Cour d'appel, 2 juin 2015, Madame l. KL. c/ Monsieur m. CO.
Abstract🔗
Divorce – Homologation - Contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant – Non-paiement
Saisie-arrêt – Appréciation du caractère certain de la créance (oui) - Mainlevée (non) : créance incontestable
Résumé🔗
En vertu de l'article 82 du Code civil, pour l'exécution d'un acte juridique ou l'exercice d'un droit en justice, peut être fait élection de domicile en un lieu quelconque. Du fait de son caractère général, cela peut valoir pour le commandement et l'exploit de saisie et vient, en ce sens, conforter les dispositions édictées par l'article 138 du Code de procédure civile sur la nécessité, pour toute personne n'ayant ni domicile ni résidence en Principauté, de procéder à une élection de domicile. Dès lors qu'une convention de divorce est homologuée, elle a la même force exécutoire qu'une décision de justice et en vertu de l'article 495 du Code de procédure civile, la saisie-arrêt faite en vertu d'un titre exécutoire emporte attribution au profit du créancier saisissant, à concurrence du montant de la créance indiqué dans l'exploit, des sommes disponibles dues par le tiers saisi au débiteur saisi.
En l'espèce, à la suite d'une convention d'homologation de divorce établie par une décision du Tribunal de Première Instance du 11 mai 2012, Monsieur m. CO. s'est engagé à payer les frais de scolarité de leur enfant. Il aurait cessé de payer depuis le 16 avril 2013 et Madame l. KL. lui a fait signifier le 25 mars 2014 un commandement de payer la somme de 25.575,00 euros qui est resté sans suite. Elle fait procéder à une saisie-arrêt du compte bancaire de Monsieur m. CO. qui l'a assignée devant le Tribunal afin qu'il en prononce la nullité et la main levée. Le Tribunal constate que la saisie-arrêt n'a pas été valablement effectuée Madame l. KL. interjette appel en arguant notamment qu'elle dispose d'un titre exécutoire résultant de la convention de divorce homologuée. Les juges de première instance ont retenu à bon droit, que la demanderesse avait élu son domicile dans l'étude de son avocat. Au regard des dispositions de la convention, Madame l. KL. dispose d'une créance certaine car elle résulte d'une décision de justice, liquide car évaluée en argent et exigible en ce que les sommes réclamées correspondent à des années scolaires achevées.
Ainsi, au regard des dispositions prévues par la convention comprenant les dépenses scolaires, exceptionnelles et de santé de l'enfant, la Cour infirme le jugement rendu le 16 septembre 2014 par le Tribunal déboute Monsieur m. CO. de sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces produites par Madame l. KL. et que la saisie-arrêt pratiquée par la demanderesse est validée à hauteur de l'équivalent en euros de la somme de 186.787,50 couronnes danoises.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 2 JUIN 2015
En la cause de :
- Madame l. KL., née le 19 juillet 1965 à Koebenhaun (Danemark), de nationalité danoise demeurant et domiciliée X, 2920 Danemark ;
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur m. CO., né le 19 mai 1957 à Rome (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domiciliée X à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-stagiaire près la même Cour ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 16 septembre 2014 (R.7842 bis) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 14 novembre 2014 (enrôlé sous le numéro 2015/000050) ;
Vu les conclusions déposées les 20 janvier et 7 avril 2015 2015, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de m. CO. ;
Vu les conclusions déposées les 11 mars 2015 et 13 avril 2015 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de l. KL. ;
À l'audience du 14 avril 2015, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par l. KL., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 16 septembre 2014.
Considérant les faits suivants :
Madame l. KL. et Monsieur m. CO. se sont mariés le 19 janvier 2000 à ASPEN (ÉTATS-UNIS).
De leur union, est née le 10 février 2004, p. a..
Le 11 mai 2012, le Tribunal de Première Instance a homologué la convention réglant les conséquences de leur divorce, établie par les parties le 12 avril 2012.
