Cour d'appel, 11 mars 2014, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « G » c/ La SCI O
Abstract🔗
Copropriété - Assemblée générale des copropriétaires - Vote d'une résolution - Majorité des 2/3 requise - Acte de disposition sur les parties communes - Atteinte à la destination de l'immeuble (non) - Inutilité des tréfonds - Rejet de l'action en nullité
Résumé🔗
Il n'y a pas lieu d'annuler la résolution adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires portant autorisation de la pose de tirants dans le tréfonds de la copropriété. Cette résolution a été adoptée à la majorité des 2/3 requise conformément à la loi du 8 janvier 2007. En effet, l'aliénation portait sur des parties communes qui ne présentaient plus réellement d'utilité, s'agissant d'un tréfonds au-dessus duquel est bâti la copropriété, ni davantage un caractère essentiel, dans la mesure où il n'est pas établi qu'elle portait atteinte à la destination de l'immeuble.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 11 MARS 2014
En la cause de :
- SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE « G », sis X1 Monaco, agissant poursuites et diligences de son syndic en exercice, la société anonyme monégasque dénommée SAM E, exerçant sous l'enseigne « A », dont le siège social est à Monaco, X2, représentée par son Président délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- la SCI O, dont le siège social est sis « X », X3 - 98000 Monaco, représentée par son gérant en exercice M. V GA ;
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'une part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 23 février 2012 (R. 2923) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 23 avril 2012 (enrôlé sous le numéro 2012/000122) ;
Vu les conclusions déposées les 23 juillet 2012 et 11 mars 2013, par Maître LICARI, avocat-défenseur, au nom de la SCI O ;
Vu les conclusions déposées les 27 novembre 2012 et 15 octobre 2013 par Maître GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble G ;
À l'audience du 21 janvier 2014, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble G, à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 23 février 2012.
Considérant les faits suivants :
La Cour statue sur l'appel relevé le 23 avril 2012 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble G à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 23 février 2012 et entend se référer à l'exposé par les premiers juges des faits, de la procédure et des prétentions des parties.
Il suffit, dès lors, de rappeler les éléments ci-après énoncés :
Dans le cadre de la construction de l'ensemble immobilier O, la société anonyme N et le syndicat précité régularisaient un protocole d'accord pour l'utilisation du tréfonds de la copropriété G consistant en l'implantation d'un nombre déterminé de tirants provisoires.
Le nombre de tirants en définitive posés s'avérant largement supérieur à celui convenu, un nouveau protocole d'accord était voté lors de l'assemblée générale extraordinaire du 8 avril 2010.
La SCI O, opposante, saisissait le Tribunal de Première Instance d'une action en nullité de l'assemblée générale ou à défaut de la résolution adoptée, lequel dans son jugement susvisé prononçait la nullité de ladite résolution et rejetait toutes demandes plus amples ou contraires.
Pour obtenir la mise à néant de la décision entreprise, le syndicat de copropriété de l'immeuble G reproche au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en considérant que le protocole litigieux constituait un acte de disposition portant sur les parties communes soumis à la majorité des 2/3 de l'article 16 de la loi n° 1329.
Il fait essentiellement valoir dans ses écritures, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample de ses moyens et arguments :
- que l'objet du protocole était de fixer le montant de l'indemnité complémentaire à verser en compensation de la nouvelle implantation de tirants,
- que l'allocation d'une indemnité complémentaire ne constitue pas un acte de disposition, pas davantage que l'autorisation temporaire accordée dans la mesure où aucun droit sur le tréfonds n'a été conféré,
- que la majorité requise pour l'adoption de ce protocole était celle de la majorité simple de l'article 14 de la loi sur la copropriété qui a été atteinte lors de la résolution critiquée,
- que par suite l'approbation du protocole est régulière.
En définitive, l'appelant demande à la Cour de réformer la décision déférée et, statuant à nouveau, de dire que la résolution n° 3 de l'assemblée générale qui s'est tenue le 8 avril 2010 a été valablement adoptée à la majorité requise et de condamner la société O à lui payer la somme de 15.000 euros pour procédure abusive.
La société O, intimée, réplique en soulevant à titre principal l'irrecevabilité de l'appel faute pour le syndicat d'avoir été préalablement autorisé par une assemblée générale à agir en justice, en relevant que l'appel ne figure pas au nombre des exceptions de l'article 21 alinéa 2 de la loi précitée.
À titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement par substitution de motifs, ou à tout le moins par adoption pure et simple.
