Cour d'appel, 5 mai 2015, Carl, Erik, Douglas BO. c/ c. BU.
Abstract🔗
Legs – Délivrance
Résumé🔗
L'article 869 du Code civil énonce, en son alinéa 2, que le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou les intérêts, qu'à dater du jour de sa demande en délivrance formée suivant l'ordre établi par l'article 867. L'article 867 du Code civil énonce que les légataires à titre universel sont tenus de demander la délivrance aux héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi ; à leur défaut, aux légataires universels ; et, à défaut de ceux-ci, aux légataires appelés dans l'ordre établi au titre des successions. Il ne se déduit pas de la combinaison de ces textes que la demande en délivrance de legs doive être adressée à l'exécuteur testamentaire.
L'article 873 du Code civil énonce que la chose léguée sera délivrée avec les accessoires nécessaires, dans l'état où elle se trouvera au jour du décès du donateur. Il s'en déduit que seuls les biens se trouvant dans le patrimoine du de cujus au jour de son décès peuvent faire l'objet d'une délivrance.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 5 MAI 2015
En la cause de :
- Monsieur C, E, D BO., né le 10 mai 1951 à Racine, Wisconsin (États-Unis d'Amérique), de nationalité suédoise, domicilié X Londres (Grande-Bretagne) ;
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Donald MANASSE, avocat au Barreau de Nice ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Monsieur c. BU., né le 29 mai 1943 à Stockholm (Suède), de nationalité suédoise, domicilié X à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Elie COHEN, avocat au Barreau de Nice ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 21 mars 2013 (R.4316) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 28 mai 2013 (enrôlé sous le numéro 2013/000172) ;
Vu l'arrêt avant dire droit en date du 8 juillet 2014 ;
Vu les conclusions déposées le 11 novembre 2014 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de c. BU. ;
Vu les conclusions déposées les 7 octobre 2014 et 3 février 2015, par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de Carl BO. ;
À l'audience du 10 mars 2015, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Carl BO., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 21 mars 2015.
Considérant les faits suivants :
Par arrêt contradictoire en date du 8 juillet 2014, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits et les prétentions et moyens développés jusqu'à cette date par les parties, la Cour d'Appel a statué ainsi qu'il suit :
« - reçoit l'appel,
- rejette des débats la pièce n° 6 produite par Monsieur c. BU.,
avant-dire droit au fond,
- enjoint à Monsieur Carl BO. de verser aux débats la décision rendue à la suite de la plainte qu'il a déposée dans le cadre du règlement par les autorités suisses de la succession de feue v. BO. et dont il est fait état dans le document intitulé « procès-verbal de conclusion » (pièce n° 4 produite par Monsieur c. BU.) du 18 janvier 2012,
- sursoit à statuer au fond et renvoie la cause et les parties à l'audience du mardi 7 octobre 2014 à 9 heures,
- réserve les dépens. »
Aux termes de conclusions déposées les 7 octobre 2014 et 3 février 2015, Monsieur Carl BO. demande à la Cour, sur le fondement des articles 870, 871 et 1229 du Code civil, et au visa des pièces communiquées dont la « décision sur réclamation » rendue le 24 novembre 2011 par le bureau des impôts de succession et donations, et le courrier de ce bureau en date du 21 janvier 2015, de :
« lui donner acte de ce qu'il a versé aux débats la décision rendue le 24 novembre 2011 par le bureau des impôts de succession et donations de LUGANO,
constater que suivant les indications données par le bureau des impôts de succession et donations de LUGANO, cette décision rendue le 24 novembre 2011 est la seule décision qui a été rendue concernant Monsieur Carl Erik BO.,
l'accueillir en son appel et l'y déclarant recevable et bien fondé,
lui adjuger de plus fort l'ensemble de ses précédentes écritures dont l'acte d'appel et assignation en date du 28 mai 2013 et l'ensemble de ses conclusions prises postérieurement à l'acte d'appel,
par conséquent,
infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Première Instance de MONACO le 21 mars 2013,
et statuant à nouveau,
dire et juger qu'il est recevable et bien fondé à demander la délivrance du legs de 200.000 CHF dont il bénéficie au titre du testament de Madame v. BO. en date du 28 juillet 1998,
dire et juger qu'il est recevable et bien fondé à demander la délivrance de la nature morte (avec violon) de JAN DAVIDSZ DE HEEM dont il bénéficie au titre du testament de Madame v. BO. en date du 28 juillet 1998,
ordonner, en conséquence, la délivrance par Monsieur c. BU., conformément au testament de Madame v. BO. du 28 juillet 1998, à Monsieur Carl Erik Douglas BO. du legs particulier de 200.000 CHF (équivalent à 165.494,76 euros à la date du 14 décembre 2012), outre les intérêts au taux légal depuis le 22 septembre 2003 jusqu'à complet paiement, et de la nature morte (avec violon) de JAN DAVIDSZ DE HEEM,
ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2004,
dire et juger que la dette de Monsieur Carl Erik Douglas BO. à l'égard de la succession de feue v. BO., au titre du prêt accordé par celle-ci à Monsieur BO. en 1998, s'est éteinte au jour du décès de madame v. BO. et que par conséquent, Monsieur Carl Erik Douglas BO. n'est plus redevable d'aucune somme à l'égard de la succession de Madame v. BO.,
dire et juger que l'intégralité des frais et droits relatifs aux legs dont bénéficie Monsieur Carl Erik Douglas BO. et à l'extinction de la dette de ce dernier à l'égard de la succession de feue v. BO. sera supportée par la succession de feue v. BO.,
condamner en conséquence Monsieur c. BU. à payer tous les frais et droits auxquels pourraient être soumis les legs dont bénéficie Monsieur Carl Erik Douglas BO. et l'extinction de la dette de ce dernier à l'égard de la succession de feue v. BO.,
condamner Monsieur c. BU. à verser à Monsieur Carl Erik Douglas BO. la somme de 1.599.984 CHF (équivalent à la somme de 1.323.835,70 euros à la date du 14 décembre 2012) au titre des frais de succession dus au Département de l'Economie et des Finances du Canton du Ticino en SUISSE,
condamner Monsieur c. BU. à verser à Monsieur Carl Erik Douglas BO. la somme de 115.000 CHF (équivalent à la somme de 95.190,54 euros à la date du 14 décembre 2012) à titre de dommages-intérêts pour résistance à la délivrance de legs particuliers,
débouter Monsieur c. BU. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
mettre les dépens à la charge de la succession de Madame v. BO. dont distraction au profit de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. »
Monsieur Carl Erik Douglas BO. expose en substance :
-que ses demandes sont recevables, l'absence aux débats de l'exécuteur testamentaire n'étant pas sanctionnée,
que n'ayant jamais été en possession de la décision rendue à la suite de la plainte déposée dans le cadre du règlement par les autorités suisses de la succession de v. BO., il a néanmoins mandaté un avocat suisse afin qu'il puisse solliciter la communication de cette décision,
qu'ainsi, Maître Lara POZZOLI, avocat à LUGANO, a demandé, et à Monsieur NA. et à l'administration fiscale suisse, la copie de la décision rendue par l'« Ufficio imposte di successione e di donazione »,
que Monsieur NA. lui a communiqué une décision rendue, suite à une « réclamation » et non à une « plainte », par le Bureau des impôts de Successions et Donations de LUGANO, en date du 24 novembre 2011, la réclamation ayant, en réalité, été déposée par Monsieur NA. lui-même,
que cette décision établit que Monsieur c. BU. ne lui a jamais délivré le legs particulier de 200.000 CHF, ni acquitté l'impôt sur la succession relatif au legs particulier fait au profit de l'appelant, malgré les stipulations contraires du testament et les termes de l'ordonnance d'envoi en possession du 22 septembre 2003,
que Monsieur BO. a donc satisfait à l'injonction de produire ordonnée par la Cour,
que l'impôt de succession a été calculé sur la base de la valeur du prêt dont la défunte a, dans son testament, dispensé Monsieur Carl BO. du remboursement,
qu'en dépit de la volonté exprimée sur ce point par la défunte dans son testament, le Bureau des impôts de succession et donations a considéré, en application de l'article 151 alinéa 1 de la loi fiscale suisse, que l'impôt était, en principe, à la charge du légataire,
