Cour d'appel, 11 mars 2014, Mademoiselle A-G.B c/ L'établissement public de droit monégasque P
Abstract🔗
Contrat de prestation de services - Contrat de travail (non) - Tribunal du travail - Incompétence d'attribution
Résumé🔗
La convention de mission d'une durée de trois mois conclue entre un établissement public gérant un musée et une personne conseil en relations publiques et communications pour la réalisation de plusieurs projets ne s'analyse pas en un contrat de travail mais en une convention de prestation de services, en sorte que le différend y afférent ne relève pas de la compétence du Tribunal du travail. En effet, la liberté de choix des méthodes et moyens inhérents à l'exécution de la prestation, la totale disponibilité et l'autonomie conférée à la chargée de mission, s'agissant tant du lieu de son travail que de ses horaires ou des échéances liées à sa mission, le versement d'une somme forfaitaire et définitive sans droit à congé corrélatif et l'absence de directives, de contrôle, d'actes ou d'écrits coercitifs ou injonctifs, comme le défaut de toute faculté de sanction conférée au donneur d'ordre sont autant d'éléments objectifs qui permettent d'écarter l'hypothèse d'un contrat de travail. Quant à la faculté de résiliation du contrat en cas d'inexécution de la mission relève du nécessaire équilibre des prestations présidant au droit commun des contrats.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
R.
ARRÊT DU 11 MARS 2014
En la cause de :
- Mademoiselle A-G.B, de nationalité française, demeurant à Vallauris (06220), X1,
bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision du Bureau n° 87-BAJ-10 du 14 octobre 2010
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat près la même Cour,
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- L'établissement public de droit monégasque P, dont le siège social se situe à Monaco, X2 pris en la personne de son Président du conseil d'administration en exercice, y demeurant en cette qualité,
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur,
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail le 27 juin 2013 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 18 juillet 2013 (enrôlé sous le numéro 2014/000001) ;
Vu les conclusions déposées les 12 novembre 2013 et 4 février 2014, par Maître BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de l'établissement public de droit monégasque P DE MONACO ;
Vu les conclusions déposées le 7 janvier 2014, par Maître LICARI, avocat-défenseur, au nom de A-G.B ;
À l'audience du 18 février 2014, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par A-G.B, à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 27 juin 2013.
Considérant les faits suivants :
Suivant jugement du 27 juin 2013, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits de la cause, le Tribunal du Travail statuant dans l'instance opposant A-G.B à l'établissement public de droit monégasque P :
- s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées par A-G.B à l'encontre de l'établissement public de droit monégasque P,
- a débouté l'établissement public de droit monégasque P de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts,
- a condamné A-G.B aux dépens du jugement.
Au soutien de cette décision, les premiers juges ont retenu que la convention de mission de communication en date du 26 janvier 2010 liant les parties ne caractérisait par un contrat de travail dès lors pour l'essentiel qu'il n'était pas démontré l'existence d'un lien de subordination entre A-G.B et l'établissement public de droit monégasque P.
Estimant que le contrat de mission d'une durée de trois mois s'analysait davantage en une convention de prestation de services, les premiers juges ont retenu qu'en application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 modifiée, le Tribunal du Travail n'était pas compétent pour connaître du différend afférent à son exécution.
Par exploit du 18 juillet 2013, A-G.B interjetait régulièrement appel du jugement rendu par le Tribunal du Travail le 27 juin 2013 et signifié le 9 juillet 2013 à l'effet de voir infirmer cette décision d'incompétence et voir la Cour d'appel :
- dire que le contrat unissant A-G.B de l'établissement public de droit monégasque P relève des dispositions de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946,
- en conséquence déclarer fondées ses demandes et enjoindre à l'établissement public de droit monégasque P de verser aux débats l'avis émis par la Direction des Affaires Juridiques au sujet du contrat de mission confié à A-G.B,
- condamner cet établissement au paiement de la somme de 28.023 euros au titre des salaires dus,
- condamner en outre l'établissement public de droit monégasque P au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de contrat de travail, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,
- dire que l'établissement public de droit monégasque P devra établir les documents administratifs conformes à la décision à intervenir.
