Cour d'appel, 30 juin 2014, Ministère public c/ e. gh. et t. ch.

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Abstract🔗

Complicité - Vol - Éléments constitutifs - Intention - Condamnation

Résumé🔗

Le prévenu doit être condamné du chef de complicité de tentative de vol. La complicité nécessite, afin d'être punissable, une intention coupable chez le complice. Le prévenu ne saurait sérieusement prétendre qu'il n'apportait pas d'aide à la commission de l'infraction, consistant pour l'auteur à être entré dans un véhicule, en faisant le guet. Il a fourni des explications contradictoires et peu crédibles pour expliquer sa présence sur les lieux et il existe suffisamment d'éléments établissant qu'il a agi avec connaissance et a fui pour éviter une interpellation de la police compte tenu de ce qu'il savait qu'il participait à un acte délictuel.


Motifs🔗

COUR D'APPEL CORRECTIONNELLE

Dossier PG n° 2014/000239

R.6479

ARRÊT DU 30 JUIN 2014

En la cause du :

  • MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT

Contre :

  • 1/ e. gh., né le 18 novembre 1991 à NICE (France), de O et de M EL HO., de nationalité française, sans emploi, demeurant X à NICE (06100) ;

  • 2/ t. ch., né le 25 octobre 1994 à NICE (France), de R et de H BE. MI., de nationalité française, sans profession, demeurant X à NICE (06000) ;

Prévenus de :

  • - TENTATIVE DE VOL (1)

  • - COMPLICITÉ DE TENTATIVE DE VOL (2)

présents aux débats, comparaissant en personne ;

INTIMÉS

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 16 juin 2014 ;

Vu le jugement rendu contradictoirement par le Tribunal de Première Instance jugeant correctionnellement le 3 février 2014 ;

Vu l'appel interjeté le Ministère public le 4 février 2014 sur les dispositions pénales, et sur la relaxe de t. CH. ;

Vu l'ordonnance de Monsieur le Vice Président en date du 3 mars 2014 ;

Vu les citations à prévenu, suivant exploits, enregistré, de Maître ESCAUT-MARQUET, huissier, en date des 17 et 19 mars 2014 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Monsieur le Vice Président en son rapport ;

Ouï e. GH., prévenu, en ses réponses ;

Ouï t. CH., prévenu, en ses réponses ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï les prévenus en dernier, en leurs moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement rendu par défaut le 4 février 2014, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

e. GH. :

« D'avoir à MONACO, le 1er février 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, tenté de commettre un vol au préjudice de M. BR. g., tentative manifestée par un commencement d'exécution, en pénétrant dans le véhicule du plaignant, ouvrant le vide poche central et le fouillant, n'ayant manqué son effet que par une circonstance indépendante de sa volonté, à savoir intervention de témoins », DÉLIT prévu et réprimé par les articles 2, 3, 309 et 325 du Code Pénal,

t. CH. :

« D'avoir à MONACO, le 1er février 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, tenté de commettre un vol au préjudice de M. BR. g. de s'être à Monaco, le 1er février 2014, rendu complice, par aide et assistance, de la tentative de vol reprochée : GH. e. en faisant le guet, se tenant appuyé, debout contre la portière du véhicule », DÉLIT prévu et réprimé par les articles les articles 2, 3, 41, 42, 309 et 325 du Code Pénal,

  • relaxé t. CH. des fins de la poursuite,

  • déclaré e. GH. coupable du délit qui lui est reproché,

  • en répression, faisant application des articles visés par la prévention, ainsi que de l'article 393 du Code pénal,

  • condamné e. GH. à la peine de DEUX MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du code pénal ayant été adressé au condamné,

  • condamné, en outre, e. GH. aux frais.

Le Ministère public a interjeté appel de ladite décision le 6 février 2014 sur les dispositions pénales, et sur la relaxe de t. CH..

L'appel régulier est recevable.