qu'en définitive, les dernières volontés de v. BO. n'ont pas été respectées dès lors que le legs particulier de la somme de 200.000 CHF n'a pas été délivré à monsieur Carl BO., que le tableau Nature morte (avec violon) de JAN DAVIDSZ DE HEEM ne lui a pas été remis, et que l'héritier de la succession ne s'est pas acquitté de l'impôt sur celle-ci,
que la résistance abusive à la délivrance des legs particuliers dont l'intimé a fait preuve doit être sanctionnée par l'allocation de dommages-intérêts,
Aux termes des conclusions responsives qu'il a déposées le 11 novembre 2014, Monsieur c. BU. demande à la Cour de :
« dire irrecevables pour être mal dirigées les demandes formulées par Monsieur BO. faute par ce dernier d'avoir appelé en la cause l'exécuteur testamentaire désigné dans le testament dont il se prévaut, à savoir le Dr Hanz-Caspar NA.,
lui donner acte de ce qu'il sollicite l'entier bénéfice des conclusions par lui déposées en date des 8 octobre 2013, 21 janvier 2014 et 13 mai 2014 pour les motifs qui y sont énoncés,
constater que Monsieur Carl Erik Douglas BO. n'a pas communiqué la pièce que l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Monaco le 8 juillet 2014 lui a enjoint de verser aux débats,
allouer à Monsieur c. BU. l'entier bénéfice des conclusions par lui déposées le 8 octobre 2013 et le 13 mai 2014,
débouter Monsieur Carl BO. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement R.4316 rendu par le Tribunal de Première Instance le 21 mars 2013,
dire et juger que l'appel formé par Monsieur BO. à l'encontre dudit jugement revêt un caractère abusif préjudiciable à l'intimé,
condamner Monsieur BO. à payer à Monsieur c. BU. une somme de 50.000,00 euros à titre de dommages-intérêts,
condamner Monsieur BO. en tous les dépens d'appel, en ceux compris les frais de traduction de la pièce n° 6, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. »
L'intimé fait valoir, en substance, :
que les demandes de Monsieur BO. sont irrecevables faute de mise en cause de l'exécuteur testamentaire,
que Monsieur BO. n'a pas communiqué la pièce requise par la Cour dans l'arrêt avant-dire droit qu'elle a rendu le 8 juillet 2014, et qu'il est de mauvaise foi lorsqu'il prétend ne jamais avoir été en possession de la décision rendue,
qu'une convention a été conclue entre l'exécuteur testamentaire, le légataire universel et l'administration fiscale suisse, aux termes de laquelle le legs financier de 200.000 francs suisses n'est pas dû à Monsieur BO.,
que, dans le cadre de cette convention, tous les légataires, dont Monsieur BO., ont été consultés en vue d'une minoration de leurs legs,
que Monsieur BO. a précisément combattu cette décision de l'autorité suisse dans le cadre de la plainte dont il est fait état dans le « PV de Conclusion » et qui lui a été réclamée par la Cour,
qu'il est mentionné au point 14 de la convention conclue entre l'exécuteur testamentaire et la Division des Contributions de BELINZONA que le legs de la somme de 200.000 CHF ne sera pas payé à Monsieur BO.,
que Monsieur BO. a contesté, sans succès, cette décision, bien qu'il ait décider de ne pas verser aux débats le résultat de son recours,
que, s'agissant de la nature morte, l'agenda de 1999 de la défunte, totalement manuscrit par elle en langue suédoise, prouve que le 7 mars 1999, l'appelant s'est fait remettre l'œuvre dont il réclame aujourd'hui la délivrance,
que l'inventaire, traduit en français, prouve que le tableau réclamé ne figure pas dans les actifs successoraux,
que Monsieur c. BU. ne saurait être condamné au paiement de la somme de 1.599.984 CHF dès lors d'une part que l'administration suisse a reconnu que celui-ci ne devra plus aucun impôt, d'autre part que l'appelant ne justifie même pas du paiement de cette somme.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
1- Attendu que Monsieur c. BU. soulève l'irrecevabilité des demandes formées par Monsieur BO., légataire particulier de v. BO., dès lors que ce dernier n'aurait pas appelé à la cause l'exécuteur testamentaire désigné dans le testament dont il se prévaut, savoir Monsieur Hanz-Caspar NA. ;