Dans ses écritures auxquelles il est expressément renvoyé, elle reprend devant la Cour les moyens et arguments soutenus devant le premier juge, en poursuivant l'annulation pour violation des règles relatives au fonctionnement de l'assemblée générale tenant à :
- à titre principal, la violation de la règle de l'unanimité : selon elle, la résolution nécessitait l'unanimité des voix car le protocole autorisait l'installation définitive des tirants et constituait une aliénation des parties communes, ou à tout le moins une création d'une servitude, dont la conservation est nécessaire à la destination de l'immeuble de laquelle participe sa solidité,
- à titre subsidiaire :
l'illégalité de la nouvelle assemblée générale du 8 avril 2010 dès lors que le quorum avait été atteint lors de la première assemblée du 11 mars précédent et qu'en toutes hypothèses le cas d'espèce ne relève pas de l'article 15 de la loi,
un abus de majorité, la pose des tirants n'ayant servi qu'à sécuriser l'immeuble en construction voisin,
la fraude, la preuve de la désactivation des tirants faisant défaut alors qu'une telle désactivation entraînerait, un écroulement de l'G.
L'intimée reproche en outre aux premiers juges d'avoir écarté l'application de l'article 17, et ce, compte tenu des conséquences de l'implantation de tirants dans des parties communes nécessaires au respect de la destination de l'immeuble, la jurisprudence d'espèce citée étant inapplicable au cas présent.
Le syndicat appelant a répliqué le 15 octobre 2013 pour conclure à la recevabilité de son appel dans la mesure où l'article 21 de la loi du 8 janvier 2007 n'impose aucune autorisation préalable de l'assemblée générale lorsqu'il est défendeur à une action, et porter sa demande de dommages et intérêts à 50.000euros.
Sur le fond, il soutient que l'analyse des premiers juges est erronée relativement à la majorité requise puisqu'aucun transfert de propriété ni création de droit réel n'est résulté du protocole - circonstance exclusive de tout empiètement - dans la mesure où l'implantation avait été autorisée par un premier protocole.
En réponse à l'argumentation de l'intimée, il observe que :
- l'article 15 de la loi précitée ouvre la possibilité de convoquer une nouvelle assemblée générale pour statuer sur la même résolution,
- aucun abus de majorité n'est rapporté dans la mesure où la décision a été prise dans l'intérêt des copropriétaires,
- aucun danger ne pèse sur la structure et la solidité de l'immeuble alors que les tirants, désactivés depuis l'été 2010, ne sont désormais que des tiges de métal sur lesquelles la SA N n'a aucun droit.
Enfin le comportement préjudiciable de la société O, qui s'obstine à soutenir que l'immeuble serait en péril et le somme de le mettre en sécurité, rend justifiée sa demande de dommages-intérêts compte tenu des frais importants engagés pour assurer sa défense.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;
SUR CE,
Attendu qu'il convient liminairement d'observer que la société O, qui soulève l'irrecevabilité de l'appel, n'est pour sa part pas appelante de la décision litigieuse ;
Que toutefois et à titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement par substitution de motifs, et subsidiairement sur ce point, sa confirmation pure et simple ;
Attendu qu'en l'état de ses prétentions, la Cour est donc uniquement appelée à statuer sur la régularité de la résolution n° 3 adoptée lors de cette assemblée générale ; que dès lors les moyens qu'elle développe subsidiairement sur la nullité de l'assemblée générale du 8 avril 2010 s'avèrent inopérants à défaut d'appel incident ;
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu qu'aux termes de l'article 21 de la loi n° 1329 du 8 janvier 2007, le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été préalablement autorisé par une décision de l'assemblée générale, une telle autorisation n'étant toutefois pas nécessaire pour défendre aux actions intentées contre le syndicat ;
Que ce texte n'exige pas que, pour interjeter appel, le syndic soit autorisé par l'assemblée générale, que le syndicat ait été demandeur ou défendeur en première instance ;
Que l'appel, au demeurant régularisé dans les délais imposés par la loi, doit donc être déclaré recevable ;
Sur le bien fondé de l'appel
Attendu que le syndicat appelant fait grief aux premiers juges d'avoir méconnu la majorité requise pour l'adoption de la résolution critiquée ;
Attendu que les premiers juges ont de façon pertinente procédé à l'analyse du protocole soumis au vote des copropriétaires à l'effet d'en déterminer son objet, et de la sorte les conditions de majorité requises à son approbation ;
