Cour d'appel, 17 juin 2014, Madame p A épouse B c/ Monsieur h. B
Abstract🔗
Divorce – Torts partagés – Prestation compensatoire (oui)
Résumé🔗
Le divorce étant désormais prononcé aux torts partagés, p A est recevable à solliciter l'octroi d'une prestation compensatoire si les conditions de son attribution s'avèrent réunies à son profit. L'article 204-5 du Code civil dispose que pour déterminer le montant de la prestation compensatoire « destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective » « sont notamment pris en considération la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour favoriser la carrière du conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existant ou prévisibles notamment en matière de couverture sociale et de pension de retraite ». Pour déterminer le montant de la prestation compensatoire à laquelle l'épouse est en droit de prétendre, il convient de prendre en considération la situation financière de chacune des parties, l'âge respectif de l'un et l'autre des époux, le fait qu'ils étaient mariés sous le régime légal de la séparation de biens, la durée de la vie commune (vingt années) et l'âge de l'enfant commun. Il convient également de considérer la situation financière personnelle du mari en sa qualité d'exploitant du commerce A, laquelle exploitation s'est maintenue jusqu'à la résiliation récente de son bail au début de l'année 2014, alors même que h. B ne justifie aucunement des raisons qui ont présidé à la création du passif dont il dit qu'il est la cause de la résiliation de la convention d'occupation précaire dont il disposait. Sur la base des deux commerces dont il disposait, en ce y compris le commerce D et du nombre de ses salariés, le Tribunal a relevé à juste titre que ces activités lui avaient assuré la perception de revenus évalués pour l'année 2010 à la somme annuelle de 40.151 euros, soit 3.650 euros par mois, la Cour relevant quant à elle que l'attestation établie le 11 juin 2012 par son comptable ne peut valablement être prise en compte pour les revenus de l'année 2012 dès lors que n'est pas déterminé le mode de calcul d'un tel montant énoncé en cours d'année pour un exercice annuel censé être terminé. Le Tribunal a en outre relevé que h. B disposait de deux contrats d'assurance vie à la société F et d'un compte titre dont il n'avait pas été possible de déterminer les montants et sur l'importance desquels il continue à demeurer taisant devant la Cour. En ce qui concerne la situation de l'épouse, il sera observé également que si p A a pu retrouver une activité professionnelle la rémunérant à hauteur de 1.653 euros par mois, cette activité est nécessairement récente pour être intervenue en conséquence de la séparation du couple. Il doit être tenu compte au titre de ses charges du montant de son loyer, dès lors qu'elle a conservé la jouissance du domicile conjugal et que son impécuniosité ne lui permet pas de se reloger dans des conditions plus satisfaisantes financièrement. Elle justifie présenter diverses difficultés de santé. Il est établi en outre qu'à raison des choix communs du couple elle est demeurée sans statut professionnel particulier pendant vingt années et a ainsi perdu pour cette période de temps tout droit à une quelconque retraite. Il sera rappelé qu'en contrepartie de cette absence de déclaration, son mari n'a pas eu à exposer les frais inhérents à sa qualité d'employeur de celle-là. Ces éléments d'appréciation renseignent à suffisance la Cour sur la situation financière des parties l'étendue de leurs ressources et de leurs charges sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise à cette fin, et établissent l'existence d'une disparité économique au détriment de l'épouse en conséquence de la rupture du lien matrimonial, justifiant l'attribution à son profit d'une prestation compensatoire en capital qu'il convient d'arrêter à la somme de 300.000 euros.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 17 JUIN 2014
En la cause de :
- Madame p A épouse B, née le jma à Macon (Saône et Loire), de nationalité monégasque, demeurant et domiciliée X/ à Monaco ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n°X, par décision du Bureau du 18 décembre 2009
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur h. B, né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, légalement domicilié X à Monaco, mais autorisé à résider « Y », Y à Monaco,
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 17 janvier 2013 (R.3071) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 27 mars 2013 (enrôlé sous le numéro 2013/000132) ;
Vu les conclusions déposées les 31 juillet 2013, 30 janvier et 30 avril 2014, par Maître SOSSO, avocat-défenseur, au nom de h. B ;
Vu les conclusions déposées les 14 janvier, 28 janvier et 18 avril 2014, par Maître PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de p A ;
À l'audience du 6 mai 2014, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La cause ayant été débattue hors la présence du public,
La Cour statue sur l'appel relevé par p A à l'encontre d'un jugement prononcé par le Tribunal de Première Instance le 17 janvier 2013.
