Cour d'appel, 8 avril 2014, Capex Europe SAM c/ Volcano Shipping CO. SA, Global service maritime Corp, Blackwood Investments Overseas SA et Sulaco Invest INC.

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Abstract🔗

Saisie-arrêt - Principe certain de créance (oui) - Mainlevée (non)

Résumé🔗

Les sociétés intimées GLOBAL SERVICE MARITIME et Vulcano ont conclu plusieurs contrats d'affrètement avec la SAM Capex Europe aux termes desquels cette dernière, se déclarant lésée par le caractère fictif des prestations contractuellement prévues dont le paiement lui aurait ainsi été frauduleusement imposé, a engagé d'une part, une action pénale contre p. br., intervenu dans la signature des contrats tant en sa qualité de bénéficiaire économique de ces sociétés que d'administrateur délégué de la SAM Capex Europe, d'autre part, une procédure civile conservatoire. Le fait que les sociétés intimées ne soient pas poursuivies dans le cadre de l'instruction pénale en cours apparaît inopérant dans la mesure où les actions engagées ont un fondement et une finalité distincts. L'existence d'un principe certain de créance de la SAM Capex Europe à l'encontre des sociétés intimées est établie. Il y a donc lieu de réformer l'ordonnance du juge des référés en ce qu'elle a retenu que cette société ne justifiait pas d'un principe certain de créance à l'égard des sociétés intimées et ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 3 mai 2013.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 8 AVRIL 2014

En la cause de :

- La Société Anonyme Monégasque dénommée Capex Europe SAM, dont le siège social est 7, rue du Gabian à Monaco, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de la Principauté de Monaco sous le numéro 05S04357, agissant poursuites et diligences de son Président Délégué en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur et par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la même Cour ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- La société de droit du Panama dénommée Volcano Shipping CO. SA, domiciliée chez Pardini & Associates, Attorney-at-Law, Plaza 2000 Tower, 10th Floor, 50th Avenue, P. O Box 0815, 01117 Panama, République du Panama, prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration, Monsieur a. bo., ou tout autre, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège,

- La société de droit du Panama dénommée Global service maritime corp, domiciliée chez Pardini & Associates, Attorney-at-Law, Plaza 2000 Tower, 10th Floor, 50th Avenue, P. O Box 0815, 01117 Panama, République du Panama, prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration, Monsieur a. bo., ou tout autre, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège,

- La société de droit du Panama dénommée Blackwood Investments Overseas SA, domiciliée chez ICAZA, GONZALES-RUIZ et ALEMAN, Aquilino della Guardia Street, n°8, Igra Building, P. O Box 0823 - 02 435, Panama, République du Panama, prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration, Monsieur a. bo., ou tout autre, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège,

- La société de droit du Panama dénommée Sulaco Invest INC., domiciliée chez Pardini & Associates, Attorney-at-Law, Plaza 2000 Tower, 10th Floor, 50th Avenue, P. O Box 0815, 01117 Panama, République du Panama, prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration, Monsieur a. bo., ou tout autre, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Luc GRELLET, avocat au Barreau de Paris ;

INTIMÉES,

d'autre part,

LA COUR,

Vu l'ordonnance de référé rendu le 15 janvier 2014 (R.2348) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 22 janvier 2014 (enrôlé sous le numéro 2014/000107) ;

Vu les conclusions déposées le 21 février 2014, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de Volcano Shipping CO. SA, Global service maritime Corp, Blackwood Investments Overseas SA et Sulaco Invest INC. ;

À l'audience du 25 février 2014, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant les faits suivants :

Statuant sur l'appel interjeté par la SAM Capex Europe le 22 janvier 2014 à l'encontre d'une ordonnance de référé du 15 janvier 2014 qui a :

«…Tous droits et moyens des parties demeurant réservés,

Débouté la société Capex Europe SAM de ses demandes relatives aux pièces 5 et 6 produites par les sociétés demanderesses, d'irrecevabilité des pièces produites par elles et provenant du dossier d'instruction en cours N4/10 et de celles relatives aux pièces adverses 8, 13 et 14.

Ecarté des débats la partie non traduite des pièces 9, 10, 11 et 12.

Dit que la société Capex Europe SAM ne justifie pas de l'existence d'un principe certain de créance à l'égard des sociétés Volcano Shipping CO. SA Global service maritime Corp., Blackwood Investments Overseas SA et Sulaco Invest INC.

