Cour d'appel, 24 mars 2015, h. JA. c/ Société B.

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Abstract🔗

Accident du travail – Expertise – Homologation (oui) – Nouvelle expertise (non)

Résumé🔗

Il est constant et au demeurant non contesté que h. JA. a présenté une scapulalgie gauche s'aggravant peu à peu et nécessitant un arrêt de travail à compter du 2 avril 2012 alors qu'il n'avait travaillé préalablement que depuis le 15 février 2012 et n'avait pas été exposé au risque de façon suffisamment longue, soit au moins une année, pour satisfaire aux critères requis par la loi n° 444 du 16 mai 1946 sur les maladies professionnelles. Il s'ensuit que la pathologie de h. JA. déclarée le 2 avril 2012 sous la maladie professionnelle n° 57 de la loi n° 444 a été justement qualifiée par l'Expert TOUBOUL d'accident du travail ayant révélé un état pathologique antérieur en sorte qu'aucune réduction de l'indemnisation ne pouvait en résulter, l'effort pratiqué sur le lieu de travail par cette victime ayant de toute évidence joué un rôle dans la réactivation de cet état préexistant. A l'appui de sa demande de nouvelle expertise, Monsieur h. JA. réitère en cause d'appel l'argumentation déjà développée en première instance et produit pour seul élément nouveau une carte prioritaire pour personnes handicapées ne permettant pas de remettre en cause les constatations cliniques de l'expert judiciaire. Le courrier du Professeur BOILEAU en date du 12 février 2014, comme le certificat du Docteur GLASSON en date du 27 novembre 2013, ne comportent aucune analyse critique du rapport de l'Expert TOUBOUL en ce que ce praticien a conclu à la prise en charge de la pathologie scapulaire de la victime du 2 avril au 15 juillet 2012, date de la consolidation au-delà de laquelle les arrêts de travail et les soins doivent être pris en charge au titre du régime maladie de droit commun. La seule divergence d'appréciation inhérente au taux d'IPP retenu par cet expert n'apparaît pas davantage suffisante pour induire la nécessité d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, alors même que les constatations cliniques objectives du Docteur TOUBOUL ne sont pas utilement contestées et qu'aucune erreur ou carence commise par ce praticien n'est démontrée. Il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris du 30 septembre 2014 ayant homologué le rapport de l'Expert TOUBOUL en date du 13 novembre 2012 et de débouter h. JA. des fins de sa demande de nouvelle expertise telle que formée en cause d'appel.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 24 MARS 2015

En la cause de :

- Monsieur h. JA., né le 1er juin 1959 à Tunis (Tunisie), demeurant X à Nice (06200),

Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Rémy BRUGNETTI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- La société anonyme B., dont le siège social se trouve X1 à Paris (75009), prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège, représentée en Principauté de Monaco par la SAM C., dont le siège social se trouve X2, prise en la personne de son Président Délégué en exercice, Madame p. HU., demeurant en cette qualité audit siège,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 30 septembre 2014 (R. 8117) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 27 octobre 2014 (enrôlé sous le numéro 2015/000037) ;

Vu les conclusions déposées le 9 décembre 2014, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SA B. ;

À l'audience du 3 mars 2015, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par h. JA., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 30 septembre 2014.

Considérant les faits suivants :

h. JA. embauché par la société A. en qualité de peintre en bâtiment depuis le 15 février 2012 ressentait au cours de ses activités professionnelles une intense douleur au niveau de l'épaule gauche, diagnostiquée par la médecine du travail le 9 mai 2012 comme la maladie professionnelle classée sous le numéro 57 du tableau afférent.

L'assureur de son employeur, la société B., ayant refusé de prendre en charge cette maladie professionnelle, le juge des accidents du travail désignait en qualité d'expert le Docteur TOUBOUL par ordonnance du 24 septembre 2012.

Selon rapport en date du 21 novembre 2012 ce médecin expert a déposé un rapport aux termes duquel il concluait ainsi :

« Le 13 novembre 2012, j'ai examiné en mon cabinet Monsieur h. JA. (…)

Au cours de ses activités professionnelles, Monsieur JA. a présenté une scapulalgie gauche s'aggravant progressivement et nécessitant un arrêt de travail à compter du 2 avril 2012. Les divers bilans radio échographiques, I. R. M. et arthroscanner pratiqués ont permis de mettre en évidence un important état antérieur dégénératif associé à une rupture du sus-épineux avec rétractation tendineuse majeure.

Devant l'échec du traitement médical (antalgiques, anti-inflammatoires et séances de rééducation fonctionnelle) le 16 juillet 2012 il sera pratiqué une intervention chirurgicale consistant en une réparation de la coiffe, ténodèse du long biceps et acromioplastie (sous arthroscopie).

