Cour d'appel, 8 juillet 2014, La société de droit néerlandais « ABN AMRO BANK N.V. » c/ La société de droit panaméen dénommée TENEY INVEST INC et autres
Abstract🔗
Transaction – Exception d'autorité de la chose jugée en dernier ressort (oui)
Droit d'agir – Abus (oui)
Résumé🔗
En application des articles 1888 et 1891 du Code civil, « les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé (?) Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion ». En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que l'intention des parties était bien de mettre fin au litige qui les opposait quant à l'exécution de la convention cadre et de son indissociable annexe qui les liait y compris les opérations de liquidation du 10 août 2005, qu'en application de l'article 1891 du Code civil, l'exception d'autorité de la chose jugée en dernier ressort qui s'attache à la transaction a été valablement et utilement soulevée devant la Cour, que dès lors il y a lieu en retenant le défaut d'intérêt à agir, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures et de dire les sociétés TENEY, REGO et NAGAR irrecevables.
En estant en justice pour un litige réglé par transaction, que ne pouvant se méprendre sur l'inanité de leurs prétentions, les sociétés TENEY, REGO et NAGAR ont fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, qu'elles devront verser à ABN AMRO à titre de dommages intérêts chacune la somme de 50.000 euros, que, succombant, elles seront condamnées solidairement aux dépens d'appel et de première instance.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
R.
ARRÊT DU 8 JUILLET 2014
En la cause de :
- La société de droit néerlandais « ABN AMRO BANK N. V. », dont le siège social se trouve Gustav Mahlerlaan 10, 1082PP Amsterdam (Pays Bas), immatriculée au registre du commerce et des société d'Amsterdam, sous le n° 34334259, prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, et venant aux droits de la société de droit néerlandais ABN AMRO Bank N. V., immatriculée au registre du commerce et des société d'Amsterdam, sous le n° 33002587,
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Vincent MAUREL, avocat au Barreau des Hauts de Seine ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
1/ - La société de droit panaméen dénommée TENEY INVEST INC, dont le siège social se trouve domicilié Calle 53, Este, Marbella, Torre Swiss Bank, Piso 2, Panama, République de Panama, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice, Monsieur p. m. VA. LI., domicilié en cette qualité audit siège ;
2/ - La société de droit des Îles Vierges Britanniques dénommée REGO CONSOLIDATED INC, dont le siège social se trouve dans les bureaux de la Trident Trust Company Ltd, Trident Chambers PO BOX 146, Road Town, Tortola, British Virgin Islands, agissant poursuites et diligences de son directeur unique en exercice, Monsieur John VA. DE. WI., domicilié en cette qualité audit siège ;
3/ - La société de droit panaméen dénommée NAGAR INVESTMENTS INC, dont le siège social se trouve domicilié Calle 53 Este, Marbella, Torre Swiss Bank, Piso 2, Panama, République de Panama, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice, Monsieur p. m. VA. LI., domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Michaël BENDAVID et Maître Jean-Daniel BRETZNER, avocats au Barreau de Paris ;
INTIMÉES,
d'autre part,
LA COUR
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 3 février 2011 (R.2250) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 17 mars 2011 (enrôlé sous le numéro 2011/000097) ;
Vu les conclusions déposées les 2 février 2012, 30 octobre 2012, 14 mai 2013, 30 septembre 2013, 25 mars et 27 mai 2014, par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de TENEY INVEST INC, REGO CONSOLIDATED INC et NAGAR INVESTMENTS INC ;
Vu les conclusions déposées les 27 juin 2012, 18 décembre 2012, 31 juillet 2013, 17 décembre 2013 et 6 mai 2014, par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de ABN AMRO BANK N. V. ;
À l'audience du 3 juin 2014, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant les faits suivants :
Statuant sur l'appel interjeté par la société de droit néerlandais ABN AMRO BANK N. V. à l'encontre d'un jugement rendu le 3 février 2011 par le Tribunal de première instance de Monaco qui a :
« Ordonné la jonction des instances n°2008/000167, 2008/000168 et 2008/000169 ;
Condamné la société ABN AMRO BANK N. V. à payer la somme de 495.000 euros avec intérêts de droit à compter du 11 août 2005 à la société REGO CONSOLIDATED INC, la somme de 67.650 euros avec intérêts de droit à compter du 11 août 2005 à la société TENEY INVEST INC et celle de 123.750 euros avec intérêts de droit à compter du 11 août 2005 à la société NAGAR INVESTMENTS INC à titre de dommages et intérêts ;
Débouté les sociétés REGO CONSOLIDATED INC, TENEY INVEST INC et NAGAR INVESTMENTS INC de leurs demandes relatives aux commissions ;
Condamné la société ABN AMRO BANK N. V. à payer aux sociétés REGO CONSOLIDATED INC, TENEY INVEST INC et NAGAR INVESTMENTS INC la somme de 5.000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Débouté la société ABN AMRO BANK N. V. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamné la société ABN AMRO BANK N. V. aux dépens distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonné que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.»