Cette décision est devenue définitive.
Le paragraphe 1.2.4.2 de la convention, afférent aux « Coûts relatifs à l'éducation de p. a. » énonce que Monsieur m. CO. prendra en charge un montant maximum de 20.000 euros par an au titre de la scolarité de p. a..
Exposant que depuis le 16 avril 2013, Monsieur m. CO. aurait cessé de payer tous les frais relatifs à la scolarité de leur fille, Madame l. KL. lui a fait signifier le 25 mars 2014 un commandement de payer la somme de 25.575,00 euros.
Ce commandement est resté infructueux.
Le 28 mars 2014, Madame l. KL. a fait procéder à une saisie-arrêt du compte bancaire de Monsieur m. CO. ouvert dans les livres de l'établissement bancaire A à MONACO.
Par exploit d'huissier délivré le 10 avril 2014, Monsieur m. CO. a fait assigner Madame l. KL. devant le Tribunal de Première Instance en vue de voir prononcer la nullité du commandement de payer et de la saisie-arrêt et, en conséquence, de voir ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt.
Par jugement contradictoire en date du 16 septembre 2014, le Tribunal de Première Instance a statué ainsi qu'il suit :
- « écarte des débats les pièces produites par l. KL. sous les numéros 15 A B C D E et 16 A B C D E F G H I,
- dit n'y avoir lieu d'annuler les exploits de commandement de payer du 25 mars 2014 et de saisie-arrêt du 28 mars 2014,
- constate que la saisie-arrêt signifiée le 28 mars 2014 à la requête de m. CO. entre les mains de l'établissement bancaire A sur les comptes détenus par l. KL. pour un montant de 25.573 euros n'a pas été valablement effectuée,
- ordonne en conséquence sa mainlevée immédiate,
- rejette la demande de dommages-intérêts formée par m. CO.,
- rejette la demande de dommages-intérêts formée par l. KL.,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamne l. KL. aux dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. »
Par jugement en date du 9 octobre 2014, le Tribunal de Première Instance a ordonné la rectification suivante remplaçant notamment le 3ème paragraphe du dispositif de la précédente décision : « Constate que la saisie-arrêt signifiée le 28 mars 2014 à la requête de l. KL. entre les mains de l'établissement bancaire A sur les comptes détenus par m. CO. pour un montant de 25.573 euros n'a pas été valablement effectuée. »
Par exploit d'appel et assignation délivré le 14 novembre 2014, Madame l. KL. a relevé appel partiel de la décision.
Aux termes de cet exploit et des conclusions déposées le 11 mars 2015 et le 13 avril 2015, Madame l. KL. demande à la Cour, sur le fondement des articles 202-5, 1011 et suivants du Code civil, 495, 511 et suivants du Code de procédure civile, et au visa de la convention de divorce homologuée le 11 mai 2012, de :
- « l'accueillir en son appel partiel,
- la déclarer recevable et bien fondée,
réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- écarté des débats les pièces produites par l. KL. sous les numéros 15 A B C D E et 16 A B C D E F G H I,
- constaté que la saisie-arrêt signifiée le 28 mars 2014 à la requête de l. KL. entre les mains de l'établissement bancaire A sur les comptes détenus par m. CO. pour un montant de 25.573 euros n'a pas été valablement effectuée,
- ordonné en conséquence sa mainlevée immédiate,
- condamné l. KL. aux dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur sous sa due affirmation,
- et, statuant à nouveau,
- constater que Madame l. KL. dispose d'un titre exécutoire lui permettant de procéder au recouvrement forcé de la somme de 25.575,00 euros au sens de l'article 495 du Code de procédure civile,
