Cour d'appel, 17 décembre 2013, Monsieur P. P. R. c/ Monsieur A. G. et autres

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Abstract🔗

Exequatur - Condition de forme - Jugement étranger définitif - Arrêt d'appel confirmatif - Décision susceptible d'exequatur (oui) - Recevabilité de la demande d'exequatur - Capacité à agir en justice du demandeur - Radiation du registre des sociétés - Moyen inopérant - Champ d'application du droit italien (non) - Règle de conflit de lois - Instance pendante - Compétence de la loi du for - Office du juge de l'exequatur - Appréciation du respect de la loi de procédure étrangère - Contrariété à l'ordre public international - Rejet de la demande d'exequatur.

Résumé🔗

La demande d'exequatur de la décision étrangère italienne est recevable, celle-ci satisfaisant aux dispositions de l'article 473 et suivants du Code de procédure civile. Il ne peut être reproché au demandeur de ne pas produire un certificat de non appel dès lors que les décisions italiennes, frappées d'un appel, ont donné lieu à deux arrêts confirmatifs. Les jugements dont l'exequatur est requis ont bien acquis l'autorité de la chose jugée sur le territoire italien où elles sont devenues pleinement définitives avant même l'introduction de la présente instance. La pratique consistant à solliciter l'exequatur d'un jugement étranger ayant fait l'objet d'une décision d'appel confirmative ne heurte dès lors nullement les dispositions des articles précités du Code de procédure civile et présente l'intérêt de faciliter l'exécution sur le territoire monégasque de la décision d'appel dont le dispositif se trouve la plupart du temps réduit à sa plus simple expression en faisant uniquement mention de la confirmation du jugement déféré.

Le fait que la société intimée ait été radiée du registre des sociétés n'a aucune incidence sur la recevabilité de la demande d'exequatur. La mention au registre des sociétés de la radiation de la société n'apparaît pas avoir fait disparaître la personnalité morale de cette société dont l'existence juridique est totalement conservée pour les besoins de sa liquidation, alors en outre qu'il n'apparaît pas établi par les pièces produites que les droits des créanciers de cette société aient été garantis avant la radiation de cette personne morale à travers une publicité légale organisée ou la désignation d'un liquidateur. L'article 178 du Code de procédure civile italien invoqué à cet égard par l'appelant procède des règles de la procédure civile étrangère et n'apparaît pas devoir recevoir application dans une instance pendante en principauté de Monaco et ce, dans la mesure où la règle de conflit monégasque donne compétence à la loi de procédure du for.

Pour l'application de la loi de procédure du for à l'instance monégasque d'exequatur, il s'agit en l'occurrence de vérifier si la décision étrangère a été régulièrement prise en Italie dans le respect de sa loi de procédure, en sorte qu'il est ici indispensable de se référer en premier lieu à la loi italienne de procédure civile, avant de vérifier, en cas d'irrégularités dûment constatées, si ce manquement heurte ou non la conception de l'ordre public international monégasque. La demande d'exequatur n'est toutefois pas fondée. Il convient de rappeler que la conception monégasque de l'ordre public international prohibe l'atteinte à la nécessaire impartialité objective des juges et interdit donc de donner force exécutoire sur le territoire de la principauté à une telle décision. Tel est le cas en l'espèce puisque le juge étranger, ayant tranché le litige en première instance, a connu de l'affaire en appel. L'absence de tout recours en Italie n'empêche pas le juge de l'exequatur de relever qu'une atteinte commise à l'étranger aux principes de neutralité et d'impartialité objective du juge caractérise une contrariété à sa propre conception de l'ordre public international.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2013

En la cause de :

  • - Monsieur P. P. R., né le 6 décembre 1964 à RAVENA, de nationalité italienne, pris en son nom personnel, demeurant « X » - X 1 à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Hervé CAMPANA, avocat près la même Cour ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • 1- Monsieur A. G., demeurant Via X (Italie) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

  • 2- La société dénommée G., dont le siège social était X 2 CESENA-FORLI (Italie), prise en la personne de son ancien gérant en exercice, ayant demeuré en cette qualité audit siège, société ayant fait l'objet d'une radiation pure et simple le 18 mars 2009 auprès de la Chambre du commerce, d'Industrie, de l'artisanat et de l'agriculture de FORLI (CESENA - Italie) et actuellement sans siège connu ;