Rétracté l'ordonnance présidentielle du 29 avril 2013.

Ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 3 mai 2013 à la requête de la SAM Capex Europe à l'encontre des sociétés Volcano Shipping Co, SA Global service maritime Corp., Blackwood Investments Overseas SA et Sulaco Invest INC.

Mis les dépens à la charge de la société Capex Europe SAM, distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur sous sa due affirmation ;

Ordonné que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable…»

Attendu que la SAM Capex Europe demande à la Cour de :

«…Le présent dispositif faisant intégralement corps avec les motifs ci-dessus, tous droits et moyens demeurant réservés quant au fond de l'affaire,

Recevoir la SAM Capex Europe en son appel régulier en la forme et, au fond, l'en déclarer bien fondée,

Réformer en toutes ses dispositions l'Ordonnance de référé du 15 janvier 2014, avec toutes conséquences de droits,

ET, STATUANT A NOUVEAU,

Dire et Juger que la SAM Capex Europe justifie bien d'un principe certain de créance à l'encontre des sociétés offshore dénommées GSM, Volcano, Blackwood et Sulaco ,

Ordonner le maintien de la mesure de saisie-arrêt pratiquée par la SAM Capex Europe sur les comptes bancaires desdites sociétés GSM, Volcano, Blackwood et Sulaco , avec toutes conséquences de droits,

Condamner tous contestants en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront tous frais d'expertise, d'huissier, de traductions ou autres, dont distraction au profit de Maître Richard MULLOT, Avocat Défenseur, sous sa due affirmation…».

Attendu que la SAM Capex Europe, entité du groupe Capex Industries appartenant à la famille at., exerçant des activités de négoce international de coke de pétrole, expose avoir découvert en 2009 que son administrateur délégué, p. br., en charge des opérations de transport maritime de ce produit, oeuvrait à son seul profit en interposant notamment, en méconnaissance des dispositions de l'article 23 de l'Ordonnance Souveraine du 5 mars 1895 sur les conflits d'intérêts, les sociétés Global service maritime et Volcano dont il était le bénéficiaire économique dans le but de surfacturer des prestations de fret et percevoir frauduleusement d'importantes commissions ; qu'il a été révoqué de ses fonctions le 30 octobre 2009 et que la procédure pénale dans laquelle il a été inculpé le 15 mars 2012 a mis en évidence ce système de fraude, ainsi que le rôle central qu'il y tenait, en cumulant des fonctions au sein de plusieurs sociétés, savoir, outre celles d'administrateur-délégué de la SAM Capex Europe, celles d'actionnaire majoritaire de la SAM Monaco Sea Trade titulaire d'un contrat d'agent des sociétés Global service maritime et Volcano et de bénéficiaire économique de la société Blackwood, tout en ayant été précédemment salarié de la société BULK TRADING, également bénéficiaire du système avec la société Sulaco dont le bénéficiaire économique était un de ses co-inculpés f. ve-ma. ; que ces sociétés apparaissent dans la procédure pénale où une expertise judiciaire sur la régularité des opérations financières effectuées par p. br. est en cours.

Qu'elle a été autorisée suivant ordonnance présidentielle à faire pratiquer le 14 septembre 2012 à l'encontre de p. br. une saisie-arrêt de 4.500.000 euros, dont la mainlevée a été ordonnée par une décision de référé du 19 décembre 2012, elle-même réformée le 23 avril 2013 par la Cour d'appel qui, relevant le rôle trouble joué par les sociétés contrôlées par p. br., a retenu l'existence d'un principe certain de créance de la SAM Capex Europe à l'encontre de ce dernier, lequel a réussi à dissiper ses avoirs en se prévalant de l'ordonnance du 19 décembre 2012 ; que la mainlevée de la saisie-arrêt des comptes bancaires des sociétés Global service maritime, Volcano , Sulaco et Blackwood exécutée le 3 mai 2013 suivant ordonnance présidentielle du 29 avril 2013, a été ordonnée par la décision de référé du 15 janvier 2014 dont elle demande la réformation.

