Cour d'appel, 17 décembre 2013, Monsieur L M c/ Monsieur P C et autres

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Abstract🔗

Succession - Ordonnance d'envoi en possession - Demande de rétractation - Sursis à statuer (non) -

Rejet de la demande rétractation - Caractère provisoire de l'ordonnance contestée - Absence de reconnaissance de l'authenticité du testament - Recevabilité (non) - Appel non réservé par le Président du tribunal dans son ordonnance - Décision ne préjudiciant pas au fond du droit - Absence d'atteinte au droit à un recours effectif

Résumé🔗

L'appelant demande la rétractation de l'ordonnance ayant fait droit à la demande présentée par les quatre intimés aux fins d'envoi en possession des biens que leur oncle leur a légué par testament olographe. Il demande, par ailleurs, de surseoir à statuer sur sa demande dans la mesure où il conteste l'authenticité de ce testament et a déposé une plainte pour faux et usage de faux. Cependant, il ne peut demander le sursis à statuer de droit sur le fondement des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale dès lors que son action ne vise pas à obtenir la réparation d'un préjudice consécutif à une infraction. Certes, le Tribunal peut surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Mais, en l'espèce, les procédures engagées devant les juridictions monégasques et italiennes se sont soldées par un non-lieu ou un classement sans suite. La demande était donc sans objet à ce titre. En outre, la nouvelle action en annulation du testament introduite tardivement par l'appelant devant une juridiction italienne huit ans après l'ordonnance contestée ne saurait justifier, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le sursis à statuer sollicité.

S'agissant de la demande de rétractation, c'est à bon droit qu'elle a été jugée mal fondée dès lors que le juge de l'envoi en possession n'est aucunement juge de l'authenticité du testament et que le testament litigieux est un testament olographe écrit, signé et daté de la main du testateur, étant rappelé, d'une part, qu'il est de jurisprudence constante que l'ordonnance d'envoi en possession n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée quant à la reconnaissance de l'écriture du testateur et, d'autre part, que l'envoi en possession est une mesure provisoire de contrôle du juge, lequel doit se borner à vérifier la régularité extérieure du testament et ne peut refuser l'envoi en possession en s'appuyant sur des éléments ou des circonstances extrinsèques.

Enfin, le Président du Tribunal n'avait pas réservé ce recours dans son ordonnance. De surcroît, le Tribunal est une juridiction différente du juge des référés qui avait été précédemment saisi de la même demande de rétractation et avait déjà indiqué dans son ordonnance qu'il n'y avait pas lieu à référé pour les mêmes raisons. C'est donc à juste titre que le Tribunal a considéré que la demande était irrecevable, étant précisé que l'appelant évoque la Cour européenne des droits de l'homme mais ne cite aucune décision de cette juridiction qui aurait considéré que le droit d'un État qui ne prévoirait pas de recours contre une ordonnance sur requête, laquelle ne préjudicie pas au fond du droit, méconnaîtrait les dispositions de ladite convention, et notamment le droit pour tout justiciable d'exercer un recours effectif devant une juridiction impartiale.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2013

En la cause de :

  • - Monsieur L M, né le 1er mai 1946 à ISCHIA (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domicilié X à Monaco, et en dernier lieu X 06500 MENTON ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision du bureau n° 76 BAJ 08 du 16 juillet 2008 ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • 1- Monsieur P C, né le 26 mai 1964 à ISCHIA (Italie), demeurant X ISCHIA (Italie) ;

  • 2- Madame C M, née le 30 janvier 1967 à ISCHIA (Italie), demeurant X ISCHIA (Italie) ;

  • 3- Monsieur P F, né le 23 décembre 1964 à ISCHIA (Italie), demeurant X ISCHIA (Italie) ;

  • 4- Madame A F, née le 3 octobre 1958 à ISCHIA (Italie), demeurant X X) X, ISCHIA (Italie) ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au Barreau de Nice ;

INTIMÉS,

En présence de :

