pour la première fois le 14 avril 2015 tiré du témoignage de m. CO. s'analysant en une demande nouvelle et, vu les dispositions de l'article 964 du Code civil, entend voir déclarer irrecevable le moyen de nullité en l'état de la forclusion acquise.
Il entend par ailleurs voir déclarer nulles les attestations n° 6, 7, 7-bis et 8 produites par t. CA. et sollicite leur rejet des débats pour non-respect des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile.
r. FA. réitère par ailleurs d'une part sa demande de confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné t. CA. à lui payer la somme de 28.000 euros qu'il ne conteste pas avoir reçue avec intérêts de droit à compter du 31 janvier 2013 et d'autre part sa demande de dommages-intérêts, chiffrée à 30.000 euros, pour appel abusif.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Sur la recevabilité de la demande de nullité de l'acte sous-seing privé du 17 décembre 2003 pour vice du consentement
Attendu que t. CA. a conclu en première instance à l'irrecevabilité de la demande de r. FA. et au rejet de ses demandes au fond sans former aucune demande de nullité de l'acte sous seing privé du 17 décembre 2003, une telle prétention étant formée pour la première fois, non pas dans l'acte d'appel du 31 octobre 2014, mais dans des conclusions ultérieures du 16 avril 2015 ;
Attendu que l'article 431 du Code de procédure civile dispose que « Les parties peuvent pour justifier les demandes qui avaient été soumises aux premiers juges, invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer une nouvelle preuve. Elles ne peuvent former aucune demande nouvelle, à moins qu'il ne s'agisse de compensation ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action principale (...) » ;
Attendu qu'invoquer un défaut de consentement valable et dire qu'il n'a été donné que sous la contrainte procède d'un moyen nouveau parfaitement recevable tandis que la demande de nullité de l'acte sous-seing privé sous-tendu par ce moyen caractérise bien une défense à l'action principale en paiement fondée sur l'acte litigieux au sens du texte susvisé ;
Attendu en revanche que l'appel doit être formé par un exploit d'assignation devant obéir aux prescriptions de l'article 427 du Code de procédure civile et contenir l'exposé des griefs et motifs à l'appui, seul l'appel incident pouvant être interjeté par de simples conclusions écrites prises à l'audience au sens des dispositions de l'article 428 du Code de procédure civile ;
Que dès lors que la demande de nullité de l'acte sous-seing privé du 17 décembre 2003 n'a été formée que dans les conclusions écrites du 16 avril 2015, postérieures à l'exploit d'appel du 31 octobre 2014 et qu'il est conclu à l'irrecevabilité de cette prétention, il y a lieu de déclarer irrecevable cette demande ;
Sur la nullité des attestations produites par t. CA.
Attendu que les attestations produites par t. CA. sous les n° 6, 7, 7 bis et 8 ne respectent pas les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile en ce que :
- les attestations n° 6, 7 et 7 bis ne portent pas la mention de ce qu'elle sont établies en vue de leur production en justice et que leur auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal, mention prescrite par l'article 324-5° du Code de procédure civile,
- l'attestation n° 8 ne mentionne pas l'existence ou l'absence de lien de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêts avec les parties au sens des dispositions de l'article 324-3° du Code de procédure civile ;
Que ces attestations seront par voie de conséquence déclarées nulles et écartées des débats ;
Sur la recevabilité de l'action introduite par r. FA.