Considérant les faits suivants :

Le 1er février 2014 en début de soirée, o. BA. voiturier au restaurant « I », sollicitait l'intervention des services de la Sûreté publique en expliquant qu'il venait d'être témoin d'une tentative de vol commise par deux individus à l'intérieur d'un véhicule particulier de type Mercedes qu'il devait prendre en charge pour le stationner, et qu'alors qu'il avait empoigné l'un des individus qui était dans l'habitacle de la voiture pour tenter de le maintenir, le second s'était empressé de s'éloigner.

o. BA. précisait lors de son audition qu'il avait parfaitement vu l'un des individus assis sur le siège du passager avant, porte entrouverte, en train de fouiller à l'intérieur du véhicule, et avoir vu dans le même temps que « se trouvait immédiatement debout contre ce véhicule un second individu qui semblait faire le guet et tenait à la main une bouteille en plastique ».

Les services de police procédaient rapidement à l'interpellation de ces deux individus qui se révélaient être e. GH. et t. CH..

e. GH. reconnaissait être rentré dans le véhicule mais selon lui « juste comme cela pour voir quel effet cela faisait » et contestait toute tentative de vol en précisant que « c'est en sortant de la voiture que la boîte à gants s'était ouverte » toute seule.

Il précisait qu'il n'avait aucunement sollicité son ami t. CH. pour faire le guet en ne lui ayant pas précisé qu'il allait monter dedans.

t. CH. contestait toute complicité sans pouvoir toutefois expliquer qu'alors qu'ils étaient venus ensemble avec e. GH. en Principauté et qu'ils avaient acheté des boissons alcoolisées pour les consommer ensemble, ils s'étaient immédiatement séparés après que celui-ci ait été interpellé par le voiturier pour ne se rejoindre que postérieurement.

Il déclarait d'autre part qu'au moment où e. GH. avait été appréhendé il « marchait au niveau du rond-point et allait passer à hauteur du restaurant « I »».

Les renseignements recueillis sur les deux comparses ne leur sont pas favorables même si leur casier judiciaire respectif ne porte trace d'aucune condamnation.

C'est ainsi que t. CH. a déclaré avoir fait l'objet d'une procédure à Nice en 2013, pour détention de 100 grammes de résine de cannabis et avoir été entendu dans plusieurs affaires de vols notamment des vols à l'étalage ou par effraction sans avoir toutefois été condamné.

e. GH. a également déclaré avoir « eu des problèmes avec les services de police français pour des faits d'outrage et rébellion, usage de stupéfiants et une ou deux affaires de vol à la roulotte » et être « dans l'attente d'un jugement à venir à Marseille le 11 mars 2014 dans le cadre d'une affaire de stupéfiants suite à son interpellation à la gare de Marseille » où il avait été retrouvé en possession de 114 grammes de résine de cannabis et de 10 grammes d'herbe de cannabis.

e. GH. et t. CH. ont été cités devant le Tribunal correctionnel du chef de tentative de vol et complicité.

La juridiction pénale n'est entrée toutefois en voie de condamnation qu'à l'encontre de e. GH., dès lors qu'elle a considéré que s'il était établi que t. CH. se trouvait à côté du véhicule pendant que e. GH. était dans l'habitacle, son implication en qualité de complice n'était pas caractérisée par ce simple fait en l'état de la déclaration peu affirmée du voiturier et des dénégations de ce chef de e. GH..

Lors de l'audience devant la Cour les prévenus ont renouvelé leurs dénégations, précisant tous deux qu'e. GH. voulait simplement une photographie du véhicule.

Le Ministère public a requis la confirmation sur la culpabilité de e. GH. GH. et la réformation pour le surplus aux fins de voir la Cour retenir t. CH. dans les liens de la prévention et condamner les deux prévenus à la peine de 2 mois d'emprisonnement.

