Cour d'appel, 14 avril 2015, c. ZU. c/ SAM A
Abstract🔗
Contrat de travail – Modification substantielles – Licenciement
Résumé🔗
Le refus du salarié de consentir à la modification d'un élément essentiel de son contrat de travail ne revêt, en lui-même aucun caractère fautif, son licenciement par l'employeur qui ne renonce pas à cette modification, devant reposer sur un motif tiré de l'intérêt légitime pour l'entreprise. L'employeur, comme l'a relevé le Tribunal, et comme il le confirme aux termes de ses écritures en cause d'appel, a fait le choix de se placer sous le régime de la modification substantielle du contrat de travail dès lors qu'il n'a pas entendu l'imposer à la salariée comme une modification de ses conditions de travail relevant de son pouvoir de direction mais l'a soumise à son accord préalable en lui notifiant par écrit une proposition en vue d'occuper le poste de Responsable du « Pôle Surveillance Permanente » au sein du Middle Office Gestion Privée. L'employeur a justifié que la modification en cause présentait bien un intérêt réel pour l'entreprise dans le cadre d'un projet FORCE applicable à la totalité du groupe qui était destiné à renforcer la sécurité ainsi que le contrôle de ses procédures internes et à opérer une réorganisation de ses services afin d'éviter les conflits d'intérêts (orientation vers le middle office pour assurer la surveillance du front office). Les premiers juges ont justement relevé que ce motif pouvait fonder le licenciement de la salariée et que la réorganisation ainsi motivée par l'intérêt légitime de l'entreprise relevait du pouvoir de direction de l'employeur, lequel était seul responsable de ses décisions de gestion, sans que la salariée n'ait à se prononcer sur son opportunité. Il ressort des courriels et des correspondances échangés que la salariée souhaitait demeurer au front office pour y exercer des fonctions commerciales qu'elle estimait plus intéressantes que la surveillance permanente, alors qu'il n'est nullement établi que l'absence de proposition par l'employeur en ce sens résulterait d'une intention de lui nuire ou d'une volonté de la rétrograder ou que des postes en rapport avec ses compétences étaient effectivement disponibles. En outre, il ne résulte pas des éléments versés aux débats que l'appelante aurait pu être victime d'un harcèlement et d'un dénigrement avant son arrêt de travail ou bien que la rupture du contrat de travail serait en rapport avec sa maladie, alors que l'employeur s'est limité à maintenir sa position sur le poste qui lui était proposé et après avoir attendu plusieurs mois, a nécessairement poursuivi la mise en place de la réorganisation en cours. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de c. ZU. n'était pas abusif et a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 14 AVRIL 2015
En la cause de :
- Madame c. ZU., demeurant chez Monsieur f. CH., X1, 06500 Menton,
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Marie PORTHÉ, avocat au Barreau de Nice, substituant Maître Caroline MACHAUX, avocat en ce même Barreau ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- La SAM A, immatriculée au RCI sous le n°X, dont le siège social est situé X2 98000 Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, y demeurant en cette qualité audit siège,
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 13 mars 2014 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 25 avril 2014 (enrôlé sous le numéro 2014/000153) ;
Vu les conclusions déposées les 14 octobre 2014 et 14 janvier 2015, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de c. ZU. ;
Vu les conclusions déposées les 1er juillet, 3 décembre 2014 et 10 février 2015, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la SAM A (ci-après SGPB) ;
À l'audience du 17 février 2015,
Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par c. ZU., à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail en date du 13 mars 2014.
Considérant les faits suivants :
c. ZU. été employée par la B MONACO devenue la société anonyme monégasque A à compter du 1er août 1998, suivant contrat à durée déterminée, puis suivant contrat à durée indéterminée, et a exercé en dernier lieu les fonctions de «Responsable Front support» correspondant au grade de Chef de bureaux, classe V, coefficient 562 moyennant une rémunération brute mensuelle de 2.937,12 euros, outre prime bancaire, 5% monégasques.
Elle a été élue le 14 octobre 2010 en qualité de Déléguée du personnel, collège «cadres-titulaires» et son mandat de représentation n'a pas été reconduit aux élections du 17 novembre 2011.
Au mois de mars 2011, une réorganisation de l'entreprise a été engagée sur la base d'un projet « FORCE » visant à renforcer les procédures de contrôle internes à la banque.
