Cour d'appel, 15 décembre 2014, Ministère public c/ d. GA.

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Abstract🔗

Procédure pénale - Crimes et délits commis par un magistrat - Caractère obligatoire de l'instruction (non) - Citation directe devant le tribunal correctionnel - Recevabilité (oui)

Résumé🔗

L'article 577 du Code de procédure pénale énonce qu'en cas de poursuites pour crimes ou délits diligentées contre un magistrat ou un fonctionnaire public, le Premier président de la Cour d'appel peut désigner, s'il l'estime opportun, soit le président du tribunal, soit un membre de cette cour pour remplir exceptionnellement en la cause les fonctions du juge d'instruction. En l'espèce, le demandeur a transmis au président du tribunal correctionnel une citation directe contre un juge d'instruction, du chef de dénonciation calomnieuse, et sollicité la fixation du jour et de l'heure de l'audience. Le président du tribunal a fixé les jour et heure de l'audience et le demandeur a fait citer à comparaître directement devant le tribunal le juge d'instruction. Le procureur général est appelant du jugement qui a déclaré régulières et recevables l'ordonnance du président du tribunal et la citation directe. L'article 75 du Code de procédure pénale énonce que la personne lésée par un délit ou une contravention peut en citer directement l'auteur devant le tribunal compétent. Ce texte n'édicte aucune exception et pose un principe général directeur de la procédure pénale, consacrant le droit d'accès de la victime au juge pénal par voie d'action. Il s'en déduit que tout régime dérogatoire au droit commun, qui créerait une procédure exceptionnelle et restreindrait l'accès au juge, doit être expressément et spécifiquement prévu. Or, l'article 577 du Code de procédure pénale n'« impose » pas le traitement des poursuites pour délit contre un magistrat par le recours à une information judiciaire. Il confie seulement au premier président de la Cour d'appel un pouvoir de régulation dans l'hypothèse exclusive de l'ouverture d'une information. En effet, il a pour seul objet de définir, dans cette hypothèse, les conditions particulières de désignation du juge d'instruction, permettant ainsi au premier président, s'il le juge opportun, d'affecter le dossier à un autre magistrat du siège que le magistrat instructeur. En outre, la qualité d'inculpé du demandeur ne l'empêche pas de faire une citation directe devant le tribunal correctionnel et de se prévaloir de la qualité de « personne lésée par un délit » (article 75 du Code de procédure pénale), quand bien même l'ordonnance de renvoi constituerait-elle le support de l'infraction dénoncée. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit aux réquisitions tendant à voir prononcer la nullité de l'ordonnance rendue par le président du tribunal correctionnel et de la citation directe.


Motifs🔗

Cour d'appel correctionnelle

Dossier PG n° 2014/001666

ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2014

En la cause du :

  • MINISTÈRE PUBLIC ;

  • APPELANT

Contre :

  • d. GA., né le 4 décembre 1960 à MONACO, de feu Yvan et de feue Pierrette TR., de nationalité monégasque, étudiant, demeurant X à CAP-D'AIL (06320) ;

Partie civile poursuivante, comparaissant en personne, détenu pour autre cause ;

INTIMÉ

En présence de :

  • l. MA., ès-qualités de Juge d'instruction près du Tribunal de Monaco, de nationalité française, demeurant X Cap d'Ail (06320) ;

représenté par Maître Didier ESCAUT, avocat défenseur près la Cour d'Appel, chez lequel il a fait élection de domicile, plaidant par Maître Diana YAN YUEN CHUEN, avocat au barreau de Nice ;

Poursuivi pour :

  • DÉNONCIATION CALOMNIEUSE

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 17 novembre 2014 ;

Vu le jugement rendu contradictoirement, conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale, par le Tribunal de Première Instance jugeant correctionnellement le 21 octobre 2014 ;

Vu l'appel interjeté à titre principal par le Ministère public le 22 octobre 2014 ;

Vu l'ordonnance de Madame le Premier Président de la Cour d'appel en date du 6 novembre 2014 ;

Vu la citation suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 12 novembre 2014 ;

Vu les conclusions du Ministère public en date du 14 novembre 2014 ;

Vu la note de d. GA. en date du 11 novembre 2014, reçue au greffe de la Cour d'appel correctionnelle le 12 novembre 2014 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, en son rapport ;

Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;

Ouï d. GA., en ses observations ;

Ouï Maître Diana YAN YUEN CHUEN, avocat au barreau de Nice, autorisée à plaider par Monsieur le Président, pour l. MA., en ses observations ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement rendu contradictoirement, conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale, par le Tribunal correctionnel a :

  • - déclaré régulière et recevable l'ordonnance en date du 30 juin 2014 rendue par le Président du Tribunal correctionnel et la citation directe émanant de d. GA. datée du 16 juillet 2014,

  • - dit que d. GA. devra déposer au Greffe général et ce dans le délai d'un mois à compter du présent jugement la somme de MILLE EUROS (1.000 euros),

  • - sursis à statuer sur les autres faits et demandes dont le Tribunal a été saisi.

