Cour d'appel, 1 avril 2014, M.LO c/ B. PA. et La société de droit des îles vierges britanniques T
Abstract🔗
Vente – Obligations du vendeur - Contrat et obligations - Acte sous seing privé – Inexécution fautive (oui) - Promesse de porte fort
Résumé🔗
Selon l'article 975 du Code civil monégasque qui est le pendant de l'article 1120 du Code civil français et en vertu d'une jurisprudence constante, celui qui se porte fort de l'exécution d'un engagement par un tiers s'engage accessoirement à l'engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l'exécute pas lui-même.
En l'espèce, la société de droit anglais Q, a promis par un acte sous seing privé de vendre à Mme B. PA. les actions de la société de droit des îles vierges britanniques T, dont le seul actif consistait en un immeuble à Monaco. Madame M.LO s'est portée fort de la société qui s'est engagée à terminer les travaux de rénovation et à en supporter le coût. Ces travaux n'ont été effectuées que partiellement et un rapport d'expertise constate des malfaçons.
La Cour constate que l'appel dévolutif se limite à la responsabilité de M.LO sur la base de son engagement de porte fort dès lors que la société ne conteste pas le manquement à ses obligations, tels qu'ils ont été reconnus en première instance. Mme M.LO est donc de plein droit responsable des suites de l'inexécution des engagements du débiteur garanti, en l'occurrence B. PA. et doit réparer les préjudices subis. La Cour confirme le jugement de première instance, en considérant qu'il n'y a pas eu d'interprétation erronée de la promesse de porte fort et que Mme M.LO n'a pas été considérée engagée comme maître d'ouvrage ou sa déléguée. L'acte sous seing privé conclu a bien une valeur contractuelle faisant peser un certain nombre d'obligations pour le vendeur, notamment de réaliser des travaux de rénovation. Dès lors que Mme M.LO a accepté de se porter fort de l'ensemble des engagements pesant sur la société de droit anglais Q., elle est en conséquence garante de la réalisation des travaux, de leur achèvement dans des conditions satisfaisantes et du paiement des corps d'état les ayant réalisés.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
R.4358
ARRÊT DU 1er AVRIL 2014
En la cause de :
- Madame M.LO divorcée al., demeurant et domiciliée X1 à Monaco (98000),
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Patrick BERARD, avocat au Barreau de Nice,
APPELANT,
d'une part,
contre :
1.- Madame B. PA. née va., demeurant et domiciliée X2 à Monaco (98000),
2.- la société de droit des îles vierges britanniques T., , dont le siège social est situé X3 - Tortola (British Virgins Islands), prise en la personne de son Managing director en exercice, domicilié audit siège,
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur,
INTIMÉES,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 22 novembre 2012 (R.2020) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire N, huissier, en date du 15 mars 2013 (enrôlé sous le numéro 2013/000121) ;
Vu les conclusions déposées les 21 mai et 3 décembre 2013, par Maître MICHEL, avocat-défenseur, au nom de B. PA. née va. et de la société de droit des îles vierges britanniques T ;
Vu les conclusions déposées le 29 octobre 2013, par Maître PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de M.LO divorcée al. ;
À l'audience du 4 février 2014, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par M.LO divorcée al., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 22 novembre 2012 ;
Considérant les faits suivants :
Suivant acte sous-seing privé en date du 5 mars 1999 la société de droit anglais Q, représentée par s. PE., a promis de vendre à B. PA. née va. les actions de la société de droit des îles vierges britanniques T dont le seul actif consistait en un immeuble dénommé « Y » sis X4 à Monaco, la venderesse s'engageant à terminer les travaux de rénovation entamés par elle ainsi qu'à en supporter le coût.
Par acte du même jour M.LO divorcée al. s'est portée fort des engagements pris par la société de droit anglais Q envers B. PA. à titre personnel ainsi que pour le compte de ses héritiers ou représentants.
Il s'est avéré que les travaux qui devaient être réalisés par la société de droit anglais Q. n'ont été que partiellement effectués, un rapport d'expertise judiciaire ayant mis en exergue les différents désordres et malfaçons les affectant.
C'est en cet état que B. PA. et la société de droit des îles vierges britanniques T assignaient notamment M.LO par devant le Tribunal de première instance lequel, après expertise, rendait le jugement entrepris auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure.