INTIMÉE, non comparante,

  • 3- Monsieur P. P. R., né le 6 décembre 1964 à RAVENA, de nationalité italienne, pris en sa qualité d'ancien gérant commandité de la société dénommée G. ayant fait l'objet d'une radiation pure et simple le 18 mars 2009 auprès de la Chambre du commerce, d'Industrie, de l'artisanat et de l'agriculture de FORLI (CESENA - Italie), demeurant « X » - X3 à Monaco (98000) ;

INTIMÉ, non comparant,

En présence de :

  • Monsieur le Procureur Général près la Cour d'appel de Monaco, étant en ses bureaux au Parquet Général, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro, audit Monaco ;

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 18 octobre 2012 (R.358) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 18 janvier 2013 (enrôlé sous le numéro 2013/000107) ;

Vu les conclusions déposées le 23 avril 2013, par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de A. G. ;

Vu les conclusions déposées le 25 juin 2013, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de P. P. R. ;

Vu les conclusions du ministère public déposées le 16 octobre 2013 au Greffe Général ;

À l'audience du 26 novembre 2013, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties, le ministère public entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par P. P. R., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 18 octobre 2012.

Considérant les faits suivants :

Par acte d'huissier en date du 30 novembre 2010, suivi d'une réassignation en date du 4 février 2011, Monsieur A. G. a assigné devant le Tribunal de Première instance le Procureur Général de Monaco, la société G., Monsieur P. P. R. pris en sa qualité de gérant commandite de la société G. et Monsieur P. P. R. aux fins de prononcer l'exequatur des décisions suivantes :

  • - le jugement contradictoirement rendu en premier ressort par le Tribunal de Forli en date du 25 mai 2000,

  • - l'arrêt confirmatif et définitif rendu par la Cour d'Appel de Bologne en date du 21 juin 2002,

  • - le jugement contradictoirement rendu en premier ressort par le Tribunal de Forli le 24 mai 2002,

  • - l'arrêt confirmatif et définitif rendu par la Cour d'Appel de Bologne le 17 novembre 2006.

Par jugement en date du 18 octobre 2012, le Tribunal de première instance a :

« - dit que les demandes d'exequatur du jugement du Tribunal de Forli du 25 mai 2000 et de l'arrêt de la Cour d'Appel de Bologne du 21 juin 2002 sont recevables,

Déclaré exécutoires dans la Principauté de Monaco :

- le jugement contradictoirement rendu en premier ressort par le Tribunal de Forli en date du 25 mai 2000,

- l'arrêt confirmatif et définitif rendu par la Cour d'Appel de Bologne en date du 21 juin 2002,

- le jugement contradictoirement rendu en premier ressort par le Tribunal de Forli le 24 mai 2002,

- l'arrêt confirmatif et définitif rendu par la Cour d'Appel de Bologne le 17 novembre 2006,

- Condamné la société G., Monsieur P. P. R. ès-qualités de géant commandite de la société G. et Monsieur P. P. R., en son nom personnel, aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. »

Au soutien de ces décisions, le Tribunal de première instance a pour l'essentiel retenu :

  • - que la réciprocité étant établie il lui appartenait de vérifier sans examen du fond si les décisions soumises à exequatur obéissaient aux prescriptions de l'article 473 du Code de procédure civile,

  • - que l'argument tenant au défaut de production du certificat de non d'appel apparaît sans objet dès lors que les deux décisions du Tribunal de Forli des 25 mai 2000 et 24 mai 2002 ont été précisément frappées d'appel et ont donné lieu à deux arrêts confirmatifs de la Cour d'appel de Bologne,

  • - que le fait que la société condamnée ait été radiée du registre des sociétés ne fait pas disparaître la personnalité morale de celle-ci,

  • - qu'A. G. est recevable à demander l'exéquatur des décisions entreprises dès lors qu'il dispose de leur bénéfice,

  • - que la partialité alléguée du juge Neri n'est pas démontrée par les pièces produites ni n'a donné lieu à quelques recours que ce soit,

  • - qu'aucune contrariété à l'ordre public international monégasque n'est établie,

  • - que les conditions fixées par le Code de procédure civile monégasque étant remplies en l'état des pièces produites, il convient de déclarer ces décisions exécutoires sur le territoire monégasque.