  • - renvoyé leur examen à une audience ultérieure,

  • - réservé les dépens.

Le Ministère public a interjeté appel de ladite décision le 22 octobre 2014.

L'appel régulier est recevable.

Considérant les faits suivants :

Par acte d'huissier délivré le 16 juillet 2014, d. GA. citait à comparaître directement devant le Tribunal correctionnel l. MA., juge d'instruction, après fixation de la date d'audience du 23 septembre 2014, par ordonnance du Président du Tribunal en date du 30 juin 2014, aux fins de voir déclarer ce dernier coupable du délit de dénonciation calomnieuse, de le condamner, en réparation du préjudice subi, à lui verser la somme de 100.000 euros, outre 2.500 euros au titre des frais de procédure, et d'ordonner la publication intégrale du jugement à intervenir dans le Journal de Monaco ou tout autre support que le tribunal jugerait utile.

Aux termes de cette citation à comparaître, d. GA. reprochait à l. MA., qui avait en charge une information judiciaire dans laquelle il était inculpé, d'avoir volontairement omis de préciser, dans l'ordonnance prononçant son renvoi devant le Tribunal correctionnel, que son casier judiciaire français ne portait trace d'aucune condamnation.

Par conclusions écrites en date du 18 septembre 2014, soutenues à l'audience du 23 septembre 2014, le Procureur général soulevait, à titre principal, la nullité de l'ordonnance du 30 juin 2014, la nullité subséquente de la citation directe du 16 juillet 2014, et, à titre subsidiaire, l'irrecevabilité des poursuites engagées par d. GA. ainsi que des différentes demandes de dommages-intérêts formulées par lui.

Au soutien de ses demandes, le Procureur général faisait valoir :

Sur la nullité de l'ordonnance d'autorisation de citer du 30 juin 2014 :

  • que cette ordonnance ne respectait pas la procédure prévue en cas de poursuites contre un magistrat ; qu'en effet, la responsabilité pénale d'un magistrat ne pouvait être recherchée que dans le cadre d'une information judiciaire, impliquant la saisine d'un juge d'instruction, en application de l'article 577 du Code de procédure pénale,

  • que ladite ordonnance autorisait la tenue d'une audience irrégulière dès lors que la présomption de l'article 75 alinéa 3 du Code de procédure pénale, combattue par les dispositions combinées des articles 19 de la loi du 16 novembre 2009 portant statut de la magistrature, 579 du Code de procédure pénale et 460 du Code de procédure civile, interdisait à d. GA., qui ne pouvait légalement demander directement des dommages-intérêts à un magistrat, de se prévaloir de la qualité de partie civile,

  • qu'ainsi, le Tribunal correctionnel n'apparaissait pas régulièrement saisi au regard de l'article 368 du Code de procédure pénale.

Sur la nullité de la citation directe délivrée le 16 juillet 2014 :

  • que cette citation, reposant sur une autorisation de citer annulée, encourait également l'annulation.

Subsidiairement, sur l'irrecevabilité des poursuites :

  • - que sur l'action publique, compte tenu de son statut de personne inculpée dans la procédure instruite par l. MA. ayant abouti à une ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel, d. GA. ne pouvait prétendre avoir la qualité d'une personne lésée au sens de l'article 75 du Code de procédure pénale, et ne pouvait, ainsi, être réputé partie civile,

  • - que, sur l'action civile, d. GA. n'était pas recevable à réclamer la condamnation de l. MA. au paiement de dommages-intérêts et de frais, en application des articles 19 de la loi n° 1364 du 16 novembre 2009 portant statut de la magistrature, 579 du Code de procédure pénale et 464 du Code de procédure civile.

Contestant les incidents de procédure, d. GA. considérait que la citation directe qu'il avait fait délivrer était régulière et recevable. Il indiquait qu'il ne s'opposait pas, en dépit de son statut d'étudiant, au versement d'une consignation.

l. MA., représenté à l'audience par ses conseils, se constituait partie civile et sollicitait la condamnation de d. GA. au paiement de la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts, avec exécution provisoire, et de la somme de 6.000 € au titre des frais de procédure.

