Cour d'appel, 29 septembre 2014, Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé « A » c/ La société de droit panaméen dénommée « B. » et autres
Abstract🔗
Copropriété – Cession – Condamnation solidaire de l'acquéreur (non)
Résumé🔗
Le syndicat appelant fait grief aux premiers Juges d'avoir méconnu l'obligation solidaire de paiement pesant sur l'acquéreur en cas de démembrement de propriété en vertu de l'article 27 du règlement de copropriété. Toutefois, les premiers Juges ont de façon pertinente procédé à l'analyse du litige sur la base des textes applicables en la cause (règlement de copropriété mis en conformité avec la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007). L'article 25 de la loi relative à la copropriété des immeubles bâtis, qui régit le cas d'une mutation d'un lot à titre onéreux, prévoit la procédure à mettre en œuvre par le syndicat créancier pour recouvrer contre un copropriétaire les sommes restant dues par lui. En effet, il n'est nullement contesté en la cause que le syndicat a mis en œuvre la procédure d'opposition qui lui était ouverte à cette fin pour recouvrer les sommes dues par le cédant. Il est également constant que le litige est circonscrit à la demande en paiement d'un arriéré de charges jusqu'à la vente des lots. En conséquence, c'est à bon droit que les premiers Juges ont retenu que la présence de l'acquéreur, dégagé de toute obligation jusqu'à la date de la cession relativement au règlement de charges, s'avérait inutile et ont débouté le syndicat demandeur de sa demande de condamnation solidaire dirigée à l'encontre de la société B. C'est encore à juste titre, en l'état des éléments d'appréciation soumis à la Cour, que le Tribunal a considéré que le syndicat n'avait pu se méprendre sur la portée de ses droits en l'état de la mise en œuvre par ses soins de la procédure spécifique d'opposition organisée en sa faveur par la loi relative à la copropriété et l'a condamné à verser à la société B. la somme de 4.000 euros à titre de légitimes dommages-intérêts en l'état des frais engagés pour se défendre et des tracas inhérents à la procédure.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2014
En la cause de :
- Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé « A », sis X à Monaco (98000), agissant poursuites et diligences de son syndic en exercice, Monsieur M. G., y demeurant X1,
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
1 - La société de droit panaméen dénommée « B. », dont le siège social se trouve à Panama, X1, République de Panama, prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en sa qualité audit siège,
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
2 - Madame y. PI-MO., demeurant X à Monaco (98000),
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
3 - Monsieur m. MO., demeurant X à Monaco (98000),
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉS,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 24 septembre 2013 (R.7804) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 23 décembre 2013 (enrôlé sous le numéro 2014/000090) ;
Vu les conclusions déposées les 18 mars et 1er juillet 2014, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la société B. ;
Vu les conclusions déposées le 29 avril 2014, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de y. PI-MO. ;
Vu les conclusions déposées le 29 avril 2014, par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de m. MO. ;
À l'audience du 8 juillet 2014, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant les faits suivants :
La Cour statue sur l'appel relevé le 23 décembre 2013 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 24 septembre 2013 et entend se référer à l'exposé par les premiers Juges des faits.
Il suffit, dès lors, de rappeler les éléments ci-après énoncés :
Suite à la cession par m. MO. à la société B. de la nue-propriété d'un appartement de 4 pièces et d'une cave au sein de la copropriété de l'immeuble A, dont y. PI-MO. est usufruitière, intervenue le 15 mars 2007, le syndicat des copropriétaires a régularisé une opposition entre les mains du notaire le 21 mars 2007 au titre des charges impayées par le vendeur, en application de l'article 25 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007.
Le Tribunal, saisi des demandes en paiement régularisées à l'encontre du vendeur, de l'acquéreur et de l'usufruitière des biens cédés, a notamment débouté le syndicat de ses prétentions à l'encontre de la société B. et l'a condamné à lui verser la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Au soutien de cette décision les premiers Juges ont pour l'essentiel retenu que la mise en œuvre de la procédure d'opposition entre les mains du notaire déchargeait l'acquéreur de son obligation solidaire de régler avec son vendeur les charges de copropriété.