Considérant les faits suivants :
p A a épousé h. B à Monaco le 21 octobre 1989, sans contrat de mariage.
Une enfant désormais majeure est issue de leur union.
Au cours de l'année 2009, p A a initié une procédure en divorce à l'encontre de son mari.
Aux termes du jugement intervenu le 17 janvier 2013 et désormais contesté, le Tribunal de Première Instance a :
prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de p A,
rappelé que p A et h. B ont été autorisés à résider séparément par ordonnance du 27 novembre 2009,
ordonné en tant que de besoin la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux,
commis Maître H.R notaire pour procéder à cette liquidation et dit que toutes les difficultés seront tranchées conformément aux dispositions de l'article 204-4 alinéa 3 du Code civil,
attribué la jouissance du domicile conjugal sis X à Monaco à p A,
débouté p A de sa demande de prestation compensatoire,
condamné h. B à verser à p A la somme de 80.000 euros à titre d'indemnité exceptionnelle,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
condamné p A aux dépens.
Aux termes de l'assignation en réformation de cette décision dont p A a saisi la Cour le 27 mars 2013, elle sollicite désormais de voir :
prononcer le divorce aux torts exclusifs de son mari,
condamner celui-ci au versement à son profit d'une prestation compensatoire de 500.000 euros outre la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts,
condamner son mari aux dépens.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives et responsives déposées par elle les 28 janvier et 18 avril 2014, p A sollicite désormais de :
déclarer nulles les attestations correspondant aux pièces produites par h. B sous les n° 29, 30, 31, 32 et 33,
voir écarter des débats les pièces adverses n°34, 35, 46, 85 et 88,
voir ordonner une expertise comptable avec pour mission de déterminer la réalité et l'étendue des patrimoines et revenus des époux avec les pouvoirs d'investigation les plus étendus,
débouter h. B de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
voir infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
si par impossible, la Cour devait ne pas prononcer le divorce sur la base de l'article 197 du Code civil, de voir rouvrir les débats à toutes fins utiles,
à défaut, voir prononcer le divorce d'avec son mari aux torts exclusifs de celui-ci,
voir condamner h. B à lui payer une prestation compensatoire en capital de 500.000 euros ou subsidiairement une somme équivalente à titre d'indemnité exceptionnelle, outre la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Elle expose pour l'essentiel que :
elle s'est résolue à demander le divorce en l'état du comportement insupportable de son mari à son endroit et de sa désaffection croissante qui l'ont conduit à refuser de participer aux fêtes de famille en Savoie à partir de 2008,
durant la vie commune elle s'est toujours beaucoup investie dans l'activité professionnelle de son mari, même si elle n'en retirait pas de bénéfices personnels,
son mari a toujours refusé de régulariser sa situation professionnelle en faisant des économies sur son dos et en ne la faisant pas bénéficier des droits sociaux essentiels et notamment de la constitution d'une retraite dont l'absence lui fera cruellement défaut,
en lui interdisant l'accès à son travail, son mari a commis une violation grave du devoir de secours qui lui incombe à son égard,
elle s'est totalement consacrée à faire prospérer les affaires de son époux sans jamais réclamer une contrepartie financière, jusqu'au jour où son mari a décidé de mettre un terme à son mariage en la poussant à ne plus envisager d'autre solution que de demander le divorce,
les attestations que le Tribunal a retenues pour déclarer fondée la demande en divorce de son mari sont complaisantes pour émaner des membres de sa famille ou de ses employés,
si son mari avait été un bon époux, il n'aurait pas manqué de la déclarer pour qu'elle bénéficie d'une protection salariale ou en l'associant davantage dans ses affaires plutôt que d'avoir profité de sa personne en la laissant dans la plus grande dépendance financière,
