Cour d'appel, 29 septembre 2014, Monsieur o. RO. c/ Madame v. FL.
Abstract🔗
Jugement – Bâtonnement (non) – Conditions
Médecin – Obligation de moyen renforcée – Responsabilité (oui)
Résumé🔗
La demande de réformation de la décision entreprise au titre du rejet de la demande de suppression des propos tenus dans les conclusions du 13 février 2013 n'est pas motivée dans l'acte d'appel, mais dans des conclusions ultérieures, en sorte que l'appel du jugement entrepris n'a pas permis à l'intimée de connaître les griefs formulés dans l'exploit à l'encontre de ce chef de la décision de première instance. Outre cette carence procédurale, force est de relever que les premiers juges ont légitimement relevé que la référence à des attestations de pure complaisance deux ans après les faits ne caractérise pas une terminologie excédant la mesure d'un débat judiciaire. Dès lors qu'il n'est apporté la preuve d'aucun écrit avançant un fait grave contre l'honneur ou la réputation des parties au sens des dispositions de l'article 23 de la loi n° 1047 du 28 juillet 1982 sur l'exercice des professions d'avocat-défenseur et d'avocat, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de bâtonnement.
Il demeure constant que si l'activité médicale se trouve de façon générale affectée d'un aléa ne permettant pas en principe au médecin de s'engager à atteindre un résultat, il n'en demeure pas moins que le praticien supporte une obligation de moyen renforcée en ce qui concerne la sécurité de son patient pendant l'examen ou les soins dans son cabinet. Un tel devoir met à la charge du médecin une obligation de surveillance mais aussi de prudence et de diligence réactive dont l'étendue doit être appréciée en fonction du comportement et de l'état de santé physique de son patient. Il est en l'espèce admis par le Docteur RO. qu'après le début de la consultation, v. FL. avait fait état des premiers symptômes d'un malaise vagal l'ayant incité à interrompre l'examen et à lui demander de s'allonger quelques minutes sur la table d'auscultation. Il est non moins constant qu'après que sa patiente soit un temps restée allongée, ce qui permettait au Docteur RO. de rédiger le compte rendu de consultation, v. FL. était venue s'asseoir face à son bureau pour discuter des résultats de l'examen médical avant de se relever, en proie à un second malaise vagal, pour se diriger de nouveau vers la table d'examen à l'effet de s'y rallonger. Si le Docteur RO. évoque la rapidité de ce mouvement et de la chute qui s'en est suivie pour s'exonérer de sa responsabilité, force est de relever que tant les antécédents de sa patiente que le contexte ayant présidé à ce nouveau malaise vagal mettaient le praticien en mesure de prévoir une récurrence de tels troubles et auraient dû l'inciter à redoubler de vigilance et à faire preuve de précautions soit à l'issue de l'examen médical proprement dit en conseillant à v. FL. de rester allongée plus longtemps sur la table d'auscultation, soit lors de la discussion du compte rendu médical en lui ordonnant d'attendre son aide pour se relever dès la réapparition des symptômes. Sans qu'il y ait lieu de s'attarder sur le niveau intellectuel de la victime ou les circonstances précises de la chute survenue dans le cabinet du Docteur RO., il est établi que ce praticien a manqué à son obligation de moyen renforcée lui imposant de prendre toutes précautions utiles de nature à prévenir les conséquences d'un potentiel malaise récurrent de sa patiente dans son cabinet pouvant être à l'origine d'une chute. Il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce que le Docteur RO. a été déclaré totalement responsable de l'accident dont a été victime v. FL., tenu d'en indemniser les conséquences et condamné à verser à v. FL. une indemnité provisionnelle de 1.500 euros, et en ce que, avant-dire droit au fond, une expertise médicale aux frais avancés de celle-ci a été instaurée, la demande reconventionnelle du Docteur RO. ayant été à bon droit rejetée et les dépens de première instance réservés.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2014
En la cause de :
- Monsieur o. RO., médecin phlébologue, demeurant et domicilié en cette qualité à Monaco, « Y », 1X,
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Michel TOLOSANA, avocat au Barreau de Nice ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Madame v. FL., née le 14 mai 1960, exerçant la profession de rédactrice en assurances, demeurant et domiciliée 2X à Beausoleil (06240) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat près la même Cour ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 24 septembre 2013 (R. 7816) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 6 décembre 2013 (enrôlé sous le numéro 2014/000078) ;
Vu les conclusions déposées le 12 février 2014, par Maître LICARI, avocat-défenseur, au nom de v. FL. ;
Vu les conclusions déposées le 22 avril 2014, par Maître LORENZI, avocat-défenseur, au nom de o. RO. ;
À l'audience du 24 juin 2014, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par o. RO., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 24 septembre 2013.
