Cour d'appel, 20 janvier 2014, A. SE. c/ Le Ministère public et autres

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Abstract🔗

Procédure pénale – Escroquerie – Vol - Abus de confiance – Tromperie.

Prescription de l'action publique (oui).

Résumé🔗

Le détournement ou la dissipation d'actions remises à titre de mandat sont des faits réprimés par l'article 337 du Code pénal mais encore faut-il qu'une action publique puisse être intentée, car l'article 13 du Code de procédure pénale en prévoit son extinction et donc la prescription : « après trois années révolues, à compter du jour où le délit a été commis ».

En l'espèce, A. SE. a acquis en 1984 des actions d'une société monégasque dont M. puis rejoint par G. TO. en sont les actionnaires. Le demandeur a estimé avoir été licencié de manière abusive en 1996 et engage une procédure dans laquelle il conteste être le propriétaire des actions, alors qu'une commission rogatoire prouve le contraire. Il n'apparaissait pas dans la société pour des raisons fiscales, G. et M. TO. ont donc nié l'existence à l'endroit du demandeur de l'existence d'un contrat de travail. Ces derniers reprochent notamment à A. SE. d'avoir profité en sa qualité d'actionnaire de l'activité de la société, puis d'avoir ensuite voulu tirer parti de sa qualité de salarié lorsque la situation est devenue déficitaire, en sollicitant notamment une indemnité de licenciement de 1.700.000 francs, tout en se gardant de demander alors le transfert des actions aux propriétaires apparents. Par la suite G. et M. TO. ont refusé de transférer au demandeur les parts sociales de la société et ce dernier les a assignés à cette fin le 23 décembre 2005 pour apprendre en 2006 qu'ils avaient cédé les actions à son insu pour un prix symbolique. Une ordonnance de non-lieu a été rendue en 2011 par le magistrat instructeur sur le fondement de la prescription et le Tribunal de première instance a bien considéré dans son jugement du 2 décembre 2013, qu'A. SE. avait bien eu connaissance du détournement dès 1996 et qu'ainsi l'action publique devait être prescrite depuis au moins l'année 2000.

Dans le cadre de son appel A. SE. demande notamment d'infirmer le jugement, mais la Cour d'Appel déboute tant les dispositions pénales et civiles du requérant. Elle reprend les motivations du Tribunal en se fondant notamment qu'il ne peut y avoir, sur le fondement de la bonne foi d'A. SE. qui n'aurait eu connaissance de la cession qu'en 2006, un report de la prescription. En effet, il a bien appris le détournement dès 1996, mais il ne s'en est prévalu qu'à partir de 2008 en lançant une action pénale à l'encontre de G. et M. TO. De plus, les augmentations successives de capital dès 1998 et la modification des statuts de la société publiées au Bulletin Officiel de la Principauté n'ont pas provoqué de réaction d'A. SE., ce qui permet également de caractériser la prescription de l'action publique à l'encontre de G. et M. TO.  


Motifs🔗

Cour d'appel correctionnelle

Dossier PG n° 2008/002655

ARRÊT DU 20 JANVIER 2014

En la cause de :

  • A. SE., né le 15 janvier 1949 à MONTPELLIER (France), de nationalité française, demeurant 1X (Principauté d'Andorre), partie civile,

Absent, représenté par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par Maître G. BAUDOUX, avocat au barreau de Nice ;

APPELANT/INTIMÉ

Contre :

  • 1) le MINISTÈRE PUBLIC ;

INTIMÉ/APPELANT

  • 2) - G. TO., né le 3 octobre 1943 à MONACO, de Louis et de Charlotte FR., de nationalité monégasque, administrateur de société, demeurant 2X à MONACO ;

  • - M. TO., né le 15 janvier 1954 à MONACO, de Louis et de Charlotte FR., de nationalité monégasque, administrateur de société, demeurant 3X à MONACO ;

Prévenus de : ABUS DE CONFIANCE

Présents aux débats, assistés de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par Maître Thierry HERZOG, avocat au barreau de Paris ;

INTIMÉS/APPELANTS

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 2 décembre 2013 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de Première Instance jugeant correctionnellement le 12 février 2013 ;

Vu les appels interjetés le 20 février 2013 par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, substituant Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur et celui de A. SE., partie civile et le 27 février 2013 tant par Maître Patricia REY, avocat-défenseur et celui de M. et G. TO., prévenus, que par le Ministère public à titre incident ;

Vu l'ordonnance de Madame le Premier Président en date du 4 juin 2013 ;