Attendu que l'article 869 du Code civil énonce, en son alinéa 2, que le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou les intérêts, qu'à dater du jour de sa demande en délivrance formée suivant l'ordre établi par l'article 867 ;
Que l'article 867 du Code civil énonce que les légataires à titre universel sont tenus de demander la délivrance aux héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi ; à leur défaut, aux légataires universels ; et, à défaut de ceux-ci, aux légataires appelés dans l'ordre établi au titre des successions ;
Attendu qu'il ne se déduit pas de la combinaison de ces textes que la demande en délivrance de legs doive être adressée à l'exécuteur testamentaire ;
Attendu, en outre, que si l'exécuteur testamentaire a, en vertu de l'article 886 du Code civil, l'obligation de veiller à l'exécution du testament, il y a lieu de remarquer au cas d'espèce, d'une part, que Monsieur Hanz-Caspar NA., désigné en cette qualité, n'a pas reçu la saisine du testateur ni en totalité, ni en partie au sens de l'article 881 du Code civil, d'autre part, que le testament lui impartit, pour seule mission, de prévoir des provisions suffisantes pour payer la totalité des droits de succession ;
Attendu, enfin, que l'ordonnance rendue le 22 septembre 2003 par le Président du Tribunal de Première Instance a statué ainsi qu'il suit :
« Avons envoyé et envoyons c. BU. en possession des biens dépendant de la succession de feue Vérana BO. MU., ce, en sa qualité de légataire universel, pour qu'il puisse disposer de ces biens comme de choses lui appartenant à compter du jour du décès de ladite Vérana BO. MU., ce sous réserve de la délivrance de legs particuliers » ;
Attendu, dès lors, que l'action en délivrance de legs dirigée, conformément aux textes susvisés, par Monsieur Carl BO., légataire particulier, à l'encontre du seul Monsieur c. BU., légataire universel dûment envoyé en possession des biens dépendant de la succession de v. BO. par ordonnance du Président du Tribunal de Première Instance en date du 22 septembre 2003, sera déclarée recevable, la présence aux débats de l'exécuteur testamentaire n'étant, en l'espèce, pas requise ;
2- Attendu que par arrêt avant-dire droit du 8 juillet 2014, la Cour a invité l'appelant à produire aux débats « la décision rendue à la suite de la plainte qu'il a déposée dans le cadre du règlement par les autorités suisses de la succession de feue v. BO. et dont il est fait état dans le document intitulé « procès-verbal de conclusion » (pièce n°4 produite par Monsieur c. BU.) du 18 janvier 2012 » ;
Attendu que les parties sont contraires sur l'exécution, par l'appelant, de cette injonction ;
Attendu qu'il ressort des débats que Monsieur Carl BO. a mandaté Maître Lara POZZOLI, avocat à LUGANO, à l'effet d'obtenir copie de la décision requise par l'arrêt précité ;
Que par deux courriers en date du 5 septembre 2014, celle-ci a sollicité de Monsieur NA. d'une part, du Bureau des impôts de succession et donations d'autre part, la délivrance de cette décision ;
Que, par courrier du 9 septembre 2014, Monsieur NA. a adressé à Maître POZZOLI la copie de la « décision portant sur une réclamation » rendue, à LUGANO, le 24 novembre 2011 par le Bureau des impôts de succession et donations de laquelle il ressort notamment :
qu'une réclamation en date du 19 décembre 2005 avait été présentée par Monsieur NA. en sa qualité « d'administrateur de la succession », contre les décisions émises par ce bureau le 21 novembre 2005,
que, compte tenu de ce que le legs particulier d'un montant de 200.000 CHF n'avait pas « été respecté par l'héritier, et que tout laisse à penser que ce dernier n'assumera pas l'impôt sur la succession portant sur le legs (théoriquement à sa charge par la volonté du disposant) », le Bureau a estimé « opportun de limiter l'imposition pesant sur Monsieur Douglas Carl BO. à la remise du prêt (…3.902.400 CHF) »,
qu'en conséquence, la valeur imposable du legs consenti à Monsieur Carl BO. s'élevait à 3.902.400 CHF, et l'impôt en résultant à 1.599.984 CHF ;
Que, par un nouveau courrier du 2 décembre 2014, Maître Lara POZZOLI a demandé à Monsieur NA. de lui faire savoir si la décision ci-dessus était la seule décision rendue par l'autorité fiscale à l'égard de Monsieur Carl BO. et, dans la négative, de lui communiquer toute autre décision émise par le centre des impôts ;