Par jugement contradictoire du 21 octobre 2014, désormais entrepris, le Tribunal correctionnel déclarait régulière et recevable l'ordonnance du 30 juin 2014 rendue par le Président du Tribunal correctionnel ainsi que la citation directe émanant de d. GA. datée du 16 juillet 2014, fixait à la somme de 1.000 € le montant de la consignation que ce dernier devait déposer au Greffe Général, dans le délai d'un mois, ordonnait le sursis à statuer sur les autres faits et demandes dont il était saisi et renvoyait leur examen à l'audience du 6 janvier 2015.

Pour statuer ainsi, le tribunal retenait :

  • que l'article 577 du Code de procédure pénale, loi pénale devant s'interpréter strictement, n'imposait pas l'ouverture d'une information dans les cas de poursuite judiciaire intentée à l'encontre d'un magistrat pour des faits de crime ou de délit, mais permettait seulement, si une instruction devait être mise en œuvre, un mode de désignation particulier et dérogatoire au droit commun du magistrat en charge de l'affaire,

  • qu'une autre loi, la loi n° 740 du 25 mars 1963, relative aux mineurs délinquants, traduisait clairement, quant à elle, la volonté du législateur de recourir obligatoirement, en pareille matière, à une information judiciaire,

  • que la présomption de partie civile prévue à l'article 75 alinéa 3 du Code de procédure pénale ne pouvait être sérieusement combattue par l'inculpation de d. GA., laquelle ne lui interdisait pas d'être considéré, dans une procédure distincte, comme une personne s'estimant lésée par une infraction,

  • que la présomption de partie civile ne pouvait davantage être combattue par le recours, obligatoire à la procédure de prise à partie pour toute demande de dommages-intérêts, dès lors que la partie civile pouvait choisir de corroborer uniquement l'action publique intentée et de ne solliciter aucune réparation financière,

  • qu'une consignation d'un montant de 1.000 € devait être fixée, d. GA. ne justifiant pas de son indigence,

  • que, dans l'attente du versement de cette consignation dont le défaut de paiement, dans le délai imparti, entraînerait l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de d. GA., le sursis à statuer devait être ordonné.

Par acte en date du 22 octobre 2014, le Procureur général relevait appel principal de la décision.

Par conclusions écrites en date du 14 novembre 2014, le Procureur général a requis que son appel soit déclaré recevable et que le jugement du 21 octobre 2014 soit infirmé aux motifs, essentiellement, que si la qualité de personne lésée par un crime ou un délit, au sens où l'entend l'article 75 du Code de procédure pénale, pouvait être reconnue à d. GA. qui pourrait se constituer partie civile afin de déclencher des poursuites pénales sans pouvoir néanmoins réclamer de dommages-intérêts, cette constitution ne saurait, toutefois, se manifester par la voie de la citation directe mais au moyen d'une ouverture d'information en application de l'article 577 du Code de procédure pénale, un tel régime dérogatoire ayant été institué dans le but de faire échec à toute tentative de blocage de l'institution judiciaire.

À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, d. GA. demandait à la Cour de confirmer le jugement entrepris.

Le Ministère public soutenait oralement ses conclusions écrites ; subsidiairement, il requérait que la Cour constate l'irrecevabilité des poursuites.

Concluant à la recevabilité de sa propre constitution de partie civile, le conseil de l. MA. sollicitait l'allocation de la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 4.000 € pour les frais de procédure engagés.

SUR CE,

  • 1- Attendu que la recevabilité de l'appel du Ministère public n'est pas discutée. Que s'agissant de l'appel d'un jugement statuant sur un incident, il sera déclaré recevable, en application de l'article 404 alinéa 3 du Code de procédure pénale ;

  • 2- Attendu que la problématique soumise à la Cour est celle de savoir si, en cas de poursuites contre un magistrat pour délit, l'article 577 du Code de procédure pénale impose, ou non, le recours obligatoire à la procédure d'information judiciaire et si, en application de ce texte, doivent être annulées l'ordonnance du 30 juin 2014 rendue par le Président du Tribunal correctionnel fixant l'audience au 23 septembre 2014 ainsi que la citation directe émise le 16 juillet 2014 par d. GA. ;

Attendu que l'article 577 du Code de procédure pénale énonce qu'en cas de poursuites pour crimes ou délits diligentées contre un magistrat ou un fonctionnaire public, le Premier président de la Cour d'appel peut désigner, s'il l'estime opportun, soit le Président du tribunal, soit un membre de cette cour pour remplir exceptionnellement en la cause les fonctions du juge d'instruction ;