  • - Maître Magali CROVETTO-AQUILINA, notaire à Monaco, demeurant en cette qualité X , non comparante ;

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 22 mars 2012 (R.3545) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 5 juillet 2012 (enrôlé sous le numéro 2013/000008) ;

Vu les conclusions déposées les 6 novembre 2012 et 30 avril 2013, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de P C, C M, P F et A F ;

Vu le courrier de Maître Magali CROVETTO AQUILINA en date du 23 novembre 2012 ;

Vu les conclusions déposées les 12 mars 2013, 24 juillet 2013 et 25 octobre 2013, par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de L M ;

À l'audience du 5 novembre 2013, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par L M, à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 22 mars 2012.

Considérant les faits suivants :

V F né à ISCHIA (Italie) le 15 février 1929, veuf de P C, résident monégasque, domicilié à Monaco X, est décédé à ISCHIA le 14 janvier 2005, sans enfant ni héritier à réserve.

Il a laissé un testament olographe en date du 12 janvier 2005 déposé chez Maître Antonio ARTURO, notaire à ISCHIA, publié le 14 février 2005 et revêtu de l'apostille de la convention de LA HAYE.

Aux termes dudit testament il a légué ses biens à ses quatre neveux : P C, C M, P F et A F, après avoir tenu à préciser qu'il révoquait et annulait tout autre testament fait auparavant par lui-même et que les legs faits à ses neveux constituaient ses dernières volontés.

Par acte du 15 février 2005 Maître ARTURO, Notaire à ISCHIA (Italie), a recueilli la déclaration des quatre légataires pour valoir acte de notoriété de laquelle il résulte que :

  • - le de cujus était veuf de P Co et qu'on ne lui connaît pas d'ascendants ou de descendants, ni aucune autre personne auxquelles la loi réserve une part d'héritage,

  • - sa succession a été réglée par testament olographe du 12 janvier 2005 publié par ledit notaire et que par ledit testament le de cujus a nommé comme héritiers ses neveux,

  • - ledit testament est le dernier laissé par le de cujus et n'a pas fait l'objet jusqu'à ce jour d'opposition.

Lesdits documents (déclaration valant acte de notoriété, testament olographe du 12 janvier 2005) avec l'acte de décès délivré par la commune d'ISCHIA le 14 février 2005, ont été déposés au rang des minutes de Maître CROVETTO-AQUILINA, Notaire habituel de V F à Monaco.

Le 5 octobre 2005 les quatre neveux susmentionnés du de cujus ont présenté requête au Président du Tribunal de première instance de Monaco aux fins d'envoi en possession des biens dépendant de la succession de feu V F conformément à l'article 864 du Code civil.

Suivant ordonnance présidentielle du même jour il était fait droit à cette requête et par acte du 23 décembre 2005 L M a assigné les quatre légataires sus mentionnés devant le Président du Tribunal de première instance de Monaco statuant en référé aux fins de voir rétracter l'ordonnance précitée, en se prévalant d'une plainte pénale du chef de faux et usage de faux qu'il avait déposée à Monaco le 21 avril 2005 à l'encontre du testament litigieux du 12 janvier 2005.

Postérieurement à la délivrance de cette assignation L M a demandé au juge des référés de surseoir à statuer sur sa demande de rétractation en raison de la plainte pénale déposée par ses soins.

Suivant l'ordonnance du 31 octobre 2006 le Juge des référés a dit n'y avoir lieu en référé et laissé les dépens à la charge du L M.

Par acte du 14 novembre 2006, L M a assigné les mêmes légataires devant le Tribunal de Première Instance de Monaco aux mêmes fins de rétractation de l'ordonnance présidentielle du 5 octobre 2005 et dans le cadre de l'instance pendante devant le Tribunal il a produit le rapport dressé par l'expert C pour tenter de contester l'authenticité du testament du 12 janvier 2005.

Cet expert graphologue concluait que l'écriture et la signature du testament litigieux n'étaient pas de la main de V F, s'agissant de faux par imitation.