Suivant exploit du 23 décembre 2013, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble A a interjeté appel parte in qua de ce jugement signifié le 28 novembre 2013, dont il a sollicité la réformation partielle, pour entendre dire m. MO., y. PI-MO. et la société B. solidairement tenus des charges de copropriété jusqu'au 15 mars 2007.
Pour obtenir cette réformation, le syndicat appelant reproche au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en considérant que la régularisation de l'opposition entre les mains du notaire ne justifiait plus la poursuite de l'acquéreur, dès lors que sa présence aux débats était justifiée et rendue nécessaire au regard du caractère solidaire de ses obligations en matière de paiement de charges de copropriété.
Il ajoute que suite à l'opposition, m. MO. n'a jamais autorisé le notaire à régler quelque somme que ce soit et qu'en vertu de la clause de solidarité applicable et opposable à l'acquéreur en cas de démembrement, conformément aux dispositions de l'article 27 du règlement de copropriété, l'acquéreur est redevable solidairement des charges impayées.
En l'absence d'un quelconque abus de droit, la décision sera encore réformée en ce qu'elle a alloué des dommages intérêts à la société B.
L'appelant précise enfin que la présence aux débats de m. MO. et de y. PI-MO. dans le cadre de cet appel n'est due qu'à leur qualité de parties à l'instance et à la nécessité que l'arrêt à intervenir soit rendu à leur contradictoire.
En réponse la société B, qui s'oppose aux prétentions de l'appelant et sollicite la confirmation de la décision entreprise, fait observer qu'elle a été attraite en justice pour le paiement de charges de copropriété relevant d'une période où elle n'était pas copropriétaire, assurant que le principe de solidarité édicté par l'article 27 du règlement de copropriété ne s'applique nullement sur un arriéré de charges - étant de principe qu'en cas de vente d'un bien la dette de charge ne suit pas le lot - et qu'il n'existe pas de solidarité entre le vendeur et l'acquéreur, mais uniquement entre le nu-propriétaire et l'usufruitier présents et existants lors de l'exigibilité des charges.
À défaut d'une telle reconnaissance, elle soulève la nullité de cet article.
Elle affirme que la procédure d'opposition prévue par la loi sur la copropriété a ainsi instauré un privilège spécial, et que la mise en œuvre de cette procédure par le syndicat a mis fin à toute éventuelle solidarité.
Elle réclame l'allocation de dommages-intérêts, à hauteur in fine de la somme de 15.000 euros pour appel abusif, compte tenu de la légèreté blâmable avec laquelle le syndicat a intenté son action - ne pouvant se méprendre sur son absence de bien fondé au regard de la mise en œuvre de l'opposition - ouvrant droit à la réparation de ses préjudices constitués des frais engagés pour se défendre et des tracas inhérents à la procédure.
m. MO. s'en rapporte pour sa part à justice sur les mérites de l'appel, reconnaissant dans son principe devoir régler les charges afférentes à l'appartement vendu jusqu'à la date de sa cession à la société B.
Toutefois, il sollicite la condamnation du syndicat appelant à lui payer la somme de 20.000 euros de dommages-intérêts compte tenu de la multiplication, sans raison, des procédures judiciaires à son encontre, malgré un versement spontané de 5.000 euros par ses soins.
y. PI-MO. observe qu'aucune demande n'est formulée à son encontre et que la question qui est soumise à la Cour est de savoir si la société B. doit être tenue solidairement avec le vendeur de la nue-propriété et l'usufruitier d'un arriéré de charges de copropriété.