Suivant exploit du 18 janvier 2013, P. P. R. a régulièrement interjeté appel du jugement précité signifié le 20 décembre 2012 à l'effet de voir :

  • - infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 18 octobre 2012,

et, statuant à nouveau,

  • - déclarer irrecevables les demandes d'A. G. dirigées à l'encontre de P. P. R. tant en sa qualité de gérant commandité qu'à titre personnel s'agissant des demandes d'exequatur relatives au jugement rendu par le Tribunal de Forli le 25 mai 2000 et l'arrêt confirmatif définitif rendu le 21 juin 2002 par la Cour d'appel de Bologne,

  • - débouter en conséquence A. G. de ce chef,

  • - dire n'y avoir lieu à exequatur des décisions italiennes c'est-à-dire le jugement rendu par le Tribunal de Forli le 24 mai 2000 et l'arrêt de la Cour d'appel de Bologne du 17 novembre 2006 en ce qu'elles ne répondent pas aux exigences fixées par l'article 473 du Code de procédure civile,

  • - dire et juger que les jugements italiens de première instance du Tribunal de Forli ne peuvent être déclarés exécutoires sur le territoire de la principauté de Monaco n'étant pas par nature définitifs et n'étant pas passés en force de chose jugée,

  • - rejeter en conséquence toute demande contraire et mettre hors de cause P. P. R.

Au soutien de son appel, P. P. R. expose pour l'essentiel que :

  • - c'est à tort que les premiers juges ont admis l'exequatur des jugements de première instance italiens au seul motif qu'ils ont fait l'objet d'un appel alors même qu'ils ne sont pas exécutoires et que le défaut de production du certificat de non appel rend cette demande irrecevable,

  • - la société italienne G. n'a plus d'existence juridique, ayant fait l'objet d'une radiation pure et simple le 18 mars 2009 auprès de la chambre du commerce d'industrie et de l'artisanat de Forli et ne peut donc plus faire l'objet de poursuites judiciaires, cette radiation étant antérieure à l'introduction de la demande d'exequatur devant le juge monégasque et le nouvel article 2495 du Code civil italien prévoyant qu'une société radiée est éteinte et qu'aucun créancier ne peut donc plus la poursuivre,

  • - en outre, même si le gérant commandité d'une telle société répond sur ses biens et deniers personnels des dettes de la société, il ressort de l'article 478 du Code de procédure civile qu'un jugement ne peut être mis à exécution que contre les parties condamnées,

  • - la Cour d'appel de Bologne a statué dans une formation du jugement comprenant le juge N., lequel avait eu à connaître de cette affaire en première instance ayant lui-même rendu une ordonnance du 17 mars 2000, dans la même cause entre les mêmes parties, en sorte que les principes de neutralité et d'impartialité prescrits par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sont manifestement violés et qu'un exequatur de ces décisions serait alors contraire à l'ordre public international,

  • - les décisions dont s'agit ne portent condamnation qu'à des frais de justice et non à des sommes en principal et intérêts en sorte que leur exequatur se heurte aux exigences fixées par l'article 473 du Code de procédure civile.

A. G., intimé, entend pour sa part voir débouter P. P. R. des fins de son appel comme étant totalement infondé et sollicite confirmation pur et simple du jugement rendu par le Tribunal de première instance 18 octobre 2012.

Il soutient pour l'essentiel que la non production du certificat de non appel des jugements italiens ne peut caractériser un obstacle à leur exequatur dans la mesure où les décisions entreprises ont fait objet d'un appel ayant donné lieu à deux arrêts de confirmation de la Cour d'appel de Bologne.

Il invoque également le fait qu'une radiation volontaire frauduleuse ne saurait faire obstacle aux réclamations d'un créancier, le retrait du registre des sociétés ne faisant nullement disparaître la personnalité morale de la société dont l'existence juridique est conservée.

L'intimé rappelle également que P. P. R., gérant commandité de la société italienne est tenu indéfiniment au passif sur ses biens personnels, étant considéré comme le seul commerçant.

Enfin, les frais de justice mentionnés dans cette décision représentent le montant en principal de la condamnation, l'argument de l'appelant étant radicalement inopérant à cet égard.

Il observe en outre que pour attester de la partialité du juge N. le document joint à la traduction mentionne le nom d'un autre magistrat et apparaît intégralement rédigé en langue italienne ne pouvant de ce fait qu'être rejeté par la Cour d'appel.

Le greffier en chef de la Cour d'appel de Bologne ayant certifié l'absence de tout pourvoi en cassation et de tout recours en révision et dès lors qu'il n'existe aucune contrariété à l'ordre public international monégasque, l'intimé entend voir tirer toutes conséquences de droit des dispositions légales applicables et ordonner l'exequatur de ces décisions italiennes sur le territoire de la principauté.