Suivant jugement en date du 22 mars 2012 le Tribunal a :

  • - dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,

  • - déclaré irrecevable la demande en rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession du 5 octobre 2005,

  • - débouté L M de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

  • - condamné L M à payer à P C, C M, P F et A F la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • - condamné L M aux entiers dépens.

Suivant exploit du 5 juillet 2012, L M interjetait appel de ce jugement dont il sollicitait l'infirmation en toutes ses dispositions savoir :

« À TITRE PRINCIPAL :

  • - voir déclarer recevable sa demande de rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession du 5 octobre 2005,

  • - voir prononcer le sursis à statuer dans le cadre d'une bonne administration de la justice en l'état des procédures actuellement pendantes devant les juridictions italiennes ;

SUBSIDIAIREMENT AU FOND :

  • - voir rétracter l'ordonnance d'envoi en possession du 5 octobre 2005 avec toutes conséquences de droit,

  • - voir condamner Mesdames C M et A F ainsi que Messieurs P C et A F conjointement et solidairement au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

  • - voir condamner les mêmes aux entiers dépens. »

À l'appui de telles demandes et au soutien de son appel L M fait pour l'essentiel valoir que :

* Sur le sursis à statuer et la recevabilité de la demande de rétractation :

  • - pour refuser le sursis à statuer, le Tribunal s'est contenté de constater que la procédure d'instruction à Monaco était achevée, sans s'interroger toutefois sur la situation en Italie pouvant avoir des répercussions sur la procédure monégasque, étant encore observé que le Tribunal peut toujours surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice,

  • - si la procédure d'instruction est effectivement achevée à Monaco il n'en est pas de même en Italie où diverses procédures sont toujours pendantes,

  • - dans l'attente des décisions qui seront prises par la justice italienne et qui ne manqueront pas d'avoir des conséquences dans le cadre de la procédure dont la Cour est saisie, le sursis à statuer s'impose,

  • - au demeurant c'est encore à tort que les premiers juges ont estimé que la demande de rétractation serait irrecevable puisque le titre III du Code de procédure civile n'est applicable qu'aux jugements ou arrêts passés en force de chose jugée et que de surcroît, selon l'article 852 du même code, les ordonnances sur requête ne peuvent être contestées en référé que lorsque cette voie de recours est expressément autorisée par la loi ou si en l'absence d'une prohibition légale, elle est formellement réservée par l'ordonnance du juge,

  • - au cas particulier une telle voie de recours n'est pas expressément autorisée par les textes relatifs à l'envoi en possession et le Président n'a pas réservé ce recours dans son ordonnance ; en l'état il apparaît qu'aucune juridiction ne va pouvoir statuer, privant ainsi L M de tout recours en violation notamment de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

* Sur le fond :

  • - les intimés étaient parfaitement informés de l'ensemble des démarches qu'il avait entreprises, notamment les oppositions régularisées entre les mains de Maître CROVETTO-AQUILINA, aux fins de faire valoir ses droits sur la succession de feu V F et ont malgré tout tenté sciemment de dissiper les biens successoraux à son préjudice,

  • - aux termes d'un rapport d'expertise déposé par Monsieur C il apparaît que l'écriture et la signature du testament litigieux du 12 janvier 2005 n'étaient pas de la main de M. A F et qu'il s'agissait donc d'un faux par imitation, ce qui a conduit M. L M à diligenter une procédure pénale,

  • - le rapport déposé par Madame M. A F, concluant que ce testament serait parfaitement authentique, est critiqué par l'expert C qui indique que cette dernière faisait une place trop grande à la pédagogie, au détriment des investigations techniques qui doivent constituer l'essentiel d'un rapport en graphologie,

  • - au demeurant, l'état de santé de V F était tel que deux jours avant sa mort il n'aurait pas été à même de rédiger le testament litigieux, son médecin traitant précisant que son état nécessitait désormais un suivi médical quotidien, administré par des infirmiers ainsi qu'une assistance aux besoins de base de la vie quotidienne,

  • - par ailleurs il est rappelé que V F considérait L M comme son propre fils, ainsi que cela ressort de divers témoignages versés aux débats et c'est bien dans ces conditions qu'il l'avait institué légataire universel de ses biens suivant testament établi le 31 décembre 2004,

  • - les allégations selon lesquelles il aurait profité de la vulnérabilité de son ami pour se faire signer différents documents et notamment le testament précité, sont totalement fausses.