Au soutien de ce recours et aux termes de l'ensemble de ses écrits judiciaires, A-G.B fait valoir que les éléments constitutifs du contrat de travail sont réunis dans le cas d'espèce dès lors que la convention la liant a l'établissement public de droit monégasque P supposait l'autorité de cet employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et directives et de contrôler l'exécution de sa mission qui devait être exécutée en parfaite coordination avec la direction et en s'assurant de son accord préalable à toutes les étapes d'intervention.
Elle fait grief aux premiers juges de s'être fondés sur l'existence de contrats de mission similaires conclus avec d'autres prestataires et d'avoir méconnu le fait qu'à la différence des autres conventions, la responsabilité de la communication incombait bien a l'établissement public de droit monégasque P qui avait seul le pouvoir décisionnaire et l'autorité sur ses subordonnés.
L'appelante rappelle qu'elle devait rendre des comptes à sa hiérarchie à chaque instant, sa seule liberté résidant dans le lieu d'exécution de ses missions puisqu'elle pouvait travailler à son domicile plusieurs jours par semaine.
Elle précise qu'elle s'était inscrite en qualité d'auto entrepreneur à la suite de l'offre d'emploi formulée par l'établissement public de droit monégasque P et ajoute qu'elle n'a jamais eu d'autres activités dans le cadre de son entreprise.
A-G.B expose encore qu'au terme de son contrat à durée déterminée elle était enceinte de plus de quatre mois en sorte que le renouvellement de son contrat de travail aurait conduit à un départ en congé maternité quatre mois plus tard ; elle ajoute que sous couvert d'un contrat de mission de trois mois elle exécutait en fait des missions identiques à celles relevant de son contrat antérieur et qu'elle devait rendre des comptes à sa hiérarchie.
Elle fait valoir que sa rémunération n'était pas forfaitisée mais mensualisée indépendamment du travail effectué et correspondait bien à un salaire au sens de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963.
Elle ajoute que la Direction des Affaires Juridiques qui avait alors été consultée aurait émis en 2010 un avis juridique qui confirmerait ses propres arguments et dont elle demande la production en justice.
Elle soutient en définitive que le contrat de mission établi par l'établissement public de droit monégasque P doit être requalifié en contrat de travail d'une durée équivalente au précédent contrat à durée déterminée, c'est-à-dire une année, l'établissement public de droit monégasque P devant être condamné à régler le montant des salaires encore dus.
A-G.B évoque enfin le préjudice qui est selon elle résulté de la privation de ses droits alors qu'elle était enceinte et qu'elle n'a pu être indemnisée de son congé maternité, ni percevoir les allocations chômage en sa qualité de travailleur indépendant.
L'établissement public de droit monégasque P, intimé, entend pour sa part:
À TITRE PRINCIPAL
«(...) Vu le contrat de mission signé entre Mademoiselle BE et l'établissement public de droit monégasque P DE MONACO le 26 janvier 2010,
Vu l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946,
Vu l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963,
Vu la jurisprudence constante en la matière,
Dire et juger que le contrat de mission conclu entre Mademoiselle BE et l'établissement public de droit monégasque Q le 26 janvier 2010 n'est pas un contrat de travail.
Ce faisant, confirmer la décision du Tribunal du Travail en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la présente cause.
À TITRE SUBSIDIAIRE
Vu le contrat de travail à durée déterminée daté du 5 février 2009,
Dire et juger que le contrat de travail à durée déterminée daté du 5 février 2009 a pris fin de plein droit le 31 janvier 2010.
Dire et juger que le contrat de travail à durée déterminée daté du 5 février 2009 ne s'est pas renouvelé.
Dire et juger que Mademoiselle BE ne justifie pas d'un préjudice à l'encontre de l'établissement public de droit monégasque Q.