Considérant que par conclusions récapitulatives la société appelante ABN AMRO BANK N. V. demande à la Cour de :
« Accueillir comme régulier en la forme et au fond, le déclarant bien fondé,
À titre principal,
Vu les articles 1883 et suivants du Code Civil
Vu notamment l'article 1891 du Code Civil
Vu la transaction intervenue entre les parties
Infirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne les jonctions des instances n°2008/000167, 2008/000168 et 2008/000169 et, statuant à nouveau,
Dire et juger les sociétés TENEY, REGO et NAGAR irrecevables en leurs demandes à l'encontre d' ABN AMRO.
En conséquence, rejeter toutes leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent.
À titre subsidiaire,
Vu les articles 1002, 1828 et 1831 du Code Civil
Vu l'Ordonnance souveraine n°13.184 du 16 septembre 1997
Vu la Convention Cadre
1/ Confirmer le jugement en ce qu'il a entériné la compréhension par l'APPELANTE de la nature de l'ordre qui était « at best » et par morceaux ;
Pour le surplus,
Réformer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne les jonctions des instances n°2008/000167, 2008/000168 et 2008/000169 et, statuant à nouveau :
Dire et juger que l'ordre a été exécuté par ABN AMRO par morceaux et selon la meilleure exécution possible, conformément aux instructions reçues ;
Dire et juger en conséquence qu'ABN AMRO n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle dans l'exécution des ordres passés par les sociétés TENEY, REGO et NAGAR en application des articles 1102 1128 et 1831 du Code Civil et de l'Ordonnance souveraine n°13.184 du 16 septembre 1997,
Débouter TENEY, REGO et NAGAR de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
2/ Si par extraordinaire et impossible la Cour devait considérer que ABN AMRO a mal compris l'ordre transmis,
Dire et juger que cette mauvaise compréhension a pour origine un ordre peu clair et ambigu des INTIMEES constitutif d'une faute directement à l'origine de leur propre préjudice ;
Dire et juger en conséquence que cette faute exclut la responsabilité d'ABN AMRO dans la Mauvaise compréhension de l'ordre ;
Dire et juger également que la mauvaise compréhension de l'ordre par ABN AMRO exclut toute responsabilité de sa part à ce titre en présence d'un ordre peu clair et ambigu, en application de l'article 7 de la Convention Cadre ;
Débouter en conséquence TENEY, REGO et NAGAR de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
3) Si par extraordinaire et impossible la Cour devait retenir la faute d'ABN AMRO,
Dire et juger que le préjudice qui en résulterait pour TENEY, REGO et NAGAR ne saurait consister en la perte d'une chance pour ces sociétés d'obtenir un meilleur cours possible et ce au moins jusqu'à 32,5 euros ;
Dire et juger au contraire l'absence de tout préjudice réparable, car hypothétique ou si la Cour devait estimer que TENEY, REGO et NAGAR ont subi un préjudice, que ce préjudice devra être évalué en tenant compte de la probabilité d'obtenir le meilleur prix pour l'intégralité des options ;
Débouter TENEY, REGO et NAGAR de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires à ce titre ;
En tout état de cause,
Condamner solidairement les sociétés TENEY, REGO et NAGAR au paiement d'une somme de 100.000 euros par société à la société ABN AMRO Bank N. V. à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive empreinte de mauvaise foi.