Aux termes de leurs conclusions déposées le 30 avril 2013 et qualifiées de « récapitulatives » les consorts P C, C M et A F, intimés, demandent à la Cour de :

  • « - confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 22 mars 2012,

  • - rejeter la demande de sursis à statuer formée par M L M et le débouter en conséquence de toutes ses demandes,

  • - déclarer irrecevable la demande de rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession du 5 octobre 2005 formée par M. L M,

  • - condamner M. L M à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. »

Ils exposent liminairement que pour tenter de retarder à nouveau l'instance afférente à la demande de rétractation de l'ordonnance présidentielle d'envoi en possession du 5 octobre 2005, L M a imaginé de saisir le Tribunal de Naples le 1er mars 2013, soit plus de huit ans après l'établissement du testament litigieux et ce pour en solliciter l'annulation.

Ils argumentent aussi sur l'absence de fondement de la demande de sursis à statuer ainsi que sur l'irrecevabilité de la demande de rétractation et son caractère infondé.

Ils font enfin valoir que c'est de manière abusive que la voie de recours a été exercée.

* Sur le caractère totalement infondé de la demande de sursis à statuer :

  • - à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée auprès du juge d'instruction de Monaco, ce magistrat a rendu une ordonnance de non-lieu le 17 juin 2011 dans laquelle il relève que si L M a produit des rapports d'expertise graphologique qu'il avait fait établir pour soutenir que le testament litigieux était un faux, « le rapport rendu sur expertise ordonnée d'office par la justice italienne, dont l'impartialité ne peut être contestée, conclut quant à lui à l'authenticité de l'acte (…) »,

  • - sur appel de cette ordonnance de non-lieu, la Chambre du conseil de la Cour d'appel a rendu un arrêt confirmatif le 14 novembre 2011, lequel relève que c'est à bon droit que le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs de faux en écriture privée,

  • - concomitamment L M avait déposé le 24 février 2006 une plainte pour faux et usage de faux auprès du Procureur de la République du Tribunal de Naples en se prévalant du rapport d'expertise de M. C dont les conclusions étaient critiquées par un autre expert en la personne de Mme M. A F qui précisait dans son rapport que le testament litigieux avait bien été écrit de la main de V F,

  • - au vu de ce rapport, le juge chargé des enquêtes préliminaires du Tribunal de Naples a procédé, le 17 novembre 2008, à un classement sans suite de la plainte déposée par L M ;

  • - ce dernier imagina alors de solliciter le 13 juillet 2009 la réouverture de l'enquête et le 29 novembre 2009 le Procureur de la République du Tribunal de Naples rejeta cette demande et en l'état, L M est totalement infondé à demander à la Cour de surseoir à statuer ;

  • - au demeurant, l'instance en contestation de l'ordonnance d'envoi en possession se limite à la validité apparente du testament (validité externe et matérielle), s'agissant d'un testament olographe écrit, signé et daté de la main du testateur,

  • - il n'est manifestement pas dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice qu'il soit sursis à statuer sur une demande de rétractation d'une ordonnance d'envoi en possession rendue il y a plus de sept ans.