En réponse, l'appelant observe notamment que :

  • - prononcer l'exequatur de décisions italiennes de première instance, non passées en force de chose jugée, porterait atteinte à l'effet dévolutif de l'appel,

  • - la société italienne ne disposant plus de la personnalité morale antérieurement à l'introduction de l'instance devant le juge de l'exequatur monégasque, cette personne morale ne pouvait plus être attraite en justice,

  • - aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre de P. P. R. et le seul titre exécutoire obtenu contre la société lui est radicalement inopposable,

  • - la violation de l'article 51 du Code de procédure civile italien est établie dès lors qu'un même magistrat a connu de l'affaire entre les mêmes parties tant en première instance qu'en cause d'appel, ce qui prive de régularité la décision italienne,

  • - cette décision prive le justiciable du double degré de juridiction et méconnaît les principes de neutralité et d'impartialité édictés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ce qui caractérise une contrariété à l'ordre public international monégasque faisant obstacle à l'exequatur.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;

SUR CE,

Attendu qu'il résulte de l'attestation délivrée par le Maire que l'acte d'appel déposé à la Mairie le 21 janvier 2013 a été retiré par P. R., en sorte que l'arrêt de la Cour d'appel sera réputé contradictoire à l'égard de ce dernier et de la société G. qui se poursuit pour les besoins de sa liquidation ;

Attendu que la réciprocité étant établie en l'espèce, les premiers juges ont à bon droit retenu qu'il appartient aux juridictions monégasques d'apprécier sans examen du fond si les décisions italiennes soumises à exequatur obéissent de manière formelle aux prescriptions de l'article 473 du Code de procédure civile et si les pièces exigées par l'article 475 du même code sont bien versées au soutien des prétentions ;

Attendu s'agissant en premier lieu de l'argument inhérent au défaut de production du certificat de non appel des jugements du Tribunal de Forli en date du 25 mai 2000 et du 24 mai 2002 que force est de relever que ces deux décisions italiennes ont fait l'objet d'un appel effectif et ont donné lieu à deux arrêts confirmatifs de la Cour d'appel de Bologne en date respectivement des 21 juin 2002 et 17 novembre 2006 ;

Qu'il s'ensuit qu'en l'état de ces décisions de confirmation les jugements dont l'exequatur est requis ont bien acquis l'autorité de la chose jugée sur le territoire italien où elles sont devenues pleinement définitives avant même l'introduction de la présente instance ;

Attendu que la pratique consistant à solliciter l'exequatur d'un jugement étranger ayant fait l'objet d'une décision d'appel confirmative ne heurte dès lors nullement les dispositions des articles 473 et suivants du Code de procédure civile monégasque et présente l'intérêt de faciliter l'exécution sur le territoire monégasque de la décision d'appel dont le dispositif se trouve la plupart du temps réduit à sa plus simple expression en faisant uniquement mention de la confirmation du jugement déféré ;

Que ce procédé pragmatique ne contrevient nullement aux prescriptions légales susvisées dès lors que toutes les décisions déférées ont acquis à l'étranger l'autorité de la chose jugée ;

Attendu que le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande d'exequatur des jugements du Tribunal de Forli apparaît à cet égard inopérant ;

Attendu par ailleurs, qu'ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, la mention au registre des sociétés de la radiation de la société G. le 18 mars 2009 n'apparaît pas avoir fait disparaître la personnalité morale de cette société dont l'existence juridique est totalement conservée pour les besoins de sa liquidation, alors en outre qu'il n'apparaît pas établi par les pièces produites que les droits des créanciers de cette société aient été garantis avant la radiation de cette personne morale à travers une publicité légale organisée ou la désignation d'un liquidateur ;

Qu'il s'ensuit que ce moyen d'irrecevabilité apparaît tout aussi inopérant que celui-de la présence aux débats dans la présente instance de P. R., gérant commandité de la société G., qui n'était pas partie à la procédure italienne ;

Attendu que l'article 178 du Code de procédure civile italien invoqué à cet égard par l'appelant procède des règles de la procédure civile étrangère et n'apparaît pas devoir recevoir application dans une instance pendante en principauté de Monaco et ce, dans la mesure où la règle de conflit monégasque donne compétence à la loi de procédure du for ;

Qu'il n'est à cet égard justifié d'aucun moyen légal pour interdire la poursuite de l'exequatur d'une décision prononcée contre une société étrangère au contradictoire de celle-ci et de son gérant commandité responsable sur ses deniers personnels des dettes sociales, étant précisé que l'article 178 du Code de procédure civile monégasque a quant à lui, été respecté, les décisions étrangères entreprises ayant été régulièrement signifiées à P. R. ;