- constater que la saisie-arrêt diligentée par Madame l. KL. le 28 mars 2014 est causée en son quantum à concurrence de 25.575,00 euros,
- en conséquence, débouter Monsieur m. CO. de son appel incident et de toutes demandes, fins et conclusions à cet égard et confirmer l'attribution de la somme de 25.575,00€ saisie au profit de Madame l. KL.,
- en tout état de cause,
- condamner Monsieur m. CO. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
L'appelante soutient :
- qu'elle dispose d'un titre exécutoire résultant de la convention de divorce homologuée par le Tribunal de Première Instance dans son jugement définitif du 12 mai 2012,
- qu'aux termes de cette convention, Monsieur m. CO. s'est engagé à prendre en charge un montant maximum de 20.000 euros au titre de la scolarité de l'enfant commun du couple,
- que l'article 512 du Code de procédure civile, qui prescrit, à peine de nullité, les mentions devant être contenues dans un commandement de payer, n'exige pas une ventilation des sommes à saisir, sauf à rajouter à la loi,
- que les premiers juges ont statué ultra petita, Monsieur m. CO. n'ayant nullement contesté le montant de la créance, et se limitant à soulever la nullité des exploits d'huissier,
- qu'il a été considéré, à tort, que le montant de la créance n'était pas déterminé avec certitude, alors que s'agissant d'une disposition de la convention visant la prise en charge, par Monsieur m. CO., des frais de scolarité, le calcul des sommes dues doit être effectué, non pas par année civile, mais par année scolaire,
- qu'en toute hypothèse, à supposer que la clause ait été obscure, les premiers juges auraient dû rechercher la véritable intention des parties, en application de l'article 1011 du Code civil,
- qu'au vu des pièces produites, Monsieur m. CO. était bien redevable, au 20 mars 2014, de la somme de 25.575,00 euros,
- que les premiers juges ont relevé que Monsieur m. CO. contestait le fait que l'enfant du couple continue à être scolarisée à l'école internationale de COPENHAGUE, alors que l'intimé n'a jamais porté une telle contestation en justice,
- que, d'ailleurs, le débat sur le choix de l'école de p. a. est désormais clos suite au retrait, par les juridictions danoises, de l'autorité parentale de Monsieur m. CO.,
- qu'en outre, aucune discussion n'existe devant les juridictions danoises sur la question de savoir si la part contributive due pour p. a. inclut, ou non, les frais de scolarité,
- que Monsieur m. CO. tente de dénaturer à la fois la convention de divorce et les décisions rendues par les juridictions danoises,
- que Monsieur m. CO. doit être débouté de son appel incident portant sur la nullité du commandement de payer et de la signification de la saisie-arrêt, les articles 136 et 138 du Code de procédure civile ayant été respectés, par l'indication de l'état civil de la requérante et la mention de son domicile élu,
- que les premiers juges ont rejeté, à tort, les pièces de l'appelante au motif que les factures de l'école internationale de COPENHAGUE n'auraient pas été traduites en français alors que les montants dus, exprimés en couronnes danoises, ont été convertis en euros et que l'objet de ces factures a été traduit en langue française dans les écritures de l'appelante,
- qu'en raison de la mauvaise foi de Monsieur m. CO., la demande de dommages-intérêts formée à son encontre doit être accueillie en réparation du préjudice moral et financier subi par l'appelante.