Vu les citations à prévenus et à partie civile, suivant exploits, enregistrés, de Maître NOTARI, huissier, en date du 22 juillet 2013 ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur et celui de M. et G. TO., prévenus, en date du 27 novembre 2013, reçue à au greffe de la Cour le 29 novembre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur et celui de A. SE., partie civile, en date du 29 novembre 2013, reçues à la Cour le même jour ;

Ouï Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, en son rapport ;

Ouï M. TO., prévenu, en ses réponses ;

Ouï G. TO., prévenu, en ses réponses ;

Ouï Maître G. BAUDOUX, avocat au Barreau de Nice, régulièrement autorisé à plaider par Monsieur le Président, pour A. SE., partie civile, en ses demandes et plaidoiries ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Thierry HERZOG, avocat au Barreau de Paris, régulièrement autorisé à plaider par Monsieur le Président, pour G. TO. et M. TO. en ses plaidoiries ;

Ouï G. TO., prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Ouï M. TO., prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 12 février 2013, le Tribunal correctionnel a, sous la même prévention pour G. et M. TO. :

« D'avoir à Monaco, le 2 mai 2001, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, détourné ou dissipé au préjudice de A. SE. qui en était propriétaire, 2.500 actions de la société SAM U qui ne lui avaient été remises qu'à titre de mandat, à charge pour lui de les rendre ou de les représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé », DÉLITS prévus et réprimés par l'article 337 du Code pénal,

Sur l'action publique,

  • - rejeté les exceptions d'irrecevabilité et de nullité.

  • - dit que l'action publique est éteinte par prescription,

Sur l'action civile,

  • - déclaré irrecevable la constitution de partie civile d'A. SE. ;

  • - laissé les frais à la charge du Trésor ;

Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, substituant Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur et celui de A. SE., partie civile, a interjeté appel de ladite décision le 20 février 2013.

Maître Patricia REY, avocat-défenseur pour G. TO. et M. TO., a interjeté appel de ladite décision le 27 février 2013.

Le Ministère public a interjeté appel de ladite décision le même jour.

Les appels réguliers sont recevables.

  • Considérant les faits suivants :

Par acte enregistré au greffe d'instruction le 26 novembre 2008, A. SE. déposait plainte avec constitution de partie civile contre M. et G. TO. pour escroquerie, abus de confiance, vol et tromperie en exposant les faits suivants :

Désireux de disposer en Principauté d'une société susceptible d'accueillir des activités de vente de fournitures de bureau tout en restant dans l'anonymat, A. SE. a acquis le 14 juin 1984, par l'intermédiaire d'un avocat, les actions d'une Société Anonyme Monégasque dénommée SAM U , dont les actionnaires étaient E. LA. et M. TO.

Il précise avoir été engagé en qualité de directeur commercial salarié le 30 janvier 1989 et avoir entretenu des relations fiduciaires jusqu'à 1996 avec ces derniers, restés actionnaires et administrateurs apparents.

En 1989, E. LA. a été remplacé par G. TO.

Estimant avoir été licencié de manière abusive le 18 octobre 1996, il a engagé une procédure devant le Tribunal du travail de Monaco, au cours de laquelle M. et G. TO. ont nié l'existence de son contrat de travail et fait valoir avec succès qu'il était l'unique actionnaire de la société, en sorte qu'il a été débouté de ses demandes d'indemnité par décision du 14 février 2002.

Il soutient encore que M. et G. TO. ayant ensuite refusé de lui transférer officiellement les parts sociales de la société, il les a assignés à cette fin le 23 décembre 2005 et a appris en 2006 par leurs écrits judiciaires qu'ils avaient cédé les actions à son insu pour un prix symbolique le 2 mai 2001 à S. DE., après qu'une augmentation de capital ait permis de faire entrer un nouvel actionnaire en la personne de R. GA.

Au vu de ces éléments, une information judiciaire contre X… a été ouverte le 29 janvier 2009 du chef de vol, escroquerie, abus de confiance.

L'enquête menée sur commission rogatoire a établi qu'A. SE. était bien le propriétaire des actions et qu'il avait affirmé lui-même ne pas l'être au cours de la procédure conduite devant le Tribunal du travail pour contester son licenciement.

Elle a également conclu qu'en les cédant, M. et G. TO. n'auraient pas eu la volonté de s'approprier frauduleusement la société et que l'éviction d'A. SE. résulterait de leur obligation de faire face aux créanciers.

Dans le courant de l'enquête, G. TO. a confirmé qu'A. SE. avait souhaité ne pas apparaître en 1984 dans la société SAM U pour des raisons fiscales et a expliqué son licenciement en 1996 par son inconséquence, ainsi que par le préjudice qu'il causait aux actionnaires apparents.