Attendu qu'elle fait grief au juge des référés de déclarer recevables des pièces de la procédure pénale produites aux débats en violation du secret de l'instruction par ces sociétés qui n'y sont pas partie, le magistrat retenant erronément sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 31 du Code de Procédure Pénale que lesdites sociétés ne concourent pas à la procédure pénale ; qu'elle dénonce le déséquilibre créé par une telle position et l'atteinte au principe du contradictoire qui en découlerait, dans la mesure où les intimées seraient ainsi libres de communiquer les pièces de leur choix au motif qu'elles « ne concourent pas à la procédure », alors que les parties qui y concourent seraient empêchées de le faire.

Attendu qu'elle soutient que le principe certain de créance à l'encontre de p. br. est affirmé dans l'arrêt du 23 avril 2013, cet élément étant fondamental puisque l'intéressé est le bénéficiaire économique des sociétés susvisées, lesquelles utilisent au demeurant les mêmes pièces et arguments que lui.

Que le principe certain de créance à l'encontre des sociétés Global service maritime, Volcano , Blackwood et Sulaco est établi car les prestations des sociétés Global service maritime et Volcano sont fictives, en ce qu'elles n'ont apporté aucun service à la SAM Capex Europe, ni assumé aucun risque, en sorte que la surfacturation qu'elles pratiquaient était injustifiée ; qu'elles ne produisent aucune pièce rapportant la preuve de leur activité, ne disposent d'aucun personnel propre, d'aucun bureau, alors que leur «organisateur» déclare que la seule activité de Volcano est de détenir des comptes bancaires et que Filippo Verani-MERANI-MASIN confirme que le recours à ces entités ne présentait aucun intérêt.

Qu'elle n'était pas la demanderesse en mainlevée de la saisie-arrêt et que le juge des référés a renversé la charge de la preuve en retenant à tort que le courrier de l'armateur Clipper Bulk Shipping, non accompagné du contrat correspondant, serait insuffisant à démontrer l'absence de rôle concret joué par les sociétés Global service maritime et Vulcano.

Qu'elle s'est heurtée à de nombreuses difficultés pour avoir accès aux pièces démontrant la réalité des infractions car p. br. les a dissimulées, mais qu'elle est cependant en mesure de produire aux débats la charte partie du 13 mars 2009 entre Global service maritime et Clipper mentionnant que la première est garantie par la SAM Capex Europe et n'assumait donc aucun risque, ainsi que la charte partie du 6 février 2009 entre Global service maritime et EDF Man Shipping Limited, où il est encore indiqué que la première est garantie par la SAM Capex Europe.

Que si m. at. connaissait l'existence de Volcano , cet élément n'est pas en soi de nature à faire échec au principe certain de créance lié à la surfacturation comme le retient le juge des référés, dès lors qu'il ignorait que p. br. en était le bénéficiaire économique, que cette société se livrait à des actes de surfacturation et que son intervention ne présentait aucun intérêt.

Que les experts en droit maritime qu'elle a consultés considèrent que l'argumentation de p. br., selon laquelle l'interposition des sociétés avait pour objet de soustraire la SAM Capex Europe au risque résultant de la variation des taux de fret, ne correspond pas à la réalité des opérations qu'ils ont analysées, en concluant pour leur part que ces sociétés avaient pour seule mission de facturer à la SAM Capex Europe le fret afférant à chaque voyage réclamé par l'armateur majoré d'un pourcentage, le différentiel profitant seulement à p. br..

Que l'expertise comptable qu'elle a organisée révèle qu'en 2008 et 2009, alors que la SAM Capex Europe subissait des pertes très importantes, les surfacturations ont généré dans le même temps un profit de 18.600.000 euros ; qu'en 2008, une sortie de 1.500.000 dollars a été enregistrée de Global service maritime vers Volcano , en 2009 une sortie de 4.000.000 dollars de Global service maritime vers Vulcano ainsi que des virements de 6.400.000 dollars de Volcano et Global service maritime vers le compte de p. br..

Que Global service maritime et Vulcano réalisaient ainsi des profits grâce aux contrats conclus avec la SAM Capex Europe, transférés ensuite sur le compte de p. br..

Que c'est à tort que le juge des référés retient qu'il n'est pas fait état de l'intervention des sociétés Blackwood et Sulaco dans les pièces produites et que le fait que p. br. et f. ve-ma. en soient les bénéficiaires économiques ne suffit pas à caractériser ce principe, pas plus que les transferts de fonds qui auraient été opérés de Global service maritime au profit de ces sociétés.

Qu'en effet, l'arrêt du 23 avril 2013 relève qu'aucune explication n'est donnée par p. br. sur les mouvements de fonds affectés sur son compte ou celui de Blackwood depuis celui de Global service maritime.