Aux termes de conclusions déposées le 20 janvier 2015 et le 7 avril 2015, Monsieur m. CO., intimé et appelant incident, demande à la Cour, sur les fondement des articles 136, 155 et 495 du Code procédure civile et 78 du Code civil, de :
- « débouter Madame l. KL. de son appel et de l'ensemble de ses demandes et conclusions,
- confirmer le jugement du 16 septembre 2014 rectifié le 9 octobre 2014 en ce qu'il a déclaré que la saisie-arrêt n'a pas été valablement effectuée et prononcé la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur m. CO. ouverts dans les livres de l'établissement bancaire A, le 28 mars 2014, pour une somme de 25.573,00 euros,
- recevoir Monsieur m. CO. en son appel incident et l'y déclarer bien fondé,
- réformer le jugement du 16 septembre 2014 rectifié le 9 octobre 2014 pour le surplus,
- statuant à nouveau,
- constater que la signification des exploits de commandement de payer du 25 mars 2014 et de saisie-arrêt et signification du 28 mars 2014 sont (sic) entachées de nullité,
- dire et juger nul l'exploit de commandement de payer du 25 mars 2014,
- dire et juger nul l'exploit de saisie-arrêt et signification du 28 mars 2014,
- condamner Madame l. KL. à régler à Monsieur m. CO. une somme de 10.000,00€ à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi,
- en tout état de cause,
- condamner Madame l. KL. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. »
Monsieur m. CO. fait valoir :
- que Madame l. KL. ne détient aucun titre exécutoire dès lors que la convention de divorce n'en tient pas lieu et que le jugement de divorce sur le fondement duquel la saisie-arrêt arrêt a été opérée ne porte pas condamnation de Monsieur m. CO. au paiement des sommes sollicitées,
- que Madame l. KL., qui a fixé arbitrairement le montant de la dette supposée, ne dispose pas d'une créance certaine, liquide et exigible,
- qu'en outre, elle inclut dans les frais de scolarité des sommes ne relevant pas de cette catégorie de dépenses, notamment les frais d'orthophonie,
- que la part contributive ne prévoit pas le paiement de sommes supplémentaires pour les frais de scolarité,
- que Madame l. KL. a violé la convention de divorce, dès lors d'une part que les parties doivent choisir ensemble les établissements d'enseignement fréquentés par l'enfant et que l'établissement où est inscrite cette enfant ne correspond plus au souhait de Monsieur m. CO., d'autre part que les dépenses exceptionnelles doivent faire, au préalable, l'objet d'une décision conjointe,
- que le commandement de payer du 25 mars 2014 et la saisie-arrêt du 28 mars 2014 sont nuls en application des articles 136 et 155 du Code de procédure civile puisque Madame l. KL. y est mentionnée comme « Madame l. KL. épouse m. CO. », alors qu'un jugement de divorce est intervenu, et qu'elle prétend demeurer X à MONACO alors qu'elle résiderait au DANEMARK,
- que Madame l. KL., qui n'a pas hésité à faire pratiquer une saisie sur les comptes de Monsieur m. CO., obligeant celui-ci à engager des poursuites judiciaires, doit être condamnée au paiement de dommages-intérêts.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
1- Attendu que la recevabilité des appel principal et incident n'est pas contestée ;
2- Attendu, que la nullité de l'exploit de commandement de payer en date du 25 mars 2014 et de signification de la saisie-arrêt est sollicitée, sur le fondement des articles 136 et 155 du Code de procédure civile aux motifs d'une part que l'état civil de Madame l. KL. tel que mentionné sur ces deux actes ne correspond plus à la réalité compte tenu du divorce intervenu, d'autre part que l'adresse qui y est indiquée comme étant celle de la requérante, est erronée ;
Attendu que pour débouter Monsieur m. CO. de ses demandes, les premiers juges ont retenu :
- s'agissant de l'état civil de la requérante, que les mentions relatives à ses prénom, nom patronymique et nom d'usage étaient exactes,
- s'agissant de son domicile, que la mention de son domicile élu, conforme à l'article 138 du Code de procédure civile, permettait de remédier au caractère erroné de l'adresse réelle ;
Attendu que l'article 136 du Code de procédure civile énonce que tout exploit contiendra, notamment, le nom, les prénoms, la profession et le domicile de la partie requérante ;
Attendu que l'article 138 du Code de procédure civile énonce que l'exploit devra contenir élection d'un domicile dans la Principauté, s'il est signifié à la requête d'une partie qui n'y possède ni domicile ni résidence ;
Que l'article 155 du Code de procédure civile énonce, notamment, que les prescriptions figurant à l'article 136 précité sont observées à peine de nullité ;
Attendu, s'agissant de la mention relative à l'état civil de la requérante, Madame l. KL. est identifiée, sur ces deux exploits, comme : « Madame l. KL. épouse m. CO. » ;