Considérant les faits suivants :
Le 29 novembre 2010, v. FL. qui s'était rendue en consultation chez le docteur o. RO., médecin phlébologue exerçant en principauté de Monaco faisait une chute dans son cabinet médical et était transportée par les pompiers a l'établissement public de droit monégasque I où une double fracture tibia péroné était diagnostiquée.
Par exploit du 26 avril 2012, v. FL. faisait assigner o. RO. devant le Tribunal de première instance à l'effet de voir constater qu'il avait failli à ses obligations, le voir déclarer responsable du préjudice en résultant et voir désigner tel expert qu'il appartiendra à l'effet de l'examiner et de déterminer si elle demeurait atteinte d'une IPP, d'un pretium doloris, d'un préjudice d'agrément et de fixer la durée des soins et arrêt travail et celle de la consolidation.
Par jugement du 24 septembre 2013, le Tribunal de première instance a :
« dit n'y avoir lieu à suppression d'écrits dans les conclusions de v. FL. en date du 13 février 2013,
déclaré o. RO. entièrement responsable de l'accident survenu le 29 novembre 2010 en son cabinet et tenu d'en réparer les conséquences dommageables pour v. FL.,
rejeté la demande reconventionnelle du Docteur o. RO.,
et, avant-dire droit au fond, ordonné une expertise médicale aux frais avancés de la demanderesse et désigné à cet effet le docteur G. B., demeurant 3X à MONACO, lequel serment préalablement prêté aux formes de droit, et pouvant se faire assister de tous sapiteurs de son choix, aura pour mission :
1°) d'examiner v. FL., de décrire les lésions imputées à l'accident dont elle a été victime le 29 novembre 2010, d'indiquer, après s'être fait communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont la victime a été l'objet, leur évolution et les traitements appliqués ; de préciser si ces lésions sont bien en relation directe et certaine avec l'accident, en tenant compte éventuellement d'un état pathologique antérieur et d'événements postérieurs à l'accident ;
2°) de déterminer la durée de l'incapacité temporaire en indiquant si elle a été totale et de fixer la date de consolidation ;
3°) de dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur, éventuellement du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément ;
4°) de dire si, du fait des lésions constatées, il existe une atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions et, dans l'affirmative après avoir précisé les éléments, chiffrer le taux de l'incapacité permanente partielle qui en résulte ;
5°) de dire si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ou amélioration ; dans l'affirmative, fournir au Tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité et, dans le cas où un nouvel examen leur apparaîtrait nécessaire, d'indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé ;
Dit que l'expert ainsi commis devra répondre à tous dires ou requête des parties et dressera un rapport écrit qu'il déposera au Greffe du Tribunal ;
Impartit à l'expert ainsi commis un délai de huit jours pour le refus ou l'acceptation de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui leur sera adressée par le Greffe Général ;
Dit qu'en cas d'acceptation de sa mission, ce même expert déposera au Greffe un rapport écrit de ces opérations dans les trois mois du jour où il les aura débutées, à défaut d'avoir pu concilier les parties, ce qu'il lui appartiendra de tenter dans toute la mesure du possible ;
Chargé Mme Patricia HOARAU, Juge au Tribunal, du contrôle de l'expertise, qui obéira aux dispositions des articles 344 à 368 du Code de procédure civile ;
Dit qu'en cas d'empêchement du juge ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;
Condamné o. RO. à verser une indemnité provisionnelle de 1.500 euros à v. FL., à valoir sur le montant de son préjudice ;
Réservé les dépens en fin de cause ; »
Au soutien d'une telle décision, les premiers juges relevaient pour l'essentiel que dans l'exécution du contrat liant un patient à son médecin, il est imposé à ce dernier une obligation générale de sécurité lui imposant de se donner tous les moyens de nature à garantir l'absence de dommages durant l'examen ou soins ; ils en déduisaient que v. FL. s'étant relevée après un premier malaise, le Docteur RO. aurait dû être plus vigilant et interdire à sa patiente de quitter la table d'examen sans sa présence quand il rédigeait le compte rendu médical ou ultérieurement lorsqu'elle a voulu rejoindre la table d'auscultation, manquant de la sorte à son obligation générale de précaution et engageant sa responsabilité.