c'est parce qu'elle ne dispose pas de moyens financiers importants pour supporter le coût d'un déménagement qu'elle continue à demander la jouissance du domicile conjugal,
la Cour se doit de la rétablir dans son droit d'obtenir une prestation compensatoire puisque durant la vie du ménage elle a bénéficié d'une vie confortable, alors qu'elle ne dispose plus que d'un salaire mensuel de 1.653,90 euros qui est consacré en totalité au paiement du loyer et qu'elle ne possède aucune économie,
l'activité professionnelle de son mari est florissante et il a ouvert un second lieu d'activités situé X1 et même s'il prétend que ses revenus sont en diminution et qu'il serait au bord de la faillite, les chiffres afférents aux résultats de son activité démentent totalement de telles affirmations,
les observations du Tribunal sur l'activité professionnelle positive de son mari méritent d'être retenus mais le Tribunal a toutefois omis de prendre en compte la valeur vénale des commerces de son mari, le commerce A ayant été récemment proposé à la vente au prix de 750.000 euros,
le fonds de commerce du commerce A a pris de la valeur par l'amélioration de son environnement tenant à l'ouverture de l'établissement B et du commerce C,
en travaillant pendant plus de 20 ans pour son mari sans être déclarée, elle a perdu une retraite considérable dont le montant peut être capitalisé à la somme de 376.736 euros,
le mariage a duré 20 ans pendant lesquels elle s'est consacrée à faire fructifier le patrimoine propre de son mari et sa santé s'est désormais altérée,
le montant de l'indemnité exceptionnelle que lui a allouée le Tribunal est insuffisant au regard de la perte de retraite qu'elle subit, soit 133.219 euros et du montant des économies réalisées par son mari soit 376.736 euros,
elle est fondée à solliciter le versement à son profit de la somme de 500.000 euros,
sa situation de non emploi rémunéré tout en participant bénévolement à l'activité professionnelle de son mari est la conséquence des choix communs réalisés par le couple mais son mari avait totalement omis de prévoir un cadre juridique lui profitant de nature à la protéger,
quoique son mari se prétende désormais sans travail et sans revenu en l'état de la vente du droit au bail de son outil de travail, il ne justifie pas du montant de cette vente ni des sommes qu'il a pu encaisser de ce chef sur ses comptes, ce qui explique qu'elle sollicite une expertise financière de sa situation patrimoniale,
si la Cour venait à confirmer le jugement sur les torts il convient de revoir à la hausse le montant de l'indemnité exceptionnelle qu'il convient de lui accorder,
les manœuvres déloyales réalisées par son mari pour la pousser à demander le divorce lui ont causé un préjudice dont elle est en droit d'obtenir réparation pour la somme de 50.000 euros.
h. B a déposé des conclusions les 31 juillet 2013 et 30 janvier 2014 pour solliciter de voir :
débouter p A des fins de son appel,
confirmer le jugement en ce qu'il a :
prononcé le divorce d'entre eux aux torts exclusifs de son épouse,
débouté p A de ses demandes de prestation compensatoire et de dommages-intérêts,
attribué la jouissance du domicile conjugal à p A,
infirmer le jugement en ce qu'il l'a :
condamné au paiement de la somme de 80.000 euros à titre d'indemnité exceptionnelle,
débouté de sa demande de condamnation de p A au paiement d'une somme de 50.000 euros de dommages-intérêts à son profit,
statuant à nouveau,
condamner p A au paiement à son profit de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts outre celle de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
prendre acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la Cour d'appel concernant la demande de p A de voir rouvrir les débats si la Cour devait estimer ne pas pouvoir prononcer le divorce sur le fondement de l'article 197 du Code civil.