Que la Cour observe :
- que les exploits litigieux contiennent le prénom « Louise » et le patronyme « l. KL. » qui correspondent à ceux de la requérante,
- que l'appelante a été, aux termes de l'article 3.1 de la convention réglant les conséquences du divorce, autorisée par son ex-époux à conserver l'usage du nom de m. CO. après le prononcé du divorce,
- et que, dès lors, l'indication du statut d'épouse au lieu de celui de divorcée n'est pas de nature à entacher de nullité les exploits délivrés ;
Attendu, en conséquence, que le moyen tiré d'une identité erronée est inopérant ;
Attendu, par ailleurs, que les deux exploits en date des 25 et 28 mars 2014, ont été délivrés à la requête de Madame l. KL. « demeurant X à MONACO, élisant domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de la Principauté de MONACO, y demeurant 2 rue de la Lüjerneta » ;
Attendu que Monsieur m. CO. soutient que l'adresse en Principauté mentionnée, dans les deux actes litigieux, comme étant celle de Madame l. KL. est erronée, et prétend que cette dernière cherche, par ce moyen, à dissimuler « au père de son enfant l'adresse de son domicile réel », contrevenant, en cela, aux dispositions de l'article 136 du Code de procédure civile précité ;
Attendu que Madame l. KL., qui reconnaît ne plus résider à l'adresse figurant sur les actes en cause, réplique qu'il n'y a aucune incidence sur leur validité puisqu'elle a fait élection de domicile en l'étude de son conseil, conformément à l'article 82 du Code civil ;
Attendu que l'article 82 du Code civil, aux termes duquel pour l'exécution d'un acte juridique ou l'exercice d'un droit en justice, il peut être fait élection de domicile en un lieu quelconque, peut, par son caractère général, valoir pour le commandement et l'exploit de saisie et vient, en ce sens, conforter les dispositions édictées par l'article 138 du Code de procédure civile sur la nécessité, pour toute personne n'ayant ni domicile ni résidence en Principauté, de procéder à une élection de domicile ;
Attendu, en toute hypothèse, que les premiers juges ont, à juste titre, retenu que l'accomplissement de la formalité prescrite par l'article 138 du Code de procédure civile répondait aux exigences d'indication de domicile posées par l'article 136 du Code de procédure civile, en sorte que les actes critiqués n'encourent aucune nullité ;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef ;
3- Attendu que le jugement attaqué a justement relevé, qu'en application de l'article 8 de la Constitution de la Principauté de MONACO, la langue française était la langue officielle de l'État et que, dès lors, les pièces communiquées par les parties dans une autre langue devaient être accompagnées de leur traduction en français pour permettre d'en débattre contradictoirement ;
Mais attendu que devant la Cour, les pièces qui ont été produites en première instance par Madame l. KL. sont désormais traduites en français. Qu'il convient, dès lors, et tenant l'évolution du litige, de les admettre aux débats et d'infirmer le jugement entrepris de ce chef ;
4- Attendu que l'article 495 du Code de procédure civile énonce que la saisie-arrêt faite en vertu d'un titre exécutoire emporte attribution au profit du créancier saisissant, à concurrence du montant de la créance indiqué dans l'exploit, des sommes disponibles dues par le tiers saisi au débiteur saisi ;
Attendu que l'article 203-1 du Code civil énonce que lorsque le divorce est demandé sur le fondement de l'article 198, le tribunal de première instance prononce le divorce s'il a acquis la conviction que la volonté des époux est réelle ou que leur acceptation est libre et éclairée. Il homologue la convention soumise par les époux conformément à l'article 202-5, sous réserve qu'elle soit conforme à leur intérêt et celui des enfants. Le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 199 est subordonné à l'homologation de la convention ;
Qu'il en résulte que la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice ;
Attendu, en l'espèce, que par jugement en date du 10 mai 2012, devenu définitif, le Tribunal de Première Instance a prononcé le divorce des époux l. KL. m. CO. et homologué, en toutes ses dispositions, la convention signée entre les époux le 16 avril 2012, rappelant qu'elle demeurerait annexée à la décision « pour en faire partie intégrante » ;
Qu'est en cause l'exécution, par Monsieur m. CO., de l'article 1.2.4.2 de la convention, ainsi libellé :
« Monsieur m. CO. prendra en charge outre les sommes prévues au 1.2.4.1 un montant maximum de 20.000 euros par an au titre de la scolarité de p. a., payable directement à l'école et ce jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire, soit jusqu'à la fin du lycée (Terminale-obtention du baccalauréat).