Aux termes de ce jugement le Tribunal de première instance a :
- Condamné la société de droit anglais Q à payer à B. PA. et la société de droit des îles vierges britanniques T les sommes suivantes :
17.150,51 euros pour le retard ;
50.000 euros pour le trouble de jouissance ;
31.227,86 euros HT + 6.500 euros HT pour les travaux de couverture ;
26.210 euros HT pour les travaux d'étanchéité ;
4.000 euros HT pour la ferronnerie ;
21.600 euros HT pour les dalles tachées ;
800 euros HT pour le revêtement sol salle de bains ;
18.100 euros HT pour le revêtement sol des terrasses ;
- Condamné M.LO à payer les sommes susdites à B. PA. en exécution de la promesse de porte-fort ;
- Condamné in solidum la société de droit anglais Q et M.LO à payer à B. PA. et la société de droit des îles vierges britanniques T la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- Condamné la société SCS F in solidum avec la société de droit anglais Q et M.LO à payer la somme de 800 euros au titre du revêtement de sol salle de bains à la société de droit des îles vierges britanniques T ;
- Condamné la société de droit des îles vierges britanniques T à payer à Fabrice N la somme de 20.275,72 euros au titre de ses honoraires avec intérêts légaux à compter du 8 mars 2012 ;
- Condamné la société de droit des îles vierges britanniques T à payer à la SCS F la somme de 39.319,49 euros pour solde de factures avec intérêts légaux à compter du 10 mars 2004 ;
- Condamné la société de droit anglais Q à garantir la société de droit des îles vierges britanniques T des condamnations prononcées contre elle ;
- Rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires ;
- Condamné la société de droit anglais Q et M.LO aux dépens y compris ceux réservés par jugement du 27 avril 2006 ;
Par son exploit d'appel du 15 mars 2013 M.LO divorcée AL. demande à la Cour, vu les articles 975, 1011, 1027, 1055 du Code civil et le jugement en date du 22 novembre 2012 rendu par le tribunal de première instance, de bien vouloir :
« dire et juger que l'engagement de porte-fort est indépendant de celui du tiers dès lors que les obligations sont de natures différentes ;
dire et juger qu'ainsi, les obligations ne peuvent emporter solidarité dès lors que le porte-fort et le tiers ne sont pas obligés à une même chose ;
dire et juger que l'engagement de Madame LO. ne pouvait être assimilé à celui de maîtrise d'ouvrage ;
dire et juger que l'obligation du porte-fort ne peut être affectée par le sort de l'obligation du tiers promis en ce sens que Madame LO. ne peut être tenue des désordres provenant de la mauvaise exécution des travaux, exclusivement imputables à la société V. dans l'exécution de sa mission de maîtrise d'ouvrage ;
dire et juger que l'obligation de Madame LO., en sa qualité de porte-fort, ne portait que sur l'extinction du passif et les dettes de la société au cours de la livraison, ainsi que sur la terminaison des travaux ;
constater que, conformément aux termes de la convention, au cours de la livraison, la société de droit des îles vierges britanniques T ne souffrait d'aucun passif ou dette d'une part, et que les travaux étaient terminés, d'autre part ;
dire et juger qu'ainsi l'obligation de Madame LO. était pleinement satisfaite ;
dire et juger que la responsabilité de Madame LO. ne peut être engagée ;
en conséquence, réformer le jugement en ce qu'il a condamné Madame M.LO à payer les sommes suivantes en exécution de la promesse de porte-fort :
17 150,51 euros pour le retard
50 000 euros pour le trouble de jouissance
31 227,86 euros HT + 6 500 euros HT pour les travaux de couverture
26 210 euros HT pour les travaux d'étanchéité
4 000 euros HT pour la ferronnerie
21 600 euros HT pour les dalles tachées
800 euros HT pour le revêtement sol salle de bains
18 100 euros HT pour le revêtement sol des terrasses ;
réformer le jugement en ce qu'il a condamné Madame M.LO in solidum avec la société de droit anglais Q à payer à Madame B. PA. et la société de droit des îles vierges britanniques T la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
réformer le jugement en ce qu'il a condamné Madame M.LO in solidum avec la société de droit anglais Q et la société SCS F à payer la somme de 800 euros au titre du revêtement de salle de bains à la société de droit des îles vierges britanniques T ;
condamner in solidum Madame B. PA. et la société de droit des îles vierges britanniques T à payer à Madame M.LO la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
condamner in solidum Madame B. PA. et la société de droit des îles vierges britanniques T aux entiers dépens de première instance et d'appel (…) »
Elle fait grief au Tribunal d'avoir, en la condamnant aux entiers travaux de reprise, notamment fait une mauvaise interprétation de l'engagement de porte fort prévu à l'article 975 du Code civil et de s'être trompé sur la véritable portée de son engagement ainsi que sur l'accomplissement de l'obligation pesant sur elle.