Suivant exploit du 6 décembre 2013, o. RO. a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 24 septembre 2013 non encore signifié à l'effet de :
« - Admettre en la forme l'appel interjeté par le Docteur o. RO.,
- Au fond, le déclarer fond,
- Dire et juger que lors de l'examen pratiqué en date du 29 NOVEMBRE 2010 par le Docteur RO., sur la personne de Madame FL., il n'a commis strictement aucune négligence, aucun manquement et à fortiori aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité.
- Que Madame FL. sur qui pèse la charge de la preuve, ne rapporte nullement cette dernière qui pourrait établir l'existence d'un quelconque manquement.
- Qu'il s'évince du rappel précis des faits tels qu'ils se sont déroulés, que le Docteur RO. n'a en rien engagé sa responsabilité.
- Qu'au demeurant, il n'existe aucun lien de causalité direct, certain et exclusif entre le déroulement de la consultation du 29 NOVEMBRE 2010 et la chute que subit Madame FL..
- Que cette chute est survenue bien après la fin de la consultation.
- Que Madame FL. déclarant se sentir beaucoup mieux, s'était levée d'elle-même de la table de consultation pour venir s'asseoir face au Docteur RO. qui rédigeait le compte-rendu d'examen.
- Qu'au bout de plusieurs minutes, Madame FL. devait se relever en une fraction de seconde et se diriger de nouveau vers la table d'examen, moment où elle devait chuter.
- Qu'à ce moment-là, le Docteur RO. se trouvait toujours assis sur la chaise de son bureau.
- Qu'il n'a pu intervenir en aucune manière pour tenter d'éviter la chute qui devait se produire.
- Que de plus fort, le Docteur RO. n'a pas manqué à son obligation de « prendre toute précaution de nature à prévenir le dommage ».
- Qu'il sera de plus fort demandé à la Cour, de faire droit à l'appel du Docteur RO., et de réformer intégralement le jugement rendu le 24 septembre 2013.
- De dire que les mentions attentatoires à l'honneur, l'éthique et la probité du Docteur RO. contenues dans les écritures signifiées le 13 février 2013, devront faire l'objet d'une suppression et d'un bâtonnement.
- Que contrairement à ce que les Premiers Juges ont retenu, considérant que «s'ils apparaissaient certes vifs et ne devant pas être considérés comme excédant la mesure d'un débat judiciaire », ces écritures sont calomnieuses à l'égard du Docteur RO..
- Réformer le jugement en ce qu'il a considéré que le Docteur RO. avait pu engager sa responsabilité.
- Rejeter intégralement les demandes, fins et conclusions de Madame FL..
- Réformer également le jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle du Docteur RO..
- Faire droit à cette demande et condamner Madame FL. à lui payer 10.000 euros à titre de dommages-intérêts.
- Condamner Madame FL. aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Patrice LORENZI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit. »
Aux termes de son acte d'appel et de ses écrits ultérieurs, o. RO. fait grief au premier juge d'avoir retenu sa responsabilité alors que v. FL. n'a nullement rapporté la preuve de l'obligation qui pouvait peser à son encontre.
Il rappelle que v. FL. est née en 1960 et se trouve en pleine possession de ses moyens physiques mais aussi psychiques, étant rédactrice en assurances et disposant de capacités intellectuelles importantes.
L'appelant précise que son obligation de sécurité n'est qu'une obligation de moyens et non de résultat, la lecture du jugement déféré permettant d'observer qu'une véritable obligation de résultat a au contraire été mise à sa charge puisqu'il est indiqué que le patient doit être garanti de ne subir aucun dommage durant les soins.
Le Docteur RO. rappelle que lors de la chute il ne pouvait se trouver physiquement présent aux côtés de sa patiente puisqu'il était assis à son bureau en train de rédiger le compte rendu de consultation et qu'il n'a pas eu le temps matériel de se trouver à côté de v. FL. lors de sa chute qui a duré une fraction de seconde.