Condamner solidairement les sociétés TENEY, REGO et NAGAR aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Géraldine GAZO, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation.»
Considérant que par même conclusions récapitulatives, la société ABN AMRO BANK N. V. fait valoir à titre principal que les intimées n'ont pas d'intérêt à agir, leur demande ayant fait l'objet d'une transaction ayant l'autorité de la chose jugée en dernier ressort au sens des articles 1883 et suivants du Code civil, ce qu'elle a récemment découvert en reconsidérant ses archives au vu d'une pièce incomplète produite jusque-là par les intimées, que par transaction du 25 août 2005 confirmée le 30 août 2005 couvrant les opérations réalisées dans le cadre de la relation contractuelle des protagonistes, acceptée par la partie adverse relativement au présent litige pour 2.889.120 euros, soit 2.083.500 euros pour REGO, 284.745 euros pour TENEY et 520.875 euros pour NAGAR, le préjudice résultant des évènements en litige du 10 août 2005 a été entièrement couvert, que l'intention des parties était bien de mettre fin au litige qui les opposait sur les opérations de liquidation du 10 août 2005, qu'il ne saurait être considéré que l'appelante est tenue par un aveu judiciaire réalisé dans ses précédentes écritures alors qu'il y a eu erreur de fait prouvée rendant révocable un éventuel aveu judiciaire, la réalité ayant été volontairement modifiée par les intimées ;
Qu'à titre subsidiaire, l'ordre litigieux a été exécuté conformément aux instructions reçues, alors que cet ordre était peu clair et ambigu ayant conduit la banque à en confirmer sa compréhension par oral et par écrit sans qu'il y ait contestation immédiate, avant toute exécution par un agent expérimenté et compétent ayant l'habitude d'agir sur ces marchés, que le mandataire des investisseurs était lui-même expérimenté et avisé des risques engendrés par les ordres à court terme sur des marchés très spéculatifs, qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a estimé que la banque avait bien compris l'ordre mais de le réformer en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la banque pour n'avoir pas exécuté l'ordre « par morceaux » et n'avoir pas satisfait à son obligation de meilleure exécution, alors que les positions des intimées ont bien été liquidées « par morceaux » de manière fractionnée conformément aux instructions reçues, que le concept de meilleure exécution ne se comprend qu'au sens de la convention cadre liant les parties, elle-même se référant à l'ordonnance souveraine du 16 septembre 1997 applicable en l'espèce et non l'ordonnance du 10 septembre 2007 visée par le Tribunal, les faits étant au surplus de 2005, que cette appréciation relève du multicritère et non de la seule notion de prix, alors qu'il est justifié de la qualité et de la rapidité des diligences ;
Qu'à titre très subsidiaire, il y a lieu à réformation du jugement en ce que s'il était considéré que l'ordre a été mal compris, cela résulte entièrement de la faute du mandataire des intimées qui a transmis un ordre peu clair et ambigu et est resté silencieux face aux demandes de confirmation et d'éclaircissement de la banque, qu'en tout état de cause il y a lieu à application de la clause d'exclusion de responsabilité contenue dans la convention cadre, qu'enfin il y a également lieu à réformation du jugement en ce qu'il a retenu pour indemniser le préjudice la perte de chance d'obtenir un meilleur cours possible en s'appuyant sur un calcul erroné du prix, que les demandes des intimées sont infondées et excessives et qu'il n'y a pas lieu à dommages intérêts pour résistance abusive alors qu'au contraire les intimées ont fait preuve d'un comportement abusif et de mauvaise foi ;
Considérant que par conclusions récapitulatives les sociétés REGO CONSOLIDATED INC., NAGAR INVESTMENTS INC., TENEY INVEST INC. demandent à la Cour de :
« Dire et juger infondée la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'une transaction conclue entre les Parties,
Dire les Concluantes recevables en leur appel incident,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'ABN AMRO BANK N. V. n'a pas correctement exécuté l'ordre formulé par M. VA. DE. WI. pour le compte des sociétés REGO CONSOLIDATED, NAGAR INVESTMENTS et TENEY INVEST, le 10 août 2005,
L'infirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dire et juger que le préjudice subi par les Concluantes s'élève en principal à la somme de 1.872.000 euros,
Prononcer la capitalisation des intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 11 août 2005, la portant au total minimum de 2.186.367,70 euros, somme à parfaire,
Condamner ABN AMRO BANK N. V. à payer cette somme aux Concluantes, selon la répartition suivante :
REGO CONSOLIDATED Inc.