Ce faisant, débouter Mademoiselle BE de ses demandes tendant au paiement de la somme de 28.023 euros à titre de salaire et au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
À TITRE TRES SUBSIDIAIRE
Si par l'impossible le contrat conclu le 26 janvier 2010 devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée :
Dire et juger qu'il n'appartient pas à la Juridiction de céans de modifier la durée dudit contrat.
Par conséquent, dire et juger que Mademoiselle BE a été remplie de ses droits par l'attribution d'un honoraire supérieur au salaire dont elle bénéficiait au cours de son précédent contrat de travail.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE ET RECONVENTIONNELLEMENT
Débouter Mademoiselle BE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Condamner Mademoiselle BE à verser a l'établissement public de droit monégasque P la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Confirmer la décision du Tribunal du Travail en ce qu'il a condamné Mademoiselle BE aux entiers dépens (...)»
Au soutien de telles prétentions, réitérées dans ses écrits ultérieurs, l'établissement public de droit monégasque P fait notamment valoir que :
- A-G.B disposait d'une véritable indépendance dans le cadre de l'exécution de son contrat de mission et accomplissait un travail dépourvu de lien de dépendance ou de subordination,
- l'établissement public de droit monégasque P ne disposait pas du pouvoir disciplinaire pour sanctionner ses manquements comme c'est le cas pour tout salarié.
- l'établissement public de droit monégasque P, en sa qualité de client de l'Entreprise B, était en droit de demander le report d'une réunion sans qu'il puisse en être déduit la preuve d'un lien de subordination,
- la nécessité d'un accord préalable de cet établissement constitue seulement une garantie pour le client de s'assurer de la bonne exécution de la mission par son prestataire,
- la coordination prévue à la convention tendait à assurer l'harmonisation et l'efficacité des tâches confiées à la prestataire,
- le fait que la responsabilité de la communication incombe au musée ne démontre nullement l'existence d'un lien de dépendance alors même que A-G.B, simple prestataire de services, craignait de voir engager sa propre responsabilité,
- A-G.B s'est inscrite en qualité d'auto entrepreneur un mois avant l'issue de son contrat de travail à durée déterminée car elle avait fait le choix d'exercer une activité de travailleur indépendant et ne démontre pas qu'elle y aurait été contrainte par l'établissement public de droit monégasque P.
- elle a elle-même défini le contenu de son contrat de mission, sa durée, les honoraires et les tâches spécifiques qu'elle proposait de remplir, une telle suggestion provenant du prestataire étant de nature à exclure toute idée de poursuite d'un contrat de travail mais accréditant la thèse de la création d'un nouveau rapport contractuel,
- sur les trois missions qui lui ont été confiées, il est établi que la première d'entre elles correspondant au projet « On Mresidency » a reçu un commencement d'exécution, tandis que la preuve n'est pas rapportée que les autres projets lui auraient été confiés au cours de son contrat de travail,
- elle a exécuté ses tâches en toute indépendance et sans recevoir aucune instruction, n'étant soumise à aucun horaire de la part du NOUVEAU MUSÉE NATIONAL et pouvant même ne pas être présente dans les locaux du musée sans qu'aucun reproche en résulte, ce qui exclut tout lien salarial,
- l'avis juridique émanant de l'administration n'a aucune incidence sur la réalité des faits,
- le contrat de mission prévoyait en outre le paiement des prestations sous la forme d'un honoraire forfaitaire payable sur présentation d'une note d'honoraires mensuelle du prestataire,
- aucun bulletin de salaire n'a jamais été établi par l'établissement public de droit monégasque P et aucune réclamation n'a au demeurant été formulée au titre des congés payés, la rémunération allouée n'étant absolument pas assimilée à un salaire mais correspondant à la contrepartie d'une prestation de services,
- avant le terme du contrat de travail à durée déterminée et dès le 18 décembre 2009 l'établissement public de droit monégasque P a entamé des démarches auprès du service de l'emploi pour que le poste occupé durant un an par A-G.B soit pourvu par un autre employé, ce nouveau chargé de communication ayant pris ses fonctions le 1er février 2010 en sorte que les tâches initialement confiées à l'appelante lui ont été dévolues,
- subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour d'Appel se déclarerait compétente en estimant que le contrat de mission devrait être requalifié en contrat de travail, l'intimé observe que cette modification de la nature contractuelle n'aurait en tout état de cause aucune incidence sur le terme de ce nouveau contrat, parfaitement convenu entre les parties comme étant d'une durée de trois mois,
- le contrat à durée déterminée initial ne comportait selon l'intimé aucune clause de renouvellement et ne pouvait dès lors être reconduit que par la conclusion d'un avenant de renouvellement avant le terme initialement prévu, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce en sorte que A-G.B ne peut prétendre au paiement de la somme de 28.023 euros correspondant à neuf mois de salaire outre le 13ème mois.