Par la suite, il sera apposé une attelle de contention (coude collé au corps) qui sera maintenue 45 jours puis relayée par une lanière de soutien (bras en écharpe toujours portée à ce jour). Des séances de rééducation demeurent toujours en cours à ce jour.

Monsieur JA. a présenté suite à un effort au cours de son travail une dolorisation d'un état antérieur pathologique marqué (coiffe dégénérative et lésion du sus-épineux) en présence d'un acromion agressif (d'origine congénitale).

La pathologie déclarée le 2 avril 2012 peut être assimilée à un accident du travail ayant révélé un état pathologique antérieur (maladie professionnelle non retenue en l'état eu égard aux arguments évoqués ci-dessus).

La pathologie scapulaire gauche doit être prise en charge dans le cadre accident du travail du 2 avril 2012 au 15 juillet 2012 puis postérieurement au titre maladie.

La durée des soins (cadre accident du travail) s'est étendue du 2 avril 2012 au 15 juillet 2012. L'ITT qui en résulte (cadre accident du travail) s'est étendue du 2 avril 2012 au 15 juillet 2012.

Postérieurement au 15 juillet 2012, l'arrêt de travail ainsi que les soins y afférents demeurent toujours en cours (cadre maladie).

La date de consolidation peut être fixée le 15 juillet 2012 (AT du 2 avril 2012).

Il peut être admis une IPP de 2% ».

h. JA. ayant refusé de se concilier sur la base de ce rapport d'expertise, le Juge chargé des accidents du travail rendait une ordonnance de non-conciliation le 12 décembre 2013 et renvoyait l'affaire et les parties devant le Tribunal de première instance.

Suivant exploit du 11 avril 2014, h. JA. faisait assigner la société B. afin de désigner un nouvel expert médical, tout en faisant valoir la gravité de son état de santé, la nécessité de nouvelles interventions chirurgicales et la sous-évaluation du taux d'IPP chiffré à 2% au regard des séquelles subsistantes.

Suivant jugement en date du 30 septembre 2014, le Tribunal de première instance homologuait avec toutes conséquences de droit le rapport de l'expert TOUBOUL du 13 novembre 2012 et déclarait la société B. tenue de verser à h. JA. une rente annuelle de 238,96 euros calculée sur la base d'un taux d'IPP de 2% et d'un salaire annuel de 23.895,76 euros à compter du 15 juillet 2012, date de la consolidation, dont le rachat est obligatoire par application des dispositions de l'article 1er de l'Arrêté Ministériel n° 59 - 334 du 18 décembre 1959 tout en condamnant la victime aux dépens.

Et ce, aux motifs que :

  • h. JA. ne travaillait que depuis deux semaines à la date de la déclaration de la maladie professionnelle et ne satisfaisait donc pas aux conditions prescrites par la loi n° 444 sur les maladies professionnelles exigeant un délai de prise en charge d'un an et une exposition au risque d'au moins une année.

  • c'est à juste titre que l'expert a retenu l'existence d'un accident du travail ayant dolorisé un état antérieur évoluant pour son propre compte sur lequel l'accident n'a eu aucune incidence,

  • il ne saurait être reproché à l'expert de ne pas avoir retenu un taux d'IPP couvrant l'ensemble du handicap physique de la victime dans la mesure où les séquelles ne sont pas toutes rattachables à l'accident.

Suivant exploit du 27 octobre 2014, h. JA. a régulièrement interjeté appel du jugement précité en date du 30 septembre 2014 à l'effet de voir la Cour :

  • « déclarer son appel recevable et fondé,

  • constater que l'assureur loi ne conteste pas la matérialité de l'accident du travail survenu le 2 avril 2012 sur l'épaule gauche de la victime même en l'état d'une situation dégénérative préexistante,

  • constater au vu des différents certificats médicaux versés au dossier, notamment celui du Docteur BOILEAU, qu'une nouvelle intervention chirurgicale va s'avérer indispensable à l'effet d'améliorer l'état clinique de la victime,

  • dire et juger que l'appréciation du taux d'IPP de 2% fixé par l'expert est manifestement erronée et sous-évaluée,

  • désigner tel autre médecin expert en matière orthopédique qu'il appartiendra avec pour mission de :

  • réexaminer Monsieur h. JA. en tenant compte des derniers éléments médicaux intervenus afin (sic) et de faire rapport sur son état de santé,

  • fixer le taux d'IPP et préciser la date de consolidation,

  • préconiser les interventions chirurgicales nécessaires,

  • préciser si la victime devra faire l'objet d'un reclassement professionnel,

  • indiquer si ses séquelles persistantes sont de nature à justifier l'examen par la commission spéciale d'invalidité de la capacité résiduelle de gains de la victime ».

Au soutien de cet appel, h. JA. expose, en substance, qu'il ne souffrait jusqu'à l'accident du travail d'aucune douleur à son épaule et avait repris son activité salariée depuis un mois et demi lorsque de telles douleurs sont apparues sur son lieu de travail.