Il rappelle par ailleurs que v. FL. reconnaît être sujette depuis son plus jeune âge à des malaises vagaux lorsqu'elle se trouve dans un milieu médical, en sorte qu'elle a pris le risque de se lever à l'apparition de symptômes connus d'elle et porte la responsabilité de la chute qui s'en est suivie.
Il précise par ailleurs n'avoir jamais laissé seule sa patiente sur l'escabeau de consultation et que ce n'est que lorsque celle-ci s'était déclarée beaucoup mieux qu'il l'avait laissée quelques instants pour se rendre à son bureau et commencer la rédaction du compte rendu d'examen. Une fois que v. RO. l'avait rejoint pour s'asseoir en face de lui ils avaient alors dialogué normalement avant qu'elle n'entreprenne de remettre ses chaussettes. Il ajoute que Madame FL. s'était alors levée brusquement et avait effectué deux pas en arrière préalablement à la chute.
L'appelant estime n'avoir commis aucun manquement, aucune négligence ni a fortiori aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité envers sa patiente qui est une personne adulte consciente de ses actes.
Estimant que les accusations graves de v. FL. sont pour lui calomnieuses en plus d'être infondées, le Docteur RO. entend voir réparer le préjudice qui en est pour lui résulté et condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts dont il chiffre le montant à 10.000 euros.
Il réitère par ailleurs sa demande de bâtonnement concernant les mentions attentatoires à l'honneur, l'éthique et la probité contenues dans les écritures signifiées le 13 février 2013 devant les premiers juges, en ce qu'il était indiqué qu'il s'était fait remettre deux ans après les faits «des attestations de pure complaisance».
v. FL., intimée, conclut pour sa part à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu le 24 septembre 2013 par le Tribunal de première instance, entend voir constater que le Docteur RO. n'a apporté aucune démonstration permettant de remettre en cause la motivation des premiers juges et sollicite sa condamnation à lui payer une somme de 2.000 euros pour appel abusif.
Elle fait notamment valoir que :
- le praticien n'a pas pris les précautions nécessaires durant la consultation pour éviter sa chute alors qu'elle l'avait mis en garde des risques en début d'entretien dès l'apparition des symptômes,
- les premiers juges ont fondé leur décision en rappelant que le docteur aurait dû lui interdire de se lever sans son aide en raison des prémices d'un premier malaise et de la persistance de symptômes après un temps de repos,
- son quotient intellectuel est étranger à la cause,
- lorsqu'elle a ressenti le besoin d'aller s'allonger après le nouveau malaise, le Docteur RO. n'a pas fait un geste ou un mouvement en sa direction avant sa chute alors qu'elle s'était déjà levée et avait entrepris de se déplacer,
- le rejet de la demande de bâtonnement sera purement et simplement confirmé et le Docteur RO. débouté de ses demandes reconventionnelles,
- le praticien n'a eu de cesse de nier l'évidence et de refuser de régler le litige avec l'intervention de son assurance professionnelle et a attendu la veille de la mesure d'expertise pour contester la décision de première instance en sorte que cette attitude sera sanctionnée par l'octroi de dommages-intérêts pour appel abusif.
SUR CE,
Sur la demande de batônnement
Attendu que la demande de réformation de la décision entreprise au titre du rejet de la demande de suppression des propos tenus dans les conclusions du 13 février 2013 n'est pas motivée dans l'acte d'appel, mais dans des conclusions ultérieures, en sorte que l'appel du jugement entrepris n'a pas permis à l'intimée de connaître les griefs formulés dans l'exploit à l'encontre de ce chef de la décision de première instance.
Qu'outre cette carence procédurale, force est de relever que les premiers juges ont légitimement relevé que la référence à des attestations de pure complaisance deux ans après les faits ne caractérise pas une terminologie excédant la mesure d'un débat judiciaire.
Que dès lors qu'il n'est apporté la preuve d'aucun écrit avançant un fait grave contre l'honneur ou la réputation des parties au sens des dispositions de l'article 23 de la loi n° 1047 du 28 juillet 1982 sur l'exercice des professions d'avocat-défenseur et d'avocat, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de bâtonnement.