Il a en outre également déposé des conclusions le 30 avril 2014 pour solliciter de voir déclarer son épouse irrecevable en ses demandes tendant à voir prononcer la nullité et à écarter des pièces et en celle tendant à voir ordonner une expertise, comme constitutives de demandes nouvelles en cause d'appel.
Il expose pour l'essentiel que :
c'est à bon droit que le Tribunal a débouté son épouse de sa demande en divorce à son encontre,
il ne s'est jamais rendu dans la famille de son épouse lors des fêtes de Noël car il était d'usage qu'à cette date il continue de travailler en tenant le commerce A,
le grief d'exploitation qu'articule son épouse à son encontre ne résiste pas au regard des témoignages la décrivant comme ayant largement profité durant la vie commune d'un train de vie très confortable,
en s'étant vue attribuer la jouissance du domicile conjugal, p A dispose à sa guise de tous les biens mobiliers achetés par lui et elle ne peut être considérée comme une victime désargentée,
durant la vie commune son épouse avait une vie particulièrement luxueuse et agréable grâce à son activité professionnelle et au fait qu'il s'employait sans relâche pour la rendre heureuse,
pendant la vie du ménage, son épouse ne lui avait jamais demandé d'être salariée,
elle ne peut pas lui reprocher de l'avoir évincée du commerce après l'introduction de la demande en divorce car cette situation était inéluctable en l'état des relations conflictuelles qu'ils connaissaient à l'époque et du comportement injurieux de son épouse,
son épouse ne démontre pas qu'il aurait adopté à son encontre une attitude fautive rendant intolérable le maintien de la vie commune et le débouté de sa demande en divorce s'impose,
son épouse manifestait à son égard un comportement irascible et désagréable n'hésitant pas à l'insulter et à le rabaisser tant en présence de sa famille que de ses amis et même devant ses employés avec les conséquences et les difficultés évidentes que cela a engendrées au regard des relations professionnelles et de crédibilité vis à vis de ses employés,
les témoignages en ce qu'ils émanent de son personnel et de sa mère sont suffisamment circonstanciés pour ne pas pouvoir être écartés,
il ne s'oppose pas à ce que la jouissance du domicile conjugal soit maintenue à son épouse,
sur la prestation compensatoire, l'exclusivité des torts retenus à la charge de p A la prive d'un tel droit mais en outre elle dispose désormais d'un salaire et se maintient dans son logement au loyer élevé ce qui démontre a contrario qu'elle dispose de ressources à cette fin,
les documents qu'il produit portant sur l'état des comptes de son épouse n'ont pas été obtenus par fraude ou violence mais seulement à raison d'une erreur de manipulation commise par la banque et sont donc recevables,
elle a volontairement dissimulé en cours de procédure qu'elle avait retrouvé une activité professionnelle et il a dû recourir à un compulsoire pour en obtenir la preuve alors qu'elle persistait à se déclarer sans ressources,
la situation financière de son épouse n'est pas aussi dramatique qu'elle veut bien en faire état,
il connaît lui-même une baisse importante de ses revenus du fait du manque de fréquentation de son commerce qui se situe dans une impasse piétonne, sans aucun passage et qui est déserte à n'importe quelle heure de la journée, contrairement à l'activité commerciale qu'il connaissait durant la vie commune lorsque son commerce était situé dans l'ancienne adresse X2,
cette baisse d'activité est attestée par son expert comptable qui fait état d'une diminution de 51,15 % de son chiffre d'affaires entre 2008 et 2009, alors même qu'il reste redevable à l'administration des domaines de la somme de 50.000 euros au titre de ses arriérés de loyers commerciaux,
son épouse gonfle artificiellement le montant de ses ressources en confondant chiffre d'affaires et bénéfice,
l'ouverture du commerce D ne lui a rien coûté, hormis le loyer mensuel qui s'élève à 270 euros (pièce 59) et cette activité était à peine bénéficiaire, à tel point qu'il en a cessé l'exploitation le 31 décembre 2012,
compte tenu de ses difficultés financières, il a dû se faire aider par son père,