Si les frais d'inscription à l'école s'élèvent à moins de 20.000 euros par an, et s'il existe d'autres frais liés à des leçons particulières, ces frais seront payés par Monsieur m. CO. sur présentation de factures, sans pour autant que sa participation totale n'excède 20.000 Euros par an.
À titre exceptionnel, les frais scolaires relatifs à l'année 2012/2013 seront remboursés par Monsieur m. CO. à Madame l. KL., qui en a fait l'avance, sur présentation d'un justificatif de paiement et de la facture correspondante.
Il est entendu que les parties choisiront ensemble les établissements d'enseignement qui seront fréquentés par l'enfant.» ;
Attendu que cette disposition limite la prise en charge par Monsieur m. CO. aux seuls frais de scolarité de l'enfant commun, c'est-à-dire ceux dus à l'établissement scolaire, la convention précisant en outre que le montant de 20.000 euros est « payable directement à l'école » ;
Que s'agissant de frais de scolarité, leur périodicité doit s'entendre de l'année scolaire ;
Attendu que pour tenter d'échapper à cette disposition, Monsieur m. CO. prétend tout d'abord que Madame l. KL. ne justifierait pas d'une créance certaine, liquide et exigible ;
Mais attendu, que le caractère certain de la créance invoquée par l'appelante est acquis dès lors que la créance résulte d'une décision de justice ;
Que la condition d'exigibilité est également acquise en ce que les sommes réclamées correspondent à des années scolaires achevées ;
Qu'une créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre comporte tous les éléments permettant son évaluation ;
Qu'en l'espèce, la disposition précitée, figurant à l'article 1.2.4.2 de la convention, contient tous les éléments permettant l'évaluation de la créance de Madame l. KL. au titre des frais de scolarité de p. a., dès lors que sont précisés la nature des charges supportées par Monsieur m. CO. ainsi que leur plafond ;
Qu'enfin, le commandement de payer délivré par Madame l. KL. est régulier au regard des mentions exigées, à peine de nullité, par l'article 512 du Code de procédure civile, et que l'acte de signification de la saisie-arrêt contient bien, ainsi que l'exigent les articles 494 et 495 du Code de procédure civile, l'indication du montant de la créance ;
Attendu, en conséquence, que Madame l. KL., qui justifie suffisamment d'un titre exécutoire constatant une obligation de payer à l'encontre de Monsieur m. CO. ainsi que tous les éléments nécessaires à l'évaluation de sa créance, pouvait en poursuivre l'exécution sur les biens de son débiteur, peu important, dès lors, que les dispositions litigieuses de la convention de divorce homologuée ne soient pas expressément formulées comme une condamnation ;
Attendu que Monsieur m. CO. prétend, ensuite, que l'application de la disposition de la convention relative à la prise en charge des frais de scolarité est subordonnée à l'accord préalable des deux parents sur le choix de l'établissement scolaire qui sera fréquenté par leur enfant ;
Mais attendu que la convention réglant les effets du divorce contient, en son préambule, la clause suivante :
« Les Parents ont soigneusement sélectionné le système de scolarisation de p. a. comme celui qu'elles ont estimé être dans son meilleur intérêt. Les deux parents conviennent qu'une école internationale de type IB est actuellement la meilleure pour p. a. et souhaitent dans la mesure du possible maintenir un niveau équivalent d'enseignement jusqu'à la fin de sa scolarité. » ;
Que la convention précise, en outre, en son paragraphe 1.2.3.4 : « les parties ont décidé que p. a. sera scolarisée au Danemark en août 2012 » ;