Attendu que l'action en exequatur du jugement du Tribunal de Forli en date du 25 mai 2000 et de l'arrêt de la Cour d'appel de Bologne du 21 juin 2002 est en conséquence recevable et fondée, le jugement entrepris devant être à cet égard confirmé ;

Attendu s'agissant de la demande d'exequatur du jugement du tribunal de Forli en date du 24 mai 2002 et de l'arrêt définitif de la Cour d'appel de Bologne en date du 17 novembre 2006, qu'un moyen est tiré par l'appelant de la contrariété de ces décisions à l'ordre public international, dès lors que le magistrat N. a connu de la cause opposant les parties au premier degré de juridiction avant d'en connaître en cause d'appel et ce, en violation de l'article 51 du Code de procédure civile italien et du nécessaire principe d'impartialité ;

Attendu que contrairement à ce qui vient d'être dit supra pour l'application de la loi de procédure du for à l'instance monégasque d'exequatur, il s'agit en l'occurrence de vérifier si la décision étrangère a été régulièrement prise en Italie dans le respect de sa loi de procédure, en sorte qu'il est ici indispensable de se référer en premier lieu à la loi italienne de procédure civile, avant de vérifier, en cas d'irrégularités dûment constatées, si ce manquement heurte ou non notre conception de l'ordre public international ;

Attendu que les pièces produites en cause d'appel, désormais accompagnées d'une traduction assermentée, démontrent :

  • - que l'article 51 du Code de procédure civile italien impose au juge de s'abstenir « s'il a donné des conseils, ou a prêté serment ou a déposé comme témoin ou a connu de celle-ci comme magistrat dans un autre degré du procès (…) » ;

  • - que suivant ordonnance du 17 mars 2000, le juge italien N. a effectivement statué dans la cause opposant les mêmes parties à un premier degré de juridiction et a donc tranché une partie du différend ;

  • - que ce même magistrat du siège a connu de la même affaire non au stade de la première instance devant le Tribunal mais en cause d'appel, ayant composé la formation de jugement de la Cour d'appel de Bologne à l'occasion de l'arrêt du 17 novembre 2006 ;

Attendu qu'il y a dès lors lieu de constater que l'esprit, sinon la lettre de la procédure civile étrangère n'a pas été respecté, un même juge ayant déjà connu de l'espèce et été conduit à donner son opinion avant de statuer dans le cadre de la formation de jugement en cause d'appel ;

Attendu que la conception monégasque de l'ordre public international, au demeurant semblable à la conception interne de l'ordre public sur cette question, prohibe ce type d'atteinte à la nécessaire impartialité objective des juges et interdit donc de donner force exécutoire sur le territoire de la principauté à une telle décision ;

Attendu que l'absence de tout recours en Italie n'empêche pas le juge de l'exequatur de relever qu'une atteinte commise à l'étranger aux principes de neutralité et d'impartialité objective du juge caractérise une contrariété à sa propre conception de l'ordre public international ;

Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'exequatur du jugement du Tribunal de Forli du 24 mai 2002 et de l'arrêt de la Cour d'appel de Bologne du 17 novembre 2006, la décision des premiers juges étant de ce chef réformée ;

Attendu qu'il convient en l'état de la décision prononcée, de faire masse des dépens et de dire qu'ils seront partagés par moitié entre chacune des parties ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant par arrêt réputé contradictoire,

Rejetant la demande de mise hors de cause de P. R. et déclarant recevable la demande d'exequatur des jugements du Tribunal de Forli, ultérieurement confirmés par la Cour d'appel de Bologne,

Confirme le jugement du 18 octobre 2012 en ce qu'il a déclaré fondée la demande d'exequatur du jugement du Tribunal de Forli en date du 25 mai 2000 et de l'arrêt de la Cour d'appel de Bologne du 24 mai 2002 et y a fait droit,

Le réforme pour le surplus et déclare infondée la demande d'exequatur du jugement du Tribunal de Forli en date du 24 mai 2002 et de l'arrêt de la Cour d'appel de Bologne du 17 novembre 2006,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties avec distraction au profit d'une part de Maître Alexis MARQUET et d'autre part de Maître Patrice Lorenzi, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation et chacun pour ce qui le concerne,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 17 décembre 2013, par Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Gérard DUBES, Premier substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

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