Il a encore expliqué avoir cédé gratuitement ses actions en 2000 à son cousin R. GA., qui se faisait fort de redresser ses comptes et n'avoir perçu au total aucun avantage financier de cette opération.

M. TO. a expliqué pour sa part qu'A. SE., très impliqué dans l'activité de la société jusqu'à 1996, s'en était désintéressé à partir de cette date, tout en continuant à lui faire supporter des dépenses somptuaires et en commettant des manœuvres frauduleuses, ce qui avait motivé son licenciement.

Il a précisé qu'après le départ d'A. SE., c'est lui qui avait tenté en vain de restructurer la société en faisant notamment entrer R. GA. dans son capital, avant de la céder en 2001 pour un euro symbolique à S. DE., qui s'est porté caution personnelle d'un prêt pour lui permettre de solder les découverts.

Il a, en même temps, reproché à A. SE. d'avoir profité de l'activité de la société lorsque celle-ci était florissante en sa qualité d'actionnaire, puis d'avoir ensuite voulu tirer parti de sa qualité de salarié lorsque la situation est devenue déficitaire, en sollicitant notamment une indemnité de licenciement de 1.700.000 francs, tout en se gardant de demander alors le transfert des actions aux propriétaires apparents.

S. DE. a indiqué pour sa part n'avoir pas été informé du fait qu'A. SE. pouvait prétendre à la qualité de propriétaire de la société lorsque lui-même a acheté cette dernière.

Le jugement du 7 octobre 2010 du Tribunal de première instance rendu à la suite de l'assignation d'A. SE. en date du 23 décembre 2005 a retenu que « les actions de la SAM SAM U ont été acquises pour le compte d'A. SE. dans le cadre d'une convention de prête-nom » que ce dernier n'avait « pas été informé des cessions successives et n'avait pas mandaté à cette fin M. et G. TO., lesquels ont agi en outrepassant les droits qui leur ont été conférés » et a débouté A. SE. de sa demande de transfert des actions ;

M. et G. TO. ont été inculpés le 16 février 2011 de vol, escroquerie et abus de confiance.

Ils ont toujours contesté les faits et maintenu les déclarations faites devant les enquêteurs de police et le magistrat instructeur.

Ce dernier a prononcé une ordonnance de non-lieu le 28 décembre 2011, laquelle a été frappée d'appel par A. SE. et suivant arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d'appel en date du 2 mai 2012 ; ladite ordonnance a été infirmée et G. et M. TO. ont été renvoyés devant le Tribunal correctionnel sous la prévention d'avoir Monaco, le 2 mai 2001, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, détourné ou dissipé au préjudice d'A. SE. qui en était propriétaire, 2500 actions de la société SAM U qui ne leur avaient été remises qu'à titre de mandat, à charge par eux de les rendre ou de les représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, faits prévus et réprimés par l'article 337 du Code pénal.

Pour prononcer l'ordonnance de non-lieu précitée le juge d'instruction a estimé pouvoir relever que :

  • - les faits reprochés à M. et G. TO. seraient constitutifs du seul délit d'abus de confiance puisqu'il s'agit d'un détournement de parts sociales dans le cadre d'un mandat, mais que l'élément intentionnel faisait défaut puisque l'objectif des inculpés, en leur qualité d'administrateurs, était d'assurer l'équilibre financier de la société,

  • - le délit d'abus de confiance était prescrit dans la mesure où le point de départ de son délai de prescription doit être fixé au jour où il est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, ce report étant conditionné par l'exigence de bonne foi de celui qui l'invoque et l'ignorance du délit pendant le délai de 3 ans.

De ce chef, le magistrat instructeur a retenu qu'A. SE. avait eu connaissance du détournement des parts dès 1996.

Pour réformer cette ordonnance, la Chambre du conseil de la Cour d'appel a retenu que la matérialité du détournement des actions remises par A. SE. à M. et G. TO. apparaissait établie et que l'élément intentionnel était aussi avéré ; que l'initiative qu'ils ont prise de céder, sans en informer A. SE., pour un prix symbolique les actions à un tiers qui en a pour sa part tiré profit, au lieu de tirer les conséquences légales de la déconfiture de la société en optant pour le dépôt de son bilan, s'inscrit dans une démarche malicieuse à son égard et constitue un élément de nature à caractériser l'élément intentionnel ; qu'ainsi les éléments constitutifs de l'infraction d'abus de confiance sont réunis.