Il produit un rapport médical établi le 12 février 2014 par le Professeur Pascal BOILEAU du service de chirurgie orthopédie et traumatologie de l'hôpital LARCHET 2 de Nice évoquant la rupture massive de la coiffe des rotateurs déjà opérée à deux reprises, une arthrose humérale évoluée et même la présence vraisemblable d'une infection intra-articulaire et préconisant l'implantation d'une prothèse d'épaule inversée, au besoin précédée d'un nettoyage articulaire impliquant deux à trois jours d'hospitalisation et environ trois à six mois de rééducation.

L'appelant fait grief aux premiers juges d'avoir sous-évalué l'IPP dont il demeure atteint à 2% et se réfère au certificat établi le 27 novembre 2013 par le Docteur GLASSON l'ayant déjà opéré deux fois qui suggérait à son profit le bénéfice d'une expertise pour invalidité avec handicap.

Il précise cet égard exercer la profession de peintre en bâtiment et ne plus pouvoir reprendre son activité dans cette catégorie professionnelle ni même dans un emploi lui demandant des efforts physiques importants depuis les membres supérieurs.

Il entend dès lors voir soumettre son cas à la Commission spéciale d'invalidité afin de déterminer sa capacité résiduelle de gain et d'évaluer ses chances de reclassement.

La société B., intimée, entend pour sa part, aux termes de ses écrits judiciaires, voir débouter h. JA. des fins de son appel et confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris du 30 septembre 2014.

Elle fait notamment valoir que la victime se contente de reprendre en cause d'appel son argumentation de première instance et ne communique aucune pièce nouvelle à l'exception d'une carte prioritaire pour personnes handicapées.

L'assureur loi soutient encore qu'à défaut de toute analyse critique du rapport de l'expert judiciaire et compte tenu de l'importance de l'état antérieur dégénératif et d'un délai d'exposition trop court aux gestes pathogènes, la reconnaissance de la pathologie déclarée le 2 avril 2012 au titre de la maladie professionnelle n'apparaissait pas justifiée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;

SUR CE,

Attendu qu'il est constant et au demeurant non contesté que h. JA. a présenté une scapulalgie gauche s'aggravant peu à peu et nécessitant un arrêt de travail à compter du 2 avril 2012 alors qu'il n'avait travaillé préalablement que depuis le 15 février 2012 et n'avait pas été exposé au risque de façon suffisamment longue, soit au moins une année, pour satisfaire aux critères requis par la loi n° 444 du 16 mai 1946 sur les maladies professionnelles ;

Qu'il s'ensuit que la pathologie de h. JA. déclarée le 2 avril 2012 sous la maladie professionnelle n° 57 de la loi n° 444 a été justement qualifiée par l'Expert TOUBOUL d'accident du travail ayant révélé un état pathologique antérieur en sorte qu'aucune réduction de l'indemnisation ne pouvait en résulter, l'effort pratiqué sur le lieu de travail par cette victime ayant de toute évidence joué un rôle dans la réactivation de cet état préexistant ;

Qu'à l'appui de sa demande de nouvelle expertise, Monsieur h. JA. réitère en cause d'appel l'argumentation déjà développée en première instance et produit pour seul élément nouveau une carte prioritaire pour personnes handicapées ne permettant pas de remettre en cause les constatations cliniques de l'expert judiciaire ;

Que le courrier du Professeur BOILEAU en date du 12 février 2014, comme le certificat du Docteur GLASSON en date du 27 novembre 2013, ne comportent aucune analyse critique du rapport de l'Expert TOUBOUL en ce que ce praticien a conclu à la prise en charge de la pathologie scapulaire de la victime du 2 avril au 15 juillet 2012, date de la consolidation au-delà de laquelle les arrêts de travail et les soins doivent être pris en charge au titre du régime maladie de droit commun ;

Que la seule divergence d'appréciation inhérente au taux d'IPP retenu par cet expert n'apparaît pas davantage suffisante pour induire la nécessité d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, alors même que les constatations cliniques objectives du Docteur TOUBOUL ne sont pas utilement contestées et qu'aucune erreur ou carence commise par ce praticien n'est démontrée ;

Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris du 30 septembre 2014 ayant homologué le rapport de l'Expert TOUBOUL en date du 13 novembre 2012 et de débouter h. JA. des fins de sa demande de nouvelle expertise telle que formée en cause d'appel ;

Attendu que les dépens d'appel demeureront à la charge de h. JA. qui succombe.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel de h. JA.,

Au fond l'en déboute et confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 septembre 2014 par le Tribunal de première instance,

Laisse les dépens d'appel à la charge de h. JA. et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Mademoiselle Marina MILLIAND, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 24 MARS 2015, par Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Premier substitut du Procureur Général.

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