Le service « Front support » dont c. ZU. était responsable est devenu « Pôle Surveillance Permanente ». Cette réorganisation impliquait une définition des tâches relevant du nouveau poste de responsable du « Pôle Surveillance Permanente » que l'employeur envisageait de confier à la salariée.
Après plusieurs échanges entre les parties, par courrier RAR du 9 janvier 2012, la SGPB lui notifiait une proposition de modification de son contrat de travail libellée comme suit :
« Nous faisons suite à vos divers échanges du dernier trimestre 2011 avec a. RO., Directeur Commercial de la Gestion Privée, aux termes desquels vous vous plaigniez notamment d'un manque d'information de la Direction sur l'évolution de votre poste et lui indiquiez que cette évolution ne vous convenait pas.
Nous vous rappelons à ce sujet que le projet FORCE, mis en place au niveau du Groupe, nous contraint depuis le mois de mars 2011 à opérer une réorganisation interne de notre Société.
Dans le cadre de cette réorganisation, laquelle s'avère tout aussi nécessaire à la compliance de nos activités avec celles du Groupe qu'au renforcement de la sécurité de nos procédures internes, nous avons rebaptisé le service Front Support dont vous étiez responsable en Pôle Surveillance Permanente de la Gestion Privée.
Ce Pôle, dont vous demeurez la responsable, relèvera désormais du périmètre de responsabilité du Middle Office Opérations, sous l'autorité hiérarchique de Pablo GU., Responsable des Opérations du Middle Office Gestion Privée ; et sous l'autorité fonctionnelle de Maryline BO., elle-même rattachée au Directeur Général de l'entité.
L'atelier contrôles qui s'est tenu fin juin 2011 a en effet conclu à la nécessité de déplacer le contrôle des activités du Front Office vers le Middle Office ; à ce titre, le Pôle Surveillance Permanente sera physiquement relocalisé dans les meilleurs délais (au plus tard à la date de votre retour), en nos locaux X à Monaco.
Nous tenons ici à vous préciser que ce déplacement ne remet en aucun cas en cause le périmètre des contrôles ni encore moins la qualité de votre travail, mais vise notamment à prévenir de potentiels conflits d'intérêts.
Bien entendu, votre qualification de responsable de service, vos grade, classe, coefficient, rémunération et avantages demeurent strictement identiques.
De même, vos missions telles que définies dans la fiche de poste ci-jointe, dont vous êtes d'ores et déjà en possession, demeurent essentiellement les mêmes que celles que vous exerciez avant cette réorganisation, avec un simple recentrage sur les activités de contrôle du Front Office, recentrage auquel vous avez d'ailleurs été associée lors de l'élaboration de ladite fiche de poste.
Compte tenu des réticences que vous avez jusqu'à présent exprimées, et bien que cette modification ne nous semble pas toucher à un élément essentiel de votre contrat de travail, nous souhaitons recueillir votre consentement formel pour occuper ces fonctions.
Vous voudrez bien nous faire connaître par écrit, dans le délai maximal de 15 jours courant à compter de la présente, votre acception sans condition ou votre refus pour occuper ce poste de Responsable Surveillance Permanente au sein du Middle Office Gestion Privée, tel que défini aux termes de la fiche ci-jointe.
À défaut de réponse de votre part dans ce délai, nous nous verrons contraints d'en déduire votre refus définitif d'occuper ce poste et d'en tirer à regret, comme en cas de refus exprès de votre part, les conséquences qui s'imposent en envisageant de procéder à votre éventuel licenciement, dans la mesure où cette modification répond à un intérêt réel pour notre Société ».
Par courrier RAR du 16 janvier 2012, c. ZU. contestait cette proposition en indiquant qu'elle ne répondait pas à l'offre attendue et précisait qu'elle restait dans l'attente d'une autre proposition.
En l'état du refus manifesté par la salariée, l'employeur a engagé une procédure de licenciement en demandant la réunion de la commission prévue par l'article 16 de la loi n° 459 du 19 juillet 1947 en raison de la protection légale résultant du mandat de représentation du personnel confiée à la salariée.
Le 27 février 2012, cette commission a donné un avis favorable au licenciement de la salariée.