* Sur l'irrecevabilité de la demande :

  • - les ordonnances sur requête ne peuvent être contestées, en vertu de l'article 852 du Code de procédure civile, en se pourvoyant en référé que lorsque cette voie de recours est expressément autorisée par la loi ou lorsque, en l'absence d'une prohibition légale, elle aura été formellement réservée par l'ordonnance du juge,

  • - la rétractation d'une ordonnance d'envoi en possession n'est pas expressément autorisée par les textes relatifs à l'envoi en possession ; le Président du Tribunal n'avait pas réservé ce recours dans son ordonnance et de plus le Tribunal est une juridiction différente du juge des référés,

  • - de surcroît les contestations concernant la validité du testament relèvent de la compétence exclusive du juge du fond dans le cadre d'une action en nullité du testament que L M n'avait pas encore intentée,

  • - si la Convention Européenne des Droits de l'Homme garantit le droit pour tout justiciable d'exercer un recours effectif devant une juridiction impartiale, L M n'invoque aucune décision de cette Cour qui aurait considéré que le droit d'un État partie à la convention qui ne prévoirait pas de recours contre une ordonnance sur requête, qui ne préjudicie pas au fond du droit, méconnaîtrait les stipulations de ladite convention,

  • - il appartenait à L M, s'il entendait contester le testament litigieux, de solliciter sa nullité devant la juridiction du fond compétente, or il a attendu le 1er mars 2013, soit huit ans après le décès pour solliciter cette nullité devant le Tribunal de Naples à fin de tenter d'étayer derechef sa demande de sursis à statuer.

* Sur le caractère infondé de la demande de rétractation :

  • - L M tente encore, à des fins dilatoires, de contester l'authenticité du testament du 12 janvier 2005 dont est bénéficiaire V F ; or à supposer même que sa demande en rétractation soit recevable, il est constant que le juge de l'envoi en possession n'est aucunement juge de l'authenticité du testament,

  • - l'instance dont la Cour est saisie n'est pas une instance en nullité du testament litigieux mais uniquement une instance tendant à la contestation de l'ordonnance présidentielle d'envoi en possession du 5 octobre 2005 ; or l'envoi en possession est une mesure provisoire de contrôle du juge dont la requête d'envoi en possession doit se limiter à la validité apparente du testament,

  • - au cas d'espèce le testament litigieux remplit toutes les conditions de validité et c'est donc à bon droit que le Président du Tribunal de première instance a rendu son ordonnance d'envoi en possession.

* Sur le caractère abusif de l'appel :

  • - L M invoque devant la Cour les mêmes moyens que ceux qu'il avait invoqués en première instance,

  • - de surcroît le moyen tiré de ce que le testament litigieux ne serait pas authentique et constituerait un faux ne saurait être utilement examiné par le juge de l'envoi en possession et en réalité l'appel interjeté tend exclusivement à faire perdurer l'instance en rétractation et son caractère abusif est d'autant plus manifeste que la demande de sursis à statuer est totalement infondée.

Maître CROVETTO-AQUILINA a indiqué par courrier daté du 23 novembre 2012 qu'elle s'en remettait à la justice.

Par conclusions déposées les 12 mars, 24 juillet et 28 octobre 2013 L M demande à la Cour de :

« - débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes fins et conclusions,

- infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau ;

À titre principal :

  • - voir déclarer recevable sa demande de rétractation,

  • - voir prononcer le sursis à statuer dans le cadre d'une bonne administration de la justice, en l'état des procédures actuellement pendantes devant les juridictions italiennes,

Subsidiairement au fond :

  • - voir rétracter l'ordonnance sur requête d'envoi en possession rendue le 5 octobre 2005 avec toutes conséquences de droit,

  • - voir condamner les intimés solidairement et conjointement au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

  • - voir condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO avocat défenseur, sous sa due affirmation. »

Au soutien de ces demandes, L M réitère les termes de son exploit d'appel en insistant tout particulièrement sur le fait qu'une affaire l'opposant aux intimés est pendante devant le Tribunal de Naples, ce dont il justifie par la production aux débats d'un certificat établi par cette juridiction et que dans ces conditions, sa demande de sursis à statuer, s'impose d'autant plus.

