Cour d'appel, 3 février 2015, la SARL A c/ la SCS B

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Abstract🔗

Procédure - Appel - Exploit d'appel - Sociétés en liquidation - Nullité (non)

Résumé🔗

En vertu des articles 136, 141 et 153 du Code de procédure civile, les mentions obligatoires contenues dans un exploit d'assignation concernant la partie à laquelle l'exploit sera signifié dans le cas d'une société sont : sa raison sociale, l'objet de l'entreprise, son représentant légal et son domicile ; la copie de l'exploit est laissée, pour les sociétés en liquidation, à la personne ou au domicile des liquidateurs.

En l'espèce, par exploit en date du 3 juin 2014, la société A a interjeté appel et l'a fait signifier à l'adresse du siège social de la société SCS B et de son liquidateur et non au siège de la liquidation de cette dernière. La Cour d'appel a constaté que l'exploit est signifié à la société à l'adresse du liquidateur mentionnée en cette qualité. Elle déclare donc recevable l'appel de la société et déboute la société SCS B de sa demande de nullité.  


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 3 FEVRIER 2015

En la cause de :

  • - la SARL A, société à responsabilité limitée au capital de 7.622,45 euros, dont le siège social est situé X1 - 06000 Nice, inscrite au Registre du commerce et des sociétés de Nice sous le n° X, prise en la personne de ses gérants en exercice, Messieurs Jean-Marc MA. et Stefan SE., domiciliés ès-qualités audit siège,

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Jacques RANDON, avocat au Barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - la SCS B, en liquidation, anciennement dénommée C, dont le siège social est situé X2 à Monaco (98000), au capital de 15.000 euros, ayant exercé le commerce sous l'enseigne « B », prise en la personne de son gérant commandité, M. j-f. LO., demeurant et domicilié « Y », X3 à Monaco (98000), et la représentant en sa qualité de liquidateur,

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 10 avril 2014 (R.4634) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 3 juin 2014 (enrôlé sous le numéro 2014/000172) ;

Vu les conclusions déposées les 7 octobre et 18 décembre 2014, par Maître REY, avocat-défenseur, au nom de la SCS B ;

Vu les conclusions déposées les 11 novembre 2014 et 6 janvier 2015, par Maître MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la SARL A ;

À l'audience du 13 janvier 2015, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SARL A, à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 10 avril 2014.

Considérant les faits suivants :

Saisi d'une action en enrichissement sans cause fondée sur les dispositions des articles 1217 à 1228 du Code civil dirigée par la société A à l'encontre de la société B, le Tribunal de première instance a, par jugement du 10 avril 2014, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits de la cause :

  • débouté la société A des fins de sa demande en paiement fondée sur les articles 1217 à 1228 du Code civil,

  • débouté la société A et la société B de leur demande de dommages intérêts,

  • mis les dépens à la charge de la société A.

Suivant exploit en date du 3 juin 2014, la société A a interjeté appel de ce jugement dont elle sollicite la réformation en toutes ses dispositions, demandant à la Cour de céans de condamner la société B à lui payer la somme de 279.243,96 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2002 et, subsidiairement, au paiement de la somme de 115.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de cette même date.

Suivant conclusions en date du 7 octobre 2014, la SCS B, intimée, demande à la Cour de déclarer nul et de nul effet l'exploit d'assignation valant acte d'appel signifié le 3 juin 2014 aux motifs que :

  • la société A a fait assigner la société B dont le siège social est situé à Monaco X, représentée par son gérant en exercice alors qu'en vertu de la décision d'une assemblée générale extraordinaire en date du 26 mars 2012, sa dissolution par anticipation a été décidée et un liquidateur a été nommé en la personne de j-f. LO., le siège de cette liquidation ayant été fixé au X,

  • l'article 136 du Code de procédure civile dispose que tout exploit doit contenir la date des jours, mois et an, outre le nom, les prénoms et le domicile de la partie requérante et de la partie à laquelle l'exploit sera signifié ou du moins une désignation précise de l'une ou de l'autre,

  • l'article 141 du Code de procédure civile dispose qu'une société doit être représentée par l'organe habilité à cet effet et domiciliée à son siège,

  • par application des dispositions des articles 155 et 966 du code de procédure civile, de telles mentions sont prescrites à peine de nullité,

  • il s'ensuit que la désignation d'une partie comme étant représentée par une personne qui n'est pas la représentante légale de la société rend nulle une telle assignation conformément à une jurisprudence bien établie,

  • la société A n'a pas vérifié, avant de faire signifier son exploit d'appel, « l'état de la société B mentionnant son siège social, au lieu du siège de la liquidation et sa représentation par son gérant, alors qu'il s'agit de son liquidateur » (sic), une telle nullité objective ne suppose aucune intentionnalité ni aucun grief, n'étant pas comminatoire, ce dont il résulte que l'acte d'appel qui en est entaché doit être déclaré nul.

Aux termes de ses écrits judiciaires en date du 11 novembre 2014, la SARL A qui sollicite l'entier bénéfice de son acte d'appel soutient que c'est à tort que la société intimée excipe de la nullité de l'exploit d'appel puisque tant devant le Tribunal de première instance que dans le cadre de la signification du jugement du 10 avril 2014, la société B a signifié et a été assignée sous la dénomination, l'adresse et la représentation suivantes : « la SCS B en liquidation, anciennement dénommée compagnie C dont le siège social est situé X,98000 Monaco, au capital de 15.000 euros, ayant exercé le commerce sous l'enseigne «B», poursuites et diligences de son gérant commandité, Monsieur j-f. LO., demeurant et domicilié « Y » X, 98000 Monaco et la représentant en sa qualité de liquidateur ».