Attendu que l'acte sous-seing privé signé par t. CA. le 17 décembre 2003 désigne nommément r. FA. comme la personne ayant remis une somme de 28.000 euros pour le compte de la famille FA., X, 33000 Bordeaux et précise que ladite somme sera restituée à la famille FA. en plusieurs versements avec une date limite fixée au 8 mars 2005 ;
Attendu que r. FA. produit les actes de notoriété dressés le 21 mai 2012 après le décès de sa mère j. SA. FA. et de son père p. FA., aux termes desquels il est lui-même désigné comme seul héritier de ses parents tandis que l'avis d'imposition de la taxe foncière de son père pour l'année 2005 mentionnait qu'il était propriétaire de l'immeuble situé X à Bordeaux correspondant précisément à l'adresse visée dans l'acte sous-seing privé précité ;
Que les premiers juges en ont en bon droit déduit, et leur décision sera de ce chef confirmée, que r. FA. s avait bien qualité à agir en sa qualité d'ayant droit de ses parents décédés, ayant remis la somme de 28.000 euros de ses mains et pouvant régulièrement solliciter la restitution pour le compte de la famille FA. au sens des stipulations de l'acte sous-seing privé du 17 décembre 2003, sa demande apparaissant recevable ;
Sur la demande en paiement fondée sur la reconnaissance de dette
Attendu que l'acte sous-seing privé en date du 17 décembre 2003 écrit en entier de la main de t. CA. et dont la teneur a été précédemment rappelée, caractérise indubitablement l'engagement pris par une partie envers l'autre à lui payer une somme d'argent obéissant au formalisme prescrit par l'article 1173 du Code civil pour les reconnaissances de dette ;
Attendu qu'il n'est nullement contesté par t. CA. que la somme totale de 28.000 euros lui a bien été versée par r. FA. ;
Que dès lors, pour s'opposer utilement aux effets de cet engagement unilatéral et démontrer qu'il est libéré, il lui appartient, au sens des dispositions de l'article 1162 alinéa 2 du Code civil, de justifier du paiement ou du fait ayant produit l'extinction de son obligation ;
Attendu cependant que l'appelant, sans rapporter aucunement cette preuve, soutient simplement qu'il n'a pas bénéficié d'un prêt d'argent mais que r. FA. souhaitait devenir son associé dans le cadre de la constitution d'une future société spécialisée dans la l'audiovisuel et le spectacle dont la dénomination aurait été Z ;
Que force est cependant de relever que dans l'acte sous-seing privé rédigé et signé par t. CA. lui-même, il n'est nullement question d'un projet de constitution d'une société, l'exploitation de ce dernier ayant au contraire été inscrite au répertoire du commerce en son nom personnel sous l'enseigne Z ;
Attendu que l'hypothèse avancée par l'appelant, tenant à l'existence d'une société de fait, apparaît radicalement inopérante dans la mesure où la preuve d'aucun affectio societatis n'est en l'espèce rapportée, t. CA. et r. FA. n'apparaissant pas avoir eu la volonté de collaborer à une entreprise commune afin de partager les profits et les pertes en résultant ;
Que s'il résulte en effet des pièces produites que r. FA. s'est porté caution solidaire de t. CA. dans le cadre du contrat de bail signé le 24 septembre 2003 portant sur le local situé au X et si une facture de l'entreprise L du 10 octobre 2003 afférente à des travaux de peinture lui a été adressée, il ne saurait résulter de ces seuls éléments - pouvant s'expliquer tant par les relations d'amitié de ces deux personnes que par la promesse d'embauche stipulée dans l'acte sous-seing privé du 17 décembre 2003 - la preuve d'une entreprise commune ;
Attendu en définitive que les premiers juges apparaissent avoir à bon droit donné son plein et entier effet à la reconnaissance de dette signée par t. CA. le 17 décembre 2003 en condamnant ce dernier à payer à r. FA. la somme de 28.000 euros qui n'avait pas été remboursée avant le 8 mars 2005 et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013, date de la sommation valant mise en demeure suffisante du débiteur ;
Attendu que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions et l'appelant t. CA. débouté de l'ensemble de ses prétentions ;
Attendu s'agissant de la demande de dommages intérêts pour appel abusif, que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas constitutive d'un abus sauf démonstration non rapportée en l'espèce d'une intention malveillante ou de la mauvaise foi de l'appelant, voire d'une erreur équipollente au dol ;
Que le caractère abusif de l'appel n'étant pas établi, la demande de dommages-intérêts formée par r. FA. sera rejetée ;
Attendu que les dépens d'appel demeureront à la charge de t. CA. qui succombe.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel,
Déclare irrecevable la demande de nullité de l'acte de sous-seing privé en date du 17 décembre 2003,
Déclare nulles et écarte des débats les attestations produites par t. CA. sous les n° 6, 7, 7 bis et 8,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 septembre 2014 par le Tribunal de première instance,
Déboute r. FA. des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne t. CA. aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat défenseur sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2015, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Premier substitut du Procureur Général.