S'agissant des dommages et intérêts réclamés par cette dernière, l'établissement public de droit monégasque P de MONACO relève qu'elle a été remplie de ses droits au titre du contrat de mission et, n'étant pas salariée, qu'elle n'avait droit à aucun congé légal de maternité ni donc à sa prise en charge par les Caisses Sociales.
L'intimé observe qu'elle a néanmoins pu bénéficier de la prise en charge par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public E. de l'intégralité de ses frais pré et post maternité jusqu'à ce que son enfant ait atteint l'âge d'une année, ainsi que le confirme un e-mail adressé à la direction du musée le 11 janvier 2010 sur le contenu duquel l'appelante garde le silence.
La preuve d'un préjudice ne lui parait dès lors aucunement rapportée par l'appelante dont la procédure est non seulement téméraire mais abusive et a contraint l'établissement public de droit monégasque P à se défendre et à engager des frais, rendant légitime sa propre demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 euros.
A-G.B ayant ultérieurement repris le bénéfice de son exploit d'appel et de l'ensemble de ses prétentions précise qu'elle était bien la subordonnée de l'établissement public de droit monégasque P de MONACO car l'inexécution de sa mission pouvait être sanctionnée par la résiliation de son contrat d'une part, alors d'autre part, qu'elle avisait régulièrement l'équipe professionnelle de ses congés et récupérations.
Elle ajoute qu'elle disposait d'un bureau, d'une ligne de téléphone et d'une adresse e-mail identiques à celles qui lui avaient été conférées lorsqu'elle était la salariée du musée et se réfère à la nécessité de validation préalable de l'ensemble de ses tâches par la hiérarchie.
L'appelante insiste enfin sur le fait que seule la responsabilité de l'établissement public de droit monégasque P était engagée en sa qualité de donneur d'ordre, que ses propres revenus étaient quasiment similaires à ceux qu'elle percevait antérieurement et que son travail consistait en réalité à poursuivre les missions préalablement engagées.
Elle entend en conséquence voir requalifier son contrat de mission en contrat de travail dont la durée ne saurait être inférieure à deux années dès lors selon elle que les agents de l'État bénéficient de façon classique d'un contrat à durée déterminée d'un an, puis, en cas de renouvellement, de contrats de deux et trois ans.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;
SUR CE,
Attendu que le Tribunal du Travail est exclusivement compétent pour trancher les différends individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail ;
Qu'à défaut de tout écrit caractérisant au sens de la loi n° 729 du 16 mars 1963 la convention par laquelle une personne s'engage expressément et temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre le paiement d'une rémunération déterminée, il incombe à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail de démontrer par tous moyens son existence ;
Attendu qu A-G.B dont le contrat à durée déterminée d'une année arrivait à échéance à la fin du mois de janvier 2010 justifie avoir signé le 26 janvier 2010 avec l'établissement public de droit monégasque P qui l'employait un contrat de mission qu'elle entend désormais voir requalifier en contrat de travail ;
Qu'aux termes de cette nouvelle convention, A-G.B s'engageait à accomplir trois missions consistant à mettre en place et à suivre le projet « On Mresidency », à suivre et finaliser la revue de presse de l'exposition « Étonne-moi Serge Diaghilev et les ballets russes » et à mettre à jour le fichier access des contacts avec l'élaboration d'une nouvelle matrice de base de donnée pour Mac, et ce, sur une période comprise entre le 1er février et le 30 avril 2010 et moyennant le paiement d'un prix global forfaitaire et ferme de 9.600 euros TTC, payable au moyen de trois versements mensuels de 3.200 euros TTC chacun ;