Attendu qu'au cas d'espèce, d. GA. a, par requêtes adressées le 26 mai 2014 puis le 11 juin 2014 sur le fondement de l'article 75 du Code de procédure civile, transmis au Président du Tribunal correctionnel de Monaco une citation directe contre l. MA., juge d'instruction, du chef de dénonciation calomnieuse, et sollicité la fixation du jour et de l'heure de l'audience ;

Que par ordonnance du 30 juin 2014, le Président du Tribunal Correctionnel a fixé au 23 septembre 2014 à 9 heures 30 les jour et heure de l'audience ;

Que, selon acte d'huissier délivré le 16 juillet 2014, d. GA. a fait citer à comparaître directement devant le Tribunal correctionnel l. MA., juge d'instruction, à l'audience ainsi fixée ;

Attendu que le Procureur général est appelant du jugement qui, contrairement à ses réquisitions, a déclaré régulières et recevables l'ordonnance du 30 juin 2014 rendue par le Président du Tribunal Correctionnel ainsi que la citation directe délivrée par d. GA. à l. MA. ;

Attendu qu'avant même de déterminer l'exacte portée de l'article 577 précité quant à la nature de la procédure à suivre, il convient d'observer que le texte en cause évoque l'hypothèse de « poursuites » exercées, notamment, contre un magistrat, le terme de « poursuites » devant s'entendre comme traduisant la mise en mouvement de l'action publique ;

Qu'au cas particulier, d. GA. a saisi la juridiction répressive par une citation directe, en sorte que si cette citation devait être déclarée irrecevable, notamment pour non paiement de la consignation fixée dans le délai imparti, il devrait alors être considéré que l'action publique n'a pas été mise en mouvement ;

Qu'en d'autres termes, et à ce stade de la procédure, d. GA. n'a pas encore acquis la qualité de partie civile mais est seulement, au sens du dernier alinéa de l'article 75 du Code de procédure pénale, réputé comme tel ;

Attendu, par ailleurs, qu'il sera rappelé que l'article 75 du Code de procédure pénale énonce que la personne lésée par un délit ou une contravention peut en citer directement l'auteur devant le tribunal compétent ;

Que ce texte, de portée générale, n'édicte aucune exception, hormis celle, contenue dans son libellé même, qui proscrit le recours à la citation directe contre quiconque, magistrat ou non, en matière criminelle.

Que l'article 75 précité pose donc un principe général directeur de la procédure pénale, consacrant le droit d'accès de la victime au juge pénal par voie d'action, auquel, hormis en matière criminelle où seule la constitution de partie civile par voie d'intervention est possible, aucune autre exception n'a été reconnue ;

Qu'il s'en déduit que tout régime dérogatoire au droit commun, qui créerait une procédure exceptionnelle et restreindrait l'accès au juge, doit être expressément et spécifiquement prévu ;

Or, attendu que, contrairement à ce qui est soutenu, l'article 577 du Code de procédure pénale n'« impose » pas le traitement des poursuites pour délit contre un magistrat par le recours à une information judiciaire ;

Qu'en effet, et même si les règles de procédure pénale ne sont pas, en principe, d'interprétation stricte, il ne s'agit ni d'ajouter au texte, ni de le dénaturer par un raisonnement déductif, ni enfin et surtout, pour des raisons impérieuses tenant à la sécurité juridique et à la nécessité de préserver, pour tout justiciable, l'accès à son juge naturel, d'accorder à une disposition exceptionnelle et dérogatoire au droit commun une portée extensive, fût-ce au nom de « l'ordre social » ;

Qu'en l'espèce, la seule référence faite par ce texte à la procédure d'instruction ne permet pas d'en déduire, sans autre précision expresse, la consécration du caractère obligatoire de la procédure d'information ;

Qu'en outre, l'article 577 du Code de procédure pénale, figurant dans le titre IV du Code de procédure pénale, « Des crimes et délits commis par des magistrats ou fonctionnaires publics » lui-même inclus dans le livre IV « De quelques procédures particulières », a simplement entendu, dans l'intérêt évident d'une bonne administration de la justice, dans le but de ne pas en paralyser le fonctionnement et aussi pour garantir le droit à un juge indépendant et impartial, confier au premier président de la cour d'Appel un pouvoir de régulation dans l'hypothèse exclusive de l'ouverture d'une information ; qu'en effet, l'article 577 précité a pour seul objet de définir, dans cette hypothèse, les conditions particulières de désignation du juge d'instruction, permettant ainsi au premier président, s'il le juge opportun, d'affecter le dossier à un autre magistrat du siège que le magistrat instructeur, et qui serait soit le président du tribunal, soit un membre de la cour d'appel lequel, pour l'occasion, remplirait alors « exceptionnellement en la cause les fonctions de juge d'instruction » ;