Sur la responsabilité du praticien
Attendu que les premiers juges ont à bon droit relevé que les pièces versées aux débats ne permettaient pas de déterminer de façon précise le moment et les circonstances exactes de la chute de v. FL. dans le cabinet du Docteur RO. au cours de la consultation médicale du 29 novembre 2010, les pièces produites en cause d'appel ne permettant pas davantage de compléter sur ce point l'information de la Cour.
Que les motifs du Tribunal de première instance seront dès lors adoptés, d'une part, en ce qu'il est relevé qu'aucun témoin n'a assisté à l'examen - l'attestation RAYMONDI étant inopérante pour éclairer utilement de ce chef les juges du fond - et en ce qu'il a, d'autre part, été jugé que la faute reprochée au Docteur RO. postérieurement à la chute de sa patiente n'est pas caractérisée mais apparaît au contraire contredite par l'incursion des époux VA. dans la salle d'examen depuis la salle d'attente dont la teneur du témoignage permet de constater tous les soins alors apportés par le praticien à v. FL. après son malaise.
Attendu s'agissant en revanche de la chute proprement dite, qu'il demeure constant que si l'activité médicale se trouve de façon générale affectée d'un aléa ne permettant pas en principe au médecin de s'engager à atteindre un résultat, il n'en demeure pas moins que le praticien supporte une obligation de moyen renforcée en ce qui concerne la sécurité de son patient pendant l'examen ou les soins dans son cabinet.
Qu'un tel devoir met à la charge du médecin une obligation de surveillance mais aussi de prudence et de diligence réactive dont l'étendue doit être appréciée en fonction du comportement et de l'état de santé physique de son patient.
Qu'il est en l'espèce admis par le Docteur RO. qu'après le début de la consultation, v. FL. avait fait état des premiers symptômes d'un malaise vagal l'ayant incité à interrompre l'examen et à lui demander de s'allonger quelques minutes sur la table d'auscultation.
Qu'il est non moins constant qu'après que sa patiente soit un temps restée allongée, ce qui permettait au Docteur RO. de rédiger le compte rendu de consultation, v. FL. était venue s'asseoir face à son bureau pour discuter des résultats de l'examen médical avant de se relever, en proie à un second malaise vagal, pour se diriger de nouveau vers la table d'examen à l'effet de s'y rallonger.
Que si le Docteur RO. évoque la rapidité de ce mouvement et de la chute qui s'en est suivie pour s'exonérer de sa responsabilité, force est de relever que tant les antécédents de sa patiente que le contexte ayant présidé à ce nouveau malaise vagal mettaient le praticien en mesure de prévoir une récurrence de tels troubles et auraient dû l'inciter à redoubler de vigilance et à faire preuve de précautions soit à l'issue de l'examen médical proprement dit en conseillant à v. FL. de rester allongée plus longtemps sur la table d'auscultation, soit lors de la discussion du compte rendu médical en lui ordonnant d'attendre son aide pour se relever dès la réapparition des symptômes.
Que sans qu'il y ait lieu de s'attarder sur le niveau intellectuel de la victime ou les circonstances précises de la chute survenue dans le cabinet du Docteur RO., il est établi que ce praticien a manqué à son obligation de moyen renforcée lui imposant de prendre toutes précautions utiles de nature à prévenir les conséquences d'un potentiel malaise récurrent de sa patiente dans son cabinet pouvant être à l'origine d'une chute.
Qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce que le Docteur RO. a été déclaré totalement responsable de l'accident dont a été victime v. FL., tenu d'en indemniser les conséquences et condamné à verser à v. FL. une indemnité provisionnelle de 1.500 euros, et en ce que, avant-dire droit au fond, une expertise médicale aux frais avancés de celle-ci a été instaurée, la demande reconventionnelle du Docteur RO. ayant été à bon droit rejetée et les dépens de première instance réservés.
Attendu sur la demande d'indemnisation au titre d'un appel abusif qu'il n'est pas établi par les pièces produites que o. RO. ait fait dégénérer en abus son droit d'appel en sorte que v. FL. sera déboutée des fins de cette demande.
Attendu que les dépens d'appel seront mis à la charge de o. RO. qui succombe.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit o. RO. en son appel,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 septembre 2013 par le Tribunal de première instance,
Déboute Virginia FL. des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne o. RO. aux dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur sous sa due affirmation.
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 29 septembre 2014 par Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, substitut du Procureur Général.