Par courrier RAR du 8 mars 2012, la SGPB a notifié son licenciement à c. ZU. dans les termes suivants :
« Nous faisons suite à notre courrier recommandé A. R. du 9 janvier 2012 aux termes duquel nous souhaitions recueillir votre position concernant la modification de votre contrat de travail consistant, après avoir rebaptisé le service Front Office vers le Middle Office avec relocalisation physique en nos locaux des Boulingrins et à recentrer les fonctions y attachées sur l'activité de surveillance, et ce bien qu'il nous semble que cette modification ne touche pas à un élément essentiel de votre contrat, vos qualification de Responsable de Service, grade, classe, coefficient et avantages demeurant inchangés.
Aux termes de ce courrier, rappelant les raisons qui nous amenaient à procéder à cette modification, nous vous demandions de bien vouloir nous faire connaître par écrit votre acceptation sans condition ou votre refus, étant précisé qu'en cas de refus ou à défaut de réponse sous quinzaine, nous serions contraints d'envisager de procéder à votre éventuel licenciement dans la mesure où cette modification répond à un intérêt réel pour notre Société, de sorte que nous ne pouvons pas maintenir votre emploi dans les mêmes conditions.
Par courrier recommandé A. R. du 16 janvier 2012, vous nous faisiez part de votre refus après en avoir exposé les raisons.
En application des dispositions de l'article 16 de la loi n° 459 du 19 juillet 1947, nous avons donc saisi le 13 février 2012 la Commission à l'assentiment de laquelle doit être soumis tout licenciement d'un ancien délégué du personnel durant une période de 6 mois à compter du jour de la cessation de ses fonctions.
Ladite Commission s'est réunie le 24 février 2012 et nous a notifié son acceptation concernant votre licenciement par courrier recommandé A. R. du 27 février 2012. dont vous trouverez ci-joint copie pour information.
Par la présente, et pour les motifs qui précèdent, nous vous notifions dès lors votre licenciement. Votre préavis d'une durée de 3 mois, que nous vous dispensons d'exécuter mais qui vous sera néanmoins rémunéré en intégralité, commencera à courir à compter de la première présentation du recommandé de la présente lettre ».
Considérant que ce licenciement était abusif, suite à la demande d'un délégué du personnel faite en application de l'article 32 de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques, la Commission Paritaire a considéré le 15 juin 2012 que sur le fond, la mesure de licenciement était justifiée.
c. ZU. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 12 novembre 2012, attrait la SAM C devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
12.000 euros au titre du bonus part variable de l'année 2011,
300.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et légèreté blâmable, en réparation de son préjudice moral et matériel, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la citation.
Par jugement en date du 13 mars 2014, le Tribunal du Travail a statué comme suit :
« - Ecarte des débats la note déposée le 21 novembre 2013 par c. ZU.,
Rejette l'exception de nullité des attestations produites par c. ZU. sous les n° 34 et 35,
Déboute c. ZU. de l'ensemble de ses demandes,
Condamne c. ZU. aux dépens».
Par exploit d'huissier du 25 avril 2014, c. ZU. a régulièrement interjeté appel du jugement entrepris à l'effet de le voir réformer en ce sens :
« RECEVOIR Madame c. ZU. en son appel comme régulier en la forme, y déclarer fondée et y faire entièrement droit,
RÉFORMER en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal du Travail le 13 mars 2014 sauf en ce qui concerne le rejet de l'exception de nullité des attestations produites par Madame c. ZU. sous les numéros 34 et 35,
PAR CONSEQUENT, statuer à nouveau, et,
CONSTATER que le licenciement de Madame c. ZU. repose sur un motif non valable et injustifié,
DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame c. ZU. revêt un caractère abusif,
CONDAMNER en conséquence la SAM A à payer à Madame c. ZU. la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts,
CONDAMNER en outre la SAM A à payer à Madame c. ZU. la somme de 12.000 euros au titre de la part variable de l'année 2011,
CONDAMNER la SAM A aux dépens, tant de Première Instance que d'appel, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, Avocat-Défenseur, sous son affirmation de droit ».