Attendu, au demeurant, que les premiers juges ont, fort justement, observé que lorsque la loi entendait déroger au principe général en imposant le recours à une procédure particulière, la procédure d'instruction en l'espèce, la volonté du législateur était, alors, clairement exprimée ;

Qu'il en est ainsi, par exemple, de l'article 4 de la loi n° 740 du 25 mars 1963 relative aux mineurs délinquants qui énonce, de manière irréfragable, explicite, et sans ambiguïté possible, qu'« aucune poursuite en matière de crime ou de délit ne pourra être exercée contre les mineurs de dix-huit ans, sans une information préalable confiée au juge tutélaire » ;

Attendu, en outre, que la documentation produite par le Ministère public, relative aux « poursuites réservées » visant, notamment, les articles 679 à 688 du Code de procédure pénale français, n'est pas opérante pour la solution du litige, lesdits textes, qui instituaient, en France, un privilège de juridiction en matière de crimes ou de délits commis par des magistrats et certains fonctionnaires, ayant été abrogés par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993. Qu'il n'est, par ailleurs, même pas allégué que le texte aujourd'hui débattu devant la Cour serait inspiré de ces anciennes dispositions ;

Attendu qu'est également invoquée une atteinte au principe de la contradiction en ce que la requête présentée par d. GA. au Président du Tribunal correctionnel en vue de la fixation de l'audience n'a pas été communiquée au Parquet ;

Mais attendu qu'aucun texte n'impose une telle communication, que la jurisprudence de la Cour de Cassation visée par le Ministère public concerne la matière civile et plus particulièrement les ordonnances sur requête et, qu'en toute hypothèse, aucune conséquence juridique n'a été tirée de ce chef ;

Qu'en outre, le fait avéré qu'aux termes des articles 579 du Code de procédure pénale et 460 du Code de procédure civile, les magistrats ne peuvent être poursuivis en dommages-intérêts que par la prise à partie ne prive pas pour autant un justiciable du droit de prendre l'initiative de l'action publique et, donc, de se constituer partie civile par voie d'action, étant observé que la question de la recevabilité ou du bien fondé de l'éventuel droit à réparation du dommage ne se posera qu'a posteriori et, en tout cas, pas à ce stade de la procédure où seules sont appréciées la validité de l'ordonnance présidentielle fixant l'audience et celle de la citation ; qu'en toute hypothèse, la demande en réparation est une simple faculté dont la partie civile est libre de ne pas user, se limitant ainsi à corroborer l'action publique ;

Attendu, enfin, que la qualité d'inculpé de d. GA. ne l'empêche pas davantage de faire une citation directe devant le Tribunal correctionnel et de se prévaloir de la qualité de « personne lésée par un délit » au sens où l'entend l'article 75 du Code de procédure pénale, quand bien même l'ordonnance de renvoi constituerait-elle le support de l'infraction dénoncée ;

Qu'en conséquence, et sans que la Cour ne porte la moindre appréciation sur le contenu de la citation en cause, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit aux réquisitions tendant à voir prononcer la nullité de l'ordonnance du 30 juin 2014 rendue par le Président du Tribunal Correctionnel et de la citation directe subséquente ;

  • 3- Attendu que, subsidiairement, le Ministère public requiert de la Cour que soit prononcée l'irrecevabilité des poursuites. Que sur ce point, la Cour, se référant expressément à sa motivation ci-dessus développée relativement d'une part à l'absence d'incompatibilité entre la qualité d'inculpé et celle de partie civile, d'autre part au caractère prématuré de la question du droit à réparation, ne peut que confirmer le jugement de ce chef ;

  • 4- Attendu qu'à juste titre, les premiers juges ont sursis à statuer sur les autres demandes dont ils étaient saisis, en particulier sur la recevabilité de l'action civile introduite par d. GA. ainsi que sur la constitution de partie civile de l. MA., dans l'attente du versement de la consignation dont le montant fixé n'est, par ailleurs, pas contesté ;

  • 5- Attendu que les frais du présent arrêt seront laissés à la charge du Trésor Public ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant correctionnellement et contradictoirement à l'égard de Monsieur d. GA. et contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale, à l'égard de Monsieur l. MA.,

Reçoit l'appel,

Le déclare mal fondé,

Confirme, en toutes ses dispositions déférées, le jugement rendu le 21 octobre 2014 par le Tribunal correctionnel de MONACO,

Laisse les frais du présent arrêt à la charge du Trésor ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le quinze décembre deux mille quatorze, par Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier Substitut du Procureur général, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

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