Il fait observer que l'issue de la procédure initiée en Italie aux fins que soit déclaré nul le testament litigieux, va vraisemblablement avoir des répercussions sur la présente procédure judiciaire et les parties, en sorte que le sursis à statuer s'impose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

Pour le surplus, L M s'en rapporte à ses précédents écrits.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu qu'il convient liminairement d'observer qu'en cause d'appel l'appelant n'invoque pas de moyens nouveaux, se bornant à reprendre ceux déjà soulevés en première instance à l'exception d'un fait nouveau consistant en la saisine tardive (8 ans après le décès de V F) du Tribunal de Naples aux fins de voir déclarer nul le testament litigieux ;

Qu'à l'évidence ce fait nouveau ne saurait en aucune façon impacter la décision des premiers juges sur leur refus de surseoir à statuer alors et surtout que l'issue de la procédure pendante devant le Tribunal de Naples ne saurait avoir, contrairement aux affirmations gratuites de L M, quelque répercussion que ce soit sur le devenir de celle dont est saisie la Cour ;

Attendu tout d'abord que c'est justement que dans le jugement entrepris le Tribunal a rappelé les dispositions combinées des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale et a retenu, en l'état, que le sursis à statuer de droit était inapplicable puisque la demande de L M est une demande de rétractation d'envoi en possession et non une action en dommages et intérêts en réparation d'un préjudice consécutif à une infraction, seul préjudice direct et donc indemnisable devant le juge répressif ;

Attendu toutefois que si le Tribunal pouvait effectivement surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, au cas particulier l'information ouverte devant les juridictions monégasques s'est soldée par un non-lieu le 17 juin 2011, confirmé par arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d'appel du 14 novembre 2011 ; qu'il en avait été de même devant les juridictions italiennes, lesquelles ont classé sans suite les plaintes déposées ;

Attendu que c'est encore à juste titre que les premiers juges ont considéré que la demande était sans objet ; que d'ailleurs même à supposer l'action en rétractation recevable, il convient de rappeler, à la suite du Tribunal, que l'envoi en possession n'est qu'une mesure provisoire ne préjudiciant pas au fond, le contrôle du juge (juge de l'apparence) devant se limiter à l'apparente validité du testament joint à la requête, savoir sa régularité externe et matérielle ;

Attendu que les contestations afférentes à la validité du testament ressortissent à la compétence exclusive du juge du fond dans le cadre d'une action en nullité du testament ;

Attendu que le contrôle de la validité apparente des droits du légataire universel qui demande l'envoi en possession de son legs, porte concrètement et pour l'essentiel sur 3 points : d'abord la validité apparente du testament mais aussi l'existence d'un legs universel et l'absence d'héritiers réservataires ;

Attendu qu'en l'état de ce qui précède, l'instance introduite le 1er mars 2013 par L M devant le Tribunal de Naples afin de solliciter l'annulation du testament litigieux ne peut en aucun cas justifier un sursis à statuer dans le cadre de la contestation imaginée par l'appelant à l'encontre de l'ordonnance d'envoi en possession querellée ;

Attendu qu'il est manifeste qu'il n'est pas dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice qu'il soit sursis à statuer par la Cour sur une demande de rétractation d'une ordonnance d'envoi en possession rendue il y a plus de huit ans ;

Attendu en outre que c'est toujours à bon droit que les premiers juges ont considéré que la demande en rétractation de l'ordonnance mise en pied de requête d'envoi en possession n'était pas expressément autorisée par les textes relatifs à l'envoi en possession ; que le Président du Tribunal n'avait pas réservé ce recours dans son ordonnance et que de surcroît le Tribunal est une juridiction différente du juge des référés ; que ce dernier qui avait été précédemment saisi de la même demande de rétractation avait déjà indiqué dans son ordonnance du 31 octobre 2006 qu'il n'y avait pas lieu à référé pour les mêmes raisons ;