il supporte désormais le coût de son loyer à la société E lequel s'élève à la somme mensuelle de 1.038,93 euros,
il prend en charge dans sa totalité les frais d'entretien de leur fille,
il n'a perçu à titre de rémunération pour l'année 2012, que la somme mensuelle de 2.700 euros environ,
compte tenu de la persistance de ses difficultés commerciales il s'est vu dans l'obligation de résilier la convention relative au commerce A au regard des sommes qu'il devait à l'Administration des Domaines et de l'importance de ses dettes personnelles qui s'élèvent à plus de 200.000 euros,
l'examen de son compte de résultat fait apparaître un déficit de 2.980 euros et donc aucun bénéfice pour l'année 2011,
contrairement à ses allégations, son épouse a rapidement retrouvé un travail qui lui procure un revenu confortable,
son épouse n'a jamais sacrifié sa carrière professionnelle à la sienne dès lors qu'elle était démunie de tout diplôme pouvant lui permettre d'espérer réaliser une brillante carrière professionnelle et elle a délibérément fait le choix de ne pas travailler pour mieux profiter du train de vie qu'il lui procurait,
le commerce Z ne constituait pas un fonds de commerce mais une concession du gouvernement qui lui avait été attribuée personnellement en vertu d'une convention d'occupation précaire et il ne dispose d'aucun patrimoine de ce chef et le jugement en ce qu'il a accordé à son épouse le bénéfice d'une indemnité exceptionnelle doit être réformé,
la demande de dommages-intérêts formée par son épouse est particulièrement mal fondée si on considère qu'elle a initié la procédure de divorce à son encontre en ne faisant état d'aucun comportement injurieux ou fautif, qu'elle l'a ainsi contraint à quitter le domicile conjugal avec leur fille, que son épouse a pour sa part conservé le dit domicile conjugal avec tous les meubles et effets mobiliers le garnissant, qu'elle lui a dissimulé le fait qu'elle avait retrouvé une activité professionnelle et qu'elle a ainsi perçu une pension de manière illégitime,
il a été particulièrement choqué que son épouse dépose après plus de 20 ans de vie commune, une demande en divorce alors qu'il n'avait rien à se reprocher et qu'il a toujours travaillé sans relâche et très dur pour son bien et celui de sa famille afin qu'elle ait une vie agréable, ce qui justifie sa demande en versement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 10.000 euros au titre de l'appel abusif, celui-ci n'ayant été formalisé que pour lui permettre de continuer à percevoir la pension alimentaire qu'il lui sert.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
ET SUR CE :
Attendu que la Cour observe liminairement que la contestation par l'épouse de la validité de certaines pièces participant des moyens opposés par elle pour se défendre des griefs articulés à son encontre par son mari au fond, le moyen tiré de ce que cette contestation constituerait une demande nouvelle en cause d'appel ne saurait valablement prospérer, pour être totalement inopérant ;
Sur la demande en nullité des pièces 29, 30, 31, 32 et 33 produites par h. B :
Attendu que si ces attestations constituant les pièces 29, 31, 32 et 33, ne mentionnent pas expressément que leurs auteurs sont des employés de h. B, il n'en reste pas moins que chacune d'elles est établie dans les formes de droit d'une part et qu'il n'est aucunement dissimulé dans le corps de l'attestation que leurs auteurs ont un lien de droit voire de subordination avec leur employeur h. B ;
Qu'il en est de même de la pièce 30 en ce qu'elle émane de la mère de h. B à l'encontre de laquelle la loi n'édicte aucune prohibition d'attester ;
Qu'il n'y a pas lieu de les annuler et le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur la demande de p A aux fins de voir écarter des débats les pièces adverses 34, 35, 46, 85 et 88 :
Attendu que les pièces 34, 35 et 46 sont constituées par des relevés internet du compte bancaire de p A pour les mois de décembre 2010 et janvier 2011 du chef desquelles celle-ci fait grief à son mari de se les être procurés indûment ;
Que h. B lui objecte une erreur de la banque en sa faveur et entend se prévaloir de sa totale bonne foi ;