Que l'expertise comptable révèle qu'en 2009, alors que les avoirs de Global service maritime proviennent uniquement de la surfacturation au préjudice de la SAM CAPEX, des virements de Global service maritime vers Blackwood pour un montant de 2.850.000 dollars sont établis, sans explication de p. br. sur ce point ; que Sulaco a été bénéficiaire de virements en 2008 et 2009 d'une somme de 3.431.119 dollars de la part de Global service maritime ; que les explications de f. ve-ma. qui a utilisé cette somme pour acheter un immeuble d'une valeur de 1.500.000 euros sont confuses et ne sont étayées par aucune pièce, alors qu'il invoque des prêts ou un partage de bénéfices.

Attendu que les sociétés intimées demandent à la Cour

de :

«Rejeter le moyen de la SAM Capex Europe tiré de la violation du secret de l'instruction.

Constater que le caractère certain des créances alléguées fait défaut.

En conséquence,

Confirmer l'ordonnance présidentielle rendue le 15 janvier 2014.

Ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée selon exploit du 3 mai 2013.

Condamner la SAM Capex Europe aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, Avocat-Défenseur, sous son affirmation de droit… ».

Attendu qu'elles font valoir qu'il appartient à la SAM Capex Europe de rapporter la preuve d'un principe certain de créance, aucune d'entre elles n'ayant été reconnue contractuellement ou délictuellement débitrice à son égard.

Que la partie civile et les tiers ne sont pas tenus au secret de l'instruction au regard, d'une part, de l'article 31 du Code de Procédure Pénale qui vise seulement les personnes concourant à la procédure (magistrats, auditeurs de justice, greffiers…), d'autre part de la jurisprudence issue de l'article 11 du Code de Procédure Pénale français, selon laquelle la faculté pour une partie de produire des pièces d'une procédure pénale, comme l'a fait d'ailleurs la SAM Capex Europe, ne constitue pas une violation du principe du contradictoire et de l'égalité des armes ; que la SAM Capex Europe, qui reconnaît que les sociétés intimées ne sont pas fictives, doit donc admettre leur indépendance et leur qualité de tiers à la procédure pénale.

Qu'aucun contrat n'a été conclu entre la SAM Capex Europe et les sociétés Blackwood, appartenant à p. br. et Sulaco appartenant à f. ve-ma. qui sont étrangères aux faits objet de la procédure pénale et ne sont pas entrées en relation d'affaires avec la SAM Capex Europe.

Qu'aucun document probant et objectif n'a été produit sur la créance de la SAM Capex Europe à l'encontre de Vulcano et Global service maritime, comme l'a relevé à juste titre le juge des référés ; que les pièces désormais versées aux débats par l'appelante ne démontrent pas l'existence d'une créance contractuelle, en ce qu'elles établissent seulement que la SAM Capex Europe affrétait des navires à Vulcano et Global service maritime qui les affrétaient elles mêmes à des armateurs.

Que ces pièces n'établissent pas la prétendue fictivité des prestations, les chartes parties des 6 février et 13 mars 2009 prouvant simplement que Global service maritime a affrété au voyage EDF deux navires, sans permettre d'en déduire que Global service maritime n'aurait pas rempli ses obligations d'affréteur, ni que la SAM Capex Europe les aurait remplies à sa place et que des garanties aient été appelées, contraignant la SAM Capex Europe à se substituer à Global service maritime.

Qu'à la suite d'une procédure d'arbitrage à laquelle Global service maritime a attrait à LONDRES la SAM Capex Europe qui n'avait pas rempli ses obligations, l'arbitre a conclu que cette dernière lui reste redevable de soldes de fret, «surestaries» et dommages et intérêts.

Que la SAM Capex Europe n'est pas davantage titulaire d'une créance délictuelle et ne fait état d'aucune faute qui aurait été commise ; que la thèse de l'interposition de Global service maritime entre la SAM Capex Europe et les armateurs pour générer une surfacturation est contestée dans la procédure pénale.

Que la thèse de la surfacturation ne repose ni sur l'expertise comptable, ni sur les avis des universitaires qui sont inopérants, le premier, non daté ni signé devant être rejeté des débats, le second ayant été commandé et payé par l'appelante.