(4.500/6.240)* 2.186.367,70
1.576.707,45 euros
TENEY INVEST Inc.
(615/6.240)* 2.186.367,70
215.483,35 euros
NAGAR INVESTMENTS Inc.
(1.125/6.240)* 2.186.367,70
394.176,86 euros
À titre infiniment subsidiaire
Dire et juger que le préjudice subi par les Concluantes s'élève en principal à la somme de 1.405.248 euros,
Prononcer la capitalisation des intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 11 août 2005, la portant au total minimum de 1.641.233,32 euros, somme à parfaire,
Condamner ABN AMRO BANK N. V. à payer cette somme aux Concluantes, selon la répartition suivante :
(4.500/6.240)*1.641.233,30
1.183.581,72 euros
REGO CONSOLIDATED Inc.
TENEY INVEST Inc.
(615/6.240)*1.641.233,30
161.756,17 euros
NAGAR INVESTMENTS Inc,
(1.125/6.240)*1.641.233,30
295.895,43 euros
En tout état de cause,
Condamner la société ABN AMRO BANK N. V. à payer à chacune des Concluantes la somme de 100.000 euros pour procédure abusive,
Condamner la société ABN AMRO BANK N. V. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Patricia REY, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation (…)»
Considérant que par même conclusions récapitulatives les sociétés REGO CONSOLIDATED INC., NAGAR INVESTMENTS INC., TENEY INVEST INC., intimées et appelantes incidentes font valoir que leurs demandes sont recevables car les précédentes écritures d'ABN AMRO recèlent un aveu judiciaire qui lui interdit d'alléguer l'existence d'une transaction et qu'en tout état de cause la transaction intervenue n'interdit pas de solliciter la réparation des préjudices générés par l'exécution de l'ordre litigieux, que cette transaction ne concernait pas le litige mais des difficultés concernant indifféremment un ensemble d'investisseurs ;
Que les faits générateurs de responsabilité sont démontrés en ce qu'il n'était nullement urgent de procéder à l'exécution de l'ordre dans des conditions précipitées alors que l'ordre fixait un cours limite qui n'a pas été observé, qu'il fixait une exécution par morceaux et non une exécution en un seul bloc ce qui a entraîné un prix médiocre, que le préjudice généré par la faute de la banque résulte du manque à gagner certain consistant entre la différence entre le prix obtenu et le prix qui, du propre aveu de la banque aurait dû être obtenu aux meilleures conditions, soit un préjudice au principal s'élevant à 1.872.000 euros outre les intérêts avec capitalisation ou subsidiairement, sur la base d'une perte de chance égale à 100% à 1.405.248 euros, que la clause limitative de responsabilité est inopérante car ne s'appliquant qu'aux ordres transmis oralement, s'agissant en outre d'un contrat d'adhésion et d'une défaillance de la banque à son devoir de diligence, qu'enfin la résistance abusive de la banque est démontrée et génératrice de dommages intérêts ;
Considérant, que pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;
SUR CE,
Attendu, sur la fin de non recevoir soulevée par ABN AMRO, qu'en application de l'article 1203 du Code civil « l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait. Il ne peut être divisé contre lui. Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit », qu'il est en effet à constater qu'aucune fin de non recevoir n'a été invoquée ni devant le Tribunal ni à l'appui de la saisine de la Cour, mais dans de récentes écritures de la banque au motif d'une erreur de fait qu'elle a commise sur la foi d'une pièce incomplète produite par les intimées en cours de procédure ;
Attendu qu'en application des articles 1888 et 1891 du Code civil, « les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé (…) Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion » ;