1/ Sur la mauvaise interprétation de l'engagement de porte fort :
C'est ainsi qu'elle expose que l'obligation pesant sur le porte fort est une obligation de faire, faire en sorte que le tiers ratifie la promesse que lui-même a faite au bénéficiaire, le promettant ne s'engageant pas à exécuter lui-même l'obligation du tiers défaillant, mais à faire que le tiers l'exécute.
C'est en ce sens que l'obligation du promettant est, par principe, indépendante de celle du tiers et ne peut pas être affectée par le sort de l'obligation relevant du fait promis, les engagements du tiers et du porte fort ne sont pas de même nature et ne portent pas sur la même obligation : ce sont des obligations autonomes. En condamnant M.LO à payer à B. PA. la totalité des travaux de reprise, le Tribunal s'est mépris sur la nature de l'engagement du porte fort puisqu'une telle condamnation reviendrait à la considérer comme étant engagée en qualité de maître d'ouvrage.
Or, le maître d'ouvrage est désigné dans la convention comme étant la société de droit anglais Q et aucun maître d'ouvrage délégué n'est prévu.
Le Tribunal a alors estimé que M.LO et la société de droit anglais Q. étaient engagées solidairement dans la réalisation de travaux et a indirectement fait application des dispositions de l'article 1055 du Code civil disposant « qu'il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité ». Toutefois les obligations du porte fort et du tiers sont autonomes et de nature différente, elles ne peuvent être solidaires, la promesse de porte fort n'emportant aucune solidarité avec le tiers dès lors qu'ils ne sont pas « obligés à une même chose ».
En outre, la solidarité ne se présume pas et au cas particulier la responsabilité de M.LO doit s'apprécier en fonction de l'obligation à laquelle elle était tenue, obligation distincte de celle de la société de droit anglais Q.
2/ Sur la véritable portée de l'engagement de M.LO :
Il appert des termes clairs de la promesse de porte fort que celle-ci ne porte que sur « les engagements du vendeur de tout passif et dette qui pourra en résulter au cours de la livraison de la Propriété » et qu'ainsi la portée de l'engagement de M.LO ne concernait que le désintéressement et le paiement des entreprises qui sont intervenues sur le chantier de rénovation. Il s'agit donc d'un engagement parfaitement précis et déterminé.
Cet engagement ne pouvait être étendu aux risques résultant de la mauvaise exécution des travaux qui se serait révélée postérieurement à la livraison ; cette garantie n'étant pas prévue par la convention.
Le Tribunal a donc fait une interprétation extensive en dénaturant les termes de la convention de porte fort en méconnaissance de l'article 1011 du Code civil aux termes duquel :
« on doit rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes »,
M.LO n'ayant jamais consenti à voir sa responsabilité engagée de manière aussi large et indéterminée pour des risques exclusivement imputables au maître d'ouvrage, d'autant que l'article 1017 du même code dispose qu'en cas de doute, la convention s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
3/ Sur l'accomplissement de l'obligation :
L'appelante relève que la société de droit des îles vierges britanniques T ne souffrait d'aucun passif, la société de droit anglais Q. ayant payé l'intégralité des factures des entreprises ce qu'a relevé l'expert B dans son rapport d'expertise en page 39 :
« à l'exception de l'architecte N qui nous a adressé copie de sa note d'honoraires du 28 octobre 1999, impayée à ce jour d'un montant de 133.000 francs hors taxe, soit 20.275,72 euros, nous n'avons reçu aucune réclamation de la part des parties ».
Dans ces conditions, en l'absence de passif ou dette et en raison de l'achèvement des travaux, l'engagement de M.LO est satisfait et cette dernière ne peut voir sa responsabilité engagée.
En la condamnant aux coûts des travaux de reprise le Tribunal a fait une application erronée de son engagement de porte fort en considérant que son obligation était solidaire de celle du tiers, alors que cet engagement, nécessairement distinct de celui de la société de droit anglais Q., ne portait expressément que sur l'extinction du passif et les dettes de la société au cours de la livraison, ainsi que sur la terminaison des travaux, engagement qui a été parfaitement satisfait au cours de la livraison.