Attendu toutefois qu'il ne saurait être contesté que le couple étant judiciairement séparé aux termes de l'ordonnance de non-conciliation intervenue le 27 novembre 2009, h. B ne pouvait légitimement s'emparer de documents personnels bancaires propres à son épouse et encore plus d'en faire état au sein de la procédure de divorce l'opposant à elle, même s'il en a été le destinataire involontaire ;
Que ces pièces obtenues de manière irrégulière seront dès lors écartées des débats ;
Attendu qu'il n'existe pas de raison objective d'écarter des débats les pièces 85 et 88 produites par h. B ;
Que p A sera déboutée de ses prétentions de ce chef ;
Sur la demande en divorce de p A :
Attendu que p A fait grief à son mari de l'avoir fait travailler à ses diverses activités commerciales pendant toute la durée de vie du ménage sans la déclarer, de s'être désintéressé d'elle au quotidien en la laissant notamment partir toute seule dans sa famille en Savoie lors des vacances de Noël 2008 et 2009, puis de lui avoir interdit l'entrée du commerce à l'automne 2009 ;
Attendu qu'il ne peut valablement être reproché à h. B de ne pas avoir accompagné son épouse en Savoie lors des vacances de Noël 2008 alors que cette année là, il continuait de faire fonctionner son activité commerciale d'une part et que d'autre part lors de la période de Noël 2009, la procédure de divorce était déjà engagée entre eux dans des conditions qui ne pouvaient l'inciter à rejoindre son épouse ;
Attendu toutefois que la Cour observe, notamment à l'examen des pièces 29, 31, 32 et 33 qu'il est parfaitement établi que p A avait l'habitude de contribuer par son industrie à l'activité commerciale de son mari ;
Que h. B ne peut s'exonérer du grief de désintérêt affectif et financier que p A articule à son encontre en se bornant à démontrer à la faveur des pièces qu'il produit, qu'il l'aurait fait bénéficier d'un train de vie confortable pendant la durée du ménage en l'emmenant notamment en vacances et en lui offrant des cadeaux ;
Que tenant en effet au grief articulé par l'appelante selon lequel h. B ne l'a jamais déclarée et ne lui a servi aucune rémunération pendant les quelques vingt années de leur collaboration professionnelle, la Cour observe qu'à la faveur du régime matrimonial de séparation de biens qui les régit, il ne saurait être valablement contesté que p A qui a ainsi enrichi son mari, se révèle désormais démunie sur le plan financier et n'est aucunement éligible au versement d'une quelconque retraite personnelle ;
Que ces éléments d'appréciation qui ne se confondent pas quant aux torts et griefs avec les conditions d'octroi d'une prestation compensatoire ou de l'indemnité exceptionnelle de l'article 205-2 du code civil, révèlent a minima l'extrême insouciance de son mari sur ce chef de préoccupation pour n'avoir fait aucune démarche pour la faire bénéficier de ses droits légitimes en qualité de salarié en la régularisant et en la maintenant en dépit de ses apports en industrie à son activité, en état de dépendance économique par rapport à lui ;
Que la persistance de cette activité bénévole de p A à l'activité professionnelle de son mari, sans réaction positive de sa part pour la faire bénéficier des droits légitimes que ses apports en industrie auraient ainsi dû lui ouvrir, constitue de la part de h. B un comportement injurieux qui s'est en outre exacerbé après l'introduction de cette même procédure de divorce, lorsque nonobstant l'état de dépendance économique dans laquelle il l'avait toujours maintenue, il a entrepris de lui interdire de continuer à travailler avec lui au sein de la même structure commerciale ;
Attendu que p A démontre ainsi à suffisance la réalité des griefs qu'elle articule à l'encontre de son mari dans des conditions propres à fonder utilement sa demande en divorce à son encontre ;
Que la décision du Tribunal en ce qu'elle a débouté p A de sa demande à l'encontre de son mari sera en conséquence réformée ;
Sur la demande en divorce du mari :