Que Monsieur NA. confirmait à Maître POZZOLI, par un courrier du 4 décembre 2014, qu'il n'avait pas connaissance d'un autre avis du centre des impôts du Tessin dans l'affaire Carl BO., en dehors de la décision précitée ;
Que, de même, « l' Ufficio delle imposte di successione e donazione » du Canton du Tessin confirmait à Maître POZZOLI que la réclamation à laquelle il avait été répondu par la décision du 24 novembre 2011 lui avait été adressée par Monsieur NA., et non par Monsieur BO., que « notre unique décision sur la réclamation concernant Monsieur Carl Erik BO., c'est-à-dire celle susmentionnée et datant du 24.11.2011, a été rendue en conséquence des actes et après les communications indiquées ci-après (…) » et que « dans le procès-verbal conclusif du 18.01.2012 (qui est déjà en votre possession) et en particulier à la page 1 de ce dernier, où il est écrit que l'UISD (Ufficio delle imposte di successionne et donazione) a rendu une décision concernant le légataire Monsieur Douglas Carl BO., conformément au point 14 du procès-verbal du 17 juin 2011), il est précisé que la décision susvisée, portant sur la réclamation du 24 novembre 2011, était et demeure la seule décision rendue par nos services sur la réclamation à l'égard de Monsieur Carl Erik BO. (…) » ;
Attendu, dès lors, que Monsieur c. BU. est mal fondé à prétendre que les prescriptions de l'arrêt avant-dire droit n'auraient pas été satisfaites ;
Qu'il se déduit aussi des éléments ci-dessus que le recours portait sur un litige de nature purement fiscale relatif au montant des droits de succession calculés sur la seule dispense de remboursement du prêt de 3.902.400 CHF ;
3- Attendu, en l'état de la non-comparution de Monsieur c. BU. en première instance, que pour débouter Monsieur BO. de l'ensemble de ses prétentions, le jugement entrepris a retenu que le demandeur à l'instance, tout en se prévalant d'un testament olographe, ne produisait qu'un document dactylographié, qu'il versait aux débats une ordonnance d'envoi en possession de Monsieur c. BU. sans la requête qui y était annexée, qu'il estimait justifier de sa demande en délivrance de legs par divers documents dont il ne démontrait pas qu'ils avaient été adressés ni reçus par Monsieur c. BU. et qu'en définitive, ces éléments ne permettaient pas au Tribunal de faire droit aux demandes dont il était saisi ;
Attendu, cependant, que ni le caractère olographe du testament en cause, ni son contenu, ni encore la validité de celui-ci ne font débat entre les parties ;
4- Attendu que Monsieur BO. sollicite que soit ordonnée la délivrance, à son profit, du tableau « nature morte (avec violon) » de JAN DAVIDSZ DE HEEM ;
Attendu qu'il invoque le testament rédigé par v. BO. le 28 juillet 1998, qui indique, dans la version traduite versée aux débats, au paragraphe 2.2 en page 5, consacré aux legs en nature, « Pour les objets désignés dans ce qui suit, j'institue comme légataires les personnes suivantes : …. b) Carl D. BO. recevra la nature morte (avec violon) de Van Helm » ;
Attendu que l'intimé oppose que cette nature morte aurait déjà été remise à l'appelant dès avant le décès de v. BO. ;
Attendu que l'article 873 du Code civil énonce que la chose léguée sera délivrée avec les accessoires nécessaires, dans l'état où elle se trouvera au jour du décès du donateur ;
Qu'il s'en déduit que seuls les biens se trouvant dans le patrimoine du de cujus au jour de son décès peuvent faire l'objet d'une délivrance ;
Attendu qu'il ressort des débats que v. BO. est décédée le 20 mars 2003 et que l'œuvre revendiquée ne figure pas dans le procès-verbal d'inventaire dressé le 6 novembre 2003, soit près de huit mois après le décès, par Maître ESCAUT-MARQUET, huissier de justice ;
Attendu que Monsieur c. BU. verse aux débats la copie en allemand de la première page de l'agenda de v. BO. en date du 7 mars 1999, accompagnée d'une traduction en français, qui établirait, selon lui, la remise du tableau à l'appelant à cette date ;