Sur la prescription, la Chambre du conseil a considéré qu'il n'était pas démontré qu'A. SE. avait eu connaissance de la cession des actions intervenues le 2 mai 2001, autrement que par les conclusions de G. et M. TO. qui lui ont été signifiées le 30 novembre 2006 ; que la plainte avec constitution de partie civile ayant été déposée le 26 novembre 2008, la prescription des faits reprochés aux inculpés ne saurait être acquise.

Le jugement querellé du 12 février 2013 a pour sa part considéré, après avoir rejeté les exceptions d'irrecevabilité et de nullité, que l'action publique était prescrite depuis au moins l'année 2000 et qu'en l'état de cette prescription, la constitution de partie civile d'A. SE. devait être déclarée irrecevable.

A. SE., appelant principal, demande à la Cour dans des conclusions déposées le 29 novembre 2013 de :

Sur l'action publique :

  • - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'action publique était éteinte par prescription,

  • - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les prévenus de leur demande d'irrecevabilité et de nullité présentée in limine litis,

En conséquence, jugeant à nouveau,

  • - retenir G. et M. TO. dans les liens de la prévention et statuer ce que de droit sur les peines.

Sur l'action civile :

  • - Condamner solidairement G. et M. TO. à lui payer la somme de 100.000 euros au titre de son préjudice moral du fait de la privation de ses droits, outre celle de 8.000 euros au titre des frais d'avocat ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de son appel principal, ce dernier fait valoir que :

  • - le délit d'abus de confiance est parfaitement constitué, la Cour ne pourra que confirmer le constat des premiers juges savoir « les prévenus ont bien commis les faits d'abus de confiance courant 1996 et 1997 »,

  • - les faits poursuivis ne sont pas prescrits puisqu'ils ne lui ont été révélés qu'à la lecture des conclusions prises en date du 30 novembre 2006 dans l'intérêt de G. et M. TO. dans le cadre de la procédure initiée devant le Tribunal de première instance.

G. et M. TO. soutiennent à titre principal aux termes de leurs écritures transmises à la Cour le 28 novembre 2013 que :

l'action publique est prescrite, en toute hypothèse,

  • - le délit d'abus de confiance visé à la prévention (2 mai 2001) n'est pas constitué, en l'espèce ;

Le Ministère public rappelle sa position consistant à avoir requis un non-lieu au cours de l'information et la relaxe devant le Tribunal. Il précise qu'à son avis la prescription est acquise ainsi qu'il le soutenait déjà dans ses réquisitions aux fins de non-lieu.

SUR CE,

Attendu qu'il convient liminairement d'observer que les exceptions d'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile et de nullité d'un certain nombre de procès-verbaux rejetées par les premiers juges dans le jugement déféré à la censure de la Cour, ne sont plus soutenues en cause d'appel ;

Que G. et M. TO., dans le cadre de leur appel incident, ne défèrent à la Cour que la partie du jugement qui a retenu que le délit d'abus de confiance poursuivi était caractérisé en l'espèce comme ayant été « commis courant 1996 et 1997 », sans toutefois le reprendre dans son dispositif ;

Attendu qu'il échet encore de constater que les prévenus refusent de comparaître volontairement pour d'autres faits que ceux expressément visés à la prévention ;

Attendu, en tout état de cause, qu'avant d'aborder le fond de la prévention, il y a lieu de s'interroger sur la prescription de l'action publique retenue par les premiers juges ;

Attendu que dans son ordonnance de non-lieu du 28 décembre 2011, parfaitement motivée, le juge d'instruction a retenu « qu'en 1996 les inculpés (prévenus), en licenciant A. SE. accomplissaient un acte de détournement de parts sociales contraire à leur mandat initial, de les détenir et gérer dans l'intérêt de leur titulaire (…) Cette alerte constitue le point de départ du délai de prescription de l'action publique du délit d'abus de confiance, A. SE. s'étant aperçu dès 1996 du détournement réalisé, sans compter les différentes publications au journal officiel relatives au capital social de la société notamment en 1998 » ;

Attendu que la Cour retient, à la suite des premiers juges, que les éléments objectifs de la procédure permettent de considérer que les faits litigieux étaient prescrits à la date de la dénonciation en 2008 ;

Que l'article 13 du Code de procédure pénale dispose que « l'action publique résultant d'un délit est prescrite après trois années révolues, à compter du jour où le délit a été commis » ;

Attendu de surcroît qu'il est constant que « le point de départ de la prescription de l'action publique doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de cette action », ce report du point de départ étant conditionné par l'exigence de bonne foi de celui qui l'invoque et de son ignorance de la commission du délit pendant le délai de droit commun de prescription ;