Aux termes de ses conclusions déposées le 14 octobre 2014 et le 14 janvier 2015, elle a repris ses demandes aux motifs essentiellement que :
elle a été embauchée en novembre 1997 en qualité d'intérimaire et standardiste, et a exercé plusieurs fonctions : assistante sur le pro-logiciel de gestion triple AAA dans la branche gestion privée, assistante commerciale service international, assistante au service des engagements, assistante commerciale service international avec la spécificité de réaliser la surveillance permanente de ce secteur,
en 2006-2007, elle a été promue au poste de responsable front support nouvellement créé, et a bénéficié d'une assistante,
cet emploi concernait la gestion privée et la banque de détail et regroupait de multiples tâches relatives à la surveillance permanente des différents secteurs commerciaux,
au cours du dernier trimestre 2011, l'employeur l'a informée de l'évolution de son poste compte tenu de la réorganisation interne de l'entreprise, suite au projet FORCE mis en place au niveau du groupe,
suite au courrier susvisé du 9 janvier 2012 alors qu'elle était en arrêt de travail et n'avait pas fait part de son refus d'assumer lesdites nouvelles fonctions, la SAM A lui a notifié son congédiement,
elle n'a pas refusé ce poste mais a demandé des explications dans le délai requis en se bornant à user de sa liberté d'expression,
ses tâches en qualité de responsable front support (rattaché au Directeur commercial de la gestion privée) regroupaient des missions de surveillance permanente et une aide aux équipes commerciales avec une répartition égale au niveau du temps de travail,
le projet FORCE auquel elle a participé était constitué d'ateliers tendant à une nouvelle évolution de l'organisation interne, et ce afin d'apporter des améliorations notamment sur la surveillance permanente, elle a ainsi établi la fiche de poste de la fonction de «responsable pôle surveillance permanente front office» afin de lister et ventiler les tâches,
à aucun moment, il n'a été question de la modification de l'emploi qu'elle occupait au front office mais seulement du transfert de certains contrôles effectués par ses soins vers d'autres services,
elle a alerté sa hiérarchie sur le fait que le déplacement du contrôle des équipes commerciales vers le middle office transgressait les règlements du groupe C,
le rattachement de ce poste au secrétariat général posait la question de l'objectivité des contrôles ainsi que le problème des conflits d'intérêts,
pendant plusieurs mois, l'employeur ne lui a pas donné la moindre explication sur le nouvel intitulé de son emploi, le 3 novembre 2011, l'employeur lui a présenté la fiche de poste responsable pôle surveillance front office tout en précisant que le front support allait disparaître,
cet emploi ne répondait pas à ses attentes dans la mesure où les obligations de résultats étaient plus élevées et la suppression de l'assistante entraînait un surcroît de travail avec l'attribution de fonctions moins importantes,
au niveau de l'organigramme, il s'agissait d'une rétrogradation hiérarchique, le «responsable pôle surveillance permanente» étant placé sous l'autorité fonctionnelle de Maryline BO. (elle-même rattachée au Directeur Général de l'entité) et sous l'autorité hiérarchique de Pablo GU. (lui-même rattaché au secrétariat général),
même la localisation géographique du poste était un obstacle dès lors qu'il se trouvait loin des équipes commerciales,
la SAM A a cherché à dénaturer son emploi, tout en ayant conscience qu'il ne pouvait être accepté puisqu'elle avait sollicité une nouvelle orientation de sa carrière en l'état de la disparition de ses précédentes fonctions,
ses revenus annuels auraient diminué car bon nombre de primes liées à la fonction commerciale (front office) auraient disparu (performance de l'unité au sein de laquelle un salarié est rattaché, part variable), le middle office étant une unité plus administrative,
le changement proposé opérait une modification de son degré de subordination à la direction, sa rémunération et sa qualification,
la mutation-rétrogradation n'était pas fondée sur l'intérêt de l'entreprise,
elle a tenté d'établir un dialogue pendant plusieurs mois afin qu'une offre acceptable soit formalisée,
dès le mois de septembre 2011 où elle a appris la disparition de son emploi, elle a indiqué que le nouveau poste ne l'intéressait pas et a exprimé son désir d'obtenir une nouvelle affectation au sein de la même entité,
les entretiens se sont succédés avec différents interlocuteurs et au mois de novembre 2011, il lui a été précisé qu'une contre-proposition écrite allait lui être soumise,
le 2 décembre 2011, son évaluation personnelle effectuée par a. RO. n'a porté que sur la partie surveillance permanente sans tenir compte du reste de son travail et il était convenu qu'une nouvelle offre serait adressée,
le fait pour l'employeur de recueillir l'assentiment de sa salariée constitue l'aveu formel que le changement de fonctions touchait des éléments essentiels,
le licenciement étant une sanction du 2ème degré, l'avis du Conseil de discipline aurait dû être sollicité, par application de la convention collective du personnel des banques,
la décision de la commission de licenciement ne préjudicie pas au recours judiciaire,
la rupture n'a pas été précédée d'un entretien préalable et le licenciement a été mis en œuvre de manière précipitée,
le harcèlement et le dénigrement dont elle a été la victime l'ont contraint à interrompre son activité professionnelle pendant de nombreux mois,
à l'âge de 50 ans, elle est toujours à la recherche d'un emploi et rencontre des difficultés financières et a du mettre en location son appartement,
elle avait droit au bonus part variable pour l'année 2011 à concurrence de la somme de 12.000 euros qui lui avait été versé en 2010 puisque cette prime est un usage présentant un caractère général, constant et fixe.