Attendu qu'à supposer même, ce qui est mis en doute par l'appelant, que v. BO. soit bien la rédactrice des deux pages de l'agenda, la page du 7 mars 2009, relative à la prétendue remise du tableau à Monsieur BO., est ainsi traduite : « Carl a apporté des tableaux de van Heem et les lampes Marianne », et non pas « Carl a emporté des tableaux de van Heem et les lampes Marianne » ;
Que cette seule mention, qui décrit expressément un apport, par l'appelant, de tableaux et de lampes, et non la situation inverse, ne suffit pas à démontrer que v. BO. aurait remis à Monsieur Carl BO. le tableau litigieux, dont il n'est, par ailleurs, pas précisé qu'il ferait partie des tableaux évoqués par la mention ci-dessus reproduite ;
Attendu que Monsieur c. BU. invoque également les photographies de deux natures mortes, dont celle constituant le legs particulier de Monsieur Carl BO., au verso desquelles figurerait la mention manuscrite de leur remise aux frères BO., l'appelant précisant que le nom des bénéficiaires aurait été écrit de la main de feue v. BO. tandis que la mention de leur remise et de la date de celle-ci aurait été portée par l'intimé ;
Que, pour émaner, en partie, de l'intimé lui-même, cette pièce ne saurait, à elle seule, constituer une preuve ;
Qu'en outre la seule mention du nom du bénéficiaire apposée par la défunte ne peut faire présumer de la remise corrélative du tableau à celui auquel elle entendait le destiner ;
Attendu, en toute hypothèse, qu'aucune des pièces versées aux débats ne permet d'attester de la présence dans le patrimoine de la testatrice, au jour de son décès, du tableau revendiqué par l'appelant, en sorte que Monsieur BO. ne peut qu'être débouté de sa demande, le jugement étant confirmé de ce chef, par motifs substitués ;
5- Attendu que Monsieur BO. sollicite également que soit ordonnée la délivrance, à son profit, de la somme de 200.000 CHF ;
Attendu que, pour s'opposer à cette demande, Monsieur c. BU. objecte que « l'administration suisse a considéré que le legs de 200.000,00 Fr. S, objet de la demande de M. BO., devant les tribunaux monégasques, doit être considéré comme payé en raison de la renonciation par la succession à la créance de 3.902.400,00 Fr. S que la défunte détenait contre Carl BO. » ;
Attendu, au cas d'espèce, qu'il avait déjà été constaté par la Cour, dans son précédent arrêt, que Monsieur c. BU. n'avait jamais pu libérer les vingt-huit legs particuliers, en raison de l'importante créance de l'administration fiscale suisse d'un montant de 31.741.549,70 francs suisses, que tous les actifs successoraux avaient été séquestrés par ladite administration compte tenu de sa créance, que seuls avaient pu être pratiqués les legs de 3.902.400 francs suisses au bénéfice de Carl BO. et celui de 200.000 francs suisses au bénéfice d'une dame PI., puisque dévolus sous la forme de renoncement aux créances correspondantes, et que, dans ces conditions, les legs particuliers n'avaient pu être délivrés, en tout cas pas dans leur intégralité ;
Attendu que cet arrêt rappelle, en outre, que la proposition transactionnelle du 17 juin 2011 entre l'administration fiscale, l'exécuteur testamentaire et Monsieur c. BU., représenté à l'acte par Maître FRANSCINI, est précisément intervenue en l'état de cette situation ;
Mais attendu que la Cour relève en outre, que, contrairement à ce que soutient l'intimé, le recours intenté auprès de l'administration fiscale concerne, ainsi que la convention du 17 juin 2011 le précise en son point 14, « une réclamation relative au legs (renonciation au crédit) de Fr. 3.902.400 », c'est-à-dire un litige de nature purement fiscale, relatif au montant des droits de succession calculés sur le montant de la dispense de remboursement ;
Attendu que le fait que Monsieur BO. conteste l'opposabilité à son égard de la proposition transactionnelle conclue entre Monsieur c. BU., l'exécuteur testamentaire d'une part et l'administration fiscale d'autre part, est sans incidence sur le présent litige dès lors que l'appelant tient ses droits du testament, auquel il n'a pas renoncé, et dont nul ne conteste le contenu, ni la validité, ainsi que cela a déjà été rappelé ;
Que sur ce point, la Cour relève que Monsieur BO. n'était pas partie aux conventions des 17 juin 2011 et 18 janvier 2012, et que Monsieur c. BU. y était représenté, en sa qualité d'héritier, par Maître Michele FRANSCINI, notaire ;