Que le juge des référés a retenu à juste titre que M. at. connaissait Volcano , cet élément d'importance étant prouvé par les chartes parties versées aux débats démontrant que la SAM Capex Industries affrétait des navires à Vulcano et Global service maritime et que l'existence de 2 chartes impliquait nécessairement 2 factures de fret différentes, la première de l'armateur à Global service maritime, la seconde de Global service maritime à la SAM Capex Europe, les taux étant différents car les frets n'étaient pas les mêmes.

Que le juge des référés a également relevé que la SAM Capex Europe ne produisait qu'une pièce faisant mention de Global service maritime et Volcano , pour en déduire à juste titre qu'aucune ne concernait Sulaco et Blackwood.

Que la créance de la SAM Capex Europe sur p. br. sera incertaine tant que sa responsabilité ne sera pas établie par une condamnation définitive, qui ne peut résulter d'une décision de référé statuant sur une mesure conservatoire.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;

SUR CE,

Sur la demande de rejet des pièces issues de la procédure pénale

Attendu que c'est par des motifs exempts de critique que le juge des référés relève que les sociétés intimées ne concourent pas à la procédure pénale dans les termes de l'article 31 du Code de Procédure Pénale issu de sa rédaction du 9 octobre 2012 et que les dispositions de ce texte ne lui sont pas applicables ; que ce magistrat a ainsi rejeté à bon droit la demande de la SAM Capex Europe visant à voir déclarer irrecevables les pièces produites par les intimées provenant du dossier d'instruction N4/10 en cours ; que l'absence de date et signature sur le rapport des consultants de la SAM Capex Europe, n'implique pas pour autant que cette pièce, dont l'appréciation au fond reste soumise à la Cour, soit rejetée des débats ;

Sur la demande de mainlevée de la saisie-arrêt

Attendu que les sociétés Global service maritime et Vulcano ont conclu plusieurs contrats d'affrètement avec la SAM Capex Europe aux termes desquels cette dernière, se déclarant lésée par le caractère fictif des prestations contractuellement prévues dont le paiement lui aurait ainsi été frauduleusement imposé, a engagé d'une part, une action pénale contre p. br., intervenu dans la signature des contrats tant en sa qualité de bénéficiaire économique de ces sociétés que d'administrateur délégué de la SAM Capex Europe, d'autre part, la présente procédure civile conservatoire ;

Attendu que par arrêt du 23 avril 2013, la Cour, après avoir rappelé les fondements distincts des actes issus de ces procédures, les uns portant sur l'utilité pour la manifestation de la vérité du maintien des mesures de blocage des comptes bancaires, les autres sur la sauvegarde des droits du créancier saisissant, a retenu l'existence d'un principe certain de créance de la SAM Capex Europe à l'encontre de p. br. ;

Attendu qu'elle a déduit l'existence de ce principe du conflit financier qui les opposait et de son volet pénal en cours d'instruction, des conclusions d'une expertise-comptable, contradictoirement débattue, décrivant la complexité des opérations financières et évaluant le montant des surfacturations querellées à une somme d'environ 4 millions de dollars, de l'intervention des sociétés Blackwood et Sulaco Invest contrôlées par p. br. bénéficiaires de virements en provenance de Global service maritime appartenant à ce dernier, de l'absence de prestations susceptibles de justifier les différences de facturation constatées, ainsi que de l'absence d'autorisation préalable des dirigeants de la SAM Capex Europe à la signature de contrats FFA sans lien avec son activité réelle mais à l'origine de ses lourdes pertes, dans lesquelles p. br. admet une part de responsabilité ;

Attendu en conséquence que le fait, relevé par le juge des référés à l'appui de sa motivation, que les sociétés Global service maritime et Volcano ne soient pas poursuivies dans le cadre de l'instruction pénale en cours apparaît inopérant dans la mesure où les actions engagées ont un fondement et une finalité distincts ;

Attendu que ces sociétés, dont ce magistrat constate, à juste titre, que p. br. est le bénéficiaire économique ne s'analysent pas autrement que comme les structures juridiques par l'intermédiaire desquelles celui-ci s'est interposé dans la relation entre la SAM Capex Europe et les armateurs pour l'affrètement de navires ;

Attendu que ces sociétés ne versent aux débats aucune pièce de nature à démontrer la réalité de leurs prestations, voire des moyens dont elles auraient disposé pour les exécuter, alors qu'il ressort, tant des déclarations de l'administrateur de la société Volcano que la seule activité de cette structure était de «détenir des comptes bancaires» et de celles de l'administrateur de la société Monaco Sea Trade que ces dernières n'apportaient aucun service supplémentaire ;