Ainsi la responsabilité de M.LO ne saurait dès lors être engagée.
Par conclusions déposées le 21 mai 2013 B. PA. et la société de droit des îles vierges britanniques T demandent à la Cour de :
débouter M.LO - AL. des fins de son appel comme de l'ensemble de ses demandes ;
confirmer la décision entreprise et y ajoutant ;
condamner M.LO - AL. à prendre en charge la facture émise par M. N d'un montant de 20.275,72 euros hors taxes, soit 24.450,91 euros TTC, outre les intérêts de retard y afférents ;
condamner la même aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Elles font valoir pour l'essentiel que le moyen consistant à soutenir que la condamnation de M.LO reviendrait à la considérer comme le maître d'ouvrage, manque en droit comme en fait.
En effet, l'article 975 du Code civil dispose que « néanmoins, on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf l'indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l'engagement ».
Cet article est le pendant de l'article 1120 du Code civil français et il est constant en jurisprudence que celui qui se porte fort de l'exécution d'un engagement par un tiers s'engage accessoirement à l'engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l'exécute pas lui-même.
Au cas particulier, l'acte qui engage B. PA. et la société de droit anglais Q. s'analyse en une promesse de vente et d'achat d'actions assortie d'une obligation de faire au sens de l'article 956 du Code civil, pesant sur la société de droit anglais Q.
Cette obligation consistant pour la société venderesse à :
réaliser notamment des travaux de rénovation de la « Y » à ses frais,
faire en sorte que ces travaux soient réalisés dans les règles de l'art,
faire son affaire personnelle du règlement de toutes les factures dues à l'ensemble des corps d'état,
M.LO - AL. s'étant quant à elle « portée fort des engagements pris par la société de droit anglais Q. envers B. PA..
C'est donc en interprétant la convention de manière extrêmement restrictive que cette dernière entend se dégager de toute responsabilité. Or il résulte des dispositions de l'article 990 du Code civil que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.
M.LO ayant accepté d'être garante de l'ensemble des obligations qui pèsent sur la société de droit anglais Q. conformément aux dispositions de l'acte sous-seing privé du 5 mars 1999, est également garante de la réalisation des travaux, de leur achèvement dans des conditions satisfaisantes et du paiement des corps d'états qui les ont réalisés.
Etant en outre précisé que le porte fort est tenu d'une obligation de résultat, c'est à bon droit que le Tribunal a pu estimer « qu'en sa qualité de porte fort et par le jeu de l'obligation de résultat lui incombant, Mme LO. est responsable de l'inexécution des engagements du débiteur garanti et doit réparation des préjudices subis ».
Les intimées relèvent encore que c'est à tort que M.LO croit pouvoir faire grief à la décision entreprise d'avoir indirectement fait application des dispositions de l'article 1055 du Code civil qui traite du mécanisme de solidarité alors que le Tribunal n'a pas condamné solidairement la société de droit anglais Q. et M.LO au paiement des sommes listées au dispositif de sa décision, seuls les dommages et intérêts pour résistance abusive ayant fait l'objet d'une condamnation solidaire.
En définitive la décision querellée n'encourt en aucun cas les griefs formulés à son encontre et l'appelante ne pourra qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes.
S'agissant des factures et honoraires impayés il est avéré que celle de M. N en date du 28 octobre 1999, n'a pas été réglée à hauteur de la somme de 20.275,72 euros hors taxes alors qu'elle a bien été communiquée dans le cadre de l'expertise et a été annexée au rapport de l'expert. Dès lors M.LO devra être condamnée à la prendre en charge.
Son appel qui revêt un caractère manifestement abusif et dilatoire sera sanctionné par l'octroi au bénéfice des intimées, d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Aux termes d'écrits judiciaires déposés le 29 octobre 2013, M.LO après avoir repris les termes de son exploit d'appel entend répondre aux conclusions des intimées en faisant notamment valoir que leur raisonnement ne saurait prospérer dès lors qu'il reviendrait à faire application des règles de la solidarité et à la considérer comme la coobligée de la société de droit anglais Q., alors que tel n'est pas le cas puisqu'en l'espèce « l'obligation » dont s'agit s'entend du désintéressement des créanciers et non de la parfaite exécution des travaux.