Attendu, en outre, qu'il résulte, à la fois de la lettre et de l'esprit des conventions du 17 juin 2011 et 18 janvier 2012 qu'elles ne peuvent contrevenir aux droits des légataires particuliers auxquels ceux-ci n'auraient pas expressément renoncé, et, en particulier à ceux que Monsieur BO. tient du testament, le projet de convention du 17 juin 2011 précisant à la fois que :
« les comparants s'obligent à ne pas divulguer (clause de discrétion) à des tierces personnes, particulièrement aux légataires, les informations contenues dans le présent procès-verbal au-delà de celles minimales nécessaires qui devront leur être communiquées afin qu'ils puissent se prononcer sur la réduction prévue du legs qui leur revient »,
« les légataires qui se déclareront d'accord avec la proposition de transaction devront simultanément confirmer qu'ils se considèrent désintéressés et renoncer à toute prétention ultérieure contre l'Etat du Canton du Tessin, l'exécuteur testamentaire Dr H-C NA., et l'héritier Monsieur c. BU... » ;
Attendu, en conséquence, qu'il doit être fait droit à la demande de Monsieur Carl BO. tendant à voir ordonner la délivrance par Monsieur c. BU., conformément au testament de Madame v. BO. du 28 juillet 1998, à Monsieur Carl Erik Douglas BO. du legs particulier de 200.000 CHF, soit la contre-valeur en euros de cette somme au jour du prononcé de l'arrêt, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef ;
Attendu que cette somme portera intérêts au taux légal, non à compter du 22 septembre 2003, comme demandé, cette date correspondant à l'envoi en possession de Monsieur c. BU., mais à compter du 9 janvier 2013, date de l'assignation en délivrance, conformément à ce que prévoit l'article 869 alinéa 2 du Code civil, à défaut d'établir l'existence d'une mise en demeure préalable à l'exploit introductif d'instance ;
Attendu que la capitalisation des intérêts au taux légal sera ordonnée à compter du 9 janvier 2014 ;
6- Attendu que Monsieur BO. sollicite, en outre, la condamnation de c. BU. à payer tous les frais et droits relatifs au legs dont il bénéficie, ainsi que la somme de 1.599.984 CHF (équivalent à la somme de 1.323.835,70 euros à la date du 14 décembre 2012) au titre des frais de succession dus au Département de l'Economie et des Finances du Canton du Ticino en SUISSE ;
Qu'il invoque :
- d'une part, l'article 871 du Code civil aux termes duquel les frais de la demande en délivrance seront à la charge de la succession, sans néanmoins qu'il puisse en résulter de réduction de la réserve légale. Les droits d'enregistrement seront dus par le légataire. Le tout, s'il n'en a été autrement ordonné par le testament,
- d'autre part, le testament aux termes duquel : « la totalité des droits de succession dus pour les legs ou héritages mentionnés dans le présent testament sera couverte par le patrimoine successoral. Les exécuteurs testamentaires devront prévoir des provisions en conséquence» ;
Attendu que pour réclamer la condamnation de Monsieur c. BU. au paiement de la somme de 1.599.984 CHF, Monsieur BO. verse aux débats un avis de sommes à payer émanant du Département des Finances et de l'Economie de BELLINZONA, portant sur la somme de 1.599.984 CHF, émis le 24 novembre 2011, au titre de l'« impôt sur la succession BO. v. BO. quote-part à la charge de BO. Douglas Carl » ;
Attendu que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ;
Or attendu que l'appelant ne prouve pas qu'il se soit acquitté du paiement de cette somme, ni, l'avis de recouvrement datant de près de trois ans et demi, qu'une relance lui ait été adressée, en sorte que la Cour ignore à ce stade si cette somme a été payée ou pas, et si le montant de la dette n'a pas fait l'objet d'une négociation auprès de l'administration fiscale suisse ;
Attendu, en conséquence, que Monsieur BO. sera débouté de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 1.599.984 CHF, le jugement étant confirmé par motifs substitués ;
Attendu, en revanche, que la demande de l'appelant tendant à voir Monsieur c. BU. condamné à payer les autres frais et droits relatifs au legs dont il bénéficie doit être satisfaite au regard des dispositions testamentaires prises de ce chef ;