Que ledit contrat stipulait en son article 4 alinéa 1 que le prestataire réaliserait sa mission en parfaite coordination avec la direction en prenant contact aussi souvent que nécessaire avec celle-ci et en s'assurant de son accord préalable à toutes les étapes de l'intervention avant de préciser à l'alinéa 2 du même article que la responsabilité de la communication incombant au musée, le prestataire s'engagerait à soumettre à ce dernier, pour accord préalable, toute initiative ayant des conséquences financières ;
Attendu que l'exécution d'une tâche pour autrui ne peut donner naissance à un contrat de travail qu'en présence de certains critères fondamentaux et spécifiques résidant dans l'existence d'un lien de subordination entre les parties et du versement corrélatif d'une rémunération par le donneur d'ordre au profit duquel la mission est remplie ;
Que les premiers juges apparaissent avoir en premier lieu à bon droit relevé que l'établissement public de droit monégasque P versait aux débats d'autres contrats de mission, exclusifs d'une relation salariale, dont la rédaction apparaissait identique à la convention précitée et que A-G.B ne justifiait pas avoir pour sa part sollicité l'accord préalable de la direction de l'établissement public de droit monégasque P à chaque étape de ses propres interventions, tous éléments factuels qui apparaissent également établis en cause d'appel ;
Attendu par ailleurs, que la liberté de choix des méthodes et moyens inhérents à l'exécution par A-G.B de sa prestation, la totale disponibilité et l'autonomie conférée à cette personne exécutante, s'agissant tant du lieu de son travail que de ses horaires ou des échéances liées à sa mission, le versement d'une somme forfaitaire et définitive sans droit à congé corrélatif et l'absence de directives, de contrôle, d'actes ou d'écrits coercitifs ou injonctifs, comme le défaut de toute faculté de sanction conférée au donneur d'ordre qu'est l'établissement public de droit monégasque P de MONACO, sont autant d'éléments objectifs qui permettent d'écarter en l'espèce l'hypothèse d'un contrat de travail ;
Que force est en effet de relever que la faculté de résiliation du contrat en cas d'inexécution de sa mission par A-G.B relève du nécessaire équilibre des prestations présidant au droit commun des contrats, tandis que l'annulation par ailleurs invoquée d'une réunion ne procède pas de l'exercice du pouvoir de direction de l'établissement public de droit monégasque P, ainsi que les premiers juges l'ont justement observé ;
Qu'il est raisonnable de penser que ce client de l'entreprise de A-G.B pouvait avoir un intérêt à requérir le report d'une telle réunion à laquelle il voulait participer, une telle demande ne trahissant pas l'existence d'un quelconque lien de dépendance entre les deux parties mais davantage un souci d'information et de loyauté procédant également du droit commun des relations contractuelles ;
Attendu qu'il doit être également constaté que le contrat de mission obligeait seulement l'établissement public de droit monégasque P et l'entreprise de A-G.B à une forme de coordination induisant des prises de contact fréquentes et des accords préalables du musée pour valider chaque étape du projet, toute initiative ayant des conséquences financières devant lui être soumise ;
Qu'il ne saurait être déduit d'une telle interaction entre les parties au contrat l'affirmation d'un quelconque pouvoir unilatéral de l'établissement public de droit monégasque P, de telles dispositions conventionnelles ayant au contraire également pour but d'assurer une certaine forme d'équilibre en garantissant d'une part le musée de toute prise de décision affectant ses finances propres et en évitant d'autre part au prestataire d'engager sa responsabilité personnelle ;
Attendu que l'appelante, à qui incombe la charge de cette preuve, ne démontre au demeurant pas en cause d'appel avoir reçu des instructions inhérentes à la prestation qu'elle s'était engagée à fournir ;
Qu'elle n'établit pas davantage avoir été contrainte par l'établissement public de droit monégasque P à devenir un travailleur indépendant, les premiers juges ayant à bon droit mis en exergue la quasi concomitance de l'offre d'emploi du 18 décembre 2009 et de l'inscription de A-G.B en qualité de conseil en relations publiques et communications le 29 décembre 2009 pour en déduire que cela ne permettait pas de déterminer si le projet d'entreprise individuelle avait généré la nouvelle embauche ou si l'inverse s'était produit ;