Par conclusions déposées le 1er juillet 2014, 3 décembre 2014 et le 10 février 2015 la A a conclu à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité des attestations produites par c. ZU. sous les n° 34 et 35 en ces termes :
« CONFIRMER le jugement du Tribunal du travail du 13 mars 2014 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité des attestations produites par Madame c. ZU.,
Statuant à nouveau de ce seul chef,
DIRE ET JUGER nulles et de nul effet les attestations versées aux débats par Madame c. ZU. (PIECES ADVERSES N°34 et 35) pour défaut de conformité aux dispositions de l'article 324 3° et 4° du Code de procédure civile,
CONDAMNER Madame c. ZU. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, Avocat défenseur, sous sa due affirmation ».
aux motifs essentiellement que :
les attestations adverses sont entachées de nullité et ont été établies par les proches de la demanderesse sur la seule base d'informations fournies par cette dernière,
au mois de mars 2011, la mise en place du projet FORCE, concernant notamment le renforcement des procédures de contrôle, l'a conduit à envisager de procéder à une réorganisation interne,
dans le cadre de cette restructuration, tout aussi nécessaire à la mise en conformité de ses activités avec celles du groupe qu'au renforcement de la sécurité des procédures internes de contrôle, le service «front support» a été rebaptisé «pôle surveillance permanente»,
à cette époque, le simple changement d'appellation du service, anticipant la réorganisation interne impliquée par le projet FORCE, n'a été suivi d'aucune modification du contrat de travail de la demanderesse,
c. ZU. continuait à assumer les mêmes tâches, son grade, sa classe, son coefficient, sa rémunération et ses avantages demeurant inchangés,
au mois de juin 2011, la salariée a participé aux ateliers de travail du projet FORCE consistant à auditer l'organisation interne, à informer et sensibiliser les employés concernés sur les objectifs et implications du projet mais également à les associer pour qu'ils puissent se conformer audits objectifs,
ces ateliers ont mis en évidence le fait qu'une part importante des contrôles réalisés sur l'activité du front office étaient effectués par le service front support, nouvellement dénommé pôle surveillance permanente alors qu'ils devaient être réalisés par le middle office afin d'éviter tout conflit d'intérêts,
afin de se conformer à ces impératifs, elle a envisagé de déplacer le pôle surveillance permanente vers le middle office physiquement localisé dans les locaux des boulingrins, sis X, et de recentrer le poste de responsable sur la surveillance du front office (réduction des conflits d'intérêts, meilleure effectivité des contrôles), tout en supprimant les missions annexes,
la salarié a été informée de cette évolution ce d'autant qu'elle avait été associée à la préparation de la fiche de poste du responsable pôle surveillance permanente,
après divers échanges intervenus en octobre et novembre 2011 avec a. RO., Directeur commercial de la gestion privée, c. ZU. a allégué un prétendu manque d'informations sur la modification de son emploi et a déclaré qu'elle ne lui convenait pas,
elle estimait avoir droit à une promotion au niveau cadre au sein du front office où elle souhaitait se voir attribuer des fonctions commerciales,
la salariée ayant été en arrêt de travail du 5 décembre 2011 jusqu'au 30 juin 2012, dès lors qu'elle ne pouvait retarder la mise en place effective des règles du projet FORCE, elle a fourni à nouveau, par une correspondance du 9 janvier 2012, les explications nécessaires à l'évolution du poste,
bien qu'estimant que cette modification ne lui apparaissait pas substantielle, elle a décidé de ne courir aucun risque et de solliciter la salariée afin qu'elle prenne position clairement en acceptant le changement sans condition ou en le refusant, tout en lui précisant qu'en cas de refus, elle se verrait contrainte d'en tirer les conséquences,
par courrier du 16 janvier 2012, c. ZU. a de nouveau remis en cause les renseignements fournis ainsi que les choix de l'employeur en indiquant rester dans l'attente d'une nouvelle proposition concrète,
en l'état de ce refus, elle a été contrainte d'envisager la rupture et a saisi la commission de licenciement (protection dont la salariée bénéficiait à la suite de son mandat de délégué du personnel),