Attendu que pour faire droit à la demande en divorce de h. B, le Tribunal a considéré qu'il « rapportait la preuve du caractère colérique et insultant de p A à son égard par des témoignages, même si ce sont ceux de ses salariés et de sa propre mère lesquels ne peuvent être rejetés pour ce seul motif » ;
Attendu toutefois que si le Tribunal a pu considérer que ces témoignages ne pouvaient être rejetés au seul motif qu'ils émanaient des salariés ou de la mère de l'intimé, la Cour observe qu'ils ne peuvent à eux seuls fonder la demande en divorce du mari contre son épouse, et que compte tenu de leur relative valeur probatoire en raison des liens de travail ou de filiation qui unissent leurs auteurs à l'intimé, le caractère fondé de la demande en divorce de celui-ci doit nécessairement s'appuyer sur d'autres éléments de preuve ;
Attendu qu'en l'état, h. B produit aux débats une pièce 85 constituée par la copie d'un SMS et de deux photographies dont il résulte qu'en suite de ce que p A aurait considéré comme un défaut de paiement en son temps du montant de la pension que lui devait son mari, elle se serait livrée à un acte de détérioration sur un objet de décoration appartenant à son mari mais garnissant le domicile conjugal dont elle a la jouissance ;
Attendu que la Cour observe que cette pièce, dont l'authenticité n'est pas contestée même si elle a fait l'objet d'une demande de rejet des débats examinée supra, constitue effectivement une démonstration du caractère colérique excessif dont pouvait faire preuve p A dans les actes de la vie quotidienne, dès lors qu'elle ne disposait d'aucune légitimité à procéder à la dégradation volontaire d'objets appartenant à son mari, le caractère tardif du défaut de paiement de la pension alimentaire due par celui-ci n'étant au demeurant pas établi ;
Attendu que c'est dès lors à bon droit que le Tribunal a considéré que h. B démontrait suffisamment la réalité des griefs qu'il articulait à l'encontre de son épouse et a fait droit à sa demande en divorce ;
Attendu que les demandes respectives en divorce présentées par chacun des époux étant désormais admises, le divorce les concernant sera prononcé à leurs torts et griefs partagés et le jugement sera réformé sur ce point ;
Sur les demandes financières :
Attendu que le divorce étant désormais prononcé aux torts partagés, p A est recevable à solliciter l'octroi d'une prestation compensatoire si les conditions de son attribution s'avèrent réunies à son profit ;
Attendu que l'article 204-5 du Code civil dispose que pour déterminer le montant de la prestation compensatoire « destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective » (…) « sont notamment pris en considération …la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune (…) pour favoriser la carrière du conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existant ou prévisibles notamment en matière de couverture sociale et de pension de retraite » ;
Attendu que pour déterminer le montant de la prestation compensatoire à laquelle l'épouse est en droit de prétendre, il convient de prendre en considération la situation financière de chacune des parties, l'âge respectif de l'un et l'autre des époux, le fait qu'ils étaient mariés sous le régime légal de la séparation de biens, la durée de la vie commune (vingt années) et l'âge de l'enfant commun ;
Qu'il convient également de considérer la situation financière personnelle du mari en sa qualité d'exploitant du commerce A, laquelle exploitation s'est maintenue jusqu'à la résiliation récente de son bail au début de l'année 2014, alors même que h. B ne justifie aucunement des raisons qui ont présidé à la création du passif dont il dit qu'il est la cause de la résiliation de la convention d'occupation précaire dont il disposait ;
Que sur la base des deux commerces dont il disposait, en ce y compris celui du commerce D et du nombre de ses salariés, le Tribunal a relevé à juste titre que ces activités lui avaient assuré la perception de revenus évalués pour l'année 2010 à la somme annuelle de 40.151 euros, soit 3.650 euros par mois, la Cour relevant quant à elle que l'attestation établie le 11 juin 2012 par son comptable ne peut valablement être prise en compte pour les revenus de l'année 2012 dès lors que n'est pas déterminé le mode de calcul d'un tel montant énoncé en cours d'année pour un exercice annuel censé être terminé ;