Elle fait valoir que j-f. LO. est à la fois le gérant commandité de la société B et le liquidateur de cette personne morale et que c'est bien en cette dernière qualité que l'acte d'appel et d'assignation a été régularisé ; que si ce n'était pas le cas, elle serait elle même fondée à demander à la Cour de constater l'irrégularité de la signification du jugement entrepris effectuée le 16 mai 2014.

Par des conclusions en réponse déposées le 18 décembre 2014, la SCS B, intimée, fait valoir que l'appelante, consciente de son erreur tente d'en réduire la portée en affirmant que j-f. LO. est à la fois gérant commandité et liquidateur de la société B ; que cet argument est toutefois inopérant s'agissant en l'espèce d'une nullité objective ne nécessitant aucun grief.

Aux termes d'ultimes écrits en date du 6 janvier 2015, la SARL A réitère son argumentation au soutien de sa demande de rejet de l'exception de nullité de l'exploit d'appel et entend voir constater que c'est sous les mêmes qualités que celles ayant fait l'objet de l'assignation devant la Cour que la société B a signifié à la société A le jugement rendu le 10 avril 2014 par le Tribunal de première instance, constater également que la société B est une société en commandite simple dont le seul associé et gérant unique était j-f. LO. qui se trouve également être son liquidateur et que c'est bien à son domicile que l'assignation en cause a été régularisée et voir enfin constater que la société intimée n'invoque aucun grief ni aucun texte pour dire que l'assignation au domicile de son liquidateur et associé unique lui causerait un grief et qu'elle serait nulle.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que conformément au calendrier de mise en état adopté au contradictoire des parties, la Cour ne doit présentement statuer que sur l'exception de procédure tirée de la nullité de l'acte d'appel et d'assignation invoquée par la société B, intimée ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 136 du code de procédure civile tout exploit contiendra :

  • 1° la date des jours, mois et an,

  • 2° le nom, les prénoms, la profession et le domicile de la partie requérante et de la partie à laquelle l'exploit sera signifié ou du moins une désignation précise de l'une ou de l'autre

  • 3° la mention de la personne à laquelle la copie sera laissée,

  • 4° le nom, la demeure et la signature de l'huissier ;

Que l'article 141 du code de procédure civile dispose que les sociétés de commerce sont désignées par leur raison sociale, par l'objet de leur entreprise et représentées conformément aux règles du droit commercial ;

Qu'enfin, l'article 153-5° dudit code dispose que la copie de l'exploit est laissé, pour les sociétés en liquidation, à la personne ou au domicile des liquidateurs ;

Attendu qu'il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles 155 et 966 du Code de procédure civile que les dispositions précitées doivent être observées à peine de nullité, l'acte entaché d'irrégularité étant nul indépendamment de tout grief ;

Attendu qu'il résulte en l'espèce de l'extrait des inscriptions portées au répertoire du commerce de l'industrie que le siège social de la société en commandite simple B se trouve situé au X à Monaco tandis que son gérant commandité, Monsieur j-f. LO. est domicilié X ;

Que par suite de la dissolution anticipée de cette personne morale décidée par l'assemblée des associés le 26 mars 2012, le gérant commandité j-f. LO. a été nommé en qualité de liquidateur, son adresse personnelle étant demeurée inchangée, tandis que le siège de la liquidation a été fixé à Monaco au X ;

Que l'exploit de signification du jugement appelé délivré le 16 mai 2014 à l'initiative même de la société en commandite simple B mentionne : « à la requête de la SCS B (…) dont le siège social est X à Monaco (…) poursuites et diligences de son gérant commandité, Monsieur j-f. LO., demeurant Y, X à Monaco et la représentant en sa qualité de liquidateur. » ;

Attendu que l'exploit d'appel en date du 3 juin 2014 dont la régularité est présentement remise en cause par cette même société B, intimée, se trouve signifié dans les mêmes termes à cette société en liquidation « prise en la personne de son gérant commandité, Monsieur j-f. LO., demeurant et domicilié Y X, 98000 Monaco, et la représentant en sa qualité de liquidateur. » ;

Qu'il résulte de ces mentions, conformes à celles portées à la diligence de la société intimée elle-même sur l'exploit de signification du jugement entrepris, que l'exploit d'appel contient une désignation suffisamment précise de la partie à laquelle l'exploit est signifié, en l'occurrence la société B en liquidation tandis que l'adresse de son gérant commandité, devenu liquidateur de cette personne morale, et mentionné en cette qualité, Monsieur j-f. LO., y est reproduite avec exactitude ;

Qu'il s'ensuit que les dispositions combinées des articles 136, 141 et 153 du Code de procédure civile ont été respectées, en sorte que le moyen de nullité soulevé n'apparaît pas pertinent et devra être rejeté.

Attendu que la société B étant déboutée des fins de son exception de nullité de l'exploit d'appel, l'appel interjeté par la société A sera déclaré recevable et les parties renvoyées à conclure au fond selon le calendrier figurant au dispositif ci-après ;

Attendu que les dépens seront réservés enfin de cause ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Vu les dispositions des articles 136, 141, 153, 155 et 966 du Code de procédure civile,

Déboute la société en commandite simple B des fins de son exception de nullité de l'exploit d'appel,

Déclare recevable l'appel formé par la société A à l'encontre du jugement rendu le 10 avril 2014 par le Tribunal de première instance, signifié le 16 mai 2014,

Renvoie les parties à conclure au fond selon le calendrier ci-après :

conclusions de Maître Frank MICHEL pour le compte de la société appelante, la SARL A à la date du 31 MARS 2015,

Conclusions de Maître Patricia REY, pour le compte de la société SCS B à la date du 5 MAI 2015,

fixation à plaider le 9 JUIN 2015,

Réserve les dépens en fin de cause.

Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 3 février 2015, par Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, substitut du Procureur Général.

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