le contrat de travail est clair sur l'attribution du bonus qui reste totalement discrétionnaire et la réalité d'un usage n'est pas démontrée (généralité non établie, critères pour en déterminer l'octroi empreints de subjectivité en l'état de la référence au comportement de l'employé),
les termes du courrier du 16 janvier 2012 révèlent sans conteste le refus d'accepter le poste proposé, étant relevé que la salariée avait déjà exprimé son extrême réticence quant à l'évolution de son poste (2 et 3 novembre 2011),
le déplacement du lieu de travail à l'intérieur de la Principauté et sur une distance de 500 mètres ne saurait être considéré comme substantiel,
la rémunération aurait été inchangée dans la mesure où elle ne peut prétendre, au demeurant sans la moindre preuve, qu'elle n'aurait plus bénéficié du bonus du fait de son rattachement au middle office,
la lecture du descriptif du dernier poste de c. ZU. ne permet pas de considérer la fonction d'aide comme principale, ni même dominante,
celle-ci figure parmi les trois autres missions principales, la surveillance permanente apparaissant au premier rang au titre des responsabilités,
nonobstant le recentrage du poste modifié sur la surveillance permanente, l'aide aux services commerciaux n'a pas été supprimée et apparaît parmi les attributions principales du nouveau poste (aspect commercial),
la salariée n'était pas en contact direct avec la clientèle et consacrait 70% de son temps à fournir de la documentation aux commerciaux et à contrôler leur activité, le reste du temps concernant l'accomplissement de tâches annexes,
l'analyse comparée des fiches de poste suffit à constater que les responsabilités principales existaient déjà,
en dépit de la suppression de certaines fonctions, compensées par le renforcement des contrôles demandés, la nature de l'emploi n'était pas modifiée et ne portait pas atteinte à sa qualification,
la création d'un échelon intermédiaire entre un salarié et sa hiérarchie ne peut être assimilée à un déclassement si l'intéressé conserve sa qualification professionnelle, ses responsabilités antérieures et sa position hiérarchique,
le poste d'assistante était pourvu par une intérimaire dans l'attente de l'évolution de l'emploi de responsable pôle surveillance permanente auquel il était rattaché,
un nouvel intérim voire un contrat plus pérenne aurait permis de pourvoir cette tâche en fonction des besoins uniquement décelables à l'usage,
la modification litigieuse répondait à un intérêt réel pour l'entreprise, elle s'inscrivait dans le cadre de la mise en place du projet FORCE imposée par le groupe et visant à renforcer le contrôle ainsi que la sécurité des procédures internes,
les règles FORCE prévoient de séparer les contrôles effectués sur ce service du front office et ont été confirmées lors des ateliers,
l'évaluation d a. RO. pour l'année 2011 évoque clairement le projet FORCE et la modification du contrat de travail, alors que les termes employés sont élogieux sur le travail de l'intéressée,
l'absence de poste commercial disponible correspondant au profil de c. ZU. n'a pas permis de la satisfaire,
aucune menace n'a été proférée, la salariée a simplement été avertie des conséquences de son refus,
la proposition de modification pendant la période d'arrêt maladie ne procède d'aucune intention de nuire mais s'est imposée pour des questions de délais et d'impératifs de mise à exécution du projet FORCE (initié 10 mois plus tôt),
elle ne pouvait retarder sa réorganisation (la maladie ayant au demeurant duré 7 mois) et ce d'autant que de nombreux échanges sont intervenus sur cette question,
la notification de la rupture est sans rapport avec la maladie,
l'article 27 de la convention collective n'impose l'avis préalable du Conseil de discipline que pour les sanctions du 2ème degré définies à l'article 25, sanctions dont ne font partie que les licenciements pour motifs disciplinaires (insuffisance de travail résultant de la mauvaise volonté du salarié, manquement aux règles de discipline, faute professionnelle),
l'employeur s'est placé sous le régime de la modification substantielle du contrat de travail qui nécessite l'accord du salarié et ne peut être considérée comme fautive en cas de refus, en sorte que le motif n'apparaît pas disciplinaire,