Que le Tribunal a en outre relevé que h. B disposait de deux contrats d'assurance vie à la société F et d'un compte titre dont il n'avait pas été possible de déterminer les montants et sur l'importance desquels il continue à demeurer taisant devant la Cour ;
Qu'en ce qui concerne la situation de l'épouse, il sera observé également que si p A a pu retrouver une activité professionnelle la rémunérant à hauteur de 1.653 euros par mois, cette activité est nécessairement récente pour être intervenue en conséquence de la séparation du couple ;
Qu'il doit être tenu compte au titre de ses charges du montant de son loyer, dès lors qu'elle a conservé la jouissance du domicile conjugal et que son impécuniosité ne lui permet pas de se reloger dans des conditions plus satisfaisantes financièrement ;
Qu'elle justifie présenter diverses difficultés de santé ;
Qu'il est établi en outre qu'à raison des choix communs du couple elle est demeurée sans statut professionnel particulier pendant vingt années et a ainsi perdu pour cette période de temps tout droit à une quelconque retraite ;
Qu'il sera rappelé qu'en contrepartie de cette absence de déclaration, son mari n'a pas eu à exposer les frais inhérents à sa qualité d'employeur de celle-là ;
Attendu que ces éléments d'appréciation renseignent à suffisance la Cour sur la situation financière des parties l'étendue de leurs ressources et de leurs charges sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise à cette fin, et établissent l'existence d'une disparité économique au détriment de l'épouse en conséquence de la rupture du lien matrimonial, justifiant l'attribution à son profit d'une prestation compensatoire en capital qu'il convient d'arrêter à la somme de 300.000 euros ;
Attendu que l'attribution à p A des droits locatifs afférents à la jouissance du domicile conjugal ayant abrité le domicile conjugal n'est pas contestée ;
Que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Attendu que le caractère partagé des torts ainsi que retenu supra, s'oppose à ce qu'il puisse être fait droit aux demandes respectives de dommages-intérêts présentées par chacun des époux et dont ils seront en conséquence déboutés ;
Attendu que l'appel relevé par p A ne présentait aucun caractère abusif dès lors qu'elle a vu partie de ses demandes prospérer en cause d'appel ;
Que h. B sera débouté de sa demande en dommages-intérêts de ce chef ;
Attendu que la compensation des dépens de première instance et d'appel sera ordonnée et le jugement sera réformé sur ce point ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO,
Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
Reçoit les appels,
Déboute p A de ses demandes de nullité à l'encontre des pièces 29, 30, 31, 32 et 33, et de voir écarter des débats les pièces 85 et 88 produites par h. B,
Ecarte des débats les pièces 34, 35 et 36 produites par h. B,
Confirme le jugement prononcé par le Tribunal de Première Instance le 17 janvier 2013 en ce qu'il a fait droit à la demande en divorce de h. B à l'encontre de son épouse, rappelé la date d'autorisation de résidence séparée, ordonné la liquidation des intérêts communs ayant pu exister entre les époux, désigné à cette fin Maître REY et attribué à p A la jouissance des droits locatifs afférents au domicile conjugal des époux,
Réforme le jugement pour le surplus,
Déclare p A fondée en sa demande en divorce à l'encontre de son mari,
Prononce en conséquence le divorce des époux à leurs torts partagés,
Condamne h. B au paiement au profit de son épouse d'une prestation compensatoire en capital d'un montant de trois cent mille euros (300.000 euros),
Déboute h. B et p A de leurs demandes respectives en dommages-intérêts,
Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires aux présentes dispositions,
Ordonne la compensation de tous les dépens ;
Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 17 JUIN 2014, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Gérard DUBES, Premier substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.