Attendu que la SAM Capex Europe soutient essentiellement que la garantie, que ces sociétés prétendaient offrir pour justifier leur rémunération était fictive ; qu'elle produit pour sa part diverses pièces justificatives, et notamment la charte partie du 13 mars 2009 établissant que la société Global service maritime était garantie en fait par la SAM Capex Europe dans ses relations avec l'armateur Clipper ; qu'elle démontre ainsi que cette société intimée n'assumait aucun risque à l'égard de l'armateur qui attestait, dans une correspondance produite par l'appelante mais jugée insuffisante par le juge des référés, qu'il «aurait reconsidéré sa position» si une telle garantie avait été refusée ;

Attendu que la motivation retenue par ce magistrat, selon laquelle cette seule correspondance ne peut en elle même constituer la preuve que Global service maritime ne prenait ainsi aucun risque s'avère en conséquence dénuée de fondement ;

Attendu que la SAM Capex Europe produit également en appel une autre charte partie, en date du 6 février 2009, conclue entre une autre compagnie et Global service maritime, stipulant que cette dernière était bien garantie par la SAM Capex Europe, ce qui démontre une nouvelle fois qu'elle n'assumait aucun risque ;

Attendu que ces éléments permettent de retenir que le transfert de risques vers les sociétés Global service maritime et Volcano , cette dernière intervenant dans les mêmes conditions que la première, n'est aucunement établi par ces sociétés, lesquelles ne peuvent justifier de ce chef le montant des facturations qu'elles établissaient à l'ordre de la SAM Capex Europe ;

Attendu que le fait que M. at. connaisse l'existence de la société Vulcano pour avoir été en relation d'affaires dans le cadre de contrats conclus en sa qualité de dirigeant de la SAM Capex Industries apparaît insuffisant à démontrer qu'il était informé pour autant des conditions dans lesquelles la société Vulcano intervenait à l'égard de la SAM Capex Europe ;

Attendu qu'il se déduit de ces éléments que l'existence d'un principe certain de créance de la SAM Capex Europe à l'encontre des sociétés Global service maritime et Vulcano est ainsi établi ;

Attendu que le rapport de l'expert-comptable de la SAM Capex Europe, dont l'arrêt susvisé rappelle que la valeur probante ne peut être a priori suspectée, s'agissant d'un professionnel engageant sa responsabilité, relève l'importance des virements effectués de la SAM Capex Europe vers la société Global service maritime, représentant le montant des facturations querellées dans les conditions analysées plus haut, puis de cette dernière société vers la société Blackwood, sans que son bénéficiaire économique p. br. ne justifie ces mouvements ;

Attendu que le fait que la société Blackwood n'apparaisse pas directement dans le cadre de ces facturations n'est donc pas de nature à permettre de retenir que la SAM Capex Europe ne dispose pas d'un principe certain de créance à son encontre qui doit s'étendre à cette société dont p. br. est le bénéficiaire économique ;

Attendu que le même rapport démontrant l'importance des mouvements de fonds de la société Global service maritime vers la société Sulaco , les même conclusions doivent être retenues à l'encontre de cette dernière quant à l'existence d'un principe certain de créance de la SAM Capex Europe à son encontre, dès lors que son bénéficiaire économique, f. ve-ma. fait également preuve de la plus grande confusion pour expliquer les raisons de ces virements ;

Attendu qu'il y a donc lieu de réformer l'ordonnance du juge des référés en ce qu'elle a retenu que la SAM Capex Europe ne justifiait pas d'un principe certain de créance à l'égard des sociétés intimées et ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 3 mai 2013 ;

Attendu que les dépens de 1ère instance et d'appel suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

Confirme l'ordonnance du juge des référés du 15 janvier 2014 en ce qu'elle a débouté la SAM Capex Europe de sa demande d'irrecevabilité de pièces,

Réforme cette ordonnance, en ce qu'elle a rétracté l'autorisation de saisie-arrêt donnée le 29 avril 2013 à la SAM Capex Europe, ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée et condamné cette société aux dépens,

Condamne les sociétés Global service maritime corp, Volcano Shipping CO. SA, Blackwood Investments Overseas SA et Sulaco Invest INC. aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 8 AVRIL 2014, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de M. Jean-Jacques IGNACIO, substitut du Procureur Général.

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