Qu'au cas particulier, ainsi que l'a justement relevé le Tribunal dans une motivation adoptée, A. SE. a eu connaissance du détournement allégué dès l'année 1996 ; que c'est ainsi qu'aux termes de sa plainte du 26 novembre 2008 il révélait que « or en 1996 et plus précisément le 18 octobre, sans avoir reçu la moindre instruction de la part d'A. SE., G. et M. TO… l'ont licencié. Considérant qu'ils s'étaient appropriés de ses droits sur les parts sociales de la société, A. SE. a cru devoir engager en 1996 une action en licenciement abusif contre la société SAM U SAM, qui du fait de l'appropriation l'employait réellement »,

Attendu que la Cour est en conséquence à même de retenir que dès l'année 1996, A. SE. a eu connaissance des faits par lui dénoncés consistant en « l'appropriation » de ses actions par G. et M. TO. et partant, de leur détournement ;

Que d'ailleurs devant la juridiction civile qui a rendu un jugement en date du 7 octobre 2010, A. SE. a soutenu que le mandat qu'il avait confié à G. et M. TO. avait cessé le 18 octobre 1996, date de son licenciement ;

Attendu qu'en l'état il ne peut plus soutenir ne pas avoir eu connaissance, dès l'année 1996, des détournements d'action allégués et dont il ne s'est finalement prévalu qu'en 2008, année au cours de laquelle peut être constatée sa décision d'orienter son action sur le plan pénal, après avoir initialement engagé une action civile devant le Tribunal du travail devant lequel il n'hésitait pas à tenter de nier être propriétaire des parts sociales litigieuses et devant le Tribunal de première instance ;

Attendu de plus fort que différentes publications officielles relatives à la société S. sont intervenues au cours des années 1998, 1999 ainsi que 2001 et A. SE. ne saurait utilement soutenir ne pas en avoir eu connaissance ;

Qu'ainsi, le 27 mars 1998, l'augmentation du capital et la modification des statuts de la société S. ont été publiées au Bulletin Officiel de la Principauté, le Journal de Monaco ; que par ailleurs le 1er avril 1999, la démission de G. TO. de ses fonctions d'administrateur de ladite société, suite à la cession de ses actions, ainsi que la nouvelle composition du conseil d'administration ont été publiées au répertoire du commerce de l'industrie ;

Attendu que la Cour observe encore que dans son rapport de transmission du 21 octobre 2010, l'officier de police judiciaire r. B. relève : « enfin, il semblerait que les publications concernant la société faites au journal de Monaco en Mars 1998 (augmentation de capital), le 8 juin 2001, 12 octobre 2001, 23 novembre 2001 et le 1er juillet 2005 n'aient jamais suscité la moindre réaction d'A. SE. » ;

Que dès lors force est de constater qu'il est établi par les éléments objectifs de la procédure qu'A. SE. a bien eu connaissance du « détournement de ses actions » dès l'année 1996 et sa position consistant à soutenir n'en avoir eu connaissance que « par des conclusions prises en date du 30 novembre 2006 aux intérêts des frères TO. dans le cadre de la procédure initiée devant le Tribunal de première instance… » ne saurait résister à l'analyse ;

Attendu ainsi que c'est justement que les premiers juges ont dit que l'action publique était éteinte par prescription depuis au moins l'année 2000 ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé, étant observé que dans son dispositif il se borne à rejeter les exceptions d'irrecevabilité et de nullité et à dire que l'action publique est éteinte par prescription ;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu, en l'état, de s'interroger sur la constitution du délit d'abus de confiance ;

Attendu que compte tenu de ce qui précède la Cour confirme encore le jugement entrepris sur l'action civile au visa des dispositions des articles 13 et 15 du Code de procédure pénale ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant contradictoirement à l'encontre de M. TO. et G. TO. et conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale à l'égard de A. SE.,

Reçoit et les appels,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions tant pénales que civiles,

Laisse les frais à la charge du Trésor ;

Composition🔗

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au palais de Justice, le deux décembre deux mille treize, qui se sont tenus devant Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'ordre de Saint Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge au Tribunal de première instance, complétant la Cour et remplissant les fonctions de conseiller en vertu de l'article 22 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur général, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge au Tribunal de première instance, complétant la Cour et remplissant les fonctions de conseiller en vertu de l'article 22 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013, et ce en application de l'article 24 de cette même loi, relative à l'administration et à l'organisation judiciaire ;

Lecture étant donnée à l'audience publique du vingt janvier deux mille quatorze par Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, faisant fonction de Président de la formation, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef adjoint et en présence de Monsieur G DUBES, Premier Substitut du Procureur général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.

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