Attendu en effet qu'il résulte des dispositions de la loi relative à la copropriété des immeubles bâtis (articles 14, 15, 16 et 17) que la décision à prendre par l'assemblée générale doit être votée à :
la majorité simple pour les actes d'administration,
la majorité absolue pour les actes de disposition portant sur les parties communes ou sur les droits accessoires aux parties communes résultant d'obligations légales ou réglementaires,
la majorité absolue des 2/3 des copropriétaires pour les actes de disposition, autres que ceux visés à l'article 15, portant sur les parties communes dont la conservation de cette partie commune n'est pas nécessaire au respect de la destination de l'immeuble,
l'unanimité si, au contraire, cette aliénation porte atteinte à la destination de l'immeuble ;
Attendu qu'il est constant que la copropriété de l'immeuble G après avoir autorisé la pose, dans son tréfonds, d'un nombre limité de tirants à caractère provisoire destinés à être désactivés, suivant protocole du 25 juin 2004 et son avenant du 3 novembre 2005, s'est trouvée confrontée à une implantation nettement supérieure en nombre qui a donné lieu à l'établissement d'un protocole d'accord adopté en assemblée générale le 8 avril 2010 à la majorité de tous les copropriétaires (4.855 tantièmes sur 8.281) ;
Attendu qu'il est exposé dans ce protocole, que « suite à une implantation massive et non autorisée de tirants dans le tréfonds de la copropriété G », une contrepartie financière à l'occupation du tréfonds était convenue ;
Qu'ainsi le syndicat de la copropriété ne peut valablement prétendre qu'une autorisation irrévocable d'occuper le tréfonds résultait du seul premier protocole, s'agissant d'une occupation strictement limitée dont le dépassement a donné lieu à la naissance d'un litige entre les parties réglé par le protocole litigieux destiné à régulariser l'occupation en dehors des limites fixées ;
Attendu que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges, après avoir relevé qu'une autorisation sans limitation du nombre de tirants résultait désormais de cet acte, ont considéré que ce dernier protocole constituait un acte de disposition portant sur les parties communes, ce qui excluait la possibilité de l'adopter tant à la majorité simple qu'à la majorité absolue dans la mesure où il ne s'agit pas d'un acte résultant d'obligations légales ou réglementaires ;
Qu'en effet, dans la mesure où il n'est pas discuté que ces tirants n'ont pas été retirés du tréfonds - leur désactivation, pourtant avérée (pièce n° 12 de l'appelant) ou leur absence de désactivation important dès lors peu -, ces éléments constituent une véritable emprise autorisée sur les parties communes de laquelle il résulte une aliénation de celles-ci dans la mesure où les conditions de leur usage et de leur jouissance s'en trouvent modifiées ;
Que la position des premiers juges ne saurait être utilement critiquée par la référence à une décision judiciaire d'espèce et au demeurant relevant d'un ordre juridique étranger ne reposant pas sur la même loi, comme tente pourtant de le faire le syndicat appelant, sans prétendre pour autant qu'il s'agirait d'une jurisprudence bien établie ;
Attendu que l'intimée ne peut valablement soutenir pour sa part que la résolution critiquée aurait dû être adoptée à l'unanimité ;
Que c'est en effet également à bon droit à cet égard que la juridiction a, par une exacte appréciation des éléments de la cause non démentie par les pièces du dossier soumis à la Cour (rapports amiables établis sur pièces uniquement, notes technique émanant d'une des parties), retenu que l'aliénation portait sur des parties communes qui ne présentaient plus réellement d'utilité, s'agissant d'un tréfonds au-dessus duquel est bâti la copropriété, ni davantage un caractère essentiel, dans la mesure où il n'était pas établi qu'elle portait atteinte à la destination de l'immeuble, de sorte que l'adoption de cette résolution litigieuse relevait de la majorité des 2/3 prévue à l'article 16-2e de la loi précitée ;
Attendu en définitive que le syndicat, qui succombe, sera débouté des demandes contenues dans son appel et la décision critiquée confirmée en toutes ses dispositions ;
Et attendu que l'appelant sera condamné aux dépens de la présente instance ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant contradictoirement,
Déclare l'appel recevable,
Déboute le syndicat de copropriété de l'immeuble G des fins de son appel,
Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise du 23 février 2012,
Condamne le syndicat de copropriété de l'immeuble G aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 11 MARS 2014, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de M. Jean-Jacques IGNACIO, substitut du Procureur Général.