Qu'elle contient enfin, au paragraphe 3.9 une « déclaration de sincérité », aux termes de laquelle les parties « déclarent que leur consentement a été réfléchi, mûri et éclairé et qu'ils ont apprécié pleinement les conséquences de l'ensemble des droits et obligations prévues dans la présente convention » ;
Attendu, dès lors, et sauf à priver de toute substance la convention homologuée dans les conditions décrites plus haut, Monsieur m. CO. ne saurait alléguer, par un courrier écrit le 20 août 2012, soit à peine trois mois après l'homologation de la convention, que l'établissement scolaire dans lequel sa fille a été inscrite à compter du mois d'août 2012, choisi par les parties en considération des critères qu'elles ont elles-mêmes posés dans le préambule de ladite convention, et dont il n'est pas allégué qu'il n'obéirait pas à ces critères, ne correspondrait plus à ses souhaits ;
Que l'intimé ne saurait davantage prétendre que lors de la convention réglant les effets du divorce, il n'était pas encore prévu que Madame l. KL. déménage avec p. a. au DANEMARK alors que les parties avaient, dans la convention, expressément prévu de scolariser leur enfant dans ce pays, et ce, dès le mois d'août 2012 ;
Attendu, dès lors, que le moyen tiré du choix de l'établissement scolaire est inopérant, la Cour relevant, en outre, que par un jugement du tribunal de première instance de LYNGBY en date du 30 décembre 2013, confirmé par décision de la Cour d'Appel danoise du 2 septembre 2014, l'autorité parentale concernant l'enfant du couple a été attribuée à la seule l. KL. ;
Attendu que conformément à la convention, il y a donc lieu de distinguer les frais de scolarité proprement dits des frais exceptionnels visés à l'article 1.2.4.3 selon lequel : « Il est convenu que si les parties exposent des dépenses imprévues pour p. a., telles notamment mais de façon non limitatives (sic), celles non remboursées par les organismes sociaux ou assurances, comme par exemple la pose d'un appareil dentaire, un problème médical, des troubles d'apprentissage etc., ces dépenses seront décidées conjointement par les parties et seront prises en charge à concurrence de ¾ par Monsieur m. CO. et ¼ par Madame l. KL. sur présentation de facture et/ou directement aux médecins ou organismes concernés », la Cour rappelant, en outre, que le coût de la scolarité s'entend, au regard de l'alinéa 2 du paragraphe 1.2.4.2, des « frais d'inscription » ;
Attendu que Monsieur m. CO. prétend que les frais de bus et de cantine seraient couverts par la contribution de 2.500 euros qu'il verse mensuellement à Madame l. KL. pour l'entretien de p. a. ;
Mais attendu que la convention réglant les effets du divorce distingue, dans ses paragraphes 1.2.4.1 et 1.2.4.2, la « contribution relative à l'entretien de l'enfant » proprement dite, fixée, pour la fraction à la charge de Monsieur m. CO., à la somme annuelle de 30.000 euros, des « coûts relatifs à l'éducation de l'enfant » fixés, quant à eux, au plafond annuel de 20.000 euros, en sorte que les frais de bus et de cantine scolaires, qui sont induits par la scolarité de l'enfant, font partie des « coûts relatifs à l'éducation » ;
Que, dès lors, les sommes réclamées au titre des frais de bus à hauteur de 33.000,00 couronnes danoises pour l'année 2012/2013 et de 32.000,00 couronnes danoises pour l'année 2013/2014 demeurent à la charge de Monsieur m. CO., ainsi que les frais de cantine d'un montant de 8.100,00 couronnes ;