Le Tribunal n'a pas recherché si l'engagement pris par M.LO était autonome de celui de la société de droit anglais Q., alors que la promesse de porte fort qu'elle a prise ne concernait qu'une obligation précise et isolée portant exclusivement sur la garantie des dettes ou passif, cette obligation étant totalement indépendante du reste des autres obligations pesant sur la société de droit anglais Q.
Son unique engagement, nécessairement distinct de celui de la société de droit anglais Q., ne portait que sur l'extinction du passif et les dettes de la société au cours de la livraison, ainsi que sur la terminaison des travaux ; engagement ayant été parfaitement satisfait au cours de la livraison, ce qui est de nature à dégager sa responsabilité.
En outre, en condamnant M.LO , le Tribunal a encore méconnu les dispositions de l'article 1173 du Code civil en ne recherchant pas si l'acte litigieux contenait la mention manuscrite prévue par ce texte et permettant de s'assurer de la connaissance de l'étendue de son engagement.
En conséquence la décision entreprise doit encore être réformée de ce chef.
Dans d'ultimes conclusions déposées le 3 décembre 2013, B. PA. et la société de droit des îles vierges britanniques T tenant pour répétées leurs précédentes écritures judiciaires entendent brièvement répondre aux derniers écrits de l'appelante.
Elles font notamment référence à un arrêt de la Cour de cassation française du 18 juin 2013 qui a estimé que l'engagement de porte fort constitue un engagement de faire, de sorte que la formalité prévue par l'article 1173 du Code civil ne lui est pas applicable.
Elles précisent notamment que la rédaction de la promesse de porte fort ne laisse aucune ambiguïté sur l'étendue de l'engagement de M.LO , lequel n'est pas limité au paiement d'éventuels passifs ou dettes uniquement, mais à tous les engagements pris par la société de droit anglais Q., dont elle était manifestement l'ayant droit économique.
Partant c'est à bon droit que la responsabilité de M.LO est recherchée et elle doit donc indemniser B. PA. des préjudices subis, à hauteur des sommes mentionnées par l'expert et reprises par le Tribunal dans le jugement querellé.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;
SUR CE,
Attendu que la Cour observe que l'objet du litige, tel qu'il lui est dévolu, est circonscrit à la question de la responsabilité de M.LO sur la base de son engagement suivant acte sous-seing privé du 5 mars 1999 aux termes duquel elle s'est portée fort des engagements pris par la société de droit anglais Q envers B. PA. et tels que résultant de la promesse de vente et d'achat d'actions du 5 mars 1999 ;
Attendu qu'à partir du moment où il a été retenu et non contesté - à défaut d'appel de la société de droit anglais Q. - que cette dernière a manqué à ses obligations (les désordres affectant l'ouvrage ont été constatés par expertise), par voie de conséquence M.LO , en sa qualité de porte fort et comme l'a justement retenu le Tribunal, par le jeu de l'obligation de résultat lui incombant est de plein droit responsable des suites de l'inexécution des engagements du débiteur garanti, en l'occurrence B. PA. et doit réparer les préjudices subis ;
Attendu que contrairement aux allégations de M.LO les premiers juges n'ont pas interprété de façon erronée la promesse de porte fort et ne l'ont pas considérée comme engagée en qualité de maître de l'ouvrage, seule la société de droit anglais Q. pouvant être juridiquement considérée comme telle ;
Que M.LO n'a pas plus été retenue comme maître d'ouvrage déléguée, rien dans l'acte du 5 mars 1999 ne prévoyant une telle qualité ;
Attendu que le moyen tiré d'une telle constatation improbable manque tant en droit qu'en fait ;
Attendu en effet que l'article 975 du Code civil monégasque qui est le pendant de l'article 1120 du Code civil français est clair et la jurisprudence est constante pour retenir que celui qui se porte fort de l'exécution d'un engagement par un tiers s'engage accessoirement à l'engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l'exécute pas lui-même ;
Attendu qu'au cas particulier il ne saurait être contesté, sauf à dénaturer l'acte sous-seing privé du 5 mars 1999 conclu entre la société de droit anglais Q. et B. PA., que celui-ci est un contrat au sens de l'article 956 du Code civil, la promesse de vente et d'achat étant assortie d'une obligation de faire pesant sur la société venderesse ;
Que cette obligation consistait notamment et expressément pour la société de droit anglais Q. à :
réaliser les travaux de rénovation de la villa vendue, à ses frais,
achever les ouvrages et notamment conserver la qualité de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception,
faire en sorte que le jour de la livraison de la propriété celle-ci soit libre de tous locataires (…) et que tous corps de métier soient payés en raison des travaux par eux effectués sur la propriété ;