Elle indique s'en rapporter à la décision de la Cour sur ce point, contestant en revanche être débitrice envers la copropriété.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;
SUR CE,
Attendu qu'en l'état de l'appel partiel, la Cour est donc uniquement appelée à statuer sur l'existence ou l'absence d'une obligation solidaire de paiement des charges de copropriété jusqu'au 15 mars 2007 pour la société B. acquéreur de la nue-propriété des biens litigieux ;
Que l'appel, au demeurant régularisé dans les délais imposés par la loi, doit être déclaré recevable ;
Attendu que le syndicat appelant fait grief aux premiers Juges d'avoir méconnu l'obligation solidaire de paiement pesant sur l'acquéreur en cas de démembrement de propriété en vertu de l'article 27 du règlement de copropriété ;
Attendu toutefois que les premiers Juges ont de façon pertinente procédé à l'analyse du litige sur la base des textes applicables en la cause (règlement de copropriété mis en conformité avec la loi n° 1329 du 8 janvier 2007) ; que l'article 25 de la loi relative à la copropriété des immeubles bâtis, qui régit le cas d'une mutation d'un lot à titre onéreux, prévoit la procédure à mettre en œuvre par le syndicat créancier pour recouvrer contre un copropriétaire les sommes restant dues par lui ;
Attendu en effet qu'il n'est nullement contesté en la cause que le syndicat a mis en œuvre la procédure d'opposition qui lui était ouverte à cette fin pour recouvrer les sommes dues par le cédant ;
Attendu qu'il est également constant que le litige est circonscrit à la demande en paiement d'un arriéré de charges jusqu'à la vente des lots ;
Qu'en conséquence c'est à bon droit que les premiers Juges ont retenu que la présence de l'acquéreur, dégagé de toute obligation jusqu'à la date de la cession relativement au règlement de charges, s'avérait inutile et ont débouté le syndicat demandeur de sa demande de condamnation solidaire dirigée à l'encontre de la société B. ;
Attendu que c'est encore à juste titre, en l'état des éléments d'appréciation soumis à la Cour, que le Tribunal a considéré que le syndicat n'avait pu se méprendre sur la portée de ses droits en l'état de la mise en œuvre par ses soins de la procédure spécifique d'opposition organisée en sa faveur par la loi relative à la copropriété et l'a condamné à verser à la société B. la somme de 4.000 euros à titre de légitimes dommages-intérêts en l'état des frais engagés pour se défendre et des tracas inhérents à la procédure ;
Qu'en revanche, la demande de dommages-intérêts pour appel abusif formée par cette dernière ne saurait prospérer, le syndicat n'ayant fait qu'utiliser, en faisant appel, les voies de droit qui s'offraient à lui sans les faire dégénérer en abus ;
Attendu enfin que m. MO. réclame l'allocation de dommages-intérêts à l'appelant au motif que « depuis près de huit années il multiplie sans aucune raison ni fondement les procédures judiciaires à son encontre » ; que toutefois la Cour non saisie du fond du litige ne peut que rejeter, en l'état, ladite demande de dommages-intérêts, étant au surplus observé que sa mise en cause en appel s'explique par sa qualité de partie à l'instance ;
Et attendu que l'appelant sera condamné aux dépens de la présente instance ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers Juges,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel recevable,
Déboute le syndicat de copropriété de l'immeuble A des fins de son appel,
Confirme en ses dispositions frappées d'appel la décision entreprise du 24 septembre 2013,
Rejette en l'état la demande de dommages-intérêts formée par m. MO.,
Condamne le syndicat de copropriété de l'immeuble A aux dépens d'appel, distraits au profit de Maîtres Richard MULLOT, Frank MICHEL et Patrice LORENZI, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun pour ce qui le concerne,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix et Monsieur Jérôme FOUGERAS-LAVERGNOLLE, Premier Juge au Tribunal de première instance, complétant la Cour et remplissant les fonctions de conseiller en vertu de l'article 22 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 29 septembre 2014, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, substitut du Procureur Général.