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier que ABN AMRO justifie qu'elle a commis une erreur de fait sur la base d'une pièce incomplète produite par fax en première instance par les intimées, et que ce n'est qu'en 2012 en procédant à d'importantes investigations après une nouvelle demande de communication de pièces dans la procédure pendante devant la Cour qu'elle retrouve et produit à son tour la pièce complète en original dont la dernière page, absente jusque là, montre que les négociations transactionnelles couvrent le litige relatif à l'ordre du 10 août 2005 qui s'inscrit dans un champ plus vaste concernant un club d'investisseurs dont faisait partie Monsieur VA. DE. WI. mandataire des intimées et auteur de l'ordre litigieux du 10 août, ce qui explique également que la banque ait pu être induite en erreur, étant ajouté que sa succursale de Monaco qui avait exécuté l'ordre a été fermée en 2006 et que le groupe bancaire a été depuis profondément restructuré,
Attendu que l'erreur de fait étant prouvée, il résulte non seulement de la pièce désormais produite en son entier, mais également de différents courriers confirmés par des attestations explicites et détaillées jointes au dossier non utilement contrebattues, que fin juin 2005, la banque étant exposée à des appels de marge trop importants compte tenu des risques d'un marché très spéculatif, des discussions se sont instaurées entre les sociétés intimées et la banque afin de clôturer leurs positions ou de les transférer dans un autre établissement, que c'est dans le cadre de ces courriers que les intimées ont passé leur ordre du 10 août mais peu après le même jour que leurs co-investisseurs, que malgré une stratégie similaire d'investissement et une décision commune de débouclage, les intimées n'ont pas obtenu la liquidation de leurs positions dans les mêmes conditions financières, que le 24 août une réunion de la banque avec les investisseurs dont le mandataire des intimées Monsieur VA. DE. WI. retenait le principe d'un accord transactionnel global par le versement par la banque d'une somme de 4.250.000 euros, accord concrétisé par un courrier du 25 août de la banque visant spécifiquement les comptes des intimées pour une somme de 2.889.120 euros, courrier confirmé par un second courrier du 30 août, et virement effectué sur les comptes des intimées pour la somme transactionnelle définie ;
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier que l'intention des parties était bien de mettre fin au litige qui les opposait quant à l'exécution de la convention cadre et de son indissociable annexe qui les liait y compris les opérations de liquidation du 10 août 2005, qu'en application de l'article 1891 du Code civil, l'exception d'autorité de la chose jugée en dernier ressort qui s'attache à la transaction a été valablement et utilement soulevée devant la Cour, que dès lors il y a lieu en retenant le défaut d'intérêt à agir, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures et de dire les sociétés TENEY, REGO et NAGAR irrecevables ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède, qu'en estant en justice pour un litige réglé par transaction, que ne pouvant se méprendre sur l'inanité de leurs prétentions, les sociétés TENEY, REGO et NAGAR ont fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, qu'elles devront verser à ABN AMRO à titre de dommages intérêts chacune la somme de 50.000 euros, que, succombant, elles seront condamnées solidairement aux dépens d'appel et de première instance ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement du Tribunal de Première Instance en date du 3 février 2011, sauf en ce qu'il a prononcé la jonction des procédures,
Vu la transaction intervenue entre les parties, fait droit à la fin de non recevoir soulevée par ABN AMRO BANK N. V.,
Déclare irrecevables les sociétés REGO CONSOLIDATED INC., NAGAR INVESTMENTS INC., TENEY INVEST INC, et les condamne à verser chacune à ABN AMRO BANK N. V. à titre de dommages intérêts pour procédure abusive la somme de 50.000 euros,
Rejette en tant que de besoin comme inutiles ou mal fondées toutes conclusions et demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamne les sociétés REGO CONSOLIDATED INC, NAGAR INVESTMENTS INC, TENEY INVEST INC aux entiers dépens d'appel et de première instance, distraits au profit de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 8 juillet 2014, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Gérard DUBES, premier substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
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