Qu'en tout état de cause, si aucune attestation n'est versée aux débats de nature à démontrer que l'état de grossesse de A-G.B serait en réalité à l'origine de la non reconduction de son contrat de travail, il est en revanche établi que cette salariée avait elle même organisé la novation des relations contractuelles et que son ancien poste a bien été pourvu après son départ à la fin du mois de Janvier 2010 (pièce 8) ;
Qu'à cet égard en effet, l'e-mail adressé par A-G.B à Madame a MO, responsable administratif de l'établissement public de droit monégasque P le 11 janvier 2010, soit après son inscription en qualité d'auto entrepreneur et trois semaines avant la fin de son contrat à durée déterminée, révèle que celle-ci fixait alors elle-même les conditions du contrat de mission devant être régularisé ultérieurement, une telle proposition permettant à la Cour d'exclure toute commune intention des parties tendant à la poursuite du contrat de travail mais accréditant au contraire l'instauration entre elles d'un nouveau rapport conventionnel dont les modalités étaient différentes même si cette chargée de mission pouvait ponctuellement bénéficier de certaines facilités dans les locaux de l'établissement public de droit monégasque P (bureau, téléphone, adresse mail) ;
Que l'attestation établie le 5 décembre 2012 par a MO, responsable administratif de l'établissement public de droit monégasque P L et dont la teneur doit être examinée avec prudence, établit de façon objective que toutes les anciennes tâches dévolues au chargé de communication ont été confiées à la remplaçante de Mlle BE dès le mois de février 2010, tandis que cette dernière menait à bien ses projets « externes » au Musée en toute autonomie ;
Attendu en définitive qu'en l'état de l'analyse précitée, au regard des motifs non contraires des premiers juges que la Cour adopte intégralement et sans qu'il y ait lieu d'enjoindre la production de quelque avis juridique que ce soit ne pouvant lier les juridictions du fond, il convient de dire que la convention de mission d'une durée de trois mois conclue entre les parties ne s'analyse pas en un contrat de travail mais en une convention de prestation de services, en sorte que le différend y afférent ne relève pas de la compétence du Tribunal du travail ;
Attendu que la décision d'incompétence rendue le 27 juin 2013 déférée à la censure de la Cour doit dès lors être confirmée en toutes ses dispositions ;
Attendu s'agissant de la demande de dommages et intérêts formée par l'intimé pour procédure abusive, qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un abus commis par A-G.B dans l'exercice de ses droits d'action et de recours, l 'invocation de la volonté de « décourager les procédures infondées depuis leur origine » étant insuffisante pour caractériser le nécessaire préjudice devant présider à cette action en réparation ;
Qu'il convient en conséquence de débouter l'établissement public de droit monégasque P des fins de sa demande de dommages et intérêts ;
Attendu que les dépens d'appel demeureront à la charge de A-G.B.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant contradictoirement et publiquement,
Reçoit A-G.B en son appel,
Au fond l'en déboute et confirme le jugement rendu le 27 juin 2013 par le Tribunal du Travail s'étant déclaré incompétent pour connaître des demandes formées par A-G.B à l'encontre de l'établissement public de droit monégasque P et l'ayant condamnée aux dépens du jugement,
Déboute l'établissement public de droit monégasque P des fins de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne A-G.B aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 11 MARS 2014, par Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de M. Jean-Jacques IGNACIO, substitut du Procureur Général.
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