l'entretien préalable n'est pas obligatoire et c. ZU. a pu exprimer son opinion avant la mise en œuvre de la rupture.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;
SUR CE,
Sur la nullité des attestations n° 34 et 35
Attendu que conformément aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, les attestations litigieuses doivent à peine de nullité, comporter l'ensemble des indications permettant d'apprécier la nature des liens existant entre les parties et les témoins ;
Qu'ainsi, les deux attestations rédigées par a. LE. et f. CH. se limitent à mentionner une absence de lien de parenté avec l'appelante, sans indiquer ce qu'il en est quant à un éventuel lien d'alliance et de subordination ;
Qu'en outre, celles-ci ne précisent pas la profession des attestants ;
Qu'il convient de relever que l'appelante qui a produit ces attestations litigieuses n'a pas répondu aux moyens de nullité soulevés par l'intimée ;
Qu'il convient par conséquent de faire droit à la demande de nullité formée par l'intimée et de réformer le jugement en ce sens ;
Sur le rappel de prime
Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'un bonus pour l'année 2011, le Tribunal après avoir rappelé que le contrat de travail ne prévoyait le versement d'un bonus annuel qu'éventuellement et en fonction des performances de la salariée, a relevé que l'appelante ne justifiait pas que ce versement présentait le caractère d'un usage dans l'entreprise en ne rapportant pas la preuve du caractère général, constant et fixe du versement de cette prime qu'elle alléguait ;
Que pas plus, en cause d'appel, l'appelante ne fait la démonstration de l'existence d'un usage rendant le versement de cette prime obligatoire pour l'employeur ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef ;
Sur la procédure préalable au licenciement
Attendu que selon l'appelante, son licenciement serait abusif dès lors que l'employeur n'aurait pas réuni le Conseil de discipline en application de l'article 27 de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques ;
Que cependant cet article n'exige la délivrance d'un avis préalable par le Conseil de discipline qu'en cas de sanction disciplinaire du second degré, au nombre desquels ne figure pas le licenciement ;
Qu'à l'évidence le licenciement mis en œuvre par l'employeur ne relève pas de cette procédure préalable puisqu'il ne présente aucun caractère disciplinaire et est uniquement motivé par le refus de la salariée d'accepter une modification de son contrat de travail ;
Attendu que l'appelante critique le défaut d'entretien préalable pour soutenir qu'elle n'a pas été mise en mesure de s'expliquer sur son refus alors que comme l'ont relevé les premiers juges, d'une part, il ne s'agit pas d'une formalité obligatoire résultant d'une disposition légale ou conventionnelle et d'autre part, il s'évince des circonstances de l'espèce, que la salariée a pu s'exprimer sur les questions litigieuses dès le mois de novembre 2011 et qu'elle était parfaitement avisée de la volonté de l'employeur ;
Qu'en outre, le courrier RAR du 9 janvier 2012 lui notifiant la proposition de modification du contrat de travail mentionne sans équivoque les conséquences possibles d'un refus sans que celle-ci ait pu se méprendre sur les intentions de l'employeur ;
Que le jugement sera confirmé sur ces points ;
Sur le licenciement
Attendu que le refus du salarié de consentir à la modification d'un élément essentiel de son contrat de travail ne revêt, en lui-même aucun caractère fautif, son licenciement par l'employeur qui ne renonce pas à cette modification, devant reposer sur un motif tiré de l'intérêt légitime pour l'entreprise ;
Que l'employeur, comme l'a relevé le Tribunal, et comme il le confirme aux termes de ses écritures en cause d'appel, a fait le choix de se placer sous le régime de la modification substantielle du contrat de travail dès lors qu'il n'a pas entendu l'imposer à la salariée comme une modification de ses conditions de travail relevant de son pouvoir de direction mais l'a soumise à son accord préalable en lui notifiant par écrit une proposition en vue d'occuper le poste de Responsable du « Pôle Surveillance Permanente » au sein du Middle Office Gestion Privée ;