SUR CE,

Attendu que e. GH. et t. CH. se sont rendus en Principauté le 1er février 2014, pour y distribuer des curriculum vitae selon le premier, pour balader selon le deuxième ; en fin de l'après-midi au moment de repartir, ils auraient décidé de retourner ensemble jusqu'à la gare selon le premier, chacun aurait pris un chemin différemment selon le deuxième pour se retrouver par hasard devant le restaurant « I » lieu des faits reprochés ;

Que la relation contradictoire qu'ils font des faits est révélatrice de leur volonté d'en donner pour chacun d'eux une présentation favorable : une justification de sa présence en Principauté pour GH. (démarche de recherche d'emploi), non corroborée par son compagnon, une présence fortuite sur les lieux pour t. CH., contredite par les déclarations concordantes de son ami et du voiturier témoin des faits ;

Attendu que la tentative de vol, qui est réprimée par l'article 325 du Code pénal, est constituée dès lors que manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet que par une circonstance indépendante de la volonté de son auteur ;

Attendu en l'espèce que les dénégations peu crédibles de e. GH. sont contredites par les éléments objectifs de la cause ;

Que le témoignage circonstancié du voiturier qui a déclaré avoir vu GH. en train de fouiller la boite à gant, le fait pour le prévenu d'être entré dans une voiture, dont les portières étaient fermées, contre le gré de son propriétaire et dont la boite à gant a été retrouvée ouverte, l'absence de crédibilité de sa version relative à l'envie de prendre une photographie alors qu'il n'avait pas en main un appareil le permettant, pas davantage que t. CH. qui a été décrit comme se trouvant à côté du véhicule avec une bouteille en plastique à la main, sa fuite finale, établissent à la conviction de la Cour l'intention coupable qui animait e. GH. et sa culpabilité dans les faits qui lui sont reprochés ;

Que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges l'ont retenu dans les liens de la prévention pour laquelle ils ont prononcé une peine adaptée à la nature des faits et à la personnalité de l'auteur ;

Attendu que la complicité nécessite, afin d'être punissable, une intention coupable chez le complice ;

Attendu que t. CH. ne saurait sérieusement prétendre qu'il n'apportait pas d'aide à la commission de l'infraction en faisant le guet - impression qu'il a pourtant donnée au voiturier - dans la mesure où il a livré une première version erronée de sa présence sur les lieux pour tenter de faire croire qu'il venait d'y arriver par hasard, où il s'associe à la thèse de la prise d'une photographie malgré l'absence d'éléments matériels en ce sens, où il se tenait contre le véhicule au moment précis des faits et enfin où il s'est éclipsé dès l'intervention du voiturier, autant d'éléments établissant à suffisance qu'il a agi avec connaissance et a fui pour éviter une interpellation de la police compte tenu de ce qu'il savait qu'il participait à un acte délictuel ;

Que la décision des premiers juges sera en conséquence réformée et t. CH. déclaré coupable du délit de complicité de vol qui lui est reproché ;

Attendu sur la répression, que compte tenu de la personnalité de t. CH. caractérisée par 1'absence d'antécédent judiciaire, il y a lieu de le condamner à la peine de deux mois d'emprisonnement assortie du sursis ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

Confirme la décision en ce qu'elle a déclaré coupable e. GH. de la tentative de vol qui lui était reprochée et l'a condamné en répression à la peine de deux mois d'emprisonnement assortie du sursis,

Réforme la décision pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déclare t. CH. coupable de la complicité de vol qui lui est reprochée et en répression le condamne à la peine de DEUX MOIS D'EMPRISONNEMENT assortie du SURSIS,

Condamne e. GH. et t. CH. aux frais de première instance et d'appel,

Composition🔗

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le seize juin deux mille quatorze, qui se sont tenus devant Monsieur Gérard FORÊT-DODELIN, Vice-président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, en présence de Madame Aline BROUSSE, magistrat référendaire, faisant fonction de Substitut du Procureur général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef adjoint ;

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Monsieur Gérard FORÊT-DODELIN, Vice-président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, magistrats en ayant délibéré et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la Loi 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaire ;

Lecture étant donnée à l'audience publique du trente juin deux mille quatorze, par Monsieur Gérard FORÊT-DODELIN, Vice-Président de la formation, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef adjoint et en présence de Monsieur Gérard DUBES, Premier Substitut du Procureur général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la Loi 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaire.

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