7- Attendu que l'appelant demande, en outre, de voir dire et juger que sa dette à l'égard de la succession de feue v. BO., au titre du prêt accordé par celle-ci en 1998, s'est éteinte au jour du décès de Madame v. BO., la Cour relevant que cette question ne fait pas débat entre les parties et qu'aucune demande de remboursement n'est formulée au titre du prêt ;
8- Attendu que Monsieur BO. sollicite également la condamnation de Monsieur c. BU. à lui payer la somme de 115.000 CHF (équivalent à la somme de 95.190,54 euros à la date du 14 décembre 2012) à titre de dommages-intérêts pour résistance à la délivrance de legs particuliers ;
Mais attendu que la Cour relève que Monsieur BO. a attrait Monsieur c. BU. en justice selon une assignation introductive d'instance en date du 9 janvier 2013 ;
Que l'appelant ne justifie pas que celle-ci aurait été précédée de l'envoi de mises en demeure restées infructueuses ;
Attendu, en outre, que les débats ont amplement démontré que l'ensemble des biens dépendant de la succession de v. BO. avaient été durablement placés sous séquestre par l'administration fiscale suisse, le litige ayant abouti à une convention du 18 janvier 2012 ;
Attendu, par ailleurs, que l'appelant succombe partiellement en ses demandes ;
Attendu, dans ces conditions, que Monsieur Carl BO., qui ne démontre aucune résistance fautive de Monsieur c. BU., la simple défense par ce dernier de ce qu'il estime être ses droits ne pouvant en tenir lieu, sera débouté de sa demande de dommages-intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef par motifs substitués ;
9- Attendu que Monsieur Carl BO. est partiellement accueilli en son appel, lequel ne saurait, de ce fait, revêtir le moindre caractère abusif, en sorte que Monsieur c. BU. sera débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ;
10- Attendu que Monsieur c. BU. supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux réservés par l'arrêt avant-dire droit du 8 juillet 2014, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement, par motifs propres et substitués,
Vu l'arrêt avant dire droit en date du 8 juillet 2014,
Déclare recevable Monsieur Carl BO. en ses demandes,
Infirme le jugement rendu le 21 mars 2013 par le Tribunal de Première Instance sauf en ce qu'il a débouté Monsieur Carl BO. de sa demande en délivrance par Monsieur c. BU. de la nature morte avec violon de JAN DAVIDSZ DE HEEM, de sa demande tendant à voir condamner Monsieur c. BU. à lui payer la somme de 1.599.984 CHF au titre des frais de succession, de sa demande tendant à voir juger que sa dette à l'égard de la succession de feue v. BO., au titre du prêt accordé par celle-ci en 1998, s'est éteinte au jour du décès de Madame v. BO., de sa demande tendant à voir Monsieur c. BU. à lui payer la somme de 115.000 CHF à titre de dommages-intérêts pour résistance à délivrance de legs particuliers, et en ce qu'il a condamné Monsieur Carl BO. aux dépens de première instance,
Statuant à nouveau des chefs réformés,
Ordonne, la délivrance par Monsieur c. BU., conformément au testament de Madame v. BO. du 28 juillet 1998, à Monsieur Carl Erik Douglas BO. du legs particulier de 200.000 CHF, soit la contre-valeur en euros de cette somme au jour du prononcé du présent arrêt,
Dit que cette somme portera les intérêts au taux légal depuis le 9 janvier 2013 jusqu'à complet paiement,
Ordonne la capitalisation de ces intérêts à compter du 9 janvier 2014,
Constate que la dette de Monsieur Carl BO. à l'égard de la succession de feue v. BO., au titre du prêt accordé par celle-ci en 1998, est éteinte,
Condamne Monsieur c. BU. à payer les autres frais et droits relatifs au legs dont bénéficie Monsieur Carl BO.,
Déboute Monsieur c. BU. de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne Monsieur c. BU. aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux réservés par l'arrêt avant-dire droit du 9 juillet 2014, distraits au profit de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 5 mai 2015, par Madame DORATO-CHICOURAS, Conseiller, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Premier substitut du Procureur Général.