Que les courriels que la salariée a adressés dès novembre 2011 à a. RO., Directeur commercial de la gestion privée, témoignent de sa volonté de ne pas occuper le poste de responsable pôle de surveillance permanent front office tel que celui-ci avait été défini lors de la préparation de la mise en place d'une nouvelle organisation au sein de la A et attestent de sa demande corrélative visant à obtenir une contre-proposition de l'employeur (mail du 2 novembre 2011) ;
Qu'à cet égard, le courriel le 3 novembre 2011 que lui a adressé en réponse a. RO. apparaît dénué d'ambiguïtés : « je t'informe qu'à court voire moyen terme je n'ai pas de poste disponible en Front Office à te proposer et pouvant correspondre à ton profil. Dans ce contexte je te remercie de m'indiquer par retour de mail, si tu acceptes la fiche de poste ci-jointe car je dois avancer dès que possible dans le cadre de cette nouvelle organisation demandée par la Direction Générale…/… » ;
Que l'employeur a ensuite formalisé son offre de poste, par une lettre recommandée avec avis de réception du 9 janvier 2012, qui contenait une fiche de poste, les explications sur le rattachement hiérarchique et fonctionnel, la re-localisation, la nature des fonctions ;
Qu'il a entendu se placer sous le régime de la modification substantielle du contrat de travail puisqu'il a sollicité de la salariée qu'elle prenne position officiellement en lui faisant connaître par écrit dans le délai de 15 jours son acceptation sans condition ou son refus d'occuper ce poste de Responsable Surveillance Permanente au sein du Middle Office Gestion Privée ;
Que l'appelante y a répondu, par une lettre du 16 janvier 2012 par laquelle, sans exprimer de refus exprès, elle n'a pas pour autant accepté la modification envisagée dans le délai imparti en indiquant qu'elle restait : « dans l'attente de la contre proposition évoquée par oral lors de notre entretien du 8 novembre 2011, mon évaluation du 2 décembre 2011 faisant également référence écrite à cette attente » en mentionnant les points qui avaient donné lieu à une discussion sur le poste litigieux ;
Que l'employeur a justifié que la modification en cause présentait bien un intérêt réel pour l'entreprise dans le cadre d'un projet FORCE applicable à la totalité du groupe qui était destiné à renforcer la sécurité ainsi que le contrôle de ses procédures internes et à opérer une réorganisation de ses services afin d'éviter les conflits d'intérêts (orientation vers le middle office pour assurer la surveillance du front office) ;
Que les premiers juges ont justement relevé que ce motif pouvait fonder le licenciement de la salariée et que la réorganisation ainsi motivée par l'intérêt légitime de l'entreprise relevait du pouvoir de direction de l'employeur, lequel était seul responsable de ses décisions de gestion, sans que la salariée n'ait à se prononcer sur son opportunité ;
Qu'il ressort des courriels et des correspondances échangés que la salariée souhaitait demeurer au front office pour y exercer des fonctions commerciales qu'elle estimait plus intéressantes que la surveillance permanente, alors qu'il n'est nullement établi que l'absence de proposition par l'employeur en ce sens résulterait d'une intention de lui nuire ou d'une volonté de la rétrograder ou que des postes en rapport avec ses compétences étaient effectivement disponibles ;
Qu'en outre, il ne résulte pas des éléments versés aux débats que l'appelante aurait pu être victime d'un harcèlement et d'un dénigrement avant son arrêt de travail ou bien que la rupture du contrat de travail serait en rapport avec sa maladie, alors que l'employeur s'est limité à maintenir sa position sur le poste qui lui était proposé et après avoir attendu plusieurs mois, a nécessairement poursuivi la mise en place de la réorganisation en cours ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de c. ZU. n'était pas abusif et a rejeté l'ensemble de ses demandes ;
Que l'appelante qui succombe supportera, en conséquence, les frais du présent arrêt ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Réforme le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité des attestations de a. LE. et de f. CH.,
Statuant à nouveau de ce chef,
Prononce la nullité des attestations établies par a. LE. et f. CH.,
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions,
Condamne c. ZU. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 14 AVRIL 2015, par Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général.