Attendu qu'il est tout aussi constant que M.LO s'est « portée fort » des engagements pris par la société de droit anglais Q. envers B. PA. ;
Que la portée de cet engagement général, puisque non limité, ne saurait être réduite, comme le voudrait l'appelante à la seule garantie « des engagements du vendeur de tout passif et dette qui pourra en résulter au cours de la livraison de la propriété » ;
Que c'est manifestement en dénaturant la promesse de porte fort que M.LO croit pouvoir soutenir que la portée de son engagement ne concernait que le désintéressement et le paiement des entreprises qui sont intervenues sur le chantier et qu'il ne peut être étendu aux risques résultants de la mauvaise exécution des travaux qui se serait révélée postérieurement à la livraison ;
Attendu de plus fort qu'il s'évince des dispositions de l'article 990 du Code civil que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ;
Qu'en l'espèce, M.LO a accepté de se porter fort de l'ensemble des engagements pesant sur la société de droit anglais Q. et est en conséquence garante de la réalisation des travaux, de leur achèvement dans des conditions satisfaisantes et du paiement des corps d'état les ayant réalisés ;
Attendu que c'est donc par une exacte application de la règle de droit que les premiers juges ont pu statuer par des motifs qui sont adoptés par la Cour et retenir « qu'en sa qualité de porte fort et par le jeu de l'obligation de résultat lui incombant, Mme LO. est responsable de l'inexécution des engagements du débiteur garanti et doit réparation des préjudices subis » ;
Qu'il sera encore fait litière, à la suite du Tribunal, de l'argument tiré de l'application indirecte des dispositions de l'article 1055 du Code civil traitant du mécanisme de solidarité alors que le jugement entrepris n'a pas condamné solidairement la société de droit anglais Q. et M.LO au paiement des sommes listées à son dispositif, seuls les dommages et intérêts pour résistance abusive ayant fait l'objet d'une condamnation solidaire ;
Attendu enfin que c'est toujours à tort que l'appelante soutient in fine que le Tribunal aurait méconnu les dispositions de l'article 1173 du Code civil alors qu'au dernier état de sa jurisprudence la Cour de Cassation considère que l'engagement de porte fort constitue un engagement de faire de sorte que l'article 1326 du Code civil français dont le pendant en droit monégasque est l'article 1173 du même code, ne lui est pas applicable ;
Attendu au demeurant que, comme précisé supra, la promesse de porte fort ne laisse aucune place à l'interprétation de l'étendue de l'engagement de M.LO portant sur tous les engagements pris par la société de droit anglais Q. envers B. PA. ;
Attendu, s'agissant de la facture de l'architecte Fabrice N en date du 28 octobre 1999, s'il est avéré qu'elle n'a pas été réglée et même si M.LO ne répond pas à la demande de prise en charge par ses soins présentée par les intimées, il n'en est pas moins avéré qu'en vertu de l'adage « nul ne plaide par procureur », B. PA. et la société de droit des îles vierges britanniques T ne sauraient être reçues en leur demande de ce chef alors et surtout que Fabrice N, qui n'est pas en la cause en appel, dispose d'un titre à l'encontre de ladite société et qu'il ne peut y avoir contrariété de décision de ce chef ;
Que les intimées seront en conséquence déboutées de leur demande à ce titre ;
Attendu par contre que le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a condamné « in solidum » la société de droit anglais Q. et M.LO à payer aux intimées la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, leur attitude les ayant obligées à recourir à justice pour voir reconnaître leur droit ;
Qu'il n'est enfin pas établi que l'appelante ait fait dégénérer en abus son droit consistant en l'exercice naturel d'une voie de recours et partant les intimées seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts de ce chef ;
Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société de droit anglais Q. et M.LO aux dépens, en ce compris ceux réservés par jugement du 27 avril 2006 ;
Attendu que les dépens d'appel suivant la succombance, M.LO divorcée al. devra intégralement les supporter dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL avocat défenseur sous sa due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions frappées d'appel,
Dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande afférente à la prise en charge par M.LO de la facture de l'architecte Fabrice N,
Déboute en conséquence les intimées de ce chef de demande,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne M.LO divorcée al. aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 1er AVRIL 2014, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire remplissant les fonctions de substitut du Procureur Général en vertu de l'article 22 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.