Attendu que s'agissant de l'évocation de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l'Homme) qui garantit le droit pour tout justiciable d'exercer un recours effectif devant une juridiction impartiale, la Cour observe que L M n'invoque aucune décision de cette juridiction qui aurait considéré que le droit d'un État, partie à la convention, qui ne prévoirait pas de recours contre une ordonnance sur requête, qui ne préjudicie pas au fond du droit, en l'espèce une ordonnance d'envoi en possession, méconnaîtrait les dispositions de ladite convention ;

Attendu que L M a attendu plus de 8 années pour initier devant le Tribunal de Naples une action en nullité du testament litigieux et ce afin de persévérer en sa demande de sursis à statuer, oubliant que l'envoi en possession est une mesure provisoire qui ne saurait être tributaire de l'issue d'une instance au fond en contestation du testament ;

Que c'est donc encore justement que le tribunal a considéré que la demande de rétractation était irrecevable ;

Attendu de surcroît qu'il est constant que le juge de l'envoi en possession n'est aucunement juge de l'authenticité du testament ;

Qu'en l'espèce le testament litigieux est un testament olographe écrit, signé et daté de la main du testateur, de sorte qu'il n'existe aucun motif de nature à justifier la demande de rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession du 5 octobre 2005 ;

Attendu que la jurisprudence est constante pour affirmer que l'ordonnance d'envoi en possession n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée quant à la reconnaissance de l'écriture du testateur ;

Que l'instance dont la Cour est saisie n'est pas une instance en nullité du testament litigieux, mais seulement une instance tendant à la contestation de l'ordonnance présidentielle d'envoi en possession du 5 octobre 2005 ;

Attendu que l'envoi en possession est une mesure provisoire de contrôle du juge, lequel doit se borner à vérifier la régularité extérieure du testament et ne peut refuser l'envoi en possession en s'appuyant sur des éléments ou des circonstances extrinsèques ;

Qu'ainsi c'est à bon droit que le Président du Tribunal de première instance a rendu son ordonnance d'envoi possession, la demande en rétractation étant dépourvue de fondement ;

Attendu qu'en l'état c'est encore à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'action irrecevable et mal fondée de L M était manifestement abusive et avait généré pour les défendeurs (intimés) un préjudice lié à la nécessité de se défendre ;

Que les dommages et intérêts alloués seront en conséquence confirmés ;

Attendu, sur le caractère abusif de l'appel, que confirmant le jugement entrepris, la Cour dit que l'action de L M est irrecevable puisque fondée sur des arguments relatifs à l'existence d'un faux étranger au contrôle du juge de l'envoi en possession, au demeurant non établi, tenant les décisions de non-lieu et de classement sans suite des juridictions monégasques et italiennes ;

Que cette action est de plus fort abusive et génère pour les intimés un préjudice lié aux frais qu'ils sont dans l'obligation d'exposer pour la défense de leurs intérêts ;

Attendu qu'en cause d'appel l'appelant se borne à reprendre les moyens soutenus devant les premiers juges et partant il fait manifestement dégénérer en abus son droit consistant à exercer une voie de recours ; qu'en réalité l'appel revêt un caractère purement abusif et dilatoire tendant essentiellement à faire perdurer l'instance dont s'agit, plus de huit ans après l'ordonnance d'envoi en possession ; que ce caractère abusif et dilatoire est encore exacerbé en l'état de la demande de sursis à statuer totalement infondée ;

Attendu qu'en réparation du préjudice subi par les intimés du fait de cet appel abusif, c'est une somme de 5.000 euros qui leur sera allouée à titre de légitimes dommages et intérêts ;

Que succombant en ses demandes L M ne peut pour sa part qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Attendu enfin que les dépens d'appel suivant la succombance, L M devra intégralement les supporter avec distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat défenseur sous sa due affirmation ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant par arrêt réputé contradictoire,

Reçoit l'appel,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de première instance du 22 mars 2012,

Y ajoutant,

Condamne L M à payer à P C, C M, P F et A F la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne L M aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 17 DÉCEMBRE 2013, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Gérard DUBES, Premier substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

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