Que, par ailleurs, et ainsi que le soutient Monsieur m. CO., les sommes réclamées par Madame l. KL. au titre des dépenses d'orthophonie à hauteur de 4.750,00 couronnes danoises pour l'année scolaire 2012/2013 et de 8.500,00 couronnes danoises pour l'année scolaire 2013/2014, soit 13.250 couronnes, justifiées par les factures versées aux débats, font partie des « dépenses exceptionnelles », qui, visées par l'article 1.2.4.3 de la convention, doivent être supportées à concurrence de ¼ (soit 3.312,50 couronnes) par Madame l. KL. et de ¾ (soit 9937,50 couronnes danoises) par Monsieur m. CO., seule la somme de 9.937,50 couronnes danoises pouvant être mise à la charge de ce dernier ;
Que la somme réclamée au titre des frais d'inscription soit 101.000,00 couronnes danoises (cf pièce n°7 de l'appelante), doit également être prise en considération et mise à la charge de Monsieur m. CO. ;
Attendu, enfin, s'agissant des frais relatifs aux cours particuliers, qu'ils ne peuvent être pris en charge par Monsieur m. CO., conformément à la convention, qu'à la double condition d'une part que les frais d'inscription de l'année scolaire considérée ne dépassent pas 20.000 euros, d'autre part que les factures soient présentées au père de l'enfant ;
Qu'en l'espèce, il n'est ni démontré, ni même soutenu, que pour l'année scolaire 2012/2013, les frais d'inscription excéderaient la somme de 20.000 euros, en sorte que l'intimé supportera également les frais de cours particuliers (français et langue maternelle) dont les factures sont produites aux débats, à hauteur, pour cette période, de la somme de 1.050 couronnes danoises ;
Que, pour le même motif, il en sera de même pour l'année 2013/2014, les sommes de 400 couronnes pour les cours de français et de 1.300 couronnes pour les cours de langue maternelle devant être payées par Monsieur m. CO. ;
Attendu, en conséquence, que la saisie-arrêt pratiquée par Madame l. KL. le 28 mars 2014 sera cantonnée à l'équivalent en euros de la somme de 186.787,50 couronnes danoises, à laquelle est fixée la créance de l'appelante à l'égard de Monsieur m. CO., l'appelante étant déboutée du surplus de ses demandes de ce chef ;
5- Attendu que, succombant en cause d'appel, Monsieur m. CO. est mal fondé à solliciter la condamnation de Madame l. KL. au paiement de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef, par motifs substitués ;
6- Attendu qu'en raison de sa succombance, Monsieur m. CO. supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Infirme le jugement rendu le 16 septembre 2014 par le Tribunal de Première Instance, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur m. CO. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du commandement de payer du 25 mars 2014 et de l'acte de signification de la saisie-arrêt du 28 mars 2014 et en ce qu'il a débouté celui-ci de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau des chefs réformés,
Déboute Monsieur m. CO. de sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces produites par Madame l. KL. sous les numéros 15 A B C D E et 16 A B C D E F G H I,
Dit que la saisie-arrêt pratiquée par Madame l. KL. sur les comptes bancaires de Monsieur m. CO. ouverts dans les livres de l'établissement bancaire A le 28 mars 2014 sera validée à hauteur de l'équivalent en euros de la somme de 186.787,50 couronnes danoises,
Déboute Madame l. KL. du surplus de ses demandes de ce chef,
Condamne Monsieur m. CO. aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement taxés par le Greffier en Chef sur état, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 2 JUIN 